Au commencement : des suggestions réalistes pour débuter une aventure

Conan surgit dans la taverne, serrant le morceau de parchemin dans son poing puissant et héla ses compagnons. “Merlin, Furtif, Théodore ! Le baron a besoin de quelques aventuriers pour une mission spéciale.

– D’accord, on le verra demain !” bâilla Merlin sans même détourner son regard de l’âtre.

Finalement, après des heures de paperasses, il leur fut accordé une audience avec la secrétaire personnelle du baron. Elle leur jeta un coup d’œil et demanda d’une voix sceptique :

“Quels avantages avez-vous par rapport aux autres candidats ?”

Conan cilla.

“D’autres candidats ?!?

– Oui, soupira la secrétaire. Pourquoi devrions-nous vous recruter ?”

Merlin bégaya.

“M-M-mais nous sommes les péjis !

– Quelque chose d’autre à ajouter ?” demanda patiemment la secrétaire.

“Si vous ne nous donnez pas le travail, qu’allons-nous faire pour le reste de la soirée ?” gémit Furtif.

“Je suis sûre que vous trouverez bien quelque chose”, dit la secrétaire, puis elle appela les gardes pour les escorter vers la sortie.

Introductions

Enfin, c’est vendredi soir, et vous vous rassemblez plein d’espérances autour de la table, les personnages devant vous, des casse-croûte à proximité, et les dés parés. Le MJ laisse l’attente flotter une minute de plus puis commence.

“OK, vous êtes tous dans une taverne quand soudain…

– Hé !” interrompt un des joueurs. “On n’a pas déjà commencé dans une taverne la semaine dernière ?

– Ouais, surenchérit un autre, et la semaine d’avant !

– Chaque semaine en fait !” remarque utilement un troisième.

“Ouais !” approuve le quatrième. “Et mon mage ne boit même pas.”

Bien qu’utiliser ce cliché puisse amener le groupe vers un départ rapide, les joueurs voient rapidement l’introduction comme quelque chose dont ils doivent se sortir le plus vite possible pour entamer l’aventure. Mais l’introduction fait partie de l’aventure, ce n’est pas une simple formalité. Elle fixe le ton de l’aventure et donne aux joueurs leur première impression de ce qui est à venir. Et si cette impression n’est pas très bonne, l’aventure en souffre. Préféreriez-vous vous ennuyer, assis dans la taverne ou passer la journée aux courses de char lorsque soudainement un des concurrents explose ?

L’introduction devrait vous aider à donner de l’épaisseur à l’aventure en la rehaussant, en donnant des indices et en introduisant les PNJ intéressants.

Un spectateur grand et aux cheveux roux est assis non loin de vous. Il se lève, un rictus sur le visage. Il regarde aux alentours, lance un dernier regard au char détruit, et commence à se frayer un chemin à travers la foule ébahie, en direction de la sortie.

Néanmoins, de nombreux MJ trouvent que s’ils ôtent les accroches habituelles, le groupe peut quelquefois passer la séance de jeu entière à errer sans but en cherchant le début de l’aventure. Alors, comment un groupe d’aventuriers trouve-t-il une aventure ?

Trouver un boulot

Le moyen le plus simple est de trouver un travail. Ce n’est pas aussi aisé que de traîner au bar à attendre. C’est un bon moyen pour finir saoul, pas embauché. La plupart des boulots de nos jours ne se trouvent pas dans un bar et la plupart des employeurs préfèrent les employés sobres. Les emplois sont généralement affichés ou bien les gens en entendent parler par le bouche à oreille. Souvent le proverbe est vrai – ce n’est pas ce que vous savez qui est important, mais qui vous connaissez. La plupart des communautés ont une certaine forme d’informations publiques. De nos jours [en 1998], c’est le journal et les agences pour l’emploi.

Des boulots peuvent sembler ennuyeux mais ils sont rarement ce qu’ils semblent être. Pensez à ce contrebandier qui accepta la tâche de convoyer un garçon de ferme et un vieux schnock sur quelques petites années lumières…

Au Moyen Âge, ils avaient des crieurs publics, des affiches et des panneaux d’affichage public (1). Dans le futur, l’holonet, les communiqués électroniques ou même la télépathie pourront être utilisés.

L’inconvénient de ces méthodes est qu’elles sont publiques. Tout le monde ayant accès à l’annonce peut postuler et donc tout ce qui est secret ou illégal est rarement affiché. Des offres de boulot d’une nature plus douteuse sont plutôt répandues par le bouche à oreille.
Mais ces jobs ne sont pas divulgués à n’importe qui et notamment pas au tavernier ou à ce type louche à la table du fond.

“Bonsoir, Madame. Vous désirez une bière ? Au fait, j’ai quelques amis intéressés par l’assassinat de Lord Underwood. Vous voulez le boulot ?”

Généralement, ces tâches sont seulement proposées à certains groupes, comme la Guilde des voleurs, les contrebandiers ou une organisation fermée, comme une église ou une corporation. Un meilleur début pourrait être :

“Telea, la guilde a décidé de vous offrir d’abord cette mission, car il semble que Lord Underwood éprouve au moins un léger faible pour vous.”

En ces temps troublés, trouver un travail est loin d’être aisé. Et dans de nombreux jeux de rôles, les temps sont bien plus durs que maintenant. Cela ne veut pas forcément dire qu’il y a globalement moins d’emplois, mais vu les récompenses des aventures, il y a des chances que plusieurs groupes dans la région veuillent aussi ce travail. Un entretien d’embauche, où les personnages doivent convaincre de parfaits inconnus qu’on peut leur confier une mission secrète, possède un potentiel énorme de roleplaying.

Bien sûr, si les personnages font un mauvais travail, leur employeur se le rappellera aussi sûrement et réagira en conséquence.

Normalement les personnages seront engagés pour des tâches mineures avant de se voir proposer quelque chose d’important. Mais une fois que les personnages auront prouvé leur valeur, un employeur peut se souvenir d’eux quand il aura un problème à résoudre.

“Ce chargement d’épices n’est pas aussi gros que le dernier, mais cette fois il y a un truc. Deux en fait. Primo, je le veux un jour plus tôt. Secundo, il faut aller à Kessel et pas en revenir.”

Suivre les indices

Une autre façon d’amener l’aventure est lorsque les personnages peuvent découvrir des indices (“Hé les gars, regardez ! Un indice !”). Alors que cela semble alambiqué au départ, le truc est d’être subtil et de commencer petit. Si le MJ insiste sur le fait que le mendiant habituellement au coin de la rue n’est plus là aujourd’hui, il y a des chances que les personnages deviennent suspicieux. Et ils vont probablement examiner de plus près les choses quand ils entendent quelqu’un dire à un ami qu’un autre mendiant a disparu. Une paire de changements dans ce que les personnages considèrent comme familier peut mener à l’aventure de leur vie.

“Que fait ce truc sur mon vaisseau ?

– Jay, il y a des bureaucrates dehors avec une bande de Stormtroopers. Quelque chose à propos d’un informateur anonyme et d’une fouille de routine…”

Bien sûr, la subtilité de l’indice devra être modifiée en fonction du discernement de votre groupe de jeu. Malheureusement, quelques groupes ont tendance à rater tout indice plus subtil qu’une carte.

Le meilleur moment pour placer des indices n’est probablement pas au début de la partie, mais au milieu de l’aventure précédente.

Le cadavre de l’orque porte un parchemin qui dit “Tharius, nous avons tué le dragon du Mont Elondar. S’il te plaît, envoie une paire de chariots pour nous aider à déplacer le trésor. Marla”.

Recherche d’emploi

Si les personnages ne vont pas chercher du travail, et ne remarquent pas le comportement étrange de leur supérieurs, la disparition des joailliers ou l’augmentation du nombre des rats d’égout, il reste l’option d’amener l’aventure jusqu’à eux.

“Vous êtes tous en état d’arrestation pour le meurtre de Larius Ardyne.

– Mais nous sommes restés dans la taverne toute la journée à attendre une aventure !”

Pour en revenir à la recherche d’emploi, les personnages pourraient afficher leurs services et attendre le chaland arrive.

“Staco et ses amis. Transporteurs interplanétaires.
Officiellement commissionnés par la Nouvelle République. Notre spécialité : livrer dans les secteurs tenus par les impériaux.”

D’un autre côté, une grande réputation peut aussi attirer des tas d’attentions indésirables…

Ceci les met en position de choisir leurs aventures, mais sans réputation, on ne va pas leur offrir beaucoup de gros boulots. En fait, ils peuvent même être harcelés par des fermiers avec des vaches malades, des boulangers avec des miches aux formes bizarres ou des charpentiers avec des furoncles. Et nombre de ces clients ne pourront pas se permettre plus de quelques piécettes de cuivre pour les services du groupe.

Missions

Les autres emplois, de ceux que les MJ tendent à préférer, sont imposés aux PJ. Quel étudiant digne de ce nom refuserait une requête de son professeur d’aller récupérer un objet, quel Rebelle refuserait une mission de ses supérieurs, et quel paladin pourrait refuser la supplique d’une veuve âgée d’inspecter sa cave ? Bien que ce soit une des quelques méthodes de contrôle direct que les MJ peuvent avoir sur les joueurs, elle ne devrait pas être suremployée, puisqu’elle enlève aux joueurs le droit de choisir par eux-mêmes.

“Les impériaux construisent une base sur Vestarn, le monde canyon. Voici vos pièces d’identité ; vous jouerez le rôle d’ouvriers du site. Trouvez pourquoi ils construisent une base. Des questions ?

– Euh, nos vacances ne commencent-elles pas aujourd’hui ?”

Volontaires

Il vaut bien mieux laisser les joueurs se porter volontaires pour ces aventures que leur imposer. Et si les joueurs trébuchent sur le personnage brutalisé dans l’allée ? Ils vont sûrement choisir de l’aider de leur propre chef, pour découvrir que c’est un minotaure avec des problèmes familiaux. Le groupe a toujours le choix d’ignorer la carte potentiellement inutile trouvée dans le compartiment secret. Et personne ne force le joueur à accepter le défi insensé de son adversaire.

“Une autre expédition de pièces impériales pour Vestarn, c’est la troisième ce mois-ci. Qu’est-ce qu’ils fabriquent ? Une base ?”

Pas d’introductions

La confusion peut être une grande motivation – rien n’embête plus les joueurs que de ne pas savoir ce qui se passe !

Quand la partie commence, les personnages peuvent déjà être dans l’aventure.
Cette technique est souvent utilisée dans le JdR Star Wars de West End Games (mon jeu favori pour ceux qui n’ont pas déjà deviné) et est appelée in media res, en latin “au milieu des choses”. Au contraire de tout ce qui a été dit précédemment dans cet article, cette technique délaisse entièrement l’introduction. Les joueurs peuvent commencer une partie avec leurs personnages dans une cellule de donjon, ou poursuivis par des scélérats.

“Votre vaisseau émerge de l’hyperespace au-dessus du monde pourpre de Mendovin IV.

– Qu’est-ce qu’on fait là ?

– Dans un dernier spasme, le coupleur positif de réserve s’éteint et votre moteur d’hyperespace tombe en rade.

– Qu’est-il arrivé à notre moteur hyperspatial ?

– Deux intercepteurs TIE surgissent de la masse tourbillonnante des nuages pourpres et ouvrent le feu. Que faites-vous ?” (Ils meurent ? (Note de l’éditeur))

La technique in media res s’utilise mieux quand les personnages ne savent pas comment ils sont arrivés là ou quand l’introduction est banale ou simple. Certains groupes de joueurs préféreraient ne pas passer une heure sur une introduction pouvant être résumée à “Votre mission est de porter ceci à Chloris”.
Si rien d’inhabituel n’est censé se produire, il vaut peut-être mieux déplacer le début au moment où les personnages découvrent que Chloris est parti.

“Qu’esse tu veux dire par “parti” ? Les dragons ne disparaissent pas comme ça !”

À nouveau, cette méthode peut réduire la liberté de choix des joueurs.

Rassembler tout ça

Bien sûr, plus les joueurs ont de liberté de choix, plus le MJ a de possibilités à couvrir. Mais cela ne doit pas être un problème. Si les personnages ont le choix entre enquêter sur le culte, les raids gobelins, les disparitions ou la carte, le MJ peut amener les quatre scénarios et jouer celui qui est requis. Après tout, les autres seront certainement joués dans les toutes prochaines séances. Et le MJ ne devra pas écrire de nouveaux textes avant d’être à court d’aventures.

Mais s’il ne peut avoir trois séances d’avance (et soyons francs, qui le peut), la carte peut mener au proche repaire des gobelins, qui kidnappent les gens et les vendent au culte pour ses sacrifices. Après tout, tous les chemins mènent à Rome.

“Qu’avons-nous alors ?

– Hummm. Une clé de porte aralienne, cinq pièces araliennes, quelques papiers officiels araliens, deux lettres de change araliennes et une carte des égouts d’Aralia.

– Je vois ! Eh bien, allons à Jaminac alors.”

Donc quand vous concevez vos aventures, réfléchissez attentivement à l’impact qu’elles vont avoir sur le contexte, car cela sera la source de nouveaux commencements. Des répercussions découleront des événements de chaque aventure – comme les vaguelettes causées par une pierre jetée dans une mare jusqu’à ce que les personnages soient entourés par ces ondulations, mais que, dans le plus pur esprit des joueurs, ils ratent toujours chacune d’entre elles.

Conan pénétra dans la taverne, serrant le morceau de parchemin dans son poing puissant et héla ses compagnons.

“Nous étions le second choix, donc nous devrons escorter les caravanes pour Estaria les prochaines semaines !”

Conan se glissa dans son siège au bout de la table, souriant. Merlin s’éclaircit la gorge.

“Maintenant que nous sommes tous là, je voudrais vous demander à tous de m’aider à trouver du lingal. C’est une composante vitale pour un sort que je suis en train de rechercher et qui pousse quelque part près d’ici.

– En fait, dit Théodore, l’Église m’a demandé de retrouver la relique volée de Deola. Elle soupçonne qu’un changeur de forme était impliqué.”

Les trois regardèrent Furtif, qui répliqua :
“Tiria l’usurier a disparu, laissant son commerce presque sans défense. J’allais un peu enquêter par là.
– Alors que faisons-nous ?” demanda Conan.
“Allons au lit, suggéra Merlin. Ça a été plutôt calme dans le coin et nous devrions nous reposer !”

Les autres acquiescèrent, finirent leurs verres et se traînèrent vers leurs chambres à l’étage, où les assassins se cachaient.

Article original : In the Beginning: Realistic Suggestions for Starting an Adventure

(1) NdT : Au Moyen Âge, rares étaient ceux qui savaient lire, et les chômeurs allaient attendre oisivement des recruteurs à la bourse du travail d’alors : la place de Grève. [Retour]

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