Guide pour gérer les joueurs et les joueuses difficiles

© 2016 A. A. Amirault

Si vous pratiquez assidûment le JdR, que ce soit en tant que joueur ou en tant que MJ, vous finirez par croiser la route d’un joueur ou d'une joueuse que nous pourrions qualifier de "difficile". (Je pourrais employer d’autres termes, mais je préfère rester poli.)

Ces joueurs et joueuses peuvent être des tyrans, des personnes sectaires, geignardes, trop émotives ou ainsi de suite. Ils ou elles créent donc des situations prodigieusement embarrassantes, frustrantes, rageantes, offensantes ou pénibles. À force de jouer, on finit malheureusement toujours par rencontrer ce genre de personne. Nombreux sont les groupes de JdR comportant au moins un ou deux membres de caractère au franc-parler, n’ayant pas peur de dire, ou même de faire, ce pour quoi les autres réfléchiraient à deux fois. À cela s’ajoute le fait que le JdR est un jeu social. Et qui dit social dit, parfois, situations pénibles ou discussions gênantes.

J’aimerais vous partager quelques-unes de mes expériences avec des joueurs et joueuses difficiles. Cela pourrait éventuellement vous aider dans le cas où une situation similaire pointerait le bout de son vilain nez pendant votre campagne. J’aimerais également commencer cet article par un avertissement nécessaire : je ne suis pas formé en tant que conseiller ou psychologue. Même si je vous donne des conseils sur la manière d’appréhender ces situations, j’accepte tout à fait que mes méthodes et manières de gérer les choses puissent être considérées comme incorrectes par un ou une professionnel.le. Tout ce que je peux dire, c’est que je suis juste un type normal avec beaucoup d’expériences dans le JdR et (ce que je pense être) des compétences au-dessus de la moyenne en ce qui concerne les prises de décision. Ceci étant établi, allons-y :

La raciste ou sexiste

La nature de cette type de joueur et de joueuse peut grandement varier selon le groupe. J’ai déjà fait partie d’un groupe exclusivement masculin balançant constamment des remarques sur le sexe opposé qui auraient fait bondir des féministes.

À l’inverse, j’ai aussi eu le privilège de mener un groupe entièrement féminin où les piques envers le genre masculin déferlaient comme un torrent, et plus d’une fois à mes propres dépens. J’ai également eu la fâcheuse expérience d’entendre, pendant des sessions, des remarques pouvant être considérées comme racistes. Pour être tout à fait honnête, je regrette d’avoir moi-même franchi quelques limites par le passé.

Je pense sincèrement qu’aucune de ces remarques n’avait été faite avec de réelles intentions haineuses, mais qu’elles étaient simplement des blagues ou des punchlines provenant de films à succès récitées dans le but de faire rire les autres. Mais quelles que soient leurs raisons, ces blagues et ces punchlines n’en sont pas moins sexistes ou racistes. Que faire alors si vous en êtes témoin ?

Selon moi, dramatiser serait une grosse erreur. Réprimander la joueuse, ou même la MJ, peut arriver, mais ça ne devrait pas être votre première réaction. Je commencerais par m’exprimer franchement et faire savoir au groupe que je ne suis pas à l’aise avec ce genre de discours et de langage.

Annoncez clairement que vous trouvez cela inacceptable. Je pense que la plupart des groupes y seront sensibles et suivront vos conseils. Si ça ne suffit pas, la prochaine étape pourra être d’identifier la personne faisant ces remarques en lui demandant de s’expliquer. En découvrir la cause pourrait vous permettre de trouver la réponse la plus appropriée pour une approche diplomatique. Gardez en tête que les personnes concernées ne réalisent peut-être pas ce qu’elles font !

Le colérique

Ces joueurs sont plus nombreux que vous ne le pensez, surtout parmi ceux prenant les parties très au sérieux. Ils ont peut-être perdu leur objet magique préféré, ou une autre personne leur a volé une mise à mort, ou un autre joueur les a agacés la fois de trop, ou leur personnage adoré vient peut-être juste de mourir, etc.

Quelle que soit la raison, quelque chose les stimule et réveille le Donkey Kong colérique qui sommeille en eux ! Il est important de noter que ces colères ne sont pas exclusives aux joueurs et joueuses. J’ai aussi vu des MJ entrer dans des épisodes colériques quand leurs plans ne déroulaient pas exactement selon leurs plans.

Non seulement ces crises de colères sont puériles et futiles, mais elles peuvent aussi sérieusement mettre à mal la cohésion du groupe et miner tout respect pour le joueur/le MJ. Personne n’aime y assister et le silence gênant qui s’ensuit peut pousser un joueur ou le MJ à se demander si jouer avec cette personne en vaut la peine. Si vous êtes, ou si vous jouez avec, une de ces personnes, je n’ai qu’un conseil : privée de JdR.

Si ces joueurs veulent agir comme des enfants, alors ils devraient être traités comme tels. Être temporairement renvoyé du groupe ou prendre des distances avec les sessions pendant quelques semaines pourraient leur faire prendre conscience de raisons sous-jacentes. Si la personne en question aime réellement la campagne, elle pourra réaliser que jouer calmement est mieux que mal jouer.

De la même manière, en étant écarté du groupe pendant un moment, le joueur pourrait réaliser que la cause de sa colère vient du fait qu’il n’a jamais réellement aimé jouer ! Une coupure dans la campagne pourrait fournir la perspective nécessaire.

Le couple casse-tête

Laissez-moi tout d’abord préciser que j’aime que des couples jouent ensemble. Je pense que c’est une bonne expérience pour créer du lien et une excellente opportunité pour passer à deux des moments amusants dans une atmosphère différente.

Les problèmes débutent cependant lorsque ces deux personnes apportent leurs conflits personnels jusqu’à la table de jeu. J’ai eu le « plaisir » d’assister à au moins deux de ces crises de nerfs dans ma carrière de MJ, et j’espère sincèrement ne pas être témoin d’un troisième.

Pour la faire courte, si vous devez prendre vos distances avec la campagne, ou si vous avez besoin de rater quelques parties pour trouver une solution, alors faites-le. Mieux vaut affronter les problèmes dès qu’ils apparaissent plutôt que de fermer les yeux et « ignorer la douleur », pour ainsi dire.

Que deux personnes passent toute l’aventure « à ne pas s’adresser la parole » est extrêmement injuste pour les autres joueurs et la MJ. Le JdR ne doit pas être une manière de gérer vos problèmes. Si vous assistez à ce genre de situation en tant que MJ et si le couple semble se voiler la face, vous devriez peut-être lui donner un petit coup de pouce et exprimer vos inquiétudes en aparté.

Qui sait ? Si vous n’en parlez pas, ils et elles ne réaliseront peut-être même pas qu’il y a une tension et à quel point celle-ci pèse sur le reste du groupe.

La rancunière

Ce problème peut surgir entre un MJ et une joueuse, mais il se présente la plupart du temps entre joueuses. Cela arrive lorsque quelqu’un est persuadé qu’un.e autre lui a causé du tort par le passé, que ce soit par un acte ou par de l’inaction. Au revoir la confiance mutuelle, place à la querelle.

« Tu te souviens de la fois où tu m’as entubée ? », « Oh ! Bien sûr, abandonne-moi encore ! », « Et tu te prends pour une héroïne ? » et autres phrases similaires sont balancées régulièrement. Ces rancunes commencent généralement en petites taupinières, mais finissent parfois par devenir des montagnes. Je me souviens par exemple de deux joueuses tellement irritées l’une par l’autre que j’ai dû demander à l’une d’entre elles de quitter le groupe.

Leurs disputes et désaccords sur presque tous les sujets prenaient le dessus sur la partie et donnaient le sentiment aux autres joueurs de n’être que des spectateurs. Dans cette situation, je conseille au MJ de chercher la cause sous-jacente. Si la raison de leur désaccord est due à un élément de la partie, faites tous les ajustements possibles, même si vous devez changer de direction. Croyez-moi, il est plus simple de faire tous les changements nécessaires plutôt que d’espérer que les choses se règlent d’elles-mêmes.

Toutefois, si le problème trouve sa source en dehors de la campagne, dans des soucis personnels, des problèmes à l’école, au travail ou même dans quelque chose de plus profond comme un fossé culturel, sexiste ou raciste, alors je resterais personnellement en dehors de ça et j’informerais les joueuses qu’elles ne seront plus les bienvenues à ma table tant que ces problèmes ne seront pas entièrement réglés.

Le tricheur

Peu importe combien de fois j’y suis confronté, celui-ci me déconcerte toujours. Un de vos joueurs fait soudain de trop bons jets, sort des enchantements supplémentaires de sa manche ou semble avoir une douzaine de points de vie en plus sortis de nulle part. Est-ce un miracle ? Non, juste de la bonne vieille triche. Et rien n’énervera plus vite votre MJ.

Je peux comprendre pourquoi certains décident de le faire : cela fait d’eux des héros et améliore leur statut dans la campagne. Mais quand la vérité éclate (et croyez-moi, plus vous trichez, plus vite vous serez démasqué), vous êtes cuit. Le MJ regardera par-dessus votre épaule à chaque lancer, et vos confrères et consœurs de session remettront tous vos actes en question, même lorsque vous ferez les choses correctement. Pour le dire simplement, ça n’en vaut vraiment pas la peine.

Et, selon moi, tricher va à l’encontre de tous les principes majeurs du JdR. L’imprévisibilité du dé, la stratégie de combat, utiliser les bons sorts au bon moment pour en tirer le meilleur effet et même les morts de personnages sont des éléments qui rendent le jeu génial. Ils se doivent d’être acceptés, pas évités. Si vous voulez tricher, allez jouer sur PC et faites-vous plaisir. Si vous voulez expérimenter le JdR, tenez-vous à carreau et persévérez.

Article original : Dealing with difficult Players – A DM’s Guide