Trouver des nouveaux joueurs en jouant

PTGPTB Campagnes de recrutement

Ce printemps [2004], j'ai été le principal organisateur d'une tentative spectaculairement ratée de dédier un jour par mois au jeu de rôles dans ma ville de Ithaca, [dans l'état de] New York. Cet article est dans la continuité d'un fil de discussion sur RPG.Net sur la recherche de nouveaux joueurs et inclut une certaine sagesse accumulée en 18 ans de « carrière » de joueur, avec les bonnes et les mauvaises façons d'aborder le sujet.

J'ai commencé le JdR à 10 ans. Mon cousin Abigail me poussa à jouer à Fighting Fantasy  (1) pendant que nous étions en vacances en Normandie. J'ai trouvé que ça déchirait grave. Alors quand je suis rentré à la maison en Écosse, j'ai investi dans les bouquins de règles de Tunnels & Trolls et les ai emmenés à l'école. J'ai accroché sur le panneau d'affichage de l'école un poster avec un dessin ambitieux de troll hargneux et d'un gus avec une épée, ainsi que mon numéro de téléphone.

Une semaine plus tard, exactement une personne m'avait contacté par rapport au poster ci-dessus. Nous avons passé une pause déjeuner assis dans notre classe à créer son premier personnage, un Guerrier. À la fin de cette pause déjeuner, plus d'une douzaine de gosses de ma classe voulait jouer à Tunnels & Trolls.

 

  • Leçon n°1 : Les canaux officiels ne fonctionnent pas. Mais le prosélytisme direct peut être  sacrément efficace.
  • Leçon n°2 : Ce qui va pousser les gens à s'intéresser au jeu de rôles est de voir que c'est  chouette.

J'ai joué pendant le collège avec un groupe qui était à la base une excroissance de celui avec lequel j'avais joué à l'école primaire. A la fin, tout le monde avait abandonné sauf Tom et moi, mais il y avait aussi toujours de nouveaux joueurs qui s'y mettaient; donc cela créa une sorte de stabilité.

À l'époque où nous avions 14 ans, nous avions une équipe régulière de 6 gars, et ça resta ainsi jusqu'à la fin du collège. Pendant cette période, notre seul véritable contact avec d'autres rôlistes était, chaque printemps, notre pèlerinage annuel à la Big Con, la convention de février de l'Université d'Édimbourg, qui durait tout un week-end (ça s'appelle maintenant Conpulsion pour ceux qui suivent ça de là d'où je viens). À la base, on restait à l'écart des autres rôlistes. Ils voulaient toujours parler du nombre d'armes automatiques que leurs personnages portaient sur eux et de la façon dont leur halfelin avait un jour tué un Balrog grâce à un coup critique et nous trouvions ça un peu embarrassant. Je crois qu'on pensait qu'ils étaient à côté de la plaque.

Au lycée j'ai dû chercher d'autres joueurs pour la première fois. Naturellement, je suis allé à la première réunion de l'association de jeux du lycée. Ce fut un sacré choc. La salle était pleine de types aux cheveux longs et lisses, qui portaient des T-shirts Metallica et qui faisaient la pub de leur partie en disant « Mon nom est Nigel et je vais faire jouer du D&D. Il y aura beaucoup d'orcs. » Pendant qu'ils disaient ça, ils regardaient fixement leurs chaussures. J'ai eu un Mauvais Pressentiment.

J'ai fini par m'inscrire pour D&D avec le seul type qui portait un T-shirt propre et regardait l'assistance quand il parlait de sa partie. Il a même fait des blagues pendant sa description. Je me suis dit haha, ce type est okay, et me suis inscrit. Sa partie était... correcte... mais il y eut quelques accrocs - il ne voulait pas laisser le Voleur intervertir sa Dextérité avec son Charisme bien que le joueur du Voleur tenta de lui expliquer qu'il voyait vraiment plus le personnage comme un arnaqueur que comme un simple cambrioleur et qu'il aimerait avoir un plus haut Charisme. Les autres joueurs étaient mon colocataire d'alors, qui détesta ça, et un type silencieux qui s'avéra être le colocataire du Voleur et un gars dont le Guerrier Elfe portait les oreilles de toutes les personnes qu'il avait tuées, accrochées à son cou grâce à un collier de cuir. Nous nous sommes battus contre des Orcs dans un bosquet. L'Elfe courut partout après le combat pour découper plein d'oreilles fraîches. Tous les autres se regardaient nerveusement. Aucun d'entre nous n'y retourna.

 

  • Leçon n°3: Tous ceux qui jouent ne recherchent pas les mêmes expériences. Tout le monde ne partagera pas les points de vue des autres sur la façon dont une partie doit se dérouler. Parfois, ces différences sont insurmontables.

Il s'avéra que le joueur du Voleur était en cours de Physique avec moi. Son nom était Dan. Nous avons fini par devenir partenaires de labo et après avoir essayé de déguiser les résultats d'expériences ratées pendant un an, nous étions devenus d'assez bons amis. Dans le creux de trois semaines entre les examens et la fin d'année, nous avons décidé de retenter le coup du jeu de rôle. Dan mena une partie de D&D sans règles pour un de ses amis qui allait terminer ses études, le colocataire silencieux et moi. C'était hallucinant comme c'était bon. Nous avons passé toute la journée suivante à discuter de comment trouver un groupe de jeu de rôles.

À la même époque, j'avais mis la main sur le livre de règles de Ambre (2) et voulais essayer quelque chose de différent. C'est ainsi que j’ai conçu un plan. Je m'habillerai aussi normalement que possible et irai à la première réunion de l’association de jeux cet automne. Je sourirai poliment et paraîtrai enjoué en décrivant un jeu de rôle qui serait « un peu différent ». Tous les nouveaux joueurs qui seraient dans la même situation que nous l'an passé se masseraient autour de moi. Nous en avons eu six et ceci devint le noyau du groupe avec lequel nous avons joué durant tout le lycée jusqu'à la première année d'université.

L'année suivante nous avons pris le contrôle de l'association de jeux en faisant jouer une murder-party à 40 joueurs et en tenant l'Assemblée Générale directement après. Cette méthode plutôt sournoise fut extrêmement efficace. À la semaine d'intégration, nous avons usé des mêmes tactiques commerciales impitoyables à notre stand et fait passer le nombre de membres de l'association de 30 à 80. Nous avons fêté cela avec une première réunion qui impliqua un wargame joué avec des centaines de figurines Lego.

 

  • Leçon n°4 : Toutes les stratégies de recrutement ne sont pas égales.

Toutes les bonnes choses ont une fin, même le lycée. Voulant à tout prix prolonger l'expérience, je re-déménageai chez moi à Édimbourg pour faire un Master en Sciences. Il semblait que la population du vieil Édimbourg avait arrêté de jouer pendant mon absence. Tom avait déménagé à Glascow pour faire une carrière d’acteur, et pendant les courtes périodes que nous passions ensemble, nous étions plus intéressés par être nous-mêmes que par prétendre être d'autres personnes. Mais j'avais fait jouer quelques campagnes réussies avec Ross et Jack pendant les longues vacances d'été quand nous avions bien trop de temps devant nous, et que Tom était justement rentré de Glascow. Donc il sembla possible de commencer quelque chose. Ross amena sa copine, Tom embarqua son petit frère, mon colocataire Iain se rajouta, et nous étions soudain 7 joueurs.

Puis, presque par hasard, alors que j'étais au Black Lion Games [magasin de JdR d'Édimbourg (NdT)] en train de parcourir les produits de Providence grog, le propriétaire du magasin me dirigea vers un de ses clients. Un type de Tasmanie, fraîchement descendu du bateau, qui cherchait à rejoindre une partie.

J'ai suggéré de prendre une pinte, puis me suis rendu compte qu'il était le seul Australien à ne boire que du thé, puis nous avons été harcelés par des gars de Newcastle qui faisaient un enterrement de vie de garçon. Ça commençait bien. Il se trouva être un des meilleurs joueurs et MJ avec lesquels j'ai jamais joué.

 

  • Leçon n°5 : Les stratégies promues fonctionnent parfois.

Je vis maintenant à Ithaca, dans l'état de New York. Quand j'ai déménagé ici, j'avais seulement pris un sac de sport rempli d'affaires de rechange et deux romans. Je ne savais pas combien de temps je vivrais aux États-Unis et je ne pensais pas que j'allais faire du JdR. Je traînais à l'époque dans la cave d'un des mecs de l'autre côté de ma rue et je découvris qu'un des gamins qui s'y trouvait, Spyder, possédait une grosse pile de livres de Rolemaster sur son étagère. L'instant d'après, il me montrait des centaines de cartes dessinées avec amour, des campements gobelins et des guerriers med-fan. Au contraire de mon vieux troll hargneux, ces cartes étaient des exemples incroyables d'art médiéval-fantastique. Je me suis mis à raconter mes vieux souvenirs de partues et Spyder demanda si je voulais faire jouer une partie de Rolemaster. Je me suis crispé [Rolemaster est connu pour ses règles compliquées et ses nombreux tomes épais (NdT)] et lui ai demandé s'il possédait d'autres jeux de rôle. Il sortit un mince volume d'Elric! et c'était parti.

Spyder ramena son colocataire Bobwolf ; j'ai forcé la main à deux des gamins avec qui je vivais, des ex-gothiques de Denver, « à essayer au moins une fois » et Bobwolf amena un de ses potes d'école botanique avec qui il discutait souvent de JdR. Une nuit où nous jouions, un gosse avec qui je bossais en tant qu'agent électoral passa pour voir si nous étions en train de boire. Il se joignit aussi à nous. Six joueurs, trois n'ayant plus joué depuis 5 ans, et trois qui n'avaient jamais joué. Aucun d'entre nous n’aurait pu se qualifier de « joueur chevronné ».

Spyder vit maintenant à Hawaii, dans une yourte, où il est apprenti artiste tatoueur et travaille comme apiculteur pendant son temps libre.

 

  • Leçon n°6 : Ils sont parmi nous.

Une fois qu'il s'est su que je maîtrisais une partie, j'ai tout à coup été assiégé par des gens intéressés. Je ne plaisante pas, plus d'une douzaine de personnes supplémentaires me demandèrent si elles pouvaient intégrer la partie. Quelques-unes étaient vraiment obstinées. Des étudiants en architecture de l'Université de Cornell, de massifs physiciens d'État, des serveurs de cafés, des potes de bar, des petits amis de copains de colocataires, tous se bousculaient pour être dans la file d'attente. Un des types de mon bureau se trouva être un expert de D&D3 et un joueur en ligne régulier qui n'avait jamais joué au Jeu de Rôle sur table. Un type rencontré au magasin de BD m'invita pour l'aider à former un groupe pour Ars Magica les dimanches.

Couverture du JdR "Ars Magica"

  • Leçon n°7 : Si vous maîtrisez, ils viendront.

Inspiré par cette vague d'intérêt pour le Jeu de Rôle, et en pensant à combien d'autres doivent être là-dehors et encore inconnus, je décidai qu'instaurer une partie ouverte mensuelle serait vraiment une bonne idée. Nous pourrions construire une « communauté rôliste », amener les gens à venir, à essayer différents groupes, MJ et joueurs, et faire jouer plein de scénarios en one-shot. Le résultat fut Lake Effect [lien mort]. J'ai fait de la propagande et créé une page internet. Je me suis dit que je connaissais facilement deux douzaines de rôlistes, peut-être plus, et que ça pourrait vraiment décoller...

Rien. Par le biais d'intimidations extensives, j’ai fait se pointer quelques-uns de mes joueurs réguliers aux deux premières parties ouvertes, pour que cela ne devienne pas un flop complet. Et j'ai pu essayer Godlike et Mutants & Masterminds. Mais personne d'autre ne fit un pas en avant, personne n'était intéressé. Personne ne voulait s'engager.

Je fis un pas en arrière.

 

  • Leçon n°8 : les canaux traditionnels sont toujours aussi nuls.

Mon opinion est que peu de joueurs potentiels sont intéressés par une « communauté de jeu de rôle ». Même les personnes qui m'ont harcelé pendant un an pour intégrer ma partie de Dragon Lords semblaient ne pas vouloir sortir de leur lit le samedi pour passer une après-midi à jouer à Adventure!. Je devais me poser la question, « pourquoi ? »

La meilleure réponse que je sois en mesure de fournir, est que la plupart des gens qui apprécient le jeu de rôle ne sont pas intéressés par être rôlistes dans le seul intérêt d'être rôlistes. Tout ce qu'ils veulent, c'est jouer à un jeu de rôle.

Alors comment faire pour trouver de nouveaux joueurs ? Fichtre, moi qui pensais avoir esquivé cette question, la revoilà. Mon conseil, pour le peu de valeur que cela puisse avoir à ce stade, est de commencer petit. Trouvez une ou deux personnes qui pourraient être intéressées et persuadez-les de venir. Vous pouvez forcer la main à deux de vos potes ou choper le premier rôliste que vous trouverez au magasin. Il n'est pas nécessaire de perdre le sommeil à se demander combien de rôlistes il y a là-dehors quand vous en connaissez un ou deux.

Une fois que vous serez lancé, les choses s’accéléreront.

Si j'ai appris quelque chose de toutes ces expériences (et je ne suis pas sûr d'avoir particulièrement appris, bien que je me sois vraiment amusé), c'est qu'une campagne active et continue, jouée régulièrement et où vous vous amusez, va prendre elle-même de l'ampleur et attirera des joueurs. Accrocher des affiches de trolls hargneux sur le panneau d'affichage de votre école ne fonctionnera pas.

article original : Finding New Players — Lose Weight By Eating


(1) NdT : une série de Livres dont Vous êtes le Héros grog de 1982, réédités et augmentés en 2009 [Retour]

(2) NdT : un JdR sans dés, bourré d'explications et de conseils; une  révolution dès 1988 [Retour]

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Pour aller plus loin…

Nous avons une série d'articles sur le sujet de trouver des rôlistes avec qui jouer. Si après cela vous ne trouvez pas de partenaires, … posez-vous des questions!

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