Joueurs contre la misogynie - Invitée : Karen McLeod

Puisque tout ce qui compte pour the MESSAGE [Acronyme pour Men Ending Slurs And Sexist Attitudes in the Gaming Environment (“Les hommes qui mettent fin aux attitudes insultantes et sexistes dans le milieu ludique”)] est d’écouter les femmes, une fois par mois nous passerons les rênes du blog à quelqu’un de la gent féminine pour son point de vue. Ce mois-ci, notre toute première invitée spéciale est Karen McLeod.

Je suis un gamer. Et une femme. En fait, j’aime simplement jouer. Dans la vie. N’importe quoi fait l’affaire. J’aime m’amuser. Les jeux de lettres. Plaisanter. Les jeux de rôles. Les FPS (1) (sur PC uniquement, les consoles c’est pour les fillettes).

Donc, en quoi est-ce que ça a un rapport avec mon sexe ? Eh bien ça n’en a pas particulièrement, à mon sens.

Vous voyez, je me considère d’abord et avant tout comme une personne plutôt que comme une femme. Donc, je m’immerge ou je m’investis dans toutes sortes de choses en tant que personne, sans me soucier du genre. Par exemple, quand je lis Le Seigneur des anneaux, je m’identifie à Frodon ou à Gandalf, pas à Galadriel ou à Arwen juste parce qu’elles sont des femmes. Je suis le fil d’une histoire à travers les yeux du narrateur ou de la personne au cœur de l’action.

Quand je lis la magnifique traduction des légendes arthuriennes par John Steinbeck (2), je m’identifie à Arthur, à Merlin et à Lancelot. Quand je lis des histoires avec plusieurs personnages, comme Le Trône de Fer (wiki), ou des choses écrites par Tad Williams ou Peter F. Hamilton (3), je vois le genre des personnages comme étant une couleur ou un aspect supplémentaire, plutôt que comme le tracé d’un fossé entre homme et femme.

C’est la même chose quand je joue sur PC, ce qui est pour moi une expérience immersive. Quand je joue à Half Life 2, je suis Gordon Freeman, totalement absorbée à courir partout dans la Cité 17. Et énervée contre Alyx je suis, pas parce que c’est une femme, mais parce que c’est un foutu bot, et qu’elle s’obstine à courir dans ma ligne de mire. Quand je joue à Fallout 3, je ne pense pas au genre. Trop occupée à courir partout en tuant de méchants trucs. C’est la même chose pour Rage, la série des Bioshock, Skyrim et les succès plus anciens – les Doom et les Quake. Occupée occupée occupée – à exterminer les cacodémons, les mutants et les autres.

Donc, quand le genre devient un problème dans un jeu, ma première et principale réaction est la surprise. J’ai été surprise quand Fallout 3 m’a proposé le choix du sexe. J’ai été surprise quand Alyx a grimpé une échelle à toute vitesse dans Half Life 2 pour me donner une vue gratuite de sa petite culotte. Ma première pensée a été “Pourquoi a-t-elle fait ça ?”. Alors l’explication évidente m’est apparue et j’ai pensé “Ah, c’est vrai. Ce jeu a été écrit pour des garçons de 14 ans.” Je lève les yeux au ciel puis je passe à la séquence suivante du jeu.

Quand je lis un livre, ou quand je joue à un jeu de tir à la première personne, c’est facile de m’immerger et d’apprécier le moment tel quel. Un livre ou un bout de code le permettent. Je n’ai ni besoin ni envie que l’expérience devienne spécifique au genre. Je suis plus intéressée par les affaires en cours : l’éthique de l’honneur ; comment résister à la tentation de l’Anneau Unique ; débarrasser le monde du mal ; tirer sur des trucs ; et ainsi de suite.

Ce n’est pas aussi simple quand s’amuser requiert d’interagir avec d’autres personnes. On ne peut ignorer le sexisme quand il y a une personne en face de vous qui adopte un tel comportement. Alors certes, durant des années j’ai joué à D&D et je n’ai jamais subi aucun sexisme : je suppose que c’est parce que je jouais avec des amis. En revanche, j’ai connu ça lorsque j’ai joué avec des personnes que je ne connaissais pas : à une convention de jeu de rôle.

Au départ, je ne l’ai pas vécu comme du sexisme. Je l’ai compris comme tel plus tard. Sur le moment, je l’ai ressenti comme de l’impolitesse. De mauvaises manières à vous couper le souffle. Par exemple, ces joueurs avaient l’habitude d’ignorer mes idées pour quelque activité que ce soit dans le jeu, mais ils acceptaient ensuite la même suggestion quand elle était faite par un homme, un peu plus tard. Ou encore de parler plus fort et en même temps que moi comme si je n’étais pas là. Ce genre de comportements m’a forcée à me retirer, m’excusant et quittant la table à la première occasion. J’veux dire, où est le plaisir là-dedans ?

Est-ce que ça a de l’importance ? Je veux dire, est-ce que c’est important que je me sois retirée, que j’aie arrêté de jouer dans cette ambiance et que je ne sois jamais revenue ? Eh bien, sincèrement, sans doute pas. Je n’ai pas une haute opinion de moi-même. Je reconnais que je suis intelligente et de bonne compagnie, mais comme beaucoup de gens le sont. Ça n’a bien entendu pas d’importance pour moi – je m’amuse toute seule. Je pourrais me demander si d’autres femmes ont ressenti la même chose et se sont simplement excusées poliment avant de partir. Et peut-être que ça n’a pas non plus d’importance. Je suis sûre qu’il y a beaucoup de gars qui préfèreraient un environnement de jeu purement masculin. Cela permet de réunir des gens qui pensent de la même façon et tout et tout.

Mais ça pourrait avoir de l’importance pour vous, si vous craignez de laisser filer la joie de découvrir ce que chaque individu peut apporter. Vous pourriez perdre une occasion d’expérimenter tous les aspects d’un monde de jeu. Vous pourriez même penser qu’une femme peut apporter une certaine authenticité aux personnages féminins, ce qui pourrait être vraiment intéressant. Sans compter le côté social. Il est plus facile de parler à une femme, de flirter avec elle et souvent d’être à côté d’elle, si elle est en fait présente.

Je suppose que c’est à vous de voir. Si vous appréciez la compagnie de quelqu’un, et sa contribution à une partie, et qu’elle commence à s’effacer, peut-être même s’excuser poliment avant de partir, sans doute n’est-ce pas qu’une question de goût de sa part. Peut-être ressent-elle de la gêne et que cette gêne est due à cette façon d’être traitée différemment par d’autres à la table à cause de son sexe.

Si vous commencez à vous demander pourquoi, demandez-lui. C’est peut-être ça ou pas. Mais si c’est du sexisme ou de l’impolitesse, en prenant l’initiative, vous venez de vous créer une opportunité. Vous lui donnez l’occasion de rester et de continuer d’être une source de plaisir et de bonne stratégie de jeu. Le problème de son départ peut être réglé. Aisément. Simplement.

Tout ce que vous avez à faire c’est d’identifier le comportement offensant (en lui demandant ce qui se passe) – puis de régler ça. Si, par exemple, elle n’aime pas être considérée comme inexistante, traitez-la comme n’importe quel autre joueur. Écoutez-la comme vous écouteriez n’importe quel autre joueur. Écoutez son avis. Adoptez ses idées – quand elles sont sensées.

Et ensuite, il se pourrait qu’elle reste. Et il se pourrait que vous vous amusiez tous vraiment beaucoup.

Pour aller plus loin

Article original : Special Guest Blogger: Karen McLeod

(1) NdT : First-Person Shooter désigne un genre de jeu vidéo, appelé en français jeu de tir en vue subjective. [Retour]

(2) NdT : The Acts of King Arthur and His Noble Knights, John Steinbeck (1976) [Retour]

(3) NdT : Peter F. Hamilton est un auteur qui privilégie l’écriture avec en général au moins trois personnages principaux. [Retour]

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