GN et extrémisme violent
© Federal Bureau of investigation, Dr Reid Meloy, Juris Dr Molly Amman, Dr Phil Saragoza
NdT : Agents, voici un article pour votre prochaine mission, pour ne pas vous tromper de cible.
Ceci n’est pas une blague ! Même si on le met en ligne un 1er avril… eh oui, ceci est bien un article issu du véritable site du FBI. Il a pour but d’établir des preuves suffisamment solides pour ne pas être réfutées au cours d’un procès et réussir à condamner des extrémistes qui essaieraient de se faire passer pour des GNistes.
Vous avez probablement l’habitude de tout prévoir pour ne pas avoir l’air trop louches avec vos armes et équipements de GN, lors de vos voyages en train ou déplacements en places publiques par exemple. Eh bien, imaginez-vous maintenant aux USA, avec un accès facilité aux armes, un fort taux de criminalité armée et une police parfois musclée. Ajoutez-y le fait que les GN états-uniens se déroulent fréquemment dans des parcs municipaux. Vous avez le contexte ?
Placez-vous dans la peau d’un membre du Bureau Fédéral d’Enquête. États-Unis des années 2020.
D'ailleurs, même pas besoin de se trouver précisément aux States :
- Un de nos membres, habitant un pays d'Amérique Latine qui traverse une crise politique depuis quelques années, a cru à un coup d’État en voyant la nuit des hommes en tenue militaire dans les rues de son quartier (il s'agissait d’un GN de zombies).
- Un autre, en France cette fois-ci, a vu son GN inspecté par la BAC à 1h du matin.
En plus des NdA originales, nous avons parsemé la traduction de NdT pour commenter l’absurdité de l’existence de ce document officiel.
Bonne lecture.
En 50 ans, le « jeu de rôles Grandeur Nature » (GN) est devenu un phénomène culturel mondial. Il s’agit d’un jeu théâtral planifié dans lequel des participants incarnent des personnages dans un univers imaginaire et interagissent les uns avec les autres en temps réel.
Pour sa part, l’extrémisme violent favorise ou commet des attentats bien réels, motivés par une idéologie, dans un but politique, social ou religieux a.
Cet article définit des critères robustes pour distinguer le GN des activités criminelles et malveillantes. Cela pourra autant être utile aux forces de l’ordre qu’aux procureurs dans les cas où des suspects de violences soutiennent qu’ils participaient à une activité de ce genre.
NdT: Vous vous demandez sûrement si c'est souvent arrivé que ce soit la première excuse qui passe par la tête des suspects :
« L'État Islamique / l’Action Française, madame la juge ? Non, non, il s'agit juste d'un GN extrêmem… je veux dire, très simulationniste. »
Et en fait, si, continuez à lire : c’est arrivé une fois, ce qui a suffi à justifier l’écriture de cet article.
Contexte
Le jeu de rôles grandeur nature
La plupart des individus ont participé à une forme de jeu Grandeur Nature pendant leur enfance, en faisant semblant d’être des personnages et d’évoluer dans un monde fictif dans lequel les actions sont cadrées par des règles. Le décor était planté, les personnages distribués, et une histoire se créait.
NdT : L’article parle ici des jeux d’enfance de type « on dirait que… ». Aucune idée, par contre, si les autres membres du FBI comprennent ça du premier coup.
Pour en apprendre plus sur les origines concrètes du jeu de rôles sur table, nous vous conseillons, ainsi qu'au FBI, notre ebook N°6 Une brève Histoire du jeu de rôle.
Le jeu grandeur nature, en tant que loisir culturel, a évolué pour donner lieu au jeu de rôles sur table, aux évènements de reconstitution historique (par exemple de batailles militaires), ou aux mises en scène futuristes ou fantasy. On peut même participer à des dîners-spectacles durant lesquels les convives jouent à résoudre des mystères tout en incarnant des personnages.
NdT : Heureusement que le FBI n’a jamais entendu parler des « Fêtes du Meurtre » que sont les Murder Parties !
Cet article étant écrit par des personnes extérieures à nos loisirs, et étant surtout à destination d’agents, on comprend les confusions. Comme amendement à leur texte, nous vous informons que les GN ont effectivement les jeux d’enfant parmi leurs sources, mais qu’elle n’est pas la seule et que ces sources ne sont pas connues avec exactitude : simulations militaires antiques, fêtes costumées de tous temps, improvisation théâtrale du 16e siècle, reconstitutions historiques et wargames du 19e siècle, huis clos et murder parties des années 1930…
Toute personne peut s’impliquer dans ce type d’activités, informellement ou en prenant part à un groupe organisé. Il semble que le premier groupe déclaré de GN fut Dagohir Battle Games, créé en 1977 aux États-Unis. Les membres de ce groupe interprètent des batailles de fantasy avec des armes inoffensives, telles que des épées en mousse b. Pour sa part, la Society for Creative Anachronism est une association internationale d’éducation, à but non lucratif, dédiée à la recherche et la reconstitution du monde d’avant le 17e siècle, enrichissant ainsi la vie des participants et participantes c.
NdT :
- Dagohir Battle Games existe toujours et se définit comme le plus ancien et le plus grand groupe de GN des USA. Leur nom d’origine était ‘Hobbit Wars’ et leur nom actuel ‘Dagohir’ provient d’un mot elfique de la Terre du Milieu, car leur groupe est né en 1977 de leur passion pour le monde de Tolkien, autant que pour leur fascination pour les batailles cinématographiques. On peut encore trouver leur site mis à jour en 2025 (en).
- La Society for Creative Anachronism (SCA) est une association de reconstitution et d’études des cultures médiévales, créée en 1966. Toujours active de nos jours (années 2025), ses différents « royaumes » se trouvent principalement aux États-Unis et au Canada, mais quelques-uns s’étendent jusqu’en Europe et Afrique, d’après leur site officiel (en).
L’extrémisme violent
De nos jours, les croyances extrêmes (comme les mouvements anti-gouvernement ou anti-police) et le bouillonnement social se répandent largement. Des individus partageant les mêmes idées se sont organisés en milices soi-disant officielles et en groupements informels. Leurs réunions peuvent impliquer une fervente rhétorique et la répétition de manœuvres tactiques en prévision d’une apocalypse à venir, lorsque les citoyens renverseront le gouvernement ou établiront leur propre maintien de l’ordre communautaire.
NdT : Poisson d’avril ! Ou pas : le FBI écrit bien noir sur blanc le mot « apocalypse » dans son article ! Notons également leur emploi du futur… sans conditionnel :)
En ce qui concerne ce qui est désigné par « croyances extrêmes », les auteurices pensent ici directement au Mouvement Boogaloo wiki, à la fois d’extrême-droite et antigouvernement, et lié à l’affaire qui a déclenché l’écriture de cet article… mais rappelons aussi l’existence de groupes terroristes pro-police et pro-gouvernement aux États-Unis, comme le Ku Klux Klan wiki.
De telles activités peuvent se limiter au champ de la fiction et du loisir — bien que l’on s’éloigne de la fiction quand il n’y a ni chevaliers ni dragons, et que les stratégies ne reposent pas sur l’entrechoc des épées. Ces activités peuvent désigner en ennemi : des partis politiques, des agents de police, l’armée ou un [gouvernement de l’ombre de type] « État profond » wiki d.
La ville d’Innsmouth wiki, au Massachusetts. ou ce que nous évoque le terme « État profond » !
Illustration par Mushstone (2012 – CC-BY-SA 3.0)
Cependant, comme les récents évènements le prouvent, certains individus complotent pour commettre de réels actes violents au nom de leur idéologie, et non dans le cadre d’un jeu de rôles.
Risque potentiel
Les personnes violentes au point de potentiellement devenir criminelles, et en particulier celles impliquées dans un complot, peuvent faire de fausses déclarations : elles peuvent expliquer qu’elles ne faisaient que jouer à un GN sans intention de passer à l’attaque.
Par exemple, lorsque Kaleb Franks fut arrêté en octobre 2021 pour avoir planifié le kidnapping de la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer wiki, il a affirmé au FBI qu’il jouait simplement à un GN avec ses compagnons. Plus tard, il reconnut son mensonge et plaida coupable e.
NdT : C’est le seul exemple connu à ce jour… Mais le FBI s’attend apparemment à une multiplication d’utilisations de la défense : « Non mais c’était un GN… »
Alors que ça n’a PAS marché !
Bien que le GN soit encore rarement utilisé comme défense juridique, nous partageons l’idée que ce sera de plus en plus fréquent. Les premières tentatives qui pourraient y ressembler concernaient des accusés isolés f ou ne participant que virtuellement à des communautés centrées autour de fantasmes g, ou encore invoquant « le geste artistique » pour excuser les propos menaçants h.
Graffiti de Banksy à Bethlehem (Palestine), photographié par ZaBanker (2015).
NdT : En ce qui concerne les 3 affaires citées dans le paragraphe ci-dessus :
- Dans la première, USA v. Myers (en), l’accusé reconnaît avoir reçu un pot de vin mais se défend en disant avoir « fait semblant » d’accepter de faire ce pour quoi il était payé - ce qui reste illégal. Il a donc été condamné.
- Dans la seconde, USA v. Valle wiki (en), l’accusé avait des fantasmes sexuels macabres qu’il écrivait sur des forums spécialisés. Il a été libéré en appel.
- Dans la dernière, Elonis v. USA, l’accusé a écrit des chansons de rap menaçantes envers son ex-femme ou son employeur. Il a été condamné car la menace a été jugée crédible.
Signes distinctifs
Le tableau 1 montre les différences les plus communes entre le GN et l’extrémisme violent. On les retrouve principalement dans le comportement de l’individu et sa manière de s’exprimer, indépendamment des interrogatoires ou des découvertes propres à l’affaire. Ces comportements offrent l’occasion aux équipes d’investigation d’établir l’intention malveillante ou innocente du concerné.
GN | Extrémisme violent | |
Différences pratiques | ||
Public | Les spectateurs sont bienvenus ou même demandés | Secret exigé |
Participant.es | Font partie d’un groupe nombreux | En solitaire ou cellules autonomes |
Composants | Documents témoignant d’un jeu organisé : des règles, des fiches de personnage, des scénarios rédigés, des appellations pour les PJ et leurs joueurs… | Rien de tout ça ; tous les « personnages » sont des combattants de première ligne ou du personnel d’assistance à l’opération. |
Attitude envers les forces de l'ordre | Ne pense pas aux forces de l’ordre en dehors de la vie de son personnage. | Inquiétude visible envers les forces de l’ordre et les poursuites judiciaires pour des comportements criminels semblables. |
Matériel | Pas d’armes à balles réelles ; les armes d’imitation réalistes sont souvent découragées. | Armes à balles réelles. |
Objectif | Obtenir une expérience théâtrale agréable et créative en toute sécurité. | Changement soudain social ou politique à travers la violence ciblée ; souvent une journée de représailles et de purification du territoire ou de la communauté. |
Différences psychologiques | ||
Dessein | Entrer volontairement dans un monde de fiction qui est séparé de la réalité. | Utiliser la violence dans le monde réel pour imposer une vision faussée ou un changement idéalisé. |
Biais de confirmation | Pas de biais de confirmation. | Présence de biais de confirmation. |
Ressentiment personnel | Pas de ressentiment personnel envers des groupes extérieurs à l’univers imaginaire. | Ressentiment personnel envers des groupes extérieurs au complot, dont on suppose qu’ils constituent une menace existentielle et imminente, exigeant une réponse violente. |
Ambiance | Calme et joyeuse ; rêvasserie en anticipation pour l’amusement à venir. | Insatisfaction et colère; rêvasserie en anticipation pour les blessures ou le meurtre des objectifs. |
Différences pratiques
Public
Ne pas se soucier d’avoir des témoins qui regardent est la principale différence entre les GNistes et les extrémistes. Les GNistes peuvent même apprécier la présence de tiers, comme celle de Personnages Non-Joueurs ou d’un public. Après tout, le GN est une performance.
À l’inverse, les extrémistes violents ou les terroristes cherchent à garder le secret. Cela se traduit dans leur comportement, et dans leur préparation à des actes de violence, par un goût pour le secret et la clandestinité i.
Participants
Les jeux en Grandeur Nature se déroulent toujours en groupe de quelques individus à plusieurs centaines dans un même évènement. En comparaison, les extrémistes violents agissent seuls ou s’organisent en petites cellules autonomes créées dans le but d’atteindre une cible précise.
NdT : Depuis le temps qu’on vous dit que le JdR en solitaire, c’est pas du JdR ! Maintenant, on sait même que c’est du terrorisme :)
Plus sérieusement, on vous parlera très certainement de GN en solitaire dans de prochains articles qui contrediront ce point. Ce qui risque de compliquer un peu plus les enquêtes du Bureau Fédéral…
La prise du Capitole (en), le 6 Janvier 2021, par des GNistes, logiquement. Photo de Tyler Merbler.
Composants
On utilise souvent des règles de jeu, des scénarios et des feuilles de personnages dans les GN. Il existe aussi des signes planifiés et évidents pour distinguer les postures « en personnage » et « hors-personnage. » Les extrémistes violents n’ont rien de tout cela : leur seul « personnage » est un soldat ou guerrier.
Ndt : Remarquez que dans les deux cas il y aura probablement des manifestes.
Attitude envers les forces de l’ordre
Les rôlistes ne débattent pas à propos des forces de l’ordre sur les réseaux sociaux et ne se donnent pas de conseils dans le cas où ils se retrouveraient face à un agent. Ils ne montrent pas non plus d’intérêt manifeste pour les dossiers judiciaires impliquant des plaidoyers évoquant le GN.
NdT : Bien entendu, il n’existe pas de GNistes issu-es de catégories sociales particulièrement ciblées par les forces de l’ordre.
Parmi les extrémistes violents, au contraire, il est possible qu’il y ait des discussions et des échanges en ligne à propos de l’utilisation des GN comme prétexte lors de rencontres avec les forces de l’ordre. Ils pourraient également faire des recherches sur les dossiers juridiques antérieurs utilisant le jeu de rôles comme excuse, pour se renseigner sur la viabilité de cette défense.
Matériel
Pour préparer une attaque violente, les terroristes possèdent et utilisent de véritables armes et des balles réelles. Les GNistes n’ont pas le besoin de tels outils destructeurs dans leur organisation d’évènement.
Objectif
L’issue stratégique des rôlistes se limite strictement au plaisir et à l’amusement. Leur objectif est de vivre une récréation théâtrale au cours d’une expérience créative et sécurisée.
Les extrémistes violents ou les terroristes visent un changement social ou politique, en usant de violence, en ciblant habituellement un groupe précis (par exemple : les membres appartenant à une religion, une ethnie ou une orientation sexuelle), perçu comme menaçant l’identité des extrémistes. L’extrémisme n’existe pas sans groupe « extérieur » défini et sur lequel porter une action hostile j.
Différences psychologiques
Dessein
D’un point de vue psychologique, les GNistes s’immergent temporairement dans un monde fictionnel, constitué de personnages qui y habitent et diffèrent de la réalité de tous les jours. Il n’y a pas de confusion entre ces deux mondes.
Que penser alors de Luminescence, le GN où l’on parle de cancer tout en se roulant, en sous-vêtements, dans une étrange poudre blanche ptgptb, un peu comme un mardi matin à Las Vegas ?
Au contraire, les extrémistes violents prévoient de modifier le monde réel par la violence, pour l’adapter à leur projet idéologique souvent strict et simpliste. Dans leur discours erroné, les extrémistes sont convaincus d’être des héros.
NdT : On peut par exemple penser à l’Exceptionnalisme Américain wiki dont les fervents défenseurs ont souvent commis des violences à l’étranger.
Biais de confirmation
Les GNistes ne cherchent aucune donnée allant dans le sens de croyances, et n’ignorent pas les faits contradictoires (c’est à dire qu'ils n'ont pas de biais de confirmation) k.
Au contraire, les extrémistes violents vont considérablement accumuler les biais de confirmation avant de mettre leur plan à exécution. Cependant, dans ce contexte, cela devient de la « violence de confirmation », c’est-à-dire l’utilisation d’une violence ciblée, pour imposer ses croyances sociales et politiques aux autres et, par conséquent, changer leur comportement — peut-être même, dans un esprit de la démesure, le cours de l’histoire.
Ressentiment personnel
La pensée d’une personne extrémiste violente dépasse la simple désignation d’un groupe en tant que menace existentielle. Il s’agit généralement d’un ressentiment personnel envers ce groupe qui existe bel et bien. Ces deux caractéristiques ne se retrouvent pas chez les GNistes, dont les cibles sont imaginaires et n’existent que dans le cadre de leur performance théâtrale, disparaissant dès que l’évènement prend fin.
NDT : Le public cible de cet article aura-t-il fait la différence entre GN et théâtre immersif wiki ? Rien n'est moins sûr.
État d’esprit
Enfin, les émotions d’un individu reflètent sa réalité intérieure et peuvent aider à différencier les deux types de personnes.
En dehors des moments d’euphorie pendant lesquels il imagine et planifie un acte de réelle violence, l’esprit d’un extrémiste violent sera dans un état dysphorique [de grand inconfort (NdT)] et de colère. Ils seront aussi persuadés que l’attaque est justifiée, au vu de la menace imminente que représente le groupe ciblé — envers lui et ses comparses. Ces croyances peuvent se transformer en un solide sentiment de persécution et de paranoïa qui n’existe pas chez les GNistes.
Sauf par exemple lors du GN de Paranoïa grog, en 2020 à Brimingham.
Au contraire, les GNistes sont dans des états d’esprit largement hédonistes, anticipant la joie qui sera ressentie pendant le jeu — sans sentiment de risque imminent ni d’être martyr, sans besoin de justifier leurs actions comme de la violence défensive, sans se blesser mais au contraire en s’appréciant les uns les autres et partageant un imaginaire commun.
Recommandations
Les agents ayant affaire à un suspect plaidant le jeu de rôles Grandeur Nature peuvent vérifier étape par étape s’il s’agit d’un mensonge, en comparant leurs observations et preuves avec le tableau 1. Celles-ci peuvent être évidentes, telle une preuve d’achat de matériel servant à fabriquer une bombe. Cela peut aussi demander une enquête plus poussée, comme l’obtention du mobile lors d’un interrogatoire (par exemple : « Si vous ne faisiez que jouer à un GN, pourquoi aviez-vous besoin d’explosifs réels? »).
« Mais oui, M’sieur, c’est donc ça… Un feu d’artifice, bien sûr… Je comprends tout à présent. » – Photographie de Peter Falk, l’acteur de Columbo, ce célèbre détective à qui on ne la fait pas.
Si les enquêteurs concluent raisonnablement à un comportement de nature criminelle ou malveillante, et qu’il ne s’agit donc pas d’un GN, ils doivent, si possible, rassembler trois types de preuves:
1 - La preuve que le suspect avait planifié ou était déjà engagé dans des actes de violence réelle liée à l’affaire. Au tribunal, la défense pourra argumenter que les GNistes sont comme des acteurs, n’ayant aucun intérêt pour de la violence réelle.
2 - Des preuves contredisant directement les comportements de jeu, comme la déclaration d’un membre ou chef du groupe affirmant qu’ils n’étaient pas en train de jouer, ou la consigne de faire de fausses déclarations dans le cas d’une arrestation. Présenter des preuves du crime sans aborder le sujet du GN pourrait ne pas suffire à convaincre un jury.
3 - La démonstration écrite que, malgré toutes les mesures prises au cours de l’enquête, les preuves qui confirmeraient une partie de jeu de rôle grandeur nature n’ont pas été trouvées. Par exemple, il pourrait s’agir de l’absence de sites de GN dans l’historique internet d’un suspect. Parfois, indiquer le fait de ne pas avoir trouvé une preuve peut rendre plus convaincant un rapport d’enquête. Si un agent pense qu’il s’agissait d’un GN, il ou elle se doit d’apporter toute preuve disculpatoire, d’après l’arrêt Brady V. Maryland l.
NdT : Nommé d’après un procès de 1963, l’arrêt Brady V. Maryland de la Cour Suprême impose à l’accusation de ne cacher aucune preuve qui pourrait être disculpatoire.
Conclusion
Le jeu de rôles grandeur nature est une activité ancienne mais une nouvelle forme d’alibi. On peut légitimement s’inquiéter de son utilisation en tant que défense au cours d’un procès par les personnes accusées de planifier et préparer un attentat contre un agent, un gouvernement démocratique ou qui que ce soit. Les groupes sans chef peuvent y trouver une excuse sur-mesure et affirmer qu’ils ne sont pas différents des groupes de GN — qui apprécient la reconstitution inoffensive, historique ou de fantasy. Pour gérer ces affaires avec succès, les agents doivent témoigner de prudence dans la collecte de preuves établissant la vérité.
NdA / Sources [anglophones]
⁃ a. Département de la Justice des Etats-Unis, Radicalization and Violent Extremism: Lessons Learned from Canada, the U.K. and the U.S., National Institute of Justice (Arlington, VA, 2015), https://www.ojp.gov/pdffiles1/nij/249947.pdf.
⁃ b. ‘’What is Dagorhir?” About, Dagorhir Battle Games Association, consulté le 26 Juin 2022, https://dagorhir.com/wordpress/about/.
⁃ c. Society for Creative Anachronism, consulté le 8 Juin 2022, https://www.sca.org.
⁃ d. NdA : le Deep State est, d’après le Merriam-Webster Dictionary : « Un présumé réseau secret de fonctionnaires gouvernementaux non-élus et, parfois, d’entités privées (tels les services financiers et les entreprises de la Défense) opérant de façon extralégale pour influencer et mettre en œuvre la politique gouvernementale. », consulté le 24 Octobre 2022, https://www.merriam-webster.com/dictionary/deep%20state.
⁃ e. Ed White, “Man in Gov. Whitmer Kidnap Plot Says He Lied After Arrest” “[Un des hommes du complot d’enlèvement de la Gouverneure Whitmer dit avoir menti après son arrestation]”, Detroit News, 25 Mars 2022, https://www.detroitnews.com/story/news/local/michigan/2022/03/25/man-gov-whitmer-kidnap-plot-says-he-lied-after-arrest/7172037001/.
⁃ f. United States v. Myers, 692 F.2d 823 (2nd Cir. 1982).
⁃ g. United States v. Valle, 807 F.3d 508 (2nd Cir. 2015).
⁃ h. Elonis v. United States, 575 U.S. 723 (2015), 723-767, https://www.supremecourt.gov/opinions/boundvolumes/575BV.pdf.
⁃ i. J. Reid Meloy and Jens Hoffmann, eds., International Handbook of Threat Assessment, 2nd ed. (New York: Oxford University Press, 2021).
⁃ j. J.M. Berger, Extremism, MIT Press Essential Knowledge Series (Cambridge, MA: MIT Press, 2018).
⁃ k. Daniel Kahneman, Thinking, Fast and Slow (New York: Farrar, Straus and Giroux, 2011).
⁃ l. Brady v. Maryland, 373 U.S. 83 (1963).
Article original : LARPing and violent extremism

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