Structure narrative et tension créative dans L’Appel de Cthulhu

Un extrait de Second Person: Role-Playing and Story in Games and Playable Media, par Pat Harrigan et Noah Wardrip-Fruin, eds.,

Note du Traducteur : Toutes les références et les paginations dans l’article se basent sur les éditions originales anglophones des jeux ou de leurs suppléments.


Malgré la puérilité de l’histoire, la sincérité et l’horreur du vieux Zadok m’avaient communiqué une inquiétude grandissante […]

H.P. Lovecraft, Le Cauchemar d’Innsmouth.

Les aventures publiées pour le jeu de rôle L’Appel de Cthulhu ont connu un succès exceptionnel dans le milieu du jeu de rôle, aussi bien artistiquement qu’économiquement. La plupart des suppléments de JdR contiennent des informations additionnelles sur les règles du jeu et l'univers de jeu, ainsi que des sujets spécifiques tels que les armes ou les moyens de reproduire un genre, plutôt que de présenter des aventures ou des scénarios prêts à jouer. De tels supports d’aventures sont relativement rares et les ouvrages entièrement constitués de scénarios encore plus rares (1).

On admet communément, dans le domaine de la création de jeu de rôle, que L’Appel de Cthulhu est le seul JdR qui puisse soutenir un flux continu d’aventures exploitables, mis à part Donjons et Dragons (le corpus de règles de jeu de rôle le plus populaire).

Comme la plupart des idées reçues, ce n’est pas tout à fait exact. Par exemple, l’éditeur White Wolf publie sereinement chaque année un ou deux livres de « chroniques » [le nom whitewolfien pour « campagne », NdT] écrites pour les différents jeux qui utilisent le système Storyteller (le deuxième système de règles le plus populaire); et Palladium propose actuellement quatre livres d’aventures utilisant le système RIFTS (troisième système de règles par popularité). Toutefois, pour une assez petite entreprise, Chaosium fait grande « impression » parmi les livres d’aventures. Onze des vingt-et-un suppléments pour L’Appel de Cthulhu actuellement proposés sont des livres d’aventures ; six des autres suppléments contiennent des scénarios, une proportion beaucoup plus grande que celle d’entreprises prolifiques comme White Wolf, malgré une population de joueurs moindre1. Qui plus est, les livres d’aventures de L’Appel de Cthulhu ont remporté cinq Prix Origins de la « Meilleure Aventure de jeu de rôle2 » et trois livres de base de L’Appel de Cthulhu bien remplis de scénarios ont remporté le Prix Origins du « Meilleur Livre de base de jeu de rôle3 ». Deux autres campagnes de L’Appel de Cthulhu ont remporté le Prix Games Day de la « Meilleure aventure4 ».

En dehors du mérite artistique, un facteur clé dans la vente et l’utilisation des aventures de L’Appel de Cthulhu - comme des aventures de Donjons et Dragons - est leur degré élevé d’uniformité. Les aventures standards de Donjons et Dragons présentent une série de combats à mort, géographiquement restreinte, dans un scénar de « donjon » traditionnel; de même, les aventures habituelles de L’Appel de Cthulhu présentent une série très restreinte de découvertes effroyables dans la trame d’une intrigue à énigmes. Ce modèle existe aussi bien dans les aventures simples que dans les campagnes à épisodes.

Le facteur-clé permettant cette uniformisation - aussi bien dans Donjons et Dragons que dans L’Appel de Cthulhu - est le postulat d’un but commun pour tous les personnages-joueurs potentiels. Du point de vue d’un éditeur de scénarios, on peut supposer que tous les personnages de Donjons et Dragons, quels que soient leur race, leur alignement, ou leur classe d'aventurier, veulent tuer des monstres et s’emparer de leur trésor afin d’augmenter leur propre puissance personnelle. De même, on peut supposer que tous les investigateurs de L’Appel de Cthulhu (c’est à dire les personnages-joueurs) cherchent à enquêter activement, ce qui signifie faire la lumière sur les énigmes occultes à résoudre (ou au moins ne pas chercher volontairement à les éviter) comme moyen de vaincre (ou au moins de repousser temporairement) les suppôts du dieu diabolique et extraterrestre Cthulhu - ou d’autres monstruosités.

 

Le livre de base de L’Appel de Cthulhu n’a eu de cesse de confirmer ce postulat. Sur la première page de texte de la première édition de l’Appel de Cthulhu (1981), sous le titre « But du jeu » est indiqué:

Dans L’Appel de Cthulhu, les joueurs vont endosser le rôle d’investigateurs intrépides de l’Inconnu, tentant de pister, de comprendre et parfois de détruire les horreurs, les énigmes et les secrets du mythe de Cthulhu (1981, p.4)

 

Plusieurs pages plus loin, sous “Travailler pour vivre” :

Les personnages doivent avoir une raison d’enquêter sur le mythe de Cthulhu et celle-ci peut être fournie par leur profession. (Ibid., p.8)

 

Un peu plus loin, dans le chapitre Conseils au gardien (« gardien des Arcanes » est le terme employé dans L’Appel de Cthulhu pour désigner le Maître de Jeu), l’aspirant gardien est averti :

[Le personnage-joueur] devrait toujours avoir un motif pour enquêter dans un scénario donné. Peut-être que cela sera lié à un vieux secret de famille ? S’il ou elle est journaliste, votre problème est résolu : le journal qui l’emploie l’envoie tout simplement enquêter sur l’histoire ! (Ibid., p.72)

 

Plus de vingt ans après, la sixième édition (2004) du livre de règles réitère des propositions similaires :

[Les joueurs] jouent le rôle de personnages qui tentent de résoudre une énigme ou de trouver une solution à une situation. (Les règles appellent ces personnages des « investigateurs » parce que c’est ce qu’ils font, pas parce qu’ils sont des enquêteurs professionnels – les personnages-joueurs peuvent avoir toutes sortes de professions.) [...] Le jeu est une interaction évolutive entre les joueurs (sous l’apparence des personnages démêlant une énigme) et le gardien, lequel décrit l’univers dans lequel le mystère se déroule. (L’Appel de Cthulhu, 2004, pp.24-25)

 

La première et la sixième édition de L’Appel de Cthulhu offrent toutes deux des conseils spécifiques d’ordre structurel, quasi identiques en ce qui concerne la construction d’une telle histoire d’épouvante mystérieuse. Dans la première édition :

Dans L’Appel de Cthulhu, chaque scénario peut être organisé comme les différentes couches d’un oignon. Chaque fois que les personnages retirent une couche, ils devraient en découvrir une autre. Ces couches devraient se succéder ainsi jusqu’à ce que les joueurs décident eux-mêmes qu’ils vont trop loin et cessent leurs investigations. À la surface, le scénario ne devrait ressembler à rien de plus qu’une banale maison hantée, un culte mystique, ou même un canular. Au fur et à mesure que les joueurs progressent dans l’énigme, il faudrait leur donner des indices ou des notes leur montrant la plus grande importance de cette maison hantée en particulier dans le complot. (1981, p.71)

 

Dans la sixième édition :

Dans L’Appel de Cthulhu, un scénario peut être organisé comme les couches d’un oignon. À la surface, supposez que le scénario semble impliquer une banale maison hantée. Cela pourrait même apparaître comme un canular. Au fur et à mesure que les investigateurs pénètrent la première couche, ils devraient en découvrir une autre en-dessous. Ces couches pourront se succéder ainsi jusqu’à ce que les investigateurs décident eux-mêmes qu’ils vont trop loin et arrêtent leurs investigations. Au fur et à mesure que les investigateurs se plongent dans l’intrigue, des indices et des renseignements devraient situer la maison hantée au coeur d'un plus grand ensemble (L’Appel de Cthulhu, 2004, p.135)5 [p.205 de la sixième édition française, le lecteur trouvera une traduction libre du schéma repris ici par K.Hite, (NdT)]

 

La sixième édition fournit également un encadré avec des indications pas-à-pas pour la « construction de scénarios » [la sixième édition française reprend ce schéma dans un encadré intitulé : « Structure classique d’un scénario », p.205 (NdT)]

Comme la plupart des aventures de Cthulhu sont des énigmes dont la résolution amène la compréhension, leur structure est progressive et orientée vers la solution de problèmes et, dans l’ensemble, sont plus semblables que différentes [...]

 

1) Une énigme ou une situation de crise est exposée [...]

2) Les investigateurs sont associés au problème [...]

3) Les investigateurs tentent de cerner l’énigme [...]

4) Les investigateurs utilisent les indices et les preuves pour affronter le danger [...]

5) L’énigme ou le problème est résolu. » (Ibid., p.136)

Dans La Philosophie de l’horreur, Noël Carroll (1990) souligne non seulement une normalisation similaire entre les intrigues d’épouvante et les intrigues policières, mais il produit également un schéma très ressemblant de la structure d’une intrigue d’épouvante (ce que Carroll nomme « l’intrigue de découverte complexe »). Carroll définit quatre niveaux au lieu de cinq : « mise en place, découverte, confirmation et confrontation », ce qui correspond presque parfaitement aux quatre premières étapes du livre de règles de L’Appel de Cthulhu cité plus haut (Carroll, 1990, p.99). La cinquième étape, « résolution », est plus propre au jeu de rôle offrant la possibilité de personnages récurrents, qu’aux récits d’épouvante en général. De fait, cette conception de la narration d’épouvante n’est pas propre au jeu de rôle ou à L’Appel de Cthulhu6.

Le livre de règles L’Appel de Cthulhu, sous-titré « jeu de rôle d’épouvante dans l’univers d’H.P. Lovecraft » (L’Appel de Cthulhu, 2004, p.3)7, présente donc les énigmes d’épouvante comme caractéristiques des aventures pour L’Appel de Cthulhu. Cela implique fortement que de telles structures narratives soient tout aussi caractéristiques du corpus d’histoires d’H.P. Lovecraft sur lequel est basé le jeu. Comme exemple d’une telle histoire de mystère effroyable, les première et sixième éditions du livre de base font toutes deux référence au roman d’H.P. Lovecraft, L’Affaire Charles Dexter Ward, en termes quasiment identiques (L’Appel de Cthulhu, 1981, p.71 ; L’Appel de Cthulhu, 2004, p.135)

L’éminent spécialiste de Lovecraft, S.T. Joshi, apporte son concours en désignant l’Affaire Charles Dexter Ward comme « la meilleure enquête policière surnaturelle jamais écrite », notant par ailleurs que « tout le style et la construction du roman sont ceux d’une enquête policière » (1990, p.195). De la même façon, d’autres nouvelles de Lovecraft suivent les grandes lignes du polar d’épouvante définies par l’intrigue de découverte complexe ou par l’encadré « Construire un scénario ». La Maison maudite, L’Abomination de Dunwich, Le Monstre sur le seuil, La Peur qui rode, L’Horreur à Red Hook et Les Rêves dans la maison de la sorcière peuvent toutes être lues comme des polars d’épouvante, conclues finalement par l’élimination victorieuse de l’horreur, non sans un certain prix du point de vue des personnages. Charles Dexter Ward, par exemple, ne survit pas au récit, bien que le sorcier maléfique qui le tue soit vaincu.

Un autre groupe de nouvelles de Lovecraft toutefois, tire sa puissance de la non-élimination de l’horreur, en dépit de la résolution effroyablement victorieuse de l’intrigue. Elles comprennent Les Rats dans les murs, Celui qui murmurait dans les ténèbres, Le Modèle de Pickman, Dans l’abîme du temps, Les Montagnes hallucinées, Le Cauchemar d’Innsmouth, Celui qui hantait les ténèbres, et ironiquement L’Appel de Cthulhu, elle-même. Dans tout ces récits, les monstruosités survivent, détruisent complètement le narrateur, ou sont détruites avec lui.

Un autre groupe de récits de Lovecraft diverge encore davantage du modèle du polar d’épouvante en se rapprochant de ce que Carroll nomme la structure narrative du « transgresseur » (Carroll, 1990, p.118). Dans des récits tels que Le Témoignage de Randolph Carter, Aux portes de l’au-delà, Emprisonné avec les pharaons et Herbert West, réanimateur, la quête d’un savoir interdit par un personnage principal transgresseur se retourne épouvantablement contre celui-ci.

Il y a aussi comme un chevauchement : par exemple, Les Rêves dans la maison de la sorcière peut être lue comme une intrigue de transgresseur et Carroll lit L’Abomination de Dunwich comme une combinaison de l’intrigue de transgression (à propos du sorcier maléfique, Whateley) et de l’intrigue de découverte (à propos du bon savant, le Dr Armitage) (Ibid., p.124). De la même manière, un polar d’épouvante qui en dévoile trop, comme Les Montagnes hallucinées, peut aussi être lu comme un récit de transgresseur dans lequel l’acte d’enquêter sur le mystère est en lui-même un acte de transgression.

Bien que je ne me rappelle d'aucun scénario publié pour l'Appel de Chtulhu qui demande ouvertement aux joueurs d’interpréter des personnages transgressifs qui en deviennent fous8, les règles fonctionnent pour appliquer lentement ce destin sur tous les investigateurs dans une sorte de méta-narration intégrant le fil entier de leur existence. Selon les règles de l'Appel de Chtulhu, en apprendre davantage sur le « Mythe de Chtulhu » (que cela soit en lisant des livres, voyant des monstres, ou jetant des sortilèges) coûte aux investigateurs leur santé mentale, qui s'abaisse de façon permanente au fur et à mesure que leur score de connaissances du Mythe de Chtulhu augmente (Appel de Chtulhu 2004, 40, 67, 75-76). Ainsi, chaque investigateur devient par définition un individu transgressif, condamné au même sort que les malheureux narrateurs de la nouvelle l'Appel de Chtulhu ou des Montagnes Hallucinées. Comme Sandy Petersen, le créateur du jeu, l'écrit : « le concept global de santé mentale imprègne le jeu et le rend tel qu'il est ». Bien que quelques concessions à la jouabilité requièrent un mécanisme pour regagner temporairement la santé mentale, « la tendance reste certainement orientée vers la perte de santé mentale plutôt que vers le gain » (Petersen 1982, 8-13)9.

Ceci dit, certains scénarios publiés de l'Appel de Chtulhu suivent davantage la structure narrative complexe de découverte, que ne le font les histoires de Lovecraft. Cependant, de nombreuses aventures réussissent à présenter des transgresseurs comme des éléments-clés (généralement des méchants) du mystère, d'une façon assez proche de celle où Lovecraft combina les deux genres dans l'Abomination de Dunwich. Une ancienne version de ce modèle apparaît dans Shadows Over Hollywood, un scénario court inclus dans la première édition du livre de règles, et dans lequel le culte transgresseur de Santa Maria de la Sombra Segunda s'annihile entièrement avant le début de l'aventure (Appel de Chtulhu, 1981, 91-92).

Le premier exemple clair de ce que nous pourrions appeler « enquête sur la transgression » d’intrigue dans un scénario du commerce, apparaît dans L’Asile d'Aliénés et autres contes (1983). D'autres exemples incluent La malédiction de Chaugnar Faugn [Publié dans La Malédiction des Chtoniens (NdT)] (1984) et l’apothéose du genre, peut-être, en 1990 avec At Your Door [non traduit], qui mêle les malheureux investigateurs à un duel entre deux transgresseurs rivaux. Delta Green de Pagan Publishing (1997)10 présenta une conspiration de transgresseurs (Majestic-12) comme les ennemis principaux des investigateurs. L’étrange frisson de Delta Green tient beaucoup à la forte implication que l’agence-mère des investigateurs, - la conspiration éponyme Delta Green -, est elle-même happée dans une spirale trangressive.

Le décor de campagne Delta Green (ou « structure narrative », ainsi que John Tynes s'y réfère) (Delta Green, 4) réussit de façon spectaculaire à répondre à la quadrature du cercle en offrant à la fois une découverte complexe, de la transgression, et des nobles destins pour les investigateurs, tout en les liant inexorablement dans le malthéisme matérialiste du Mythe de Chtulhu [le malthéisme est la croyance que Dieu existe et est fondamentalement cruel et méchant (NdT)].

[Le style littéraire] « polar-horreur », tel que noté auparavant, est très contraint : les personnages doivent découvrir l'horreur, relever des indices de l’horreur, se confronter à l’horreur, et se battre contre l’horreur, le tout dans cet ordre. Le moyen le plus simple de structurer une telle histoire est de présenter des indices qui mènent chacun à l'indice suivant, comme des petits cailloux sur une piste ou des perles le long d'un collier.

Les scénaristes de Chaosium explorèrent alors les frontières des formes d'aventure de jeux de rôle. Les scénaristes ont expérimenté la « limite géographique » [unicité de lieu (NdT)] commune dans les scénarios de Donjons & Dragons. Tout ce qui est nécessaire à ces aventures est que les investigateurs entrent dans la crypte, ou la maison hantée, ou le labyrinthe des goules ; l'acte de se confronter à des horreurs distinctes dans chaque chambre ou pièce - leur ordre étant peu important - fournit des indices suffisants pour la confrontation finale. Une telle conception « porte-monstres-trésor » est évidente dans la Montagne du Diable Noir [Publié dans L’Asile d'Aliénés et autres Contes (NdT)] (1983), la Maison Hantée [paru dans La Trace de Tsathogghua (NdT)] (1984), La Dague de Toth [dans La Malédiction des Chtoniens] (1984), la Cité sans Nom [dans La Malédiction des Chtoniens] (1984), et dans les Demeures de l'Épouvante (1990), une collection d'aventures de maisons hantées10.5.

Allant dans une autre direction, certains créateurs mirent en avant des scénarios « coup de poing » (gauntlet) dans lequel les personnages ne peuvent rien faire d'autre qu'être témoins d'horreurs inimaginables, et d'espérer survivre pour raconter leurs aventures. Ces histoires manquant de rôle pour les joueurs, elles tendent à être présentes dans de plus grandes campagnes. De tels exemples incluent The Rise of R'lyeh dans Shadows of Yog-Sothoth (1982), les sections Xura de The Land of Lost Dreams [publié dans H.P. Lovecraft's Dreamlands (NdT)] (1986), et Une ville de tours et de cloches de Terreur sur l'Orient Express (1991).11 L'exemple paradigmatique le plus proche de cette forme est peut-être Le Peuple du Monolithe, [dans Shadows of Yog-Sothoth] (1982),12 largement inspiré d'une histoire de Robert E. Howard dans laquelle le narrateur inhabituellement passif s'endort sous un monolithe hongrois et rêve d'une cérémonie très ancienne.

Aucune discussion sur la structure narrative de l'Appel de Cthulhu ne serait complète sans mentionner les Masques de Nyarlathotep (1984) de Larry DiTillio et Le Raid sur Innsmouth [scénario publié dans L’Evasion d’Innsmouth (NdT)] (1992) de Keith Herber. Bien que similaire à d'autres campagnes (pour l'Appel de Chtulhu et d'autres JdR), les Masques de Nyarlathotep présentaient un ensemble d'aventures liées entre elles se terminant par une confrontation et résolution finales, et qui se détachait radicalement de la linéarité conventionnelle. Chaque aventure contenait des pistes vers tous les autres chapitres de la campagne ; les investigateurs pouvaient suivre les aventures dans n'importe quel ordre.

Les grands méchants, pendant ce temps, suivaient leur propre planning, avec leur grande cérémonie prévue (par le Maître de Jeu) pour se déclencher après que les investigateurs aient accompli toutes les aventures de « phases de confirmation » et gagné la connaissance nécessaire pour (espérons-le) venir à bout de l'intrigue. À l'intérieur de chaque scénario, DiTillio combinait des limites géographiques (chaque chapitre a pour décor une seule ville) avec une structure ouverte ; quelques rencontres n'étaient que de simples bains de sang, d'autre étaient des pièges ou énigmes retors, d'autres étaient des « porte-monstres-trésor », et d'autres encore étaient entièrement des fausses pistes. Les joueurs pouvaient suivre leurs propres instincts d'enquêteurs dans un environnement « à cibles multiples », avec l’extraordinaire mortalité de la campagne comme contrainte opposée aux actions des joueurs, - alors que d’habitude, la contrainte provient seulement de l’intrigue.

Pour d'obscures raisons, malgré une critique enthousiaste de ce modèle, Chaosium retourna ensuite aux structures de campagne conventionnelles, allant même jusqu'à détourner les critiques sur la linéarité des campagnes, en plaçant Terreur sur l'Orient-Express (1991) littéralement sur des rails. Cette année-là, le créateur Keith Herber inventa la structure sauvagement radicale du Raid sur Innsmouth. Cette aventure est divisée en six mini-scénarios appelés « objectifs ». On assigne à chaque investigateur un objectif ; pendant la résolution des objectifs des autres PJ, son joueur prend le rôle d'un personnage-chair-à-canon sacrifiable. Tandis que les objectifs tournent autour de la table, toute l'histoire du raid est révélée aux joueurs, bien que jamais à un seul des personnages. Le Raid sur Innsmouth est certainement l’aventure formellement la plus ambitieuse jamais publiée de Chaosium, et peut-être de tous les éditeurs de jeu de rôle13. Comme les Masques de Nyarlathotep, elle devint une forme d'aventure exemplaire pour l'Appel de Cthulhu, mais pas un modèle.

L'influence majeure de Lovecraft sur le roman d'horreur était thématique et mythique, plutôt que formelle. L'intrigue de découverte (comme celle des histoires de détectives) remonte à Edgar Poe, et l'intrigue de transgression pourrait tout aussi bien être appelée « l'intrigue de Frankenstein », d'après son exemple le plus célèbre. Bien que Lovecraft ait produit des chefs-d'œuvre dans les deux cas, il ne créa par de genre nouveau. Les grandes innovations de Lovecraft dans le genre furent la « révolution copernicienne » de l'horreur scientifique (dans laquelle le surnaturel devient plutôt extraterrestre) (Leiber 1980) et la création de la mythologie malthéiste de Chtulhu, de Yog-Sototh et ainsi de suite, - le « Mythe de Chtulhu » -, comme un environnement terrifiant qui s'étend tout au long du temps et de l'espace (Joshi 1990, 190-193).14

En plus du concept plus large d'une « anti-mythologie », beaucoup des contemporains et successeurs de Lovecraft ont adopté les déités spécifiques, grimoires, et autres éléments du Mythe de Cthulhu pour leur propre fiction, divorçant souvent, dans le processus, du matérialisme austère et scientifique de Lovecraft. Ces auteurs ajoutaient également leurs propres ouvrages, monstres, et divinités au mythe, comme dans les aventures publiées pour l'Appel de Cthulhu15.

Chaosium et ses partenaires détenant la licence ont utilisé le Mythe de Chtulhu plus que Lovecraft ne l'a fait ; seule une poignée d'aventures publiées n'utilisent pas de ressortissants d'un des sinistres panthéons mythiques et étranges de Lovecraft, ou de ses livres maléfiques. Cependant, les publications sur L'Appel de Chtulhu ne suivent pas toutes Lovecraft dans son matérialisme absolu ou dans son malthéisme total. Les fantômes, vampires et autres loups-garous apparaissent dans la section du bestiaire (non-mythique) du livre de base L'Appel de Chtulhu (2004, p. 205, 209-10) (2) et des sorts de guérison apparaissent dans le Grimoire Mythique (ibid, p. 237).

De même, les intrigues de plusieurs scénarios du commerce ressemblent plus aux successeurs de Lovecraft qu'à celui-ci, à commencer par la première campagne de L'Appel de Chtulhu jamais publiée, Les Ombres de Yog-Sothoth, une aventure à travers le monde, en hommage à la série d'histoires d'August Derleth, La Trace de Chtulhu. Quelques aventures évoquent les successeurs de Lovecraft de leur plein gré, bien entendu, comme Goatswood (2001) de Ramsey Campbell [(le bois des boucs); non traduit], une série de scénarios basée sur les contributions de Campbell au mythe de Chtulhu.

Moins explicitement, des scénarios de L’Appel de Chtulhu ont dérivé du mythe de Chtulhu, exploré d'autres facettes, d'autres approches de l'horreur, tout comme les autres auteurs d’épouvante post-Lovecraftiens. Le portrait que Keith Herber brosse d'une ville en décrépitude dans Retour à Dunwich ne s'appuie pas sur les histoires du Mythe de Chtulhu de Ramsey Campbell, mais sur sa vision sinistre d'une société désespérée dans des romans comme The Face that Must Die (et peut-être sur les romans d'épouvante de Stephen King, situés en Nouvelle-Angleterre ouvrière). Clive Barker amplifie l'horreur physique en abordant les thèmes de la modification corporelle (la sexualité explicite reste encore taboue dans un produit destiné à la vente aux mineurs aux États-Unis...) et du cannibalisme, mis en avant dans des campagnes comme At Your Door (1990) et The Realm of Shadows (1997).

Grâce à des romans tels que Psychose de Robert Bloch, la série Hannibal Lecter de Thomas Harris, la fiction d'horreur psychologique et intériorisée a regagné en vitalité et a été un appui solide pour la description de la folie dans L'Appel de Chtulhu, avec un sommet du genre en la présence d'Unseen Masters (2001 - non traduit), écrit par Bruce Ballon, qui introduisit la notion d’impossibilité de se fier à la narration dans la conception de scénarios pour la gamme. Ce scénario reçut le prix Mary Seeman du département de psychologie de l'Université de Toronto 2001 pour son « travail exemplaire dans le domaine de la psychiatrie et des sciences humaines. » Ballon fait mention de ses inspirations pour la campagne : Montague Rhodes Jamesen, Philip K. Dick, Umberto Eco et les « films d'enfants possédés, que je regardais pendant ma prime jeunesse » (Unseen Masters, 81, 127). De manière encore plus explicite, Une ville de tours et de cloches (1991) tente d'adapter l'horreur à la Thomas Ligottien-16, fantasmatique, surréelle, à un scénario de L’Appel de Chtulhu ; l'aventure se déroule dans une Zagreb expressionniste et étrange - un cauchemar envoyé aux Investigateurs. Le scénario va même jusqu'à inclure une nouvelle de Ligotti - Le Journal de J.P. Drapeau -, comme guide du joueur.

En résumé, la profondeur et la diversité des explorations thématiques et mythiques de la gamme des scénarios de L’Appel de Chtulhu des vingt-cinq dernières années rend compte de l'état de la fiction d'horreur depuis la « révolution copernicienne » qu'a opéré Lovecraft.

Il est difficile de dire si les comportements de jeu ont changé depuis 1981, mais l'expérience personnelle et des indices anecdotiques indiquent que non. Les groupes de jeu n'adoptent pas vraiment le style aux personnages multiples de Raid sur Innsmouth, bien que (ou peut-être parce que) le livre de règles encourage timidement la multiplicité des personnages (L’Appel de Chtulhu, 2004, p. 28-29 (3)). Même les scénarios de conventions, alors qu'ils autorisent une grande variétés de personnages et de décors (puisqu'ils ne sont pas faits pour être joués en campagne), ne touchent pas souvent à la structure narrative « enquête sur l'horreur », sauf pour la comprimer pour tenir dans des sessions de quatre heures17. Bien que les groupes de jeu puissent faire varier leurs pratiques, plusieurs facteurs sont susceptibles de standardiser et de stabiliser les manières de jouer au sein de la population de rôlistes jouant à L’Appel de Chtulhu.

Le premier de ces facteurs est la rapidité du renouvellement général des rôlistes. Les joueurs commencent le jeu de rôles vers douze ou treize ans, avant le lycée, jouent jusque vers seize ans (arrêtent lorsqu'il leur est possible d'obtenir une voiture [aux États-unis], ce qui ouvre la porte à des activités concurrentes), se remettent à jouer à la fac, lorsque la mobilité et les choix sont à nouveau restreints de manière artificielle, puis s'en détachent après l'obtention du diplôme souhaité, de leur mariage, de la naissance de leur enfant, ou d'autres changements dans leur vie18. En comprenant cela, on peut estimer la durée de vie d'un groupe à quatre ans au plus ; même si les joueurs jouent à L’Appel de Chtulhu pendant la totalité de leur investissement rôliste (et c'est improbable), la structure d'aventure traditionnelle ne perdra pas son attrait 19.

Un autre facteur réside dans le conservatisme institutionnel de Chaosium. Le livre de règles de L’Appel de Chtulhu, malgré ses six éditions (sans compter les nombreuses réimpressions) depuis 1981, a très peu changé. Le système de jeu principal, les conseils officiels – la plupart du livre de règles, en fait – sont restés inchangés (et solides) tout du long.

Lynn Willisen, qui a écrit en partie les règles sur les dérangements mentaux en 1981, a dirigé le développement de L’Appel de Chtulhu en tant que responsable éditorial depuis 1993 et a contribué à presque tous les produits L’Appel de Chtulhu. Charlie Krank, le développeur produit et maquettiste de la sixième édition du livre de règles, a testé les règles de la première édition. Aucune autre gamme ne peut se targuer d'une longévité comme celle-ci, ni d'une telle continuité dans les ressources humaines.

De plus, Chaosium lance des réimpressions et des compilations de plusieurs scénarios anciens, à destination de rôlistes plus jeunes. Huit des onze livres de scénarios disponibles à ce jour chez Chaosium sont des rééditions, dont une réimpression de la toute première campagne de L’Appel de Chtulhu - Les Ombres de Yog-Sothoth. Deux scénarios du livre de règles originel, La Maison Hantée20 et Le Fou21, sont toujours inclus dans la sixième édition du livre de règles (L’Appel de Chtulhu, 1981, pp. 74-77. id., 2004, pp. 250-255 et 265-269) (4).

Il y a encore un facteur qui réside dans l'influence d'un corpus réduit et stagnant de textes-archétypes – les Mythes Lovecraftiens – sur lesquels baser les scénarios. Bien que les joueurs de L’Appel de Chtulhu puissent aller à la rencontre des écrits de Lovecraft grâce à Stephen King ou d'autres écrivains contemporains, ou « sauter » de Lovecraft à de la fiction d’épouvante plus (ou moins) récente, le livre de règles encourage tout naturellement à s'en tenir aux œuvres de Lovecraft pour constituer le cœur et le modèle de L’Appel de Chtulhu.

Chaosium a renforcé cette tendance en publiant des scénarios qui n'étaient que de pures adaptations des histoires de Lovecraft, ou des suites de celles-ci, comme par exemple La Fuite d'Innsmouth (1992), Retour à Dunwich (1991) et Par-delà les Montagnes Hallucinées. La nature même de la fiction lovecraftienne renforce toujours plus cette tendance. Bien entendu, cette fiction a été écrite pour le lectorat des magazines pulp, ce qui correspond donc plutôt à de jeunes garçons adolescents, soit le noyau dur démographique du jeu de rôles aujourd'hui22. La découverte du jeu de rôles et de Lovecraft arrive souvent vers le même âge, confirmant la position déjà dominante des écrits de Lovecraft comme bible pour L’Appel de Chtulhu.

Ainsi, la forme standardisée des scénarios de L’Appel de Chtulhu, dérivée d'une nécessité commerciale, est amalgamée à la structure narrative lovecraftienne, laquelle est invoquée (probablement plus par les joueurs que par les auteurs des scénarios) pour justifier leur manière de jouer standardisée. Le texte de L’Appel de Chtulhu et les choix éditoriaux de Chaosium confirment tous ces penchants, et l'ont fait de manière délibérée depuis 1981. Le résultat est un jeu dont la création et la narration sont en tension constante, entre la narration d’une aventure et une histoire plus ouverte centrée sur les personnages; entre la structure narrative standard des aventures d'une part, et les tendances dans la création de scénarios et d'histoire d'Horreur d'autre part.

Vu la longévité et le succès artistique dont bénéficient à la fois Chaosium et L’Appel de Chtulhu, cette tension semble productive.

_____________________________________

Ouvrages cités

Carroll, Noel, The Philosophy of Horror, London : Routledge, 1990.

Dancey, Ryan S., Adventure Game Industry Market Research Summary, 2000. Harms, Daniel, The Encyclopedia Cthulhiana (2ème édition), Oakland, CA : Chaosium, 1998. Hite, Kenneth, Nightmares of Mine, Charlottesville, VA : Iron Crown Enterprises, 1999 Jarocha-Ernst, Chris, A Cthulhu Mythos Bibliography & Concordance, Seattle, WA : Armitage House, 1999. Joshi, S. T, The Weird Tale, Austin, TX : University of Texas Press, 1990. Joshi, S. T, The Modern Weird Tale, Jefferson, NC: McFarland, 2001. Leiber, Fritz Jr.,A Literary Copernicus. dans H. P. Lovecraft: Four Decades of Criticism, edité par S. T. Joshi, Athens, OH: Ohio University Press, 1980. Petersen, Sandy, Call of Cthulhu Designer's Notes, pp.8 – 13, dans Different Worlds 19 (1982).

Jeux de rôles cités

Ars Magica, Jonathan Tweet and Mark Rein-Hagen ; Descartes Éditeur, 1993 - la troisième édition anglophone (1988)

L’Asile, dans L’Asile d’aliénés et autres contes, Randy McCall, Sandy Petersen ; Descartes Éditeur, 1984 (Chaosium, 1983) At Your Door, L.N. Isinwyll, Mark Morrison, Barbara Manui, Chris Adams, Scott D. Aniolowski, et Herbert Hike ; Chaosium, 1990. Par-delà les montagnes hallucinées, Charles Engan et Janyce Engan ; éditions Sans-Détour, 2010 (Chaosium, 1999) La Montagne du diable noir, dans L’Asile d’aliénés et autres contes, David A. Hargrave et Sandy Petersen. Descartes Editeur, 1984 (Chaosium, 1983) Call of Cthulhu (1ère édition), Sandy Petersen ; Chaosium, 1981. [non traduite en français] Call of Cthulhu (6ème édition), Sandy Petersen and Lynn Willis ; Chaosium, 2004. [NdT : L’Appel de Cthulhu (6ème édition); Sans-Détour éditions, 2008. La version française ne comprend pas que la traduction mais présente aussi une refonte du système de jeu]

La Cité sans nom, dans La Malédiction des Cthoniens, William Hamblin Descartes Éditeur, 1984 (Chaosium, 1984).

L’Intégrale des masques de Nyarlathotep, Larry DiTillio et Lynn Willis. Descartes Editeur, 1998 (Chaosium. 1996).

Convergence dans The Unspeakable Oath 7, pp.58-77, John Tynes ; Pagan Publishing, 1992.

Cthulhu by Gaslight, William A. Barton. Descartes éditeur, 1987 (Chaosium, 1987)

La Malédiction de Chaugnar Faugn dans La Malédiction des Cthoniens, William A. Barton et Sandy Petersen, Descartes éditeur, 1984 (Chaosium, 1984)

Delta Green, Dennis Detwiller, Adam Scott Glancy, et John Tynes. Descartes éditeur, 1999 (Pagan Publishing, 1997).

Delta Green: Countdown, Dennis Detwiller, Adam Scott Glancy, et John Tynes ; Pagan Publishing, 1999.

Devil's Children, David Conyers, David Godley, et David Witteeven ; Pagan Publishing, 1993.

Les Grands Anciens, Marcus L. Rowland, Kevin A. Ross, Harry Cleaver, Doug Lyons, et L. N. Isinwyll. Descartes éditeur, 1990 (Chaosium. 1990)

L’Évasion d’Innsmouth, dans L’Évasion d’Innsmouth, Kevin Ross. Descartes Editeur, 1994 (Chaosium. 1992)

La Maison hantée, Keith Herber. Descartes Éditeur, 1984 (Chaosium. 1984)

Terreur sur l’Orient Express, Geoff Gillan, Mark Morrison, Nick Hagger, Bernard Caleo, Penelope Love, Russell Waters, Marion Anderson, Phil Anderson, Richard Watts, Peter F. Jeffery, Christian Lehmann, L. N. Isinwyll, et Thomas Ligotti. Descartes éditeur 1994 (Chaosium. 1991)

In a City of Bells and Towers. dans Horror on the Orient Express. Mark Morrison; Chaosium. 1991. Publication originale dans Dagon 22/23 (1988): pp.47 - 54.

In Media Res. dans The Unspeakable Oath 10 (1993). John Tynes; Pagan Publishing. 1993.

The Land of Lost Dreams. H.P. Lovecraft's Dreamlands. Mark Morrison and Sandy Petersen (editors); Chaosium. 1986. [Le Pays des rêves perdus, Descartes éditeur, 1987]

Les Demeures de l’épouvante, Fred Behrendt, Michael DeWolfe, Keith Herber, Wesley Martin, et Mark Morrison. Descartes éditeur, 1991 (Chaosium. 1990)

Les Masques de Nyarlathotep, Larry diTillio. Descartes éditeur, 1984 (Chaosium. 1984)

Le Peuple du monolithe, Ted Shelton; dans Les Ombres de Yog-Sothoth, Descartes éditeur, 1984 (Chaosium. 1982).

Le Raid sur Innsmouth, dans L’Evasion d’Innsmouth, Keith Herber et al. Descartes éditeur, 1994 (Chaosium. 1992)

Ramsey Campbell's Goatswood and Less Pleasant Places. Scott David Aniolowski, Gary Sumpter, Richard Watts, J. Todd Kingrea, Clifton Ganyard, Rob Malkovich, Steve Spisak, Mike Mason, and David Mitchell; Chaosium. 2001.

Le Royaume des Ombres, John H. Crowe III. Descartes éditeur, 2000 (Pagan Publishing. 1997)

Retour à Dunwich, Keith Herber; Descartes éditeur, 1992 (Chaosium. 1991)

La Remontée de R’lyeh, Sandy Petersen; dans Les Ombres de Yog-Sothoth. Descartes éditeur, 1984 (Chaosium. 1982)

Les Ombres de Yog-Sothoth, John Carnahan, John Scott Clegg, Ed Gore, Marc Hutchison, Randy McCall, et Sandy Petersen. Descartes éditeur, 1984 (Chaosium. 1982)

Le rejeton d’Azathoth, Keith Herber. Descartes éditeur, 1986 (Chaosium. 1987)

La Dague de Thoth, William Hamblin; dans La Malédiction des Cthoniens, Descartes éditeur, 1984 (Chaosium. 1984)

Unseen Masters. Bruce Ballon; Chaosium. 2001.

Vampire : le Requiem, Justin Achilli, Ari Marmell, Dean Shomshak et C. A. Suleiman; Hexagonal, 2005. (White Wolf Publishing. 2004)

Notes _________________________

1Il n’y a aucune base de données de joueurs fiable à l’heure actuelle, mais les ventes de suppléments White Wolf par exemple, sont en gros cinq à dix fois plus élevées que celles de Chaosium. D’après une étude de marché de 1999 menée par Wizards of the Coast, 8% des rôlistes sur table jouaient a L’Appel de Cthulhu au moins une fois par mois, comparé aux 40% pour les jeux du système Storyteller (Vampire : La Mascarade et Werewolf : l’Apocalypse) et aux 66% pour Donjons et Dragons (Dancey, 2000). L’étude de Dancey et son résumé des résultats ont soulevé des critiques d’un peu partout dans le milieu rôliste et chez les fans. Les griefs étaient méthodologiques et idéologiques, mais de meilleures données n’ont pas été diffusées à ce jour.

2Les Grands Anciens (1990), Terreur sur l’Orient Express (1991), L’Intégrale des masques de Nyarlathotep (1996), Par-delà les montagnes hallucinées (1999)), Unseen Masters (2000).

3Cthulhu by Gaslight (1987), Delta Green (1997), et Delta Green : Countdown (1999)

4Les ombres de Yog-Sothoth (1982) et Le Rejeton d’Azathoth (1987)

5La version de la sixième édition est légèrement moins prescriptive que la première, substituant « peut » à « devrait » et intitulée « Un exemple d’intrigue » plutôt que le marmoréen « Comment construire un scénario ».

6Cette conception de la création d’aventures n’est, malgré tout, pas universelle dans le jeu de rôle ou même dans le jeu de rôle d’épouvante. Par exemple, Vampire annonce dans le chapitre d'introduction ses intentions : que le conteur « construise des chroniques qui explorent la morale à travers la métaphore du vampirisme » (Vampire : the Requiem, p.14) en mettant l’accent sur le « Thème et l’humeur » (Ibid., p.16) plutôt que sur l’intrigue. La section « Intrigue » arrive au bout de dix pages dans le chapitre « L’Art de Conter » (Ibid., p.208) bien après « Personnages », « Décor », « Xénophobie » et finalement « Thèmes » (encore). Pour plus de ressources sur la construction d’aventure dans le jeu de rôle d’épouvante, voir Nightmares of Mine (Hite, 1999).

7Sur la page 1 de la première édition du livre de règles, le sous-titre indique : « Jeu de rôle fantastique dans les univers d’H.P.Lovecraft. »

8Au moins deux scénarios de Pagan Publishing suivent une structure d’intrigue de découverte dans laquelle les personnages sont (à leur insu) des aliénés transgresseurs. Ces deux scénarios sont Fils du démon (1993) et In media res (1993). Tous les deux ont d’abord été des scénarios de convention.

9La citation concernant la santé mentale apparaît p.11. Un sujet similaire concernant l’inévitable destinée de tous les investigateurs apparaît dans “Se préparer pour la fin”, à la page 143 de Call of Cthulhu

10La conspiration de Delta Green apparut pour la première fois dans Convergence, dans le magazine Unspeakable Oath de Pagan Publishing.

10.5Ben Underwood, de the electronic book review remarque : Greg Costikyan imagine la façon de dépasser le modèle de jeu linéaire dans sa contribution à Second Person [similaire aux réflexions de l'histoire du jeu de simulation-papierptgptb, NdT]

11Cette aventure a été publiée à l’origine dans Dagon 22/23, pp47-54 (1988).

12Le récit originel de Robert E. Howard est La Pierre noire.

13Le jeu de rôle Ars Magica (1988) est basé sur une structure de « groupe » dans ses campagnes. Les joueurs jouent à tour de rôle un Mage dominant, et la chair à canon que sont les Grogs, ou les bras droits- Compagnons, à chaque aventure; mais pas une seule aventure, à ma connaissance, n’attend des joueurs qu’ils fassent tourner les rôles du début à la fin. Je ne sais pas si [Keith] Herber était familier d’Ars Magica quand il a écrit le Le Raid sur Innsmouth.

14Lovecraft a adapté le concept d’un panthéon mythique à partir de Lord Dunsany, mais sa contribution fut de transposer les déités dans le monde moderne et de les décrire invariablement comme dangereuses, hostiles ou malveillantes.

15Le Mythe de Cthulhu a pénétré les oeuvres d’auteurs tels que Robert Bloch, Ramsey Campbell, August Derleth (qui a forgé l’expression le « Mythe de Cthulhu »), Neil Gaiman, Robert E. Howard, Stephen King et Colin Wilson. Voir Jarocha-Ernst (1999) ou Harms (1998).

Ben Underwood note : Frank, un roman récent de Ralph M. Berry, propose une variation sur Frankenstein, l’archétype littéraire du transgresseur. Cette réponse contient un débat entre Joseph Tabbi et Berri, inspiré par la critique du roman écrite par Tabby.

16Sur le style de Ligotti et ses contributions à l’épouvante, voir Joshi (2001).

17Un exemple de création d’aventure extrême pour une partie de convention est In media res de John Tynes, qui ne contient aucun élément habituel du Mythe et qui se centre sur les personnages joueurs amnésiques qui viennent apparemment tout juste de s’évader d’un asile d’aliénés criminels. J’ai vu dans divers programmes de conventions des remarques ponctuelles sur des parties dans lesquels les joueurs jouent le rôle d’adorateurs de Cthulhu ; je ne saurai dire si la structure de l’intrigue de cette aventure restait conventionnelle, bien que je pencherais plutôt pour dire que oui. Voir aussi la section « Parties en tournoi » dans L’Appel de Cthulhu (2004, pp146-147) [Cette partie n’est pas traduite dans l’édition française (NdT)]).

18Là encore, ces données sont largement anecdotiques mais Dancey (2000) les corrobore.

19Ma propre expérience en tant que Gardien pour L’Appel de Cthulhu pourra sans doute servir d’exemple. J’ai dirigé des parties de L’Appel de Cthulhu de façon régulière depuis 1981, aussi bien des campagnes standard (1981-1986, 1997-1999, 2000-2002) que des parties en convention (1989-1996). Malgré mon profil atypique en tant que créateur professionnel de jeu de rôle, et ma tendance croissante, dans d’autres systèmes de jeu, à faire jouer des structures narratives ouvertes tout à fait centrées sur les personnages, ma façon de jouer à L’Appel de Cthulhu est restée absolument formelle et traditionnelle tout du long (avec quelques exceptions dans des scénarios ponctuels, comprenant mon deuxième scénario de convention qui était une pure partie de chasse). De 1981 à 1988, j’ai avant tout fait jouer des aventures du commerce.

20Non pas le scénario de Keith Herber, décrit ailleurs dans cet article, mais la mini-aventure que l’on trouve dans le livre de règles de L’Appel de Cthulhu dans ses différentes éditions. [NdT : The Haunting/La Maison hantée est absent de la sixième édition française]

21Dans la sixième édition du livre de règles le scénario est intitulé The Haunting. [NdT : voir note précédente]

22d’après Dancey (2000), 19% des rôlistes sont des filles.

article original : Narrative Structure and Creative Tension in Call of Cthulhu


(1) NdT : une des raisons pourrait être commerciale, comme le suppose cet articleptgptb [Retour]

(2) NdT : on retrouve en partie une traduction “libre” de ce bestiaire dans l’édition française (2008, p.208 sq.) où les divinités et les monstres du Mythe semblent tenir une place plus importante que dans l’édition américaine ; le lecteur curieux trouvera en effet dans l’édition américaine un bestiaire beaucoup plus étoffé comprenant des animaux sauvages et des créatures n’appartenant pas au Mythe lovecraftien [Retour]

(3) NdT : la version française de la sixième édition ne contient bizarrement aucune mention de cette règle... [Retour]

(4) NdT : ces deux scénarios au classicisme éprouvé n'ont pas été repris dans la sixième édition française des Éditions Sans-Détour (2008) [Retour]

Note: 
Moyenne : 7.4 (15 votes)
Catégorie: 
Auteur: 
Nom du site d'Origine: 

Pour aller plus loin… panneau-4C

- la réponse de Van Leavenworth : Jouer avec le Mythe - Sur "La Maison hantée"ptgptb

- Retrouvez cet article et d'autres sur le phénomène Mythe de/Appel de Cthulhu dans notre e-book spécial 130e anniversaire de Lovecraft n°26 : Bons baisers de R'lyeh

Share

Ajouter un commentaire

Mention légale importante

Nous vous encourageons à faire un lien vers cette page plutôt que de la copier ailleurs, car toute reproduction de texte qui dépasse la longueur raisonnable d’une citation (c’est-à-dire, en règle générale, un ou deux paragraphes) est strictement interdite. Si vous reproduisez une grande partie ou la totalité du texte de cette page sans l’autorisation écrite de PTGPTB (version française), et que vous diffusez ladite copie publiquement (sites Web, blogs, forums, imprimés, etc.), vous reconnaissez que vous commettez délibérément une violation des lois sur le droit d’auteur, c’est-à-dire un acte illégal passible de poursuites judiciaires.