Utiliser le “Et” plutôt que le “Mais”

En tant que MJ, nous nous trouvons souvent dans des situations (que ce soit par la vertu du dé, du système de jeu ou notre propre intervention) où se produit en jeu un événement, que nous qualifions à l’aide de “et” ou de “mais”. Mais avez-vous vraiment pensé à ce qu’encourage un certain type de réponse et pourquoi ? Tout d’abord, admettons que ces deux conjonctions de coordination ne s’excluent pas mutuellement ; vous pouvez utiliser les deux dans vos parties.

Le pouvoir de l’improvisation

J’ai lu un extrait percutant du livre de Daniel Pink sur les techniques de vente, To Sell Is Human. Dans celui-ci, il décrit un exercice directement issu des techniques d’improvisation : la puissance d’utilisation du “et” pour bâtir un effort commun. Mais avant que nous discutions du “et”, jetons un œil à la manière dont nous envisageons habituellement les situations utilisant le “mais”.

Imaginez un exercice où deux individus construisent le dialogue à partir des affirmations de l’autre. La seule contrainte est qu’ils doivent débuter chaque assertion par “Oui, mais”. Au premier coup d’œil, cette obligation semble plutôt anecdotique, mais regardez ce que cela donne en pratique.

Joueur : “Je cherche des portes secrètes.

MJ : Oui, mais cela va te prendre du temps.

Joueur : Oui, mais nous ne pouvons pas contourner les gardes puisqu’ils sont trop nombreux.

MJ : Oui, mais vous n’avez pas envisagé de diversion pour les éloigner.

Joueur : Oui, mais nous voulons éviter un combat.

MJ : Oui, mais rien ne vous empêche de les prendre en embuscade.

Joueur : Oui, mais notre employeur nous a dit que nous serions payés le double si nous n’étions pas repérés.”

Vous voyez combien cela est contre-productif ? C’est presque cyclique. Bien évidemment, nous ne menons pas nos parties de cette manière, en utilisant exclusivement le “Oui, mais” pour décrire chaque événement. Mais le but était ici de montrer que le “Oui, mais” est intrinsèquement moins inclusif ; il peut bloquer les options et les consensus.

Maintenant, comme le décrit Daniel Pink, considérons la même discussion mais en utilisant le “Oui, et”.

Joueur : “Je cherche des portes secrètes.

MJ : Oui, et tu en trouves une sur le mur est.

Joueur : Oui, et nous allons placer la fausse preuve impliquant le Duc avant de partir.

MJ : Oui, et tu trouves un endroit approprié pour la mettre.

Joueur : Oui, et nous ne voulons pas que cela paraisse trop planifié ou évident.

MJ : Oui, et, compte tenu du background de ton personnage, c’est chose facile.

Joueur : Oui, et en partant, je m’assure de couvrir nos traces lorsque nous fermons la porte secrète.”

Vous voyez la différence ? “Oui, et” est intrinsèquement plus inclusif. Il encourage la collaboration quand le “Oui, mais” vous fait tourner en rond.

Donc lorsque vous êtes MJ, et que l’on vous pose une question dont vous ne connaissez pas la réponse, envisagez d’abord votre réponse avec un “Oui, et” pour voir ce qui se produit (1). Il y aura toujours des fois où vous direz “Non”. Le but n’est pas de s’écraser devant vos joueurs mais simplement d’encourager la collaboration (2).

En pratique

Je peine à trouver un meilleur exemple où ces techniques pourraient être utilisées que dans le nouveau JdR de Fantasy Flight Games, Star Wars: Edge of the Empire. Le mécanisme des dés est ainsi fait que, pour quasiment tous les jets, vous ne vous contentez pas de réussir ou d’échouer, mais quelque chose se produit, bon comme mauvais (3). Le truc est de décrypter les résultats de sorte que le cours du jeu ne s’interrompe pas, tout en impliquant le joueur dans la prise de décision.

Lorsque survient ce que ce jeu appelle un Avantage (Advantage), le MJ (ou le joueur) pourrait le défausser pour utiliser un “Oui, et” pour ses réponses – puisqu’un tel élément vous donne d’autres avantages en jeu que vous devriez recevoir.

Joueur : “Je tire sur le Stormtrooper.

MJ : Ok, vas-y et crée ton pool avec les modificateurs suivants.

Joueur : Un succès, ET un Avantage. Je touche le Stormtrooper pendant que j’esquive dans l’embrasure de la porte ET je récupère deux points de stress.

Réciproquement, un Danger (Threat) (qui peut même intervenir en cas de succès) peut s’appuyer sur un “Oui, mais” pour encadrer les résultats.

Joueur : “Je tire sur le Stormtrooper.

MJ : Ok, vas-y et crée ton pool avec les modificateurs suivants.

Joueur : Un succès, MAIS deux Dangers.

MJ : Ok, tu blesses le Stormtrooper MAIS, en faisant ainsi, tu t’exposes trop par rapport au petit couvert dont tu disposais, donnant à l’attaquant suivant un dé de boost (boost die) pour te toucher.”

Essayez de tenter le coup dans vos propres parties. Utilisez le pouvoir du “Oui, et” pour aider à construire des scènes en commun tout en évitant peut-être le “Oui, mais” sauf quand il est absolument nécessaire. D’ailleurs, même dans le deuxième exemple ci-dessus, nous aurions pu encadrer le résultat lié au Danger avec un “Oui, et” qui aurait donné le même résultat mais sans le côté “MJ contre joueur”.

MJ : “Ok, tu blesses le Stormtrooper ET, en faisant ainsi, tu t’exposes trop par rapport au petit couvert dont tu disposais, donnant à l’attaquant suivant un dé de boost pour te toucher.”

Est-ce purement sémantique ? Je ne le pense pas, en particulier lorsque cela implique les joueurs. N’hésitez pas à donner votre avis, que vous soyez d’accord ou non !

Commentaire de Danilo

Ce mécanisme est la base de FU : the Free Universal RPG (en). Le résultat de tout jet de dés est soit : NON ET, NON, NON MAIS, OUI MAIS, OUI, ou OUI ET. [C’est aussi le système de Wastburg (NdT)]

Commentaire de randite

Un autre exemple est Cosmic Patrol [Un JdR narratif de rétro-SF basé sur l’âge d’or de la science-fiction (NdT)]. Ce jeu demande expressément aux Narrateurs principaux (Lead Narrators) de développer tous les changements de la scène avec la réponse “Oui, et…”. D’expérience, le sentiment d’inclusion permis par ces deux simples mots alimente vraiment la création commune.

Cependant, il faut prendre garde à ce que cette sorte d’esprit sur-collaboratif n’emporte le jeu dans des directions étranges. L’exemple précis utilisé dans Cosmic Patrol impliquait une baleine de l’espace autostoppeuse. C’est super pour du gonzo ou de la SF rétro mais cela peut totalement ruiner un jeu orienté plus sérieux (si tout le monde n’est pas sur la même longueur d’onde).

Commentaire de Matthew J. Neagley

Je me rends compte que tu travailles avec des ressources qui utilisent ET en opposition à MAIS. Mais qu’en est-il du SI ? Par exemple, un “Oui, SI”, nécessitant une compensation.

Article original : Using “And” versus “But”

(1) NdT : Accepter la réussite des actions des PJ fait davantage avancer l’aventure que laisser les PJ échouer, cf. Faites un don ptgptb. [Retour]

(2) NdT : La collaboration entre participants (joueurs + MJ) constitue l’un des éléments fondamentaux de la meilleure phase de vie d’un groupe de jeu : la plénitude. Lire Les étapes d’évolution d’un groupe de JdR ptgptb. [Retour]

(3) NdT : Dans le même ordre d’idées, Apprenez à expliquer les échecs ptgptb de Ben Robbins suggère de rendre pleinement flamboyants les échecs des joueurs plutôt que de les passer sous silence. [Retour]

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Commentaires

Je ne suis pas tout à fait d'accord sur l'utilisation précisément du terme "et". En fait, "et" rajoute un aspect nouveau au scénario. La conjonction de coordination la plus logique dans le contexte serait plutôt un "donc".

C'est peut-être trivial, mais ce sont des codes qui s'utilisent aussi au cinéma à ma connaissance, lisser l'ensemble des concepts sous des appellations semblables me semble être le mieux. J'avais entendu, en gros, qu'une scène ne doit pas se découper par des "et" successifs, parce que ça ajoute des éléments nouveaux et décousus, mais par des "mais, donc" qui servent de connecteurs logiques dans une histoire.

Auteur : 
Sparfell

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