La disparition de James Dallas Egbert III (2e partie)
© 1999 Shaun Hately
Dans le dernier numéro, j’ai examiné les faits derrière la disparition de Dallas et l’enquête qui s’ensuivit. Je conclus en explorant les conséquences de l’enquête et en expliquant ce qui est réellement arrivé à Dallas.
[Résumé de la première partie ] William Dear voulait utiliser les médias pour l’aider à localiser Dallas. Toutefois, il voulait garder les hypothèses concernant le sexe et les drogues en dehors des journaux pour plusieurs raisons. La première est qu’il ne voulait pas que les gens détenant Dallas paniquent et le tuent, imaginant que la police était à leurs trousses. Il voulait également protéger Dallas ainsi que le Dr et Mme Egbert autant que possible. Pour ces raisons il mit en avant l’hypothèse concernant Donjons & Dragons. Malheureusement, les médias s’emparèrent de l’affaire et la traitèrent de manière sensationnaliste, au grand détriment de ce jeu de rôle (JdR). Plus tard, cette controverse sera également récupérée par les groupes anti-JdR comme “preuve” de l’effet néfaste du jeu. Cela a été étudié plus en profondeur dans Une Histoire du jeu de rôle [et le rapport Pulling ptgptb].
Le jeu de rôle comme bouc émissaire
Il faut reconnaître que l’unique intérêt de Dear était la sécurité d’un enfant. Tout le reste était, comme de juste, secondaire. Le fait que la théorie du jeu de rôle fût prise au sérieux par la communauté rôliste n’aida pas non plus. Je citerai pour preuve un extrait de l’article publié dans le magazine The Dragon n°30, en octobre 1979.
The Dragon, plus tard appelé Dragon Magazine, est le magazine rôliste le plus vendu au monde. Il [était] publié par TSR Inc., l’éditeur de la gamme Donjons & Dragons. L’article illustre aussi quelques-uns des effets de la disparition sur le loisir rôliste en général.
“Au moment où j’écris ces lignes (11 septembre [1979]), Donjons et Dragons reçoit la publicité dont nous ne faisions que rêver, du temps où nous nous gelions dans le sous-sol de Gary. Si nous avions le choix, elle ne serait pas arrivée de cette manière. Au moment où vous lisez ceci, j’espère que le mystère planant autour de la disparition de Dallas Egbert aura trouvé une résolution heureuse. Quelles que soient les circonstances de l’incident, ce fut un cauchemar aussi bien pour ses parents et sa famille que pour la société TSR Hobbies.
On a émis l’hypothèse que Dallas était impliqué dans une espèce de partie de D&D qui serait allée au-delà du jeu de rôle sur table et qui aurait muté en quelque chose de tragique. D&D fut pris comme lien possible pour plusieurs raisons. Premièrement, Dallas était un joueur passionné. Je l’ai effectivement rencontré à quelques conventions et il était abonné à TD (The Dragon).
Deuxièmement, il y avait le problème des épingles sur le panneau d’affichage, et l’hypothèse qu’elles formaient une espèce d’indice à la façon carte ou énigme de D&D. S’ajouta à cela le fait que la carte ressemblait peut-être au système de galeries de chauffe sous son université, et une information anonyme selon laquelle des parties “pour de vrai” y avaient été jouées par le passé, ainsi que dans d’autres endroit du campus. Des photos de la carte ont été envoyées à TSR pour analyse, sans résultats concrets.
Troisièmement, il disparut la veille de la GenCon XII, et il y a eu des témoignages selon lesquels des participants pensent qu’ils pourraient l’y avoir vu. Malheureusement, les registres d’inscription ne le montrent comme étant inscrit nulle part.
Enfin, Dallas avait un QI le classant comme génie, et D&D est un jeu très tarabiscoté et complexe, plaisant aux gens brillants. Cela fut jugé comme une preuve suffisante pour relier les deux, du moins dans les manchettes des journaux.
Certains de leurs reportages ont été aussi bizarres que les circonstances autour de toute l’affaire.
Le détective-chef engagé par les parents a fait quelques allégations inexactes sur le jeu de rôle, qui n’ont fait qu’alimenter la controverse et ajouter aux fausses idées qui l’entourent. Malheureusement, la nature des réponses erronées a conduit les journalistes à des spéculations sensationnalistes. D&D a été décrit comme une activité de type sectaire, et tout rédacteur en chef sait que les sectes font vendre des journaux, ou de la bouffe pour chiens, dans le cas de la télé.
Ces erreurs fondamentales ont relié la supposée manière de jouer à D&D à cette disparition. Les médias – à part [les agences de presses américaines] – ont rapporté les paroles du détective : “Vous avez le Maître de Donjon – il crée les personnages. Quelqu’un est mis dans les cachots (1) et il doit se débrouiller pour en sortir”. Il est encore cité plus loin “Dans certaines circonstances, quand on joue, on quitte vraiment son corps et son esprit”. Un policier du campus a dit que des douzaines de parties de D&D étaient en train d’être jouées par “des groupes très fermés”.
Tout ceci a donné du grain à moudre pour les journalistes et a résulté en quelques gros titres assez bizarres, jouant tous sur les aspects ésotériques du JdR, certains biaisés par les fausses conceptions. Un florilège de ce que nous avons vu ici, et seuls les dieux savent combien nous n’en avons pas vu, inclut : “Le jeune disparu pourrait être dans un jeu d’aventure”, “L’étudiant disparu victime du jeu ?”, “Le fantastique intellectuel (2) mène à une disparition étrange”, “L’étudiant aurait perdu la vie à cause d’un jeu intellectuel fantastique”, “On craint la mort de l’étudiant dans le donjon” et ainsi de suite.
La pensée la plus triste ici est que l’on a présumé existants tous les liens supposés [de D&D] avec ce malencontreux incident, quand en réalité aucune liaison de ce genre n’a été établie.
Aucune personne en relation avec D&D, des auteurs aux livreurs, en passant par les rédacteurs, pigistes et relecteurs, n’a jamais envisagé que quelque chose de ce genre pourrait arriver. Le moindre indice que ce jeu ait pu, d’une manière ou d’une autre, coûter la vie à quelqu’un, terrifie chacun d’entre nous.
Si ceci est vrai, et que lorsque le mystère sera résolu, les plus grandes craintes se réalisent, il y a quelque chose qui, profondément, ne va pas. Si Dallas est localisé et que tout se finit bien, la quantité de souffrance et de chagrin a certainement été disproportionnée.
Si le pire est vrai, que cela serve de triste et douloureuse leçon pour nous tous qui jouons aux JdR, que les jeux de rôles ne sont que des jeux, faits pour être d’amusantes distractions et une manière de passer le temps de façon amusante, et rien de plus.
TSR n’a jamais, au grand jamais, suggéré que D&D devait être réellement interprété. Comment le pourrait-il alors que la moitié de ce qui le rend si amusant – la magie – ne peut être simulée ?
Cet incident pourrait bien affecter chacun de ceux qui nous lisent. Si l’étiquette de “bizarre” reste accolée, nous devrions tous envisager l’idée que nous risquons de rencontrer du mépris, ou une fascination morbide, ou d’être marqués comme des “intellos dérangés” dans les médias. Au vu des déformations causées par les médias, il se peut qu’il incombe à chacun d’entre nous de chercher activement à corriger les fausses idées déjà formées ou en cours de formation quand et où cela est possible.
Pour l’instant, nous ne pouvons qu’espérer et prier que Dallas sera retrouvé en bonne santé. Aucun jeu ne vaut la peine que l’on meure pour lui…”
“The Dragon Roars” (Grondements de Dragon) par T.J. Kask. The Dragon, Octobre 1979, pages 1, 41.
Il faut peut-être clarifier un point : la GenCon est la plus grande convention de jeux du monde. La XIIe GenCon se déroula à l’Université du Wisconsin, à Parkside, le week-end du 19 août 1979. Malgré des rumeurs suggérant le contraire, Dallas n’était pas à la convention. Une convention est exactement ce que cela semble être ; un grand nombre de joueurs de jeux divers, y compris de jeux de rôles, se rencontrent à un endroit précis et jouent. On y organise des tournois, ainsi qu’un grand nombre de parties non organisées et de démonstrations.
Il est très malheureux que les propos de Dear furent inexacts. Toutefois, c’est compréhensible.
En 1979, D&D était toujours un phénomène très nouveau. Cela faisait moins de six ans que le jeu était commercialisé, et il restait encore relativement inconnu. Dear n’avait pas de connaissances réelles sur son fonctionnement, et pourtant ses déclarations, et celles des autres, furent acceptés comme des faits. À la décharge de Dear, il essaya bien de comprendre le JdR. Il acheta des livres de règles et paya un Maître de Donjon pour le faire participer à une partie. Il accepta aussi l’aide de Cliff Perotti, un créateur de jeux de 19 ans et propriétaire d’une petite compagnie de jeux, pour l’aider dans ses recherches, lorsque celui-ci lui proposa ses services. Il fit de réels efforts pour comprendre comment on jouait au JdR, ne serait-ce que parce qu’il pensait que cela pourrait l’aider à comprendre Dallas.
Mais il est certain qu’il n’y a aucune circonstance où “on quitte vraiment son corps et son esprit” dans une partie de D&D. Le concept est ridicule. Une partie de D&D se joue normalement autour d’une table. On est toujours présent, mentalement et physiquement, autour de la table. Votre personnage – la personne que vous jouez dans la partie – peut être n’importe quoi dans l’éventail accepté par le Maître de Donjon. La partie passe par la description de l’environnement par le Maître de Donjon, et les actions des personnages annoncées par les joueurs. Le jeu de rôle n’implique aucun voyage sous quelque forme que ce soit, physique ou mentale – sauf peut-être pour aller au frigo chercher une autre canette de coca.
À la fin, Dear rentra en contact avec plusieurs personnes qui affirmaient savoir où était Dallas. Ces contacts prirent la forme d’appels anonymes lui disant que s’il quittait le Michigan, ils l’aideraient à trouver Dallas.
Quand ces gens lui fournirent des preuves de leurs dires, il décida de retourner au Texas. Comme ses confrères (trois détectives qui travaillaient avec lui ainsi que le new-yorkais Don Gillitzer) semblaient être connus des correspondants anonymes, ils se retirèrent également, laissant Cliff Perotti comme seul homme sur le terrain à East Lansing. Une fois Dear de retour au Texas, une femme appelée Cindy Hulliberger contacta Perotti et lui dit qu’elle savait où se trouvait Dallas. Elle arrangea un rendez-vous entre Perotti et un homme qui, d’après elle, les conduirait à Dallas.
Le premier rendez-vous n’eut pas lieu à cause du passage inopportun d’une voiture de police et, le temps d’organiser le rendez-vous de la nuit suivante, un des hommes de Dear, Jim Hock, était de retour à Lansing. Le rendez-vous initial eut lieu avec un dénommé Michael Barnes qui emmena Hock et Perotti voir un certain Archibald Horn. Ce dernier admit librement être homosexuel et qu’il avait eu des adolescents dans son appartement. Il nia connaître Dallas et demanda à Hock et Perotti de partir, ce qu’ils firent.
Plus tard la même nuit, Dallas Egbert appela Dear. Dallas appela plusieurs fois ce jour-là, et finit par révéler où il se trouvait – à Morgan City, en Louisiane. Dear affréta un jet privé et se rendit avec deux de ses associés sur place, où ils récupérèrent Dallas. Il fut remis à la garde de son oncle Melvin Gross à 20h30, le soir du 13 septembre 1979.
Qu’était-il arrivé à Dallas ?
Il est difficile d’expliquer exactement ce qui était arrivé à Dallas, ce qui avait provoqué sa disparition et l’avait fait disparaître pendant presque un mois. Cela est dû en partie au fait que Dallas se montra réticent à parler de ce qu’il avait vécu et d’autre part que Dear accepta de préserver la confidentialité. Ce qui suit est une description des événements, aussi précise que faire se peut, fondée sur les informations contenues dans le livre de Dear.
Dallas avait prévu sa disparition de longue date. Ses raisons changeaient suivant les moments. Pendant neuf mois, il projeta de se suicider, et à d’autres occasions il songeait simplement à fuguer. Une de ses raisons était l’idée que sa mère lui mettait trop de pression pour qu’il réussisse, et en attendait trop de lui, et la conviction qu’elle continuerait ainsi, quelles que soient les circonstances. Il semble qu’en plus de vouloir se libérer d’elle, il voulait la faire souffrir. Il ressentait également qu’il n’avait aucun contrôle sur sa propre vie. Il ne savait pas ce qu’il voulait en faire, et il pensa que s’il pouvait s’éloigner un certain temps, il serait peut-être libre d’y penser.
“Il n’y avait jamais assez de temps vu la manière dont je vivais. Interruptions. Pression. Mes parents me pourchassant. Je voulais que ma vie soit plus simple et elle ne fit que se compliquer davantage.”
(Les citations des conversations avec Dallas sont rapportées par William Dear dans The Dungeon Master.)
Enfin, le 14 août 1979, il décida d’arrêter d’y penser et de le faire. Il écrivit ce qu’il décrit comme une possible lettre d’adieu, déguisant son écriture en écrivant de la main gauche. Il mit en place le schéma d’épingles sur son panneau d’affichage.
“J’avais dans l’idée une combinaison de carte et de lettre de suicide. La carte indiquerait où je me trouvais, si vous pouviez me trouver. Le message que je voulais faire passer par la lettre était que j’étais mort. Bien sûr, si cela s’était passé ainsi. Je ne savais pas vraiment ce qui allait se passer.”
Il déjeuna avec Karen Coleman et, depuis le sous-sol du Hall Case, passa dans les tunnels de chaufferie. Il prit avec lui une couverture, des cartons de lait, du fromage et des biscuits, de la marijuana et ce qu’il pensait être assez de somnifères pour se tuer. Il entra dans la petite pièce qu’il avait choisie dans les tunnels. Il fuma sa marijuana et considéra sa vie. Il pensa aux ordinateurs, à son problème de drogue, à ses relations avec ses parents et à sa sexualité. Pour la première fois depuis des mois il avait l’impression de penser de façon claire.
“Non, ce que je devais faire était clair pour moi. J’était dépressif et malheureux et n’en étais même pas désolé. J’aurais dû le faire avant. La vie ne m’apportait rien et c’était la meilleure et seule solution.”
Il prit les somnifères avec l’intention ferme de mettre fin à ses jours. Il se réveilla la nuit suivante. Il se traîna hors des tunnels jusque chez un ami à plus d’un kilomètre de là. C’était un homosexuel d’un peu plus de vingt ans. Cette personne voulut appeler du secours, mais Dallas le menaça de se tuer s’il le faisait. Il le soigna pendant environ une semaine, jusqu’à ce que Dallas récupère.
Je dois préciser que d’après Dallas, cet homme ne tenta pas d’abuser de lui. Dallas insista auprès de Dear pour préciser que tout acte sexuel était totalement consenti, qu’il savait parfaitement ce qu’il faisait et avait choisi de le faire. Le fait reste cependant que l’homme était un adulte et Dallas un mineur. Quand l’affaire de la disparition éclata, l’homme se sentit en danger au regard de la loi. Dallas fut emmené dans une autre maison vers le 24 août.
De son propre aveu, il passa la plupart de son temps à prendre des drogues et n’avait aucune connaissance de l’intérêt qu’on lui portait dans les médias.
Aux alentours du 1er septembre, Dallas fut encore déménagé. Cette fois, les choses prirent une tournure sinistre. L’homme dans cette maison semblait voir Dallas comme un fardeau, peut-être par peur de la police et qu’elle pense que Dallas était utilisé à des fins sexuelles ou d’autres tout aussi ignobles. Il dit à Dallas de ne pas quitter sa maison, et le garçon eut réellement peur pour sa vie.
Le 4 septembre, l’homme emmena Dallas à un arrêt de bus et lui donna un billet pour Chicago et un peu d’argent. Il lui dit de prendre le train pour la Nouvelle-Orléans une fois arrivé à Chicago et lui donna un numéro à appeler à son arrivée. Dallas pensait qu’on l’envoyait à la Nouvelle-Orléans car les gens avaient trop peur de le garder plus longtemps à East Lansing. Dear avait d’autres idées. Il soupçonna que Dallas avait été éloigné au cas où il serait devenu nécessaire de s’en débarrasser.
Si quelque chose devait arriver à Dallas, il était préférable que ce fût loin, à la Nouvelle Orléans.
William Dear dans The Dungeon Master
Dans le train, l’effet des drogues s’arrêta. Dallas commença à réfléchir à nouveau. Il se sentit rejeté par les gens vers qui il s’était tourné après sa première tentative de suicide et décida de recommencer. Il acheta les ingrédients pour faire du cyanure et loua une chambre d’hôtel. Il mélangea le cyanure avec du soda et le but.
Une fois encore, il se réveilla le lendemain. À cours d’argent, il essaya d’appeler le numéro qu’on lui avait donné. Il était hors service. Il appela la maison où il avait résidé en premier, à East Lansing et l’homme au bout du fil lui dit qu’ils devaient rester en contact et qu’il essaierait de l’aider. Il dit à Dallas que s’il était retrouvé, il ne devait dire à personne où il avait séjourné. Dallas accepta. Dear pense que c’était la première étape d’une tentative d’organiser la réapparition de Dallas. Le premier homme s’était occupé de Dallas lorsqu’il était malade. Il semble plausible qu’il ait voulu aider Dallas. Toutefois, il devait s’assurer que cela ne lui causerait pas de problèmes.
Dallas vécut dans les rues de la Nouvelle-Orléans pendant quelques jours avant de rencontrer un New-Yorkais. D’après Dallas, ils devinrent amis et cet homme l’aida à trouver un emploi d’homme à tout faire dans les champs pétroliers près de Morgan City. Il resta en contact régulier avec East Lansing. Enfin, l’homme avec qui il était resté en contact lui dit que les choses étaient allées trop loin et que, pour le bien de tous, il devait contacter William Dear. Dallas en parla avec son ami new-yorkais qui le convainquit d’appeler.
D’après ces faits relatés par Dallas, le scénario suivant semble possible – voire même probable.
Après sa tentative de suicide et très malade, Dallas se rendit chez une de ses connaissances, peut-être un amant. Cet homme s’occupa de lui. […] Alors que le garçon se remettait, l’enfer se déchaîna avec la police enquêtant sur sa disparition. À cause d’une relation sexuelle concrète avec Dallas, ou simplement par crainte qu’elle soit soupçonnée, cet homme ne se sentit pas capable d’appeler les autorités. Il demanda à ses amis de l’aider à cacher Dallas. Par la suite, lorsque les risques de découvrir Dallas à Lansing devinrent trop importants, ils l’envoyèrent à la Nouvelle-Orléans. Ces hommes contactèrent alors Dear anonymement. […] Ils essayèrent aussi de négocier la remise sans risques de Dallas aux autorités. D’une façon ou d’une autre, Cindy Hulliberger savait où se trouvait Dallas malgré ses pérégrinations […] Enfin, peut-être comme résultat de l’entrevue avec Archibald Horn, on dit à Dallas de contacter Dear.
Dans ce scénario, D&D ne joue absolument aucun rôle, et je ne pense pas que qui que ce soit au courant des faits de cette affaire puisse croire que D&D ait joué un rôle significatif dans la disparition de Dallas. La question à laquelle il faut alors répondre est : pourquoi a-t-on fait autant de reproches à D&D ?
La théorie liée à D&D eut une large audience à cause de sa nature inhabituelle et sensationnelle, et parce que Dear trouvait imprudent de dévoiler certaines pistes. Mais pourquoi, une fois Dallas retrouvé, les faits n’ont-ils pas été clarifiés ?
La réponse est simple. Dallas ne voulait pas de toute la publicité associée à son affaire, autant pour lui que pour le bien-être de son frère cadet, Doug. Il ne voulait pas que Doug subisse les taquineries sur “son frère la tapette camée” (cf. The Dungeon Master). Dear respecta le souhait de discrétion de Dallas sur l’affaire, bien qu’on lui offrît de grosses sommes d’argent pour des informations.
Cela signifie que Dear se retrouva dans une position où il ne pouvait ni clarifier ni retirer ses déclarations à la presse. Quand enfin il écrivit The Dungeon Master, après la fin de la scolarité de Doug et que cela ne posait plus de problèmes, presque cinq ans s’étaient écoulés. Les médias n’étaient pas particulièrement intéressés par le rétablissement de la vérité.
La fin de l’histoire
Malheureusement, bien que Dallas fût retrouvé, son histoire ne finit pas bien. Sa vie s’améliora grandement pendant un certain temps. Sa relation avec sa mère s’améliora et il se ré-inscrivit à l’université, cette fois à Wright State. Au début de 1980 toutefois, les choses redevinrent comme avant tandis que ses problèmes réapparaissaient. Dear restait l’un de ses rares amis et essaya de l’aider.
Le 14 avril 1980, Dallas quitta l’école. Il voulait travailler dans un magasin d’informatique, mais au lieu de ça prit un emploi dans l’un des magasins de son père. Fin juillet, il déménagea dans un appartement avec un ami de vingt-trois ans. Dear essaya de le convaincre de retourner à la maison, mais Dallas insista sur le fait que la vie avec ses parents était insoutenable.
Le 11 août 1980, James Dallas Egbert III se tira une balle dans la tête dans le séjour de son appartement. Il mourut à l’hôpital de Grandview le 16 août, un peu plus d’un an après sa disparition.
Il est important de noter que les parents de Dallas semblent toujours avoir considéré que c’était le statut de surdoué de Dallas qui était la principale source de sa dépression, et non le jeu de rôle. Je citerai pour preuve la préface du livre Guiding the Gifted Child (“Guider l’enfant surdoué”) des Dr James Webb, Elizabeth Meckstroth et Stephanie Tolan :
“Le suicide à 17 ans du talentueux et brillant Dallas Egbert en 1980 conduisit ses parents à se renseigner sur les programmes prévus pour répondre aux besoins émotionnels des enfants surdoués et de leur famille. Il apparut rapidement que de tels programmes étaient rares, mêmes si les besoins de tels services semblaient évidents… Ces enfants et leurs parents ont des besoins – et des occasions – émotionnels spéciaux qui sont très ignorés, et donc négligés. La plupart du temps, cette négligence ne résulte “seulement” qu’en un potentiel non atteint et des plaisirs manqués – mais quelquefois, elle mène ouvertement à la souffrance et à la dépression.”
Tiré du livre Guiding the Gifted Child
La mort de Dallas Egbert fut une tragédie, c’est indéniable. Mais en accuser le jeu Dungeons & Dragons est ridicule. C’est ignorer, ou prendre à la légère, les problèmes psychologiques très réels qui affectaient Dallas, ignorance qui empêcherait la prévention de telles tragédies. Dallas est mort car il était soumis à des pressions qu’il était incapable de gérer. Il est mort car il souffrait d’une grave dépression, à laquelle il ne put trouver aucun soulagement. Il est mort car il ne désirait plus vivre.
Il n’est pas mort à cause d’un jeu de rôle.
Sources
Dear, William C. The Dungeon Master: The Disappearance of James Dallas Egbert III. Bloomsbury Publishing Ltd, Londres, 1991
Kask, T.J. “Dragon Rumblings”. The Dragon. Vol. IV, No 4. Octobre 1979.
Webb, James T et al. Guiding the Gifted Child: A Practical Source for Parents and Teachers. Ohio Psychology Press, Ohio, 1982
Commentaire de Rappar
L’affaire Egbert était toujours dans les mémoires en novembre 2008, près de 30 ans après les faits, comme le prouva un mail reçu par PTGPTB VO :
“Je suis en train d’écrire un livre sur les lieux hantés et les apparitions de fantômes dans la région de Lansing, Michigan. Un très gros chapitre de cet ouvrage est consacré à la Michigan State University. Pendant que je l’écrivais, il est apparu que je devrais raconter la totalité de l’affaire “Dungeons and Dragons”. Même de nos jours, on en parle toujours entre étudiants, et il y a toujours des idées fausses sur ce qui était arrivé à Dallas Egbert, et je voudrais aider à rétablir la vérité… Je voudrais citer votre article dans mon livre, en vous créditant bien sûr.”
Nicole Bray (Dunnavent) Paranormal Michigan Book Series
Article original : The Disappearance of James Dallas Egbert III (Part II)
Pour aller plus loin…
Cet article fait partie de l'ebook PTGPTB n°15 intitulé Le JdR, c'est le maaal !, que vous pouvez consulter pour de plus amples développements.
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