L'Interaction: l'élément clé du GN
Cet article est extrait du livre en ligne As LARP Grows Up - Le livre de Knudepunkt 2003 ("Tandis que le GN grandit"), compilation de conférences du festival de GN Knudepunkt 2003 au Danemark. Ce festival annuel se tient depuis 1997 dans les pays scandinaves sous divers noms (Knutepunkt, Knutpunkt; Solmukohta). Knudepunkt, et ce livre, ont pour but de favoriser la créativité, l'innovation et l'échange d'idées. Rien n'est plus pratique qu'une théorie - telle est l'idée de base de cet ouvrage. Dans ses pages, vous trouverez des idées, des conseils et des solutions pratiques à vos questions sur le GN.
Cet article est une description du Jeu de Rôles Grandeur-Nature (GN). Dans cet article, j'essaie de décrire différents niveaux du GN, et le rôle de l'interaction dans cette activité. L'article commence par une introduction sur le GN en général puis il introduit le modèle de l'interaction. Cet article est une amélioration d'un article publié précédemment sur le net (Gade, 2002).
Introduction et définitions
Je vois le GN comme un média, c'est-à-dire un moyen de communication. Cependant, les participants d'un Grandeur-Nature (les « GNistes ») ne sont pas des récepteurs passifs, ils transmettent et créent également de la communication avec les autres participants. On peut donc dire que le GN est un média interactif.
Comme nous le savons tous, un Grandeur-Nature commence avec des participants endossant des rôles, pour qu'ils fonctionnent et agissent comme une personnalité indépendante, ne correspondant pas à leur personnalité en dehors du GN.
Dans un GN, il est important de distinguer le participant (à l’extérieur du GN), le personnage (le concept du rôle) et le rôle (la manifestation physique, par le participant du personnage). Là où le rôle est diégétique [une définition possible : tout objet ou notion qui est considéré comme « existant » et pris en compte dans la partie est diégétique (NdT)], le personnage et le participant ne le sont pas (Andreasen, 2003). Le rôle est le résultat de la rencontre entre le participant et le personnage. Deux participants différents jouant le même personnage résulteraient en deux rôles différents.
L’interaction avec l’environnement proche représente une part essentielle de l'incarnation d'un rôle. Le rôle aimera ou non certains autres personnages et aura certains désirs. Suivant cela, les rôles interagiront les uns avec les autres et avec ses environnements immédiats, qu'ils soient physiques (par exemple une cage d'escalier ou un pistolet) ou sociaux (la structure sociale du GN).
Un rôle n'interagit pas seulement avec son environnement immédiat. Il interagit aussi avec des éléments du Grandeur-Nature qui ne sont pas représentés dans le scénario, ce que nous pourrons appeler l’univers de jeu.
L’environnement et l’univers de jeu sont tous deux diégétiques, la différence étant leur représentation tout au long du GN. Par ailleurs, les rôles interagissent avec des mécanismes de jeu (comme les règles) et d'autres objets non-diégétiques. Néanmoins, ce type d'interaction n'est pas nécessaire à un GN, puisque les objets non-diégétiques [par exemple : la trousse de premiers secours pour les bobos des joueurs, ne fait pas partie de l’univers de jeu d’un GN médiéval] peuvent (théoriquement) être complètement exclus d'un GN.
Je définis le jeu de rôles Grandeur Nature ainsi : un média interactif où un ou plusieurs participants endossent un rôle. Les rôles interagissent les uns avec les autres ainsi qu’avec leur environnement et l’univers du GN. Au cours de cette interaction, beaucoup d'histoires improvisées sont créées et racontées.
Pour aller plus loin :
Les éléments d'un GN
Dans la plupart des cas, l’univers de jeu est différent du nôtre. Typiquement, les organisateurs décrivent le monde, et vous pouvez par exemple voir des descriptions des cultures, des normes, de l'histoire, et de la géographie. L’univers de jeu est la simulation d'un monde, souvent le nôtre qui a subi des modifications (en termes de temps ou de lieu).
Si l’univers de jeu est très différent de notre monde normal, les rôles peuvent souvent effectuer des actions normalement impossibles aux participants (comme la magie). Ces actions sont représentées par des éléments non-diégétiques, comme des mécanismes de jeu. Ces derniers sont les règles et concepts permettant la simulation d'actions permises dans l’univers fictionnel du GN, mais impossibles ou indésirables dans le monde « réel ». Ce n'est pas le rôle qui interagit avec les mécanismes de jeu, mais le participant, ce qu'Andreasen appelle la « double pensée orwellienne » [dans Les Espaces diégétiques en GNptgptb, 2003].
Le monde est l'idée générale du lieu où interagissent les rôles. Ceux-ci peuvent interagir avec le monde, mais ce n'est généralement qu'à un niveau psychologique, par exemple en interagissant avec la métaphysique du monde. On constate généralement cette interaction à travers la vision du monde par le rôle, et le roleplay en conséquence (par exemple, si le monde de jeu était le nôtre en 1350, la plupart des gens refuseraient d’admettre que la Terre est ronde). De même, le rôle est forgé par le monde. Le créateur du personnage devrait décrire un personnage cohérent avec l’univers de jeu.
Si l'interaction doit aller au-delà du niveau psychologique, le rôle devra interagir avec son environnement. Cet environnement exprime tout ce qui est présent dans le GN, que cela soit physique ou social. Ceci inclut les autres rôles, par exemple pour « rôle A », « rôle B » fait partie de l'environnement, et vice-versa.
La différence entre l’univers et l’environnement est leur représentation dans le Grandeur-Nature. Alors que le monde n'est représenté que par une idée ou un concept, les environnements ont un impact direct sur les rôles.
L’environnement pour un rôle consiste en :
- La réalité physique d'un Grandeur-Nature (par exemple une ville ou une salle)
- Les structures sociales
- Les autres rôles
- La situation (ou « background » / « intrigue » / « histoire »)
Lors d'un Grandeur-Nature, vous pouvez typiquement diviser les environnements en deux catégories :
- La description de l’environnement (typiquement faite par le conteur (Hutchison, 2003)).
- L’environnement physique réel (typiquement réalisé par les organisateurs pratiques et groupes d'effets spéciaux (Hutchison, 2003)).
Interaction !
L'action et la progression d'un GN dépendent des interactions. Sans aucune interaction, vous obtenez une simple nature morte... Nous pouvons distinguer les différentes formes d'interactions suivantes :
- Interaction du monde de jeu (le monde interagit avec le monde)
- Macro-interaction (le monde interagit avec l’environnement)
- Méso-interaction (l’environnement interagit avec l’environnement)
- Interaction philosophique (le monde interagit avec le rôle)
- Interaction pratique (le rôle interagit avec l’environnement, et aussi : le rôle interagit avec les autres rôles)
- Interaction non-diégétique (les participants interagissent avec des objets non-diégétiques)
L'interaction du monde de jeu sera généralement provoquée par les organisateurs, et n'est pas nécessairement ressentie par les rôles. L'interaction du monde est tout ce qui arrive au monde, mais pas à l’environnement, comme une guerre dans un pays lointain.
Les rôles et les organisateurs peuvent tous deux causer une macro-interaction. Dans l'exemple ci-dessus, la guerre dans un pays lointain peut avoir une signification pour les environnements, par exemple la réduction des importations depuis ce pays (1). Par exemple, dans un Grandeur-Nature qui a pour cadre Sarajevo en 1914, le meurtre d'un prince pourrait avoir d'énormes conséquences pour le monde.
La méso-interaction possède deux niveaux de sens différents. Dans l'un, elle a beaucoup en commun avec l'interaction du monde, tout en étant démarrée par les organisateurs. Dans l’autre, elle ne concerne qu’un rôle (A) individuel lorsque deux autres rôles interagissent entre eux.
L'interaction philosophique est une part importante du jeu d'un rôle. Comme son nom l'indique, elle est de nature philosophique, si le rôle se définit lui-même par rapport aux institutions majeures du monde, comme la métaphysique.
L'interaction pratique est probablement la plus importante de toutes les formes d’interaction dans un Grandeur-Nature. Alors que les autres formes d'interaction ne sont pas forcément utilisées, l'interaction pratique est utilisée dans tous les GN. Ce type d'interaction peut être divisé en trois grandes catégories :
- L'interaction pratique personnelle, où le rôle interagit avec un autre rôle, comme dans une conversation, ou de façon physique, comme dans un combat.
- L'interaction pratique physique, où le rôle interagit avec les environnements physiques, comme ouvrir une porte ou lire une lettre
- L'interaction pratique sociale, où le rôle interagit avec l’environnement social, comme les institutions de la société, mais pas avec les rôles en tant que tels. Par exemple, cela pourrait être un rôle s'agenouillant devant le roi, parce qu'il sait (par l'interaction avec les environnements sociaux) que s'il ne fait pas, ce serait un manque de respect à l'égard du roi.
L'interaction non-diégétique est un phénomène très discuté, au moins dans le monde du GN danois. Un certain nombre de personnes (spécialement celles cherchant le facteur d'adrénaline (Gade, 2000) [l'excitation d'un GN, plein de choses à faire, s'amuser; les batailles, l'aspect physique] croient que les règles et autres mécanismes de jeu sont une part essentielle du Grandeur-Nature [puisqu’elles leur permettent de simuler combats, lancement de sorts, explosions, et autres effets spéciaux]. D'autres personnes, elles, pensent que les objets non-diégétiques nuisent à l'interaction lors d'un GN (2). Cette discussion normative est essentiellement une question en rapport avec la catégorie de GNiste dans laquelle vous vous placez : ludiste, dramatiste, ou immersionniste (Bøckman, 2002).
Pour résumer, le GN possède les éléments suivants :
élément | Diégétique? | Interagit avec | Créé par |
Objets non-diégétiques | Non | Participants | Organisateurs - parfois aussi par les participants |
Monde | Oui | Environnement, rôle(s), monde | Organisateurs/conteurs (parfois aussi les rôles) |
Environnements | Oui | Environnement, rôle(s), monde | Organisateurs/conteurs et organisateurs pratiques (parfois aussi les rôles) |
Rôle(s) | Oui | Environnement, rôle(s), monde | Conteurs ou participants |
Participant(s) | Non | Objets non-diégétiques | N/A |
Bibliographie
Andreasen, C. (2003): Les Espaces diégétiques en GN ptgptb
Bøckman, P. (2002): Le modèle des Trois Voies du GN ptgptb, aussi disponible dans l’anthologie When Larp Grows Up.
Gade, M. (2000): Factors of larp. Oslo, Publié dans Knutpunkt 2001 (non en ligne).
Gade, M. (2002): Grundlæggende interaktionsteori for levende rollespil (≈ fondements d’une théorie des interactions en GN). On peut y accéder via www.hjernevask.dk.
Hutchison, R. (2003): Institutional development of larp in Oslo. Publié dans l’anthologie When Larp Grows Up.
(1) NdT : on pourrait appeler cela une macro-interaction descendante car les résultats de cette interaction « descendent » vers les rôles. L'interaction peut également être ascendante (l’interaction part des rôles pour remonter d’abord dans l’environnement puis pourquoi pas jusqu'à l’univers complet) [Retour]
(2) NdT : comme les immersionnistes de l’école de Turku. Extrait de l’article 2 du Voeu de chasteté du GNiste de Turkuptgptb : « Je n’utiliserai pas de méthodes non diégétiques, telles que de la musique d’ambiance ou des commentaires hors-jeu et hors-sujet, (…) Par exemple, à moins que les règles de la partie ne le spécifient autrement, quand le personnage frappe, je frappe. » [Retour]
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