Le méta-jeu, damnation ou rédemption ?

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Le méta-jeu (ou métajeu, à vous de voir comment vous préférez l’écrire) est l’un des sujets qui suscitent le plus de débats passionnés dans le monde du jeu de rôle, que ce soit sur table ou en GN. C’est aussi une thématique qui a beaucoup évolué ces dernières années, et qui continue de diviser les opinions.

Cela faisait un moment que je travaillais sur ce post, mais j’ai perdu tout ce que j’avais écrit à cause de problèmes techniques survenus sur le blog. Je vais donc essayer de reconstruire tout mon propos en réfléchissant à la manière dont on définit le méta-jeu, ainsi qu’à ses avantages et inconvénients. En effet, les opinions divergent selon la personne à qui on pose la question : soit on parle du diable en personne, soit d’un ange prêt à intercéder en votre faveur pour que vous puissiez atteindre le paradis du JdR.

Qu’est-ce que le méta-jeu ?

Capture d'écran d'un long billet sur ce qu'il ne faut pas faire pour ne pas faire du métajeu. Le fond est noir, le texte en gras est bleu électrique et ouais, c'est très kitch.

La définition du méta-jeu que l’on retrouve encore et toujours sur les forums en ligne. Je n’ai pas réussi à retrouver l’auteur original du post.

[Texte écourté de la capture d’écran] :

  • Votre personnage connait automatiquement le nom d’une personne rencontrée dans la rue.
  • Si votre interlocuteurice hors-jeu vous parle de son personnage ou d’une sombre machination qu’iel aimerait fomenter, votre PJ sait tout également.
  • Votre personnage ne se concentre pas uniquement sur la description de ce qu’il ou elle peut voir directement.
  • Si un autre personnage n’est pas à côté de votre PJ et se met à chuchoter, votre PJ entend quand même ce que dit l’autre personnage.
  • Quand vous lisez une scène, même si votre PJ n’est pas témoin direct de cette scène, il ou elle sait quand même ce qu’il s’est passé.
  • Vous ajoutez des éléments à votre personnage uniquement parce que c’est le meilleur moment pour le faire.

L’une des premières raisons pour lesquelles je voulais aborder tout le sujet du méta-jeu, c’est justement la difficulté à lui trouver une bonne définition qui soit complète, mais qui ne porte pas d’emblée un jugement positif ou négatif sur ce qui, finalement, peut tout simplement être une technique de jeu parmi d’autres.

Alors, si on laisse de côté l’aspect positif ou négatif, comment peut-on définir le méta-jeu ?

Le méta-jeu, c’est l’utilisation de ce qu’on connait en tant que joueureuse pour influencer ce qui arrive au personnage.

Si vous avez pas mal joué à L’Appel de Cthulhu et que votre personnage commence à sentir une odeur de poisson, à voir des traces d’eau salée, etc., en tant que joueur ou joueuse, vous risquez fortement d’avoir l’impression de ressentir « la présence de Profonds ». Et si, à ce moment-là, votre personnage se met à crier en jeu : « Aucun doute, ce sont bien des Profonds ! Faites attention à ne pas vous approcher de l’eau ! » alors que c’est sa toute première expérience avec le Mythe, vous serez clairement en plein méta-jeu. Cela dit, vous pouvez également vous servir de vos connaissances pour faire en sorte que votre personnage s’approche quand même de l’eau, ignorant tout du danger qu’elle représente, parce qu’il faut bien faire avancer l’intrigue. C’est aussi du méta-jeu, mais les résultats de votre décision et la manière dont cette dernière est perçue sont très, très différents.

L’enfer du méta-jeu

Je dois vous avouer que pendant des années, j’étais la première à détester le méta-jeu : pour moi, c’était la pire chose qui puisse arriver au cours d’une partie, la pire manière possible de jouer. À mes yeux, c’était toujours pour gagner, gagner, et encore gagner. Que ce soit en GN ou autour d’une table, j’en avais marre de voir des personnes ultra-compétitives tordre chaque règle dans tous les sens pour que leur PJ aille plus loin que ce qu’il devrait. À l’époque, on appelait ce genre de joueurs et joueuses des grosbills. Et cerise sur le gâteau, ils ou elles n’hésitaient pas à utiliser leurs connaissances (en tant que joueur ou joueuse) sur le monde ou les autres persos, juste pour tirer leur épingle du jeu.

Je me souviens qu’il y a dix ans, on insistait beaucoup sur le méta-jeu et son côté néfaste lors des briefings avant une partie de GN. En tant que culture de jeu, on devait s’en éloigner pour éviter de briser sans cesse la cohérence de l’histoire au profit d’un avantage personnel. Cette manière de jouer était très liée à ce qu’on considérait comme le « jouer pour gagner ptgptb », une approche dont il est encore aujourd’hui difficile de se détacher complètement. Cela dit, je pense que l’abandon progressif des mécaniques chiffrées en GN, ainsi que la montée en puissance des JdR narratifs sur table, nous aident beaucoup à évoluer dans cette voie ; mais j’y reviendrai un peu plus tard.

Photo de l'autrice déguisée : masque et kimono rouges et or, avec une katana, tel que décrit dans les livres sur le Clan du Scorpion dans L5A.

Photo du GN Shiro no Soshi grog (2005), à une époque où éviter le méta-jeu était l’une de nos plus grandes préoccupations.

Lorsqu’il est utilisé de cette manière, le méta-jeu peut mener à ce genre de situations :

  • Imaginez que vous soyez en pleine partie de La Légende des Cinq Anneaux grog et que vous tombiez sur des signes indiquant clairement la présence de l’Ombre Rampante (alias l’Ombre), dissimulée parmi vos ennemis. Son existence est l’un des secrets les mieux gardés de l’Empire : très peu de samouraïs en ont connaissance, encore moins savent en reconnaître les manifestations ou comment la combattre. Mais si, en tant que joueur ou joueuse, vous reconnaissez les signes et que votre personnage se met aussitôt à courir dans tous les sens à la recherche de quelqu’un qui aurait un miroir, sans qu’il ait la moindre raison de réagir ainsi, à ce moment-là, vous faites du méta-jeu. Du mauvais méta-jeu, et vous venez de gâcher la partie, le frisson de la découverte, l’équilibre des intrigues (surtout dans un GN), et tout ça pourquoi ? Juste pour gagner ? C’était vraiment le plus important ?

  • Même chose dans une partie de D&D : si votre personnage est niveau 1 et qu’il n’a jamais quitté son village natal, peut-il vraiment connaître l’encyclopédie des faiblesses et résistances de chaque ennemi qu’il rencontre ? Si vous évitez d’effectuer certaines attaques parce que vous savez, en tant que joueur ou joueuse, qu’elles n’auront aucun effet, alors vous êtes une fois de plus en train de faire du méta-jeu, et pas de la bonne façon.

Vers les hautes sphères du méta-jeu

Finalement, l’usage du méta-jeu est-il forcément une mauvaise chose ? Constitue-t-il toujours un appauvrissement de l’expérience de jeu ; ou pourrions-nous apprendre à l’utiliser intelligemment pour enrichir l’aventure et proposer une expérience encore plus forte pour tout le monde ?

Aujourd’hui, je n’ai plus aucun doute : non, le méta-jeu n’est pas toujours négatif, ni un démon à traquer. C’est un accessoire parmi d’autres à notre disposition dans notre boîte à outils rôliste et qui peut permettre d’aller plus loin dans nos parties, d’enrichir l’intensité du jeu, et de rendre l’expérience bien plus sûre pour tout le monde. Mais le chemin pour en arriver là fut long et complexe. Les premières fois où j’ai entendu ce genre de discours dans la communauté internationale du GN (notamment du côté nordique), c’était quelque chose de difficile à accepter, presque impensable pour nous, à l’époque.

L’un des exemples les plus marquants a eu lieu lorsque nous avons envisagé de supprimer complètement de nos GN le système de jeu fondé sur les Caractéristiques. Malgré une évolution progressive vers des systèmes de plus en plus simplifiés, notre plus grande crainte restait que les joueurs et joueuses se servent du méta-jeu et transforment leurs personnages en êtres omnipotents, capables aussi bien de soigner ou de se battre en première ligne que de résoudre une énigme scientifique extrêmement complexe. Mais s’il n’y avait plus de compétences définies par des chiffres, ou même simplement listées, comment pourrions-nous alors leur dire ce que leurs PJ sont capables de faire ou non ? Et surtout, comment éviter que ces joueurs et joueuses deviennent des grosbills ?

Photo de l'autrice, en robe noire de la belle-époque, avec gants rouges et collier de perles, en train d'examiner des papiers devant une autre participante, déguisée en infirmière et debout devant elle.

Photo d’Asile des Saints Anges Gardiens (première partie en 2010). C’est lors de ce GN que nous avons supprimé complètement les compétences fondées sur les statistiques pour la première fois.

Il s’est avéré que, lorsque nous avons totalement supprimé ce système de jeu dans Asile des Saints Anges Gardiens (es) (première partie en 2010), non seulement le problème que nous redoutions tant n’a pas eu lieu, mais toute l’expérience en elle-même a été améliorée de manière significative. Personne n’avait de raison de tricher puisqu’il n’y avait plus d’enjeu mécanique à contourner ; bien au contraire, tout le monde se concentrait davantage sur l’incarnation de son personnage, sans se demander s’il avait ou non la compétence requise pour faire ci ou ça. Ça nous a complètement ouvert les yeux, et nous ne sommes plus jamais revenus en arrière.

Nous avons alors commencé à explorer un grand nombre de techniques utilisant le méta-jeu pour améliorer l’expérience de jeu : le steering, jouer pour encourager, le renforcement des outils de sécurité émotionnelle, les méta-techniques pour représenter certaines émotions ou actions, etc. Un tout nouvel univers de possibilités s’ouvrait à nous.

Bien utilisé, le méta-jeu peut enrichir nos parties dans de nombreux aspects :

  • Imaginons que l’un de vos camarades de jeu vous a confié vouloir vivre une histoire dramatique centrée sur la famille, et que vous découvriez que le père biologique de son PJ est le tavernier : ça ne serait pas très logique que votre personnage lâche cette information de but en blanc. Mais si vous choisissez de divulguer ce secret petit à petit en sa présence et de l’aider à construire l’histoire souhaitée, vous utilisez le méta-jeu à bon escient. C’est pourquoi nous appliquons désormais la maxime suivante dans nos événements, que ce soit sur table ou en GN : un secret qui, à la fin de la partie, n’a pas été révélé ne sert à rien et n’apporte aucune valeur au jeu.

  • Autre exemple : vous savez que quelqu’un a une véritable phobie des araignées, et votre personnage en a une comme animal de compagnie. Si vous décidez de ne pas la faire apparaître en présence de cette personne, c’est également du méta-jeu bien employé, en plus d’une bonne mise en pratique des lignes et voiles définis pour cette partie. En réalité, toutes les techniques de sécurité émotionnelle reposent sur une forme de méta-jeu : elles permettent d’intégrer dans l’histoire des informations que vous détenez en tant que personne afin de ne pas franchir les limites personnelles des autres joueurs et joueuses, même si cela peut parfois restreindre la cohérence ou la liberté de votre personnage. Cette forme de méta-jeu est non seulement positive, mais surtout souhaitable !

  • Il y a quelques années, lors d’une partie de Harem son Saat (en), j’avais décidé que mon personnage se suiciderait. Pour moi, c’était une conclusion parfaite pour son arc narratif ; mais j’ai dû patienter plusieurs heures, car il était interdit de mourir avant la deuxième nuit. Mon objectif principal était de préparer une fin marquante pour mon personnage en travaillant avec l’organisatrice et en rédigeant plusieurs lettres d’adieux adressées aux proches du personnage. J’ai donc utilisé des éléments connus à la fois en jeu et hors-jeu pour construire une scène d’adieu forte, et tout s’est parfaitement bien passé. En définitive, collaborer à la création de l’histoire souhaitée, c’est aussi du méta-jeu, et il n’y a absolument rien de mal avec ça.

Par ailleurs, ne pas utiliser le méta-jeu lorsque c’est nécessaire peut également poser problème. Comme je l’ai déjà évoqué, cela concerne bien entendu les outils de sécurité émotionnelle, mais aussi de nombreux autres aspects du fonctionnement d’un JdR sur table ou GN : le respect des autres personnes présentes, la volonté de construire une histoire collective cohérente, etc. Imaginons la situation suivante : vous décidez que votre PJ va entreprendre une action précise (par exemple, abandonner ou trahir le groupe d’une certaine manière) au seul motif que « c’est ce que ferait le personnage ». Cette décision aura surtout comme effet de briser le rythme de jeu convenu, de mettre mal à l’aise le ou la MJ, et de perturber les autres joueurs et joueuses. Faire primer les conséquences de la fiction sur le bien-être général autour de la table peut donc constituer un problème très sérieux.

Les utilisations positives du méta-jeu

Alors, quelles pratiques positives issues du méta-jeu pouvez-vous intégrer à vos parties ? En voici quelques-unes que j’utilise régulièrement :

  • Le steering [ou manœuvre] : Cela fait un moment que j’ai envie de consacrer un article entier à ce concept, mais je ne pouvais pas écrire cet article-ci sans en parler. Selon la définition du wiki de Nordic larp (en) [ou d’Électro-GN], le steering est un « processus par lequel un joueur influence le comportement de son personnage pour des raisons non-diégétiques », autrement dit, décider d’orienter les actions de votre PJ selon vos propres souhaits hors-jeu - ou ceux des autres participants - plutôt que de suivre strictement la logique de pensée du personnage. Comme je le disais, j’écrirai un jour un article complet sur cette technique, car elle est véritablement fascinante et j’ai beaucoup appris grâce à elle, mais en attendant, vous pouvez lire cet article NordicLarp. Pour l’instant, retenez simplement ceci : on peut « recalibrer » le comportement de nos personnages afin d’obtenir l’expérience de jeu que l’on souhaite, aussi bien à titre personnel qu’au sein du groupe.

  • Les questions introspectives adressées à vos partenaires : L’usage de cette technique est l’une des meilleures méthodes que j’ai pu observer pour intégrer le méta-jeu dans les parties sur table. En tant que joueur ou joueuse, vous posez des questions à vos partenaires sur ce qu’ils ou elles ressentent, comment iels vivent une situation, etc., ce qui va les pousser à réfléchir - et leur tendre des perches pour enrichir leurs personnages en y ajoutant de nouveaux éléments. Bien utilisée, cette technique peut être vraiment formidable. Vous passez subtilement de vous-même à votre PJ, et inversement, en utilisant toutes les informations que vous avez sur les autres personnages, non pas pour les vaincre, saboter leurs plans ou tirer la couverture à vous, mais pour rendre l’histoire plus riche et plus gratifiante pour tout le monde. Avec une bonne exécution, l’effet est tout simplement fabuleux : prenez n’importe quelle partie à laquelle Hiromi participe et vous verrez à quel point elle parvient à créer cette magie autour d’elle pour le reste du groupe.

  • Jouer pour encourager (play to lift) ptgptb : Avec cette philosophie, vous utilisez le méta-jeu de manière positive et consciente. C’est une pratique particulièrement importante en GN, puisqu’il s’agit d’apprendre à faire en sorte que chaque personne se sente spéciale, même si ses compétences réelles ne correspondent pas à celles du PJ. C’est précisément cet aspect qui a été le plus souvent salué dans les questionnaires post-partie de Hasta que la Mafia nos Separe [Jusqu’à ce que la mafia nous sépare]. Il y avait des personnages incroyablement séduisants (comme des célébrités hollywoodiennes), ou dotés de talents exceptionnels en chant ou en danse (à la Frank Sinatra ou Mata Hari). Et le fait d’avoir explicitement demandé aux gens de jouer pour les mettre en valeur a eu un impact énorme : toutes les personnes ayant incarné ces rôles se sont senties valorisées grâce aux applaudissements, encouragements et compliments sur leur beauté ou leur talent, et ce même si dans la vraie vie, elles ne correspondaient pas aux standards physiques ou n’avaient pas les compétences artistiques évoquées.

  • L’utilisation des outils de sécurité émotionnelle ptgptb  (1) : Toute utilisation des outils de sécurité émotionnelle est une forme de méta-jeu, même si, instinctivement, nous n’avons pas tendance à voir les choses sous cet angle. Cela concerne en particulier l’emploi des lignes et des voiles, mais aussi lorsque vous réduisez l’intensité d’une scène à la suite de l’activation du feu tricolore (feu rouge, orange et vert) par une autre personne. En tout logique, votre personnage ne changerait pas sa façon d’agir, mais vous, en tant que joueur ou joueuse, vous avez reçu cette instruction hors-jeu et vous l’intégrez à l’histoire.

  • Jouer pour se laisser porter (play to flow) ptgptb : Lorsque vous jouez de cette façon (qui reste de loin ma préférée, comme vous pourrez le lire dans l’article cité), il est essentiel de prendre en compte le méta-jeu pour que la situation évolue de manière satisfaisante. Cela s’applique autant à vos connaissances sur les autres personnages qu’à votre capacité à mettre de côté les objectifs du vôtre pour contribuer à une meilleure expérience collective. Vous vous laissez porter par l’action, car ce qui compte, c’est l’expérience vécue, un moment partagé autour de la table.
    Comme je le disais plus tôt, un secret non révélé ne sert à rien et ne profite à personne. Et si nous sommes ici, c’est bien pour jouer. C’est pour ça que vous devez livrer vos secrets au moment où leur révélation aura le plus d’impact dramatique ; un choix que vous ferez en tant que joueur ou joueuse, pas en tant que personnage. Offrez de l’espace à vos partenaires pour qu’ils ou elles développent leurs propres intrigues, encouragez la narration, et oubliez ce que ferait logiquement votre personnage si son action peut nuire à votre plaisir de jeu ou à celui des autres.

Le méta-jeu en tant que mécanique explicite

Tous ces usages (et bien d’autres encore) ont conduit de nombreux jeux de rôle indépendants et certains GN à tendance narrative à intégrer le méta-jeu en tant que mécanique explicite de leur système. Dans ce type de cas, il s’agit de formaliser intentionnellement un méta-jeu positif en partant du principe que la narration partagée prime sur d’autres aspects comme la simulation par exemple.

Si l’on revient à la définition initiale du méta-jeu de la photo au début de cet article, l’un des éléments cités était justement l’idée qu’un joueur ou une joueuse ne pouvait pas inventer un élément de son personnage en cours de jeu simplement pour se sortir d’une situation délicate. Et pourtant, certains jeux comme Sistema Impulso [Système « Impulsion »] ont précisément choisi de mécaniser ça : ils proposent des « caractéristiques en blanc » que les joueurs et joueuses peuvent remplir en cours de partie si c’est pertinent, en racontant un flashback, ou bien en modifiant les « descriptifs » sur plusieurs chapitres.

Fiche de PJ. Il y a notamment un grand tableau avec des descripteurs professionnels, sociaux et personnels.

Fiche du système Impulso (Sugaar Editorial, 2022), où l’on peut voir l’usage des descriptifs et des qualités.

D’autres jeux, comme 7 días de Travesía [Le voyage en sept jours], misent sur la narration à l’aide de flashbacks pour faire progresser les compétences (dans ce cas précis, les émotions), de sorte que le joueur ou la joueuse, grâce à tout le savoir à sa disposition, puisse choisir de raconter le flashback le plus pertinent selon sa situation pour intensifier l’émotion, soutenir l’action, et (soyons honnêtes) espérer que ses camarades lui accordent un bonus dans l’émotion qu’il ou elle souhaite améliorer. Je trouve que c’est une manière magistrale de faire coïncider le ressenti du personnage avec celui du joueur ou de la joueuse ; un exemple inspirant de méta-jeu bien utilisé, qui exploite au maximum tout son potentiel narratif.

Photo ocre et noir avec un joueur, torse-nu, dans ce qui semble être une grotte naturelle. L'eau lui arrive aux genoux et il regarde la lumière qui entre par une ouverture.

Photo de l’utilisation de la méta-technique du hammam de La Sirena Varada [La Sirène Échouée] (en)
(deuxième partie, 2017). Photographe : Stéfano Kwan Lee

Dans le milieu du GN, il est plutôt courant de formaliser ce concept sous le nom de « méta-techniques », qui vont des mécaniques simulant des relations sexuelles sans réel contact à des dispositifs plus complexes, comme ceux utilisés dans La Sirena Varada, où vous pouvez par exemple utiliser le hammam présent sur place pour qu’un personnage revienne transformé, ce qui permet de justifier un changement d’objectif ou du steering. Il y a aussi les « espaces cachés », comme des grottes dans lesquelles vous entrez pour avoir des visions avec l’aide de vos camarades et où votre personnage est momentanément mis entre parenthèses pour vous accompagner dans cette expérience. Tellement de possibilités à explorer !

Comment éviter le côté pernitieux du méta-jeu

Capture d'écran d'un Tweet en espagnol datant de 2022. Leticia y dit qu'elle est frustrée parce que le métajeu est en train de gâcher une partie qu'elle est en train de mener.Capture d'écran d'un Tweet en espagnol datant de 2022. Leticia y dit qu'elle est frustrée parce que le métajeu est en train de gâcher une partie qu'elle est en train de mener.

Cette semaine, alors que j’étais en train d’écrire cet article, je suis tombée sur un post de @ProfaDeQuimica qui m’a conforté dans l’intérêt de ce travail. Le méta-jeu reste un vrai problème lorsqu’il est mal utilisé : dans ce cas précis, des PJ commençaient à se suspecter les uns les autres en ayant recours à des informations uniquement connues des joueurs et joueuses, ce qui a brisé la dynamique de la partie.

Cela étant dit, ne croyez pas pour autant que le méta-jeu est automatiquement bénéfique. Comme chaque technique utilisée en JdR, ce n’est ni un remède miracle ni un poison fatal, pas plus qu’il ne sauvera ou mettra fin à une partie à lui seul. C’est pourquoi il est essentiel de garder à l’esprit comment NE PAS utiliser le méta-jeu :

  • Avant d’agir, demandez-vous toujours si votre choix vise un bénéfice personnel, ou s’il peut servir l’histoire. Si vous jouez en mode compétitif, il est essentiel d’éviter tout usage du méta-jeu, car toutes les personnes impliquées s’attendront à ce que vous soyez capable de séparer vos connaissances personnelles de celles de votre personnage. Mais je vais vous donner un conseil (sachant que pour moi, le JdR n’est pas qu’une compétition, même en play to win) : utilisez le méta-jeu positif autant que possible. Et en cas de doute, posez-vous simplement la question si faire ce choix avantage uniquement votre personnage ou non. Si la réponse est oui, ce serait plus judicieux de ne pas le faire. Si la réponse est non et que cette décision vous permet d’enrichir l'histoire, de garantir la sécurité d’une autre personne, ou d’orienter la scène vers une situation plus favorable pour tout le monde, alors vous pouvez continuer sans crainte.

  • Utilisez vos connaissances pour bâtir l’intrigue plutôt que pour la résoudre. Le plus important n’est pas de gagner ou que votre personnage triomphe coûte que coûte ; ce qui compte, c’est de participer à la construction de l’univers, des personnages, et de leurs histoires.

Conclusion

J’espère que ce petit tour d’horizon de ce que représente pour moi le concept de méta-jeu vous aura plu, et qu’il vous aura permis de vous éloigner un peu de sa conception classique pour commencer à envisager cet outil sous un angle plus constructif. Je suis parfaitement consciente qu’il s’agit d’un sujet complexe, vaste et nuancé, mais j’espère avoir pu clarifier certaines idées et les remettre un peu en ordre.

Et, comme toujours, j’adore lire vos commentaires. Avez-vous d’autres exemples d’utilisation positive du méta-jeu ? Avez-vous des pistes à explorer pour construire une culture de jeu permettant d’éviter les dérives négatives du méta-jeu ? Je suis tout ouïe !

Article original : Meta-rol, ¿ángel o demonio?


Cette traduction est sponsorisée par notre Tipeur ElrikMelny - Soyez un chic Tip aussi, participez aux frais d'hébergement de PTGPTB ! :)

(1) NdT : Si la thématique de la sécurité émotionnelle et les réflexions qui y sont liées vous intéressent, consultez cet article ptgptb ou celui-ci ptgptb. [Retour]

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