Il était une fois Avant Gygax
L'histoire secrète des JdR
NdlR : Comme rapporté un peu plus loin dans notre page courrier, PTGPTB a été récemment contacté par Wilf Backhaus. Wilf est l'auteur de Chivalry and Sorcery, l’un des tous premiers jeux de rôles publiés. Wilf nous a fait quelques commentaires sur l’Histoire du jeu de rôle (publié dans les numéros 1 à 9 de ce magazine), et a ensuite continué à nous renseigner sur sa très ancienne préhistoire, que très peu de personnes connaissent. C’est l’histoire de l’un des tous premiers pas le long du chemin menant à la création de notre loisir, et un excellent complément à l’Histoire.
J'ai toujours été intéressé par l'origine de l'idée du dialogue dans le JdR. Elle ne vient ni de Gygax, ni d'Arneson – ils ont simplement appliqué une idée existante à l'univers médiéval-fantastique.
Retournons en 1967. Deux amis et moi étions énormément impliqués dans le wargame. Nous expérimentions diverses règles modernes de combats tactiques de la Seconde Guerre mondiale, quand un de mes amis acheta un ensemble de règles de Michael Korns appelées The Modern War in Miniature, publiées à Kansas City en 1966.
L'idée de Korns (exposée dans les pages 9 à 20) était un wargame impliquant deux joueurs et un arbitre. Les joueurs étaient assis dans des pièces séparées considérant des cartes sur lesquelles ils marquaient la position de leurs hommes. L'arbitre était dans une troisième pièce avec une grande table couverte de sable sur laquelle étaient posées les figurines. De temps à autre, les joueurs étaient autorisés à venir examiner la situation sur la table à sable, mais la plupart du temps l'arbitre venait et discutait avec le joueur :
Arbitre : “Ton homme derrière le bâtiment entend le bruit caractéristique d'un char en déplacement venant de l'autre côté du bâtiment. Que veux-tu faire ?
Premier Joueur : Il avance vers le coin et regarde. Que voit-il ?”
L'arbitre retourne à la table à sable, déplace le soldat et va parler au second joueur.
Arbitre : “Ton chef de char voit le scintillement d'un casque au coin du bâtiment. Que veux-tu faire ?
Second Joueur : Il fait pivoter la mitrailleuse de la tourelle et tire sur cet emplacement.
Arbitre : Commence-t-il à tirer en arc avant de viser le coin ou attend-il de viser pour tirer ?
Second Joueur : Il commence à tirer maintenant…
L'arbitre crie : IL Y A UNE MITRAILLEUSE QUI TIRE SUR LE PLATEAU !”
L'arbitre va alors à la table à sable pour passer la situation en revue, fait un ou deux calculs, tire quelques dés et va vers le premier joueur.
Arbitre : “Ton gars voit un char venir le long du bâtiment et il semble que le chef de char l'ait vu. Il a fait pivoter son arme et commence à tirer en arc vers ton gars. Que veux-tu faire ?
Premier Joueur : Il plonge en arrière et attrape une grenade.
Arbitre : Sa réaction est un peu lente et il est touché par des éclats du bâtiment détachés par les balles de la mitrailleuse. Il a du mal à voir pour le moment…”
Bon vous voyez l'idée. L'innovation de Korns semble venir de véritables exercices d'entraînement tactique employés par les militaires américains à cette époque. Korns fournissait des informations extrêmement détaillées sur les armes et les réactions psychologiques des soldats sous le feu ennemi, etc. Il était extrêmement difficile de jouer à ce jeu comme Korns le voulait, et aucun de nous n'a jamais pensé à exploiter la distinction arbitre/joueur de cette façon.
Au début des années 70, TSR entra dans le marché du jeu comme éditeur de règles de jeu de figurines incluant un ensemble de règles pour chars de la Seconde Guerre mondiale appelé Tractics.
À la fin des années 70 je me suis procuré une photocopie de l'ensemble des règles de Korns, celui auquel nous avions essayé de jouer en 1967, et en l'examinant j'ai été frappé par l'idée que cela était peut-être l'origine secrète du “dialogue” qui est l'essence du JdR. En 1981, Arneson confirma que lui et ses copains connaissaient et avaient joué aux “règles de Kansas City”, ainsi appelées par tous ceux qui les connaissaient car c'était là où Korns les avait publiées. Je soupçonne que l'influence des règles de Korns fut indirecte plutôt qu'une application consciente d'un aspect d'un jeu de figurines de la Seconde Guerre mondiale au médiéval-fantastique, mais la chronologie est étonnante.
Références bibliographiques : Michael F. Korns, The Modern War in Miniature: A Statistical Analysis of the Period 1939 -1945, Lawrence, Kansas: M & J Research Co. 1966.
Article d'origine : The Secret History of RPGs
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