Montée de niveau en salle de classe
© 2018 Daniel Kwan et Gnome Stew
Dans un mémoire non-publiée, Alice Pitt a remarqué que
« apprendre quelque chose n’est pas la même chose que d’en faire l’expérience. En d’autres termes... Apprendre est plus qu’une série de rencontres avec la connaissance ; apprendre vraiment implique plutôt le processus désordonné et peu prévisible d’en venir à s’impliquer dans la connaissance »
Subjects in tension: engaged resistance in the feminist classroom. (1995) - Institut des études pédagogiques de l'Ontario, p.298
Ainsi, les tables de jeux de rôles sont indéniablement des lieux d’apprentissage informels. La variété et l’accessibilité croissantes des JdR offrent aux éducateurs des outils puissants. Ils fournissent aux élèves la possibilité de façonner la manière dont ils apprennent, dans et hors des salles de classes traditionnelles. Les jeux de rôles tels Donjons et Dragons peuvent servir d’outil puissant pour interagir collaborativement avec le monde au-delà de la table de jeu et des matériaux pédagogiques des matières traditionnelles, telles les mathématiques, la science, l’Histoire et les arts, mais aussi les compétences sociales et la ténacité.
Les maths rôlistes
Que vous vous en soyez aperçu ou pas, les tables de JdR sont des espaces informels pour pratiquer les mathématiques. L’interaction variée entre les lancers de dés et les formules mathématiques, pour déterminer les conséquences narratives, offrent des opportunités de faire ressentir les maths comme réelles et bénéfiques.
Je n’ai jamais été bon en maths, mais j’ai toujours été bon à ce que j’appelle « les maths rôlistes ». Par là, j’entends toutes les mathématiques qui impliquent un lancer de dés ou l'utilisation d'une feuille de personnage. De la reconnaissance de formes et la géométrique associées à l’utilisation de dés polyédriques, jusqu’aux opérations élémentaires d’arithmétique requises durant la création de personnage et à chaque tour de jeu... Il ne fait aucun doute que bien des jeux de rôles populaires, particulièrement les systèmes D20 ou Year Zero Engine grog qui utilisent beaucoup de dés, sont des exercices de mathématiques. N’oublions pas que les feuilles de personnages sont essentiellement des feuilles de calculs [notamment tous ceux où il faut additionner caractéristique, bonus d’expérience, bonus d’entraînement, bonus d’objet (magique), pour obtenir la valeur d’une compétence – Bonjour Rolemaster (NdT)].
Quelques-uns de mes jeux de rôles favoris pour faire des maths :
- Donjons et Dragons
- Pathfinder
- Coriolis grog
“Les livres d’Histoire et de science que vous avez toujours voulu”
Photo de Kiron Mukherjee
Que ce soit directement ou indirectement, les jeux non-abstraits se sont inspirés des expériences collectives de l’humanité pour créer leurs univers. Jetez juste un coup d’œil sur le premier du genre : Donjons & Dragons. Des multiples créatures fantastiques, aux armes et armures utilisées par les personnages, presque tout dans D&D a des équivalents dans l’Histoire culturelle ou naturelle de la Terre. Même le monde hybride JCC/JdR de Magic: The Gathering Amonkhet (une Égypte fantastique) démontre à quel point le JdR le plus populaire au monde s’inspire de la réalité.
Certains jeux de rôles vont encore plus loin en encourageant les joueurs à développer des perspectives culturellement relatives de l’Histoire (1).
Deux de ces JdR se démarquent particulièrement par l’attention portée aux détails historiques et par leurs intentions pédagogiques. Night Witches (en) de Jason Morningstar amène les joueurs [à expérimenter] la vie fictionnelle de la vraie vie des aviatrices soviétiques du 588e NBAP wiki (régiment de bombardiers de nuit) pendant la Seconde Guerre Mondiale — connues chez les allemands comme les Nachthexen ou Night Witches [les Sorcières de Nuits].
Ce jeu de rôles « motorisé par l’Apocalypse grog » est particulièrement populaire chez mes élèves au Musée Royal de l’Ontario, qui s’amusent à approfondir leurs connaissances sur la Seconde Guerre Mondiale avec ce JdR... tout en jouant dans les galeries du musée !
Le second est Thousand arrows - a Samurai action and drama tabletop RPG kickstarter de James Mendez Hodes et Brennan Taylor, un autre titre motorisé par l’Apocalypse qui prend place dans la période de l’époque Sengoku (Sengoku Jidai wiki) [l’ère des provinces féodales en guerre (NdT)]. J’ai moi-même tenté de publier un JdR à des fins éducatives, Ross Riffle [on y joue des recrues canadiennes durant la Première Guerre Mondiale (NdT)].
En tant qu’éducateur, quelques jeux de rôles m’ont aidé à enseigner la science comme The Warren de Marshall Miller. Dans ce JdR indépendant, les joueurs interprètent le rôle de lapins intelligents qui explorent la nature et le danger d’être en bas de la chaîne alimentaire. The Warren est un excellant exemple de comment la science peut entrer dans la vie sous la forme d’un jeu d’histoires. Des illustrations magnifiques de Shel Kahn au texte, il capture et communique si parfaitement cet aspect du monde naturel.
Je m’en suis inspiré et j’ai co-crée un JdR avec des règles allégées appelé Zany Zoo. Les joueurs y interprètent des animaux qui s’échappent de la captivité. Comme un croisement entre [les films] Madagascar et le Monde de Nemo/Dory.
Quelques-uns de mes JdR favoris pour se frotter à l’Histoire et aux sciences :
- Night Witches
- The Warren
- Thousand Arrows
- TimeWatch grog [voyages dans le temps pour « reconstituer » l’Histoire (NdT)]
Améliorez vos compétences sociales
Malgré tout ce qui a été dit ci-dessus, jouer aux jeux de rôles, c’est d’abord et avant tout des possibilités de [création de] relations humaines et communautaires. Outre les êtres-humains extraordinaires que j’ai rencontrés en jouant et en créant des JdR, les parties de JdR m’ont personnellement donné l’occasion d’assimiler et de communiquer mes sentiments, de développer ma confiance en soi et faire travailler ma créativité. Entre le Musée Royal de l’Ontario et [l’association] Level Up Gaming, j’ai près de sept ans d’expérience dans l’utilisation de jeux de rôles pour donner des opportunités aux personnes autistes - ou ayant d'autres handicaps - de développer leurs compétences sociales.
Pendant cette période, décrite dans le 3e épisode du podcast Asians Represent !, j’en suis venu à apprécier ce qui constitue peut-être le plus puissant aspect éducationnel de notre loisir. Les «règles non-écrites du comportement social», apparemment intuitives, sont naturellement codifiées dans les jeux.
N’importe quelle séance de jeux de rôles sur table est très structurée et est un environnement social sûr (2). Il y a des règles d’engagement, des objectifs et de la modération. Au cours d’une partie, tout le monde autour de la table est chargé de :
- reconnaître et identifier les problèmes,
- peser les options,
- envisager des stratégies,
- mettre leur plan en application,
- réfléchir au processus et au résultat.
Contrairement aux jeux vidéos multijoueurs, les JdR sur table fournissent des espaces démocratiques singuliers que l’on peut expérimenter. Tous les participants sont impliqués à un niveau qui leur convient, et les jeux non-vidéos peuvent être librement adaptés sur-mesure, dans leurs mécanismes et leur narration, aux besoins des participants.
Les jeux narratifs fournissent une opportunité - structurée et réelle - de relations sociales où il est possible d’apprendre à discipliner la parole dans une conversation, à exprimer ses besoins, et à fournir de l’aide à ceux qui le demandant.
Quelques-uns de mes JdR favoris pour pratiquer les compétences sociales :
- Emberwind (en)
- Tales of the loop grog
- The Veil kickstarter
- Urban Shadows grog
D’un point de vue tant professionnel que personnel, les jeux qui encouragent une relation significative et intéressante au monde m’étonneront toujours. Ils enrichissent nos vies au-delà du simple divertissement et rendent chacun de nous meilleur à chaque partie jouée.
Restez curieux et continuez à jouez !
Article original : Level Up Your Classroom With Tabletop RPGs
Sélections de commentaires
Robbie
J’aime ces idées et j’ai travaillé à amener les jeux de rôles sur table dans mes cours d’anglais au lycée. J’ai eu du succès, mais les défis étaient aussi décourageants !
Une des difficultés les plus évidentes : la plupart des classes de lycée sont composées de 18 à 30 élèves, voire plus. Il y a donc un problème d’échelle car la plupart des JdR fonctionnent avec des groupes plus petits (3). Et quand tu dois traiter avec des élèves qui ne connaissent pas les jeux de rôles sur tables et qui ne sont pas volontaires pour y jouer (dans le cas d’une salle de classe), je ne peux pas simplement leur enseigner les règles, les laisser se débrouiller et m’attendre à ce que les choses se goupillent magiquement. Je dois, soit passer un temps considérable à remanier un JdR pour l’adapter à plus de participants, soit concevoir le mien. Et même avec cette création aux petits oignions, il reste des problèmes.
Tu as mis le doigt ici sur un gros potentiel, mais pour que nous puissions vraiment l’exploiter, nous - les professeurs qui sommes aussi des rôlistes/auteurs - avons besoin de communiquer précisément entre nous sur ce sujet. Je suis un peu découragé par [le manque] d’espaces de discussions dédiés. Un groupe Immersive Imaginative Education avait commencé sur Google+, mais il s’est dissous avec la fin de G+. Connaissez vous, vous ou d’autres personnes, des endroits dédiée à ce sujet avec l’attention qu’il mérite ?
Kevin Mcilnay
Salut ! Je suis conseiller dans une école élémentaire et je songe à utiliser le jeu de rôles pour enseigner les compétences «douces» d’une manière pratique qui fasse que les élèves s’investissent à fond. Je n’ai pas beaucoup d’expérience avec les JdR, mais j’apprends au fur et à mesure. J’ai peu lu sur Facebook et Reddit, mais j’ai récupéré des idées intéressantes.
Je me suis concentré sur ma classe de CE1, parce que si je peux l’adapter avec eux, le faire avec les CE2 aux CM2 devrait être simple. Je commence petit avec des idées potentielles telles que Do : Pilgrims of the Flying Temple wiki (4), Hero Kids grog ou peut-être No Thank You Evil. J’envisage de les laisser s’organiser en petits groupes, ou « guildes », qui votent sur des choix d’actions dans des événements à plus grande échelle. Comme je ne suis pas très familier avec les mécanismes de certains de ces JdR, je vais vraiment y aller par tâtonnements, en utilisant ce qui fonctionne pour construire quelque chose à partir du début. J’adorerais entrer en relation avec vous et échanger nos idées. Tenez-moi au courant !
(1) NdT : Examiner l’Histoire selon une perspective différente de la nôtre, par exemple du point de vue des « perdants ». Dans le JdR Teocali grog p.ex. on joue des sortes de méso-Américains luttant contre les envahisseurs espagnols. [Retour]
(2) NdT : Pour créer un environnement sûr, il est possible d’utiliser la Carte X ptgptb ou les lignes et les voiles ptgptb. [Retour]
(3) NdT : Deux MD face à trente enfants ptgptb avait bien trouvé une solution, mais elle perd en roleplay… Ceci étant, ce commentateur ignore qu’en GN les joueurs sont leurs propres animateurs… [Retour]
(4) NdT : un jeu très simple et familial de créations d’histoires (storytelling game), dérivé en jeu de rôles (Do: Fate of the Flying Temple) avec un système inspiré de Fate. Les aventures sont du type : Avatar - le dernier Maître de l’Air [Retour]
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