Moisson noire

La Boîte à jouets de campagne #17

NdT : les liens ont été rajoutés lors de la traduction.

En quelques mots

Nous sommes en 1963, la Guerre froide est à son apogée et la course aux armements n’a jamais été aussi brutale ni aussi désespérée. Ainsi, de même qu’il faut égaler les Russkoffs en quantités d’armes nucléaires, nous devons aussi les égaler en monstres.

L’histoire

La pluie qui tomba sur Hiroshima et Nagasaki après les bombes était noire comme la suie. De cette Pluie Noire, vint bien sûr la Moisson Noire. Savoir si les monstres avaient été réveillés par la pluie ou créés par celle-ci devint bientôt un détail : ils étaient là. Abominations, mutants, léviathans. Quelque chose dans les explosions atomiques les avait fait surgir, et les Américains furent bien occupés à essayer de les capturer dans tout le Japon. Heureusement, ils avaient un peu d’expérience (et une escouade de commandos entraînés) à cause des événements antérieurs survenus au Nouveau-Mexique (1).

Une fois la poussière retombée, deux choses sautèrent aux yeux. Les grands pontes se rendirent compte que, une fois capturés, les monstres feraient des armes parfaites. Puis ils s’aperçurent que les Soviétiques effectuaient leurs propres campagnes d’essai nucléaires et devaient aussi avoir leurs propres monstres. En fait, on découvrit très rapidement que les Russes avaient une confortable avance dans la “course aux monstres”. Il fallait combler cet écart, et vite. Les monstres furent capturés, étiquetés, étudiés et maîtrisés, équipés de dispositifs de contrôle et envoyés tuer pour l’Amérique. Qui a besoin d’une bombe atomique quand une hydre bien dirigée peut faire le travail beaucoup mieux et en silence ?

Maintenant, 20 ans plus tard, la guerre est aussi froide que l’enfer, et fortement enracinée. Et de nouveaux hommes doivent prendre la relève. Des hommes qui comprennent le danger extrême qui menace l’Amérique. Des hommes que leur conscience ne travaille pas quand il s’agit d’affronter ce péril. Des hommes qui ne deviendront pas des poltrons lorsqu’ils auront affaire à des serpents de 15 mètres et des horreurs à mille yeux. Des hommes qui ne posent pas de questions. Quoi qu’il arrive.

Style et structure

Les années 1960 sont tout simplement idéales pour les histoires d’espionnage, quel que soit le niveau de réalisme recherché. Peut-être qu’ajouter des monstres et des kaiju [les monstres japonais, forces de la nature incontrôlables, genre Godzilla, Mothra… (NdT)] pourrait vous orienter vers de la grosse farce, mais ce serait se priver de l’angle politique et de quelques sinistres conspirations que la Guerre froide fournit si bien, ainsi que des dilemmes moraux qui en découlent.

[Pour les services secrets], substituer les monstres aux bombes atomiques est une alternative parfaite : ils sont incontrôlables, ne font pas dans le détail et ont des effets horribles – et les savants fous ont toujours cru qu’ils étaient indispensables. Vous ne voulez pas faire du prêchi-prêcha, mais les ambiguïtés morales des années 60 augmentent l’intérêt – regardez la série Mad Men (wiki). Ou, pour citer Warren Ellis dans Planetary (wiki), “Même les faiseurs de bombes pouvaient être des héros en 1962”. Et Planetary est l’exemple parfait de comment mélanger le monstre-de-la-semaine avec des histoires de conspirations, les X-Files (wiki) arrivant juste après.

PJ et PNJ

Les PJ seront essentiellement des agents gouvernementaux typiques : costume noir, cravate noire, feutre noir. Mais vu l’étendue de leurs attributions – traquer, capturer, puis plus tard relâcher des monstres terrifiants en tant qu’armes [de destruction massive]– ils auront besoin de compétences variées : espionnage, connaissance de l’occulte, chasse au gros gibier, arcano-biologie, super-science, expérience militaire, etc. Quelque chose d’aussi important nécessitera certainement des représentants de toutes sortes de branches du renseignement et de l’armée, ainsi que des coordinateurs d’élite pour les faire travailler ensemble. Quant aux PNJ, ils peuvent partir du Président vers l’homme du peuple – ou, si vous préférez, remonter jusqu’aux plus hautes sphères secrètes.

Pour une tournure encore plus inattendue, vous pouvez demander aux joueurs de créer et jouer une écurie de monstres. Chaque joueur pourra avoir un PJ agent et un PJ monstre, et alternera entre l’un et l’autre. Ceci peut signifier alterner entre des histoires d’espionnage avec seulement des humains, et des délires cathartiques de démolition de villes (ce qui permettra à vos joueurs de dissiper un peu de tension et de faire une pause amusante de temps à autre). Ou bien des histoires peuvent comporter monstres et humains, avec certains joueurs s’amusant à ne pas suivre exactement les ordres de leurs camarades, ou essayant de trouver comment se débarrasser de leur “collier de contrôle”. Cela peut causer des tensions dans le groupe, mais si tout le monde est d’accord, explorer le différentiel de puissance peut être génial.

Intrigues et méchants

Le genre conspirationniste fonctionne comme l’Horreur. Tous deux se nourrissent de l’inconnu. Dévoilez-en trop, et tout est fini. Il ne suffit donc pas de créer un grand méchant mémorable, il faut le révéler à la bonne vitesse – juste assez pour que les joueurs aient l’impression de progresser.

Vous ne voulez pas non plus que le gouvernement soit totalement mauvais ou corrompu, car cela réduirait la dimension morale des dirigeants avec de bonnes intentions mais de très mauvais moyens. Faites que la conspiration provienne de l’ennemi infiltré, avec des hommes de confiance dans l’agence travaillant en réalité pour les rouges, ou que les héros soient manipulés comme des pions dans des jeux d’ombres à tiroirs, qu’ils peuvent à peine comprendre. Pour éviter que les parties ne s’effondrent sur elles-mêmes, restez clair sur qui est l’ennemi : tout tourne autour de la menace communiste, et de ce que deviendrait la guerre mondiale si l’écart en monstres devenait trop grand.

Sources

John Le Carré (wiki) est le maître de la Guerre Froide ; commencez avec L’Espion qui venait du froid. James Ellroy (wiki) affectionne aussi cette période et Le grand nulle part est probablement la meilleure perspective sur la répression du Maccarthysme en action. Comme dit précédemment, Planetary est incontournable, et regorge de beaucoup de choses se déroulant à la bonne période – Island Zero (2) (y compris des monstres) ; City Zero ; la mission lunaire secrète Artemis ; et les actions de David Paine et John Stone. Le film Treize jours est presque un documentaire sur la crise des missiles cubains, et est indispensable pour l’arrière-plan politique – de même que le film de Kevin Costner sur l’époque, JFK (wiki).

Les X-Files sont une source principale sur la manière de cadencer les choses et amener les monstres, mais ne négligez pas d’autres séries ou films, surtout ceux se déroulant, ou a fortiori réalisés pendant cette période. Pour le côté agents gouvernementaux contre extra-terrestres, on a Les Envahisseurs (wiki), Destination Danger (wiki) - qui devint par la suite Le Prisonnier (wiki) - fait un sans-faute dans la conspiration, et Chapeau melon et Bottes de cuir (wiki) est peut-être kitsch, mais personne n’a présenté la bizarrerie-de-la-semaine de façon aussi élégante avant, ni depuis. Pour les humains recrutant des monstres pour les aider dans leurs combats, rien de mieux que le film de Dreamworks, Monstres contre Aliens (wiki).

Jeux de rôles

Adapter Conspiracy X (grog) aux années 60 ne demande pas trop de travail, et sa chronologie secrète vous aidera bien pour des idées à cette époque. GURPS Prisoner (grog) est épuisé, mais c’est un traité incroyablement détaillé sur la série, et GURPS Illuminati (grog) est une excellente aide de jeu (et GURPS Black Ops (grog) est un supplément très utile également). Les espions n’ont jamais été traités aussi bien que dans Spycraft (grog) (la deuxième édition (grog) est la meilleure), et leur monde de campagne Shadowforce Archer (grog) traite des menaces surnaturelles.

L’organisation décrite dans le supplément The Directive (grog) pour Aberrant (grog) devait aussi contrôler des super-héros et des monstres, et la plus grande part de la gamme de Aberrant contenait aussi plein de bonnes matières premières sur le thème de la conspiration.

Les JdR de super-héros sont une bonne source de systèmes permettant de créer des monstres et des agents avec les mêmes règles – Mutants and Masterminds (grog) donne les caractéristiques des monstres géants et des agents pré-créés, et des univers de jeu comme Freedom City (grog) et Paragons (grog) sont pleins d’agences gouvernementales ou pseudo-gouvernementales qui peuvent convenir à la Moisson Noire. Et n’oublions pas Hunter: the Vigil (grog), qui a des douzaines de groupes et de conspirations (et de règles de jeu) parfaits pour ce genre de manigances. Remontez simplement le temps, distribuez les borsalinos (wiki) et laissez la magie opérer.

Article original : Campaign Toybox #17: Black Harvest

(1) NdT : Le premier essai d’une explosion nucléaire (Trinity (wiki)) du Projet Manhattan eut lieu le 16 juillet 1945 à Alamogordo au Nouveau-Mexique. [Retour]

(2) NdT : Disponible en français dans Planetary tome 1, chez Semic. [Retour]

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