Améliorez vos parties en évitant les dissonances tonales
(c) 2017 Neil Litherland
Même si vous n’avez jamais entendu le mot dissonance tonale, vous savez ce qu’il signifie. C’est lorsque vous regardez un film, lisez un livre ou faites une partie de JdR, et qu’il y a un changement soudain et brutal dans le ton. Par exemple, si vous regardez Winnie l’ourson wiki, et que tout à coup, il prend une hache et commence à poursuivre Christopher Robin [L’acteur de l’humain dans Winnie l’ourson (NdT)] dans un bois sombre. Bien que cela puisse être divertissant, cela ne correspondrait pas à la demi-heure précédente de plaisir et d’aventure dans l’arbre-maison que nous avons vécue. Pour qu’une expérience narrative vous attire et soit immersive, il faut un ton cohérent. Dès que le ton change, il y a des chances que votre suspension d’incrédulité wiki soit brisée.
Qu’est-ce que ça a à voir avec le jeu de rôles ? Tout.
Parce qu’il est impossible d’échapper au ton, peu importe le score du dé.
Comment les joueurs et les MJ, peuvent éviter de briser le ton
Donc, vous avez tous accepté de jouer une partie. Disons qu’on vous a dit qu’il s’agirait d’une partie basée sur l’action et le suspense. Beaucoup de combats, beaucoup d’action rapide, et beaucoup d’explosions lorsque le groupe s’éloigne des donjons en mettant lentement ses lunettes de soleil. Le MJ demande expressément aux joueurs d’amener des personnages durs à cuire avec une réputation bien établie. Ce sera l’Agence tous risques, version Terre du Milieu.
Maintenir le ton repose en premier sur les joueurs. Si l’on vous a dit que nous recherchons des soldats qui bottent des culs, d’anciens espions, des mercenaires durs à cuire et des voleurs de cape et d’épée, il est de la responsabilité de la table d’amener des personnages qui correspondent à ce moule s’ils ont accepté cette partie. C’est pourquoi le perso de Bridgett – un ancien évocateur de l’armée, avec une cicatrice de brûlure sur le côté du cou et qui en veut à tout le monde -, fonctionne très bien. Le barde dandy de Keith qui a des nausées à la vue du sang, par contre, pas vraiment.
Pourquoi ça ne fonctionne pas ? Eh bien, lorsque vous demandez des personnages endurcis qui en ont sous la botte et qui mettent la pédale au plancher sur la route de l’action, vous ne voulez pas avoir la question lancinante de « Pourquoi ces quatre vétérans balafrés traînent-ils avec eux un troubadour de cour terrifié ? » planant sur la campagne. Et plus le barde de Keith essaiera de jouer la comédie, ou d’atténuer la tension et l’action de la campagne, plus le personnage semblera décalé. De plus, il sera d’autant plus ridicule que le groupe continue à le garder dans ses rangs. Ce serait comme amener un plumeau au débarquement de Normandie (1).
Oui, je sais que tu as beaucoup investi pour créer Keith. Mais pas cette campagne, d’accord ?
Enfin le reste de cette responsabilité de maintien du ton repose sur le MJ. Et comme c’est lui qui a donné le ton en premier lieu, il sera doublement tenu de respecter cette norme. La plupart des MJ comprennent qu’ils doivent respecter le ton établi, mais souvent ils se sabotent eux-mêmes avec de petits écarts. Par exemple, si vous dirigez une partie sérieuse où vous voulez que les joueurs se sentent comme des durs à cuire, la façon dont vous décrivez leurs actions (ou les autoriser à faire cette description) est importante.
Revenons à notre exemple de campagne. Mike se met dans l’ambiance, il amène donc un capitaine pirate presque réformé, qui s’est depuis reconverti en corsaire. C’est un bretteur renommé, comme le prouve le fait qu’il soit épéiste, et qu’il ait choisi ses talents dans ce sens. Cependant, lorsqu’ils entrent en combat, chaque fois que le personnage de Mike rate un jet d’attaque (même pas un 1 naturel, juste un simple ratage), le MJ décrit l’attaque comme une chute fantaisiste.
« Oh, le Capitaine Noir a raté son coup parce qu’il a glissé sur une peau de banane » (plutôt que « parce que son adversaire a réussi à s’écarter au dernier moment, en parant la pointe de la rapière du PJ avec son bouclier »).
« Oh, il a encore raté son coup, sans doute parce qu’une mouette lui a chié sur la tête » (au lieu, disons, « de croiser le fer avec un adversaire aussi habile que lui, les deux se bousculant et grognant pour prendre l’avantage sur le pont du navire qui tangue »).
Le combat est l’un des moments les plus évidents où les MJ peuvent saper leur propre ton, mais c’est loin d’être le seul. Si vous menez une aventure pleine de légèreté, vous n’interromprez pas le festival du coin par la découverte d’un meurtre horrible où le corps a été découpé en morceaux et la tête mise au bout d’une pique. Il s’agirait, en fait, d’une farce du style de Tyler Durden [de Fight Club wiki (NdT)] consistant à insérer une seule image de pornographie dans un film familial. Si vous demandez spécifiquement une équipe de guerriers d’élite, vous ne les enverrez pas ensuite dans une aventure politique où tout n’est que négociations de couloir et collecte d’informations, où ils ne peuvent jamais être armés et où même une tentative de se battre les ferait tous envoyer au goulag.
Etc., etc.
En résumé, vous devez savoir quel ton vous voulez donner à votre partie. Vous devez ensuite communiquer ce que vous voulez à vos joueurs et joueuses afin qu’ielles comprennent ce à quoi ils et elles s’engagent. Une fois que vous avez établi le ton, tenez-vous-en à celui-ci. Essayez de faire en sorte que les choses soient rapides et fluides, et montrez l’exemple. Si vous ouvrez la voie, vos joueurs et joueuses suivront souvent.
Article original : Avoiding Tonal Dissonance Always Makes Your Game Better
Sélection de Commentaires
Spook
Je suis d’accord avec l’article, mais dans une campagne les changements de ton, s’ils sont bien faits, peuvent fonctionner.
Le problème est plutôt d’éviter les déviations de tonalité dans des situations précises. Comme tu le dis, présenter la bataille avec une série d’échecs en gags donne la sensation d’une série de comédie. En gros, quand on essaie de faire une chose, il faut bien la faire.
Je dirais cependant que le fait de donner un ton de légèreté à certains moments rend l’effet plus fort lorsque le ton change brusquement : par exemple la forêt d’elfes heureux, remplie de roleplay social et léger, est brusquement bombardée par le méchant. Et vous pouvez utiliser les changements de ton pour rendre certaines situations plus oniriques ou “bizarres” et faire en sorte que les joueurs soient sur leurs gardes.
Si je jouais à un jeu comme Dark Souls wiki et que je me retrouvais soudainement dans un pays aux couleurs vives, avec des pommiers, des cerisiers et des ours rieurs, et que personne n’essayait de m’assassiner, cela me mettrait vraiment sur les nerfs.
Je ne sais donc pas si on peut dire qu’éviter la dissonance tonale rend toujours la partie meilleure, je pense qu’on peut parfois l’utiliser tant qu’on sait ce qu’on fait.
triad4evr
J’allais suggérer la même chose que Spook – vous pouvez parfois utiliser la dissonance tonale à l’avantage de l’histoire. Spook donne un très bon exemple sur le terrain des couleurs vives dans un jeu Dark Souls. Certains des meilleurs épisodes de Doctor Who wiki exploitent exactement ce type de dissonance pour effrayer le spectateur et avoir un impact dramatique. Mais le conseil de l’auteur reste essentiel : ne provoquez pas de dissonance lorsque ce n’est pas voulu. Et sachez quand l’utiliser.
Unknown
D’après mon expérience, si vous dites aux joueurs.euses le genre de campagne que vous essayez d’organiser, ielles ne joueront pas le jeu – même quand c’est manifestement inapproprié : peu importe le nombre de fois où je dis « crée un personnage de combattant », chaque fois que j’essaie de mener un jeu de kung-fu, j’ai au moins un PJ qui ne connaît pas le kung-fu et refuse de se battre.
À. Chaque. Fois.
La dernière fois que j’ai joué à Street Fighter wiki, un joueur a décidé qu’il voulait jouer un loup-garou pacifiste.
(1) NdT : Ceci étant, le Débarquement de Normandie a vu arriver des Britanniques excentriques, tel le joueur de cornemuse Bill Milin. Ou faites la connaissance de Fighting Jack Churchill wiki, un commando britannique qui combattit pendant la Seconde Guerre mondiale armé d'un arc, de flèches et d'une épée écossaise claymore, connu pour sa devise « un officier qui part au combat sans son épée n'est pas dans une tenue correcte ». Ou du major Digby wiki (en), qui ne se séparait jamais de son parapluie… Vous verrez qu’un guerrier/barde a toute sa place au combat ! [Retour]
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