Bon pour la poubelle

Ce matin, j’ai jeté un œil sur le numéro 19 (mars 1982) du magazine Different Worlds de chez Chaosium. Je trouve presque toujours Different Worlds très intéressant parce que, même quand je n’aime pas ses articles ou suis en désaccord avec ses critiques ou éditoriaux, ce magazine ouvre une fenêtre sur une scène ludique à laquelle je n’ai jamais vraiment pris part. Comme je l’ai déjà mentionné, j’étais un fanboy de TSRwiki à l’époque ; les autres éditeurs étaient des tocards à mes yeux. En conséquence, la « culture » ludique à laquelle on m’avait initié était grandement imprégnée (considération absurde rétrospectivement) de l’idée que TSR était Dieu et Gary Gigax son prophète. Bien sûr j’ai joué à d’autres Jeux de Rôles publiés par d’autres éditeurs et parfois, comme pour L’Appel de Cthulhu, en m’y investissant beaucoup, mais j’ai eu peu de liens directs – et encore moins de compréhension – avec d’autres cultures ludiques fondées sur des principes différents. De ce fait, pour moi, la lecture des anciens numéros de Different Worlds (encore plus que celle de White Dwarf (1) ) est une inestimable correction de cette vision assez limitée dans laquelle je retombe facilement.

Quoiqu’il en soit, dans ce numéro 19, il y a une critique de Deities and Demigodsgrog [D&DG - Dieux et Demi-Dieux (NdT)] par un certain Patrick Amory. J’ai déjà indiqué mon aversion envers ce supplément pour AD&D, aussi je n’ai pas été étonné par le reproche d’Amory que « Dieux et Demi-Dieux échoue gravement à livrer autre chose qu’un Manuel des Monstres à l’échelle supérieure ». Ce qui reflète fidèlement mon opinion. Le plus intéressant, cependant, est selon moi le développement de cette critique, que je reproduis ici intégralement :

Deities and Demigods aurait dû contenir une présentation approfondie de ce à quoi les personnages seraient confrontés dans un monde fantastique : les attributs de la religion, les cérémonies, les croyances, les interactions de ces croyances avec la culture et la société, et non pas un dépeçage de dieux comme Odin et Loki pour en faire de simples monstres à 300-400 points de vie.


À la place, les descriptions de certains de ces aspects sont quasiment inexistantes. Dans la préface, les auteurs déclarent que « le nom des divinités et des héros… ainsi que de nombreux traits de leur personnalité sont simplifiés afin que chacun les découvre par lui-même… », ce qui se traduit en langage courant par : « les divinités les plus méconnues se voient attribuer des caractéristiques complètes pour un combat à D&D, sans la moindre indication de personnalité, de description, de croyances ou même de position dans les légendes. »


Deities and Demigods décrit des monstres, pas des religions. Ce qui est inclus ici n’a pas le moindre intérêt pour quiconque sur le marché du jeu de rôle fantastique et devrait être évité comme la peste. Le découpage brutal, au couteau de boucher, d’anciennes légendes, le manque de tout détail permettant la création d’une religion dans une campagne normale, et l’encouragement à insérer des monstres d’encore plus haut niveau pour la pire sorte de manière de jouer la Fantasy font que Deities and Demigods n’est bon que pour la poubelle.

Dans le monde des critiques, celle-ci est particulièrement sévère. Les seuls aspects de ce supplément qui trouvent grâce aux yeux d’Amory sont les “composants de grande qualité”. Même pour une personne n’ayant pas l’utilité de D&DG, je trouve les trois paragraphes cités au-dessus excessifs, mais je soupçonne que, en plus de l’antipathie envers TSR (qui a existé très tôt dans l’histoire du JdR et a augmenté régulièrement tout au long des années 80), la critique d’Amory est représentative d’une culture ludique différente de celle qui était la mienne. J’hésite à la qualifier de « West Coast », car je ne connais rien des antécédents du critique ; mais cette lecture-ci ressemble néanmoins aux caricatures qu’on me faisait(en) des “rôlistes californiens” qui jouaient à des JdR de « hippies » comme Runequest(2).

Le sujet de cet article n’est pas de condamner Deities and Demigods ou l’auteur de cette critique (laissons de côté les différentes approches des présentations des êtres divins dans les JdR), mais de noter que, bien que nous puissions parler « de la communauté rôliste » comme s’il s’agissait d’une entité singulière et unique, elle ne l’est pas. Il y a eu assez tôt plusieurs approches différentes du jeu de rôle, et elles ont coexisté, quoique pas toujours amicalement. Donc, je ne trouve pas surprenant que - presque 40 ans après - ces différentes approches, non seulement existent encore, mais se sont tellement multipliées qu’un terme, apparemment aussi simple que « old school » peut être source de confusion, d’hostilité et de colère.

 

Article original: Fit Only for the Trashcan

Sélection de commentaires

Chocs de cultures ?

The Iron Goat

On dirait que tu as vécu la même histoire, mais je me souviens que Deities & Demigods eut un effet visible et négatif sur la culture rôliste de la (petite) ville ou j’ai grandi. Tous les gosses rôlistes l’ont regardé et pensé « oh, alors on est censés jouer des demi-dieux qui massacrent des monstres légendaires ». Les Personnages-Joueurs de niveau 20 et plus devinrent communs. D’une certaine façon, quand je parcours les suppléments de la période D&D 3.x, j’en vois toujours les conséquences.

Gordon Cooper

Dans les années 1980, mon groupe de jeu était merveilleusement ignorant des « cultures rôlistes ». On jouait à ce qu’on aimait, qui était surtout des jeux de TSR, Chaosium, Flying Buffalo et Yaquinto. Si on percevait des différences d’approche, c’était seulement dans la saveur de White Dwarf – que j’aimais beaucoup. Les seules vraies cultures rôlistes à ma connaissance étaient celles des différents groupes de jeu, qui variaient énormément même dans les limites de la même ville. J’étais très au courant du fait que les manières de jouer de certains groupes étaient totalement incompatibles avec la mienne.

En ce qui concerne Deities & Demigods, je l’ai toujours apprécié pour une chose : ses illustrations. Même quand elles étaient inexactes, je les trouvais en général inspirantes. La couverture, par Erol Otus ; le Mythe de Cthulhu ; le Mythe de Menilbonée, le Mythe de Newhonwiki – étaient mes raisons de payer 12$ pour ce livre (à l’époque)

Aujourd’hui comme hier, je suis contre donner les caractéristiques des dieux, mais la table de référence rapide des Clercs était génial. Franchement, tout le livre aurait dû été construit autour. Le premier paragraphe de la critique que tu cites est tout à fait vrai ; si les caracs avaient été remplacées par cette sorte d’information, ça aurait pu être un formidable supplément. Je l’aime toujours pour les illustrations, cependant.

Valeur pour une introduction à la religion

Christopher Kosciu

Le seul rôle que Deities & Demigods joua jamais dans nos parties « à l’époque » (à part regarder les illustrations sympas) fut de fournir une liste suffisante de dieux « officiels » et de religions parmi lesquelles choisir au moment de remplir la feuille de personnage. Nous avons toujours ignoré les caracs, et n’avons jamais eu le début de l’idée qu’on pourrait peut-être vraiment les utiliser dans des combats contre les dieux, ou des trucs bizarres dans le genre.

penguin_boy

Je déteste ce supplément. Pour moi, c’est la concession ultime envers les grosbills. « hé les enfants, maintenant vous pouvez tuer Thor et voler Mjolnir ! » On s’en fiche que les destins de toutes les divinités des panthéons nordiques soient déjà écrites.

Ce n’était rien d’autre qu’un supplément du Manuel des Monstres.

Si vous ajoutez des dieux et des prêtres, alors la religion est un détail important. J’ai fait des études d’Histoire. La religion était sans doute le plus grand facteur unique de la culture médiévale. Ignorer ce facteur, mais permettre les religieux et les temples, c’est non seulement faire n’importe quoi avec l’univers de jeu, mais aussi ignorer une quantité énorme d’intrigues possibles.

Gabriel Holland

@ Penguin_boy

Je ne crois pas que quiconque affirme que les religions n’étaient pas importantes. Toutefois, en tant qu’historien, je suis sûr que tu peux concevoir les différences entre les religions dominantes au Moyen-Âge et les nombreuses religions préchrétiennes. Même le judaïsme avant la destruction du Temple se préoccupait plus de rituels adéquats que de la croyance « correcte ». Je ne connais aucune occurrence de conversion agressive par des missionnaires grecs antiques. Les dieux se battaient entre eux, mais n’essayaient pas de mettre fin à leur adoration respective sur Terre, et croire en l’un d’entre eux n’empêchait pas de croire en un autre.

Dire que tu veux plus de profondeur et d’aspect historique dans les religions « païennes », tout en appliquant des clichés modernes, ou même juifs /chrétiens /musulmans de l’époque médiévale –c’est incohérent. Arrivé là, tout ce que tu fais c’est utiliser les noms.

Gianni Vacca

Eh bien… Deities & Demigods ne résiste certainement pas à la comparaison avec Cults of Prax [pour Runequest]. 30 et quelques années plus tard, j’utilise toujours ce dernier comme le modèle sur lequel je calque les cultes que je conçois, alors que je ne me souviens de D&DG que pour ses illustrations.

Gabriel Holland

Eh bien, j’imagine que ma réaction à ce qu’écrit Mr. Amory est « tu t’attendais à quoi en fait? »

Il semblait aimer le réalisme, alors soyons réalistes. Ces dieux sont issus des mythes et légendes ; ils sont souvent présentés différemment dans les différentes sources. Comparez le Roi Arthur de Malory avec celui de White ou celui dans Sire Gauvain et le Chevalier vert et vous verrez des différences. L’obsession de l’information sur les croyances tombe à plat pour plein de religions. Lisez une œuvre classique grecque, il n’y avait rien sur les dogmes ; les rituels étaient bien plus importants ! Le noyau de la croyance était le suivant : honore les dieux ou ils te feront du mal !

Si tu veux un livre sur les religions comparées, ça existe déjà ailleurs.

Will Mistretta

 « le nom des divinités et des héros… ainsi que de nombreux traits de personnalités sont simplifiés afin que chacun les découvre par lui-même… »

En d’autres mots, c’est un supplément avec des caractéristiques des héros des légendes pour AD&D. Si tu veux une encyclopédie qui contienne toute la mythologie du monde, va à la bibliothèque.

Désolé d’aller à l’encontre de la baston collective contre D&DG, mais franchement, il fait le job pour moi. Est-ce que vous pensez vraiment qu’une vue d’ensemble cohérente des religions et des mythologies, qui irait de la Chine et l’Inde à la Grèce et l’Egypte en passant par l’Amérique du Nord et du Sud, puisse tenir dans un ouvrage de moins de 1000 pages – sans compter qu’on s’attend à ce qu’il parle aussi de AD&D.

Si vous le considérez simplement comme une annexe de votre tome [non ludique] traitant de votre mythologie préférée, annexe qui en donne les règles pour AD&D, il marche très bien. Et l’introduction précise très visiblement que c’était l’intention de l’auteur tout du long. Alors pourquoi ne pas juger le succès ou l’échec de ce supplément d’après sa vraie fonction originelle, plutôt que selon une autre mesure, imposée de l’extérieur arbitrairement et injustement ?

Ron Parker

J’imagine que j’étais jeune et stupide. Où ailleurs pouvait-on trouver Elric, le Souricier Gris, et Hastur tous rassemblés dans un seul ouvrage ?

C’était du bon matériel d’étagère pour moi à l’époque, tout comme ça l’est maintenant.

Réponse de Wally Holland

« Jeune » sous-entend « stupide », donc ne sois pas trop dur avec toi-même ;)

Mais encore une fois – tout cet aspect de « tout dans un seul ouvrage » (sans parler de la belle expression « matériel d’étagère ») renforce l’esprit de « lisez-le, ne jouez pas avec » que D&DG semblait donner.

Le fait est que, déterminer les caracs est en soi amusant. Pour les créateurs de jeu autant que pour n’importe qui – et que s’en rendre compte est puissant mais peut-être problématique : « hé, il y a des gars qui non seulement veulent écrire les caracs pour des choses qui n’existent pas, mais ils paieront pour mes estimations ! »

(insérez ici des observations sur des ados mâles inadaptés socialement qui se sentent obligés de quantifier et d’abstraire des domaines de vulnérabilité du genre « est-ce que je peux me battre contre ce type ?» et « et si je rencontrais Dieu ? » et « est-ce que je suis plus malin que ce dragon/cette figure d’autorité ? » et bien sûr « si je vais m’aventurer dans une grotte avec mes amis, est-ce que ça se passera bien même si je n’ai manifestement aucune idée de ce que je fais entre le moment où je quitte ma chambre et celui où je reviens en pleine nuit ? »…)

Dan2448

Je possède la première édition de Deities & Demigods. J’avais 10 ans quand il parut, et j’avais trouvé que c’était un livre incroyablement captivant et évocateur. C’est la toute première fois que j’entendais les noms « Cthulhu » et « Elric », et ce fut aussi mon introduction aux détails de la légende arthurienne au-delà des noms « Roi Arthur » et « Merlin ». Cela a aussi été ma première rencontre avec la mythologie maya, éveillant un interêt pour l’archéologie de l’Amérique centrale (plus tard alimenté par Indiana Jones) qui dure encore aujourd’hui.

Mes amis et moi l’avons bien utilisé, jusqu’à un certain point, comme un Manuel des Monstres « de haut niveau ». Mais nous avions 10, 11 et 12 ans. Nous n’aurions absolument eu aucune espèce d’intérêt pour un traité universitaire d’anthropologie cultuelle et rituelle parmi les différentes cultures d’où ces divers panthéons provenaient.

Et l’Appel de Cthulhu ?

Peter Byrne

C’est un peu ironique que c’est en gros la même plainte qu’on réprime de temps en temps du côté de L’Appel de Cthulhu parce que ce JdR donne les caracs - et donc une forme fixe - pour les dieux [alors qu’ils sont tellement cosmiquement étrangers qu’ils ne peuvent être catégorisés (NdT)] du genre Cthulhu, Nyarlathotep, Yog-Sothoth (etc., etc. à travers tout le mythe)

Pour ce que ça vaut, cette scène du Mahabharata de Peter Brook décrit assez bien la façon dont j’aime concevoir les divinités dans un univers de Fantasy – des entités intouchables qui passent à travers le monde ; on lutte contre eux non parce qu’on peut les vaincre, mais pour les convaincre que l’on mérite leur attention.

Réponse de Stuart Dollar

Je suis d’accord, mais la différence est le pouvoir horrifique. Même le plus puissant des personnages de l’AdC n’est rien contre les Grands Anciens, ou même face à la plupart des équivalents de demi-dieux mineurs.

Il est très possible, après avoir joué assez longtemps et gagné assez de niveaux, qu’un groupe de PJ de AD&D tue Zeus. Il est assuré qu’un groupe d’Investigateurs de l’Appel de Cthulhu qui croise Hastur finiront par n’être rien d’autre qu’un amuse-bouche très goûteux, bien que complètement fou.

Tuer les dieux

Wally Holland

Est-ce que quelqu’un ici joue vraiment dans des campagnes où Odin et Loki font la queue pour se faire décapiter ? Sérieusement ? Deities & Demigods m’a toujours frappé comme étant un exercice mental plutôt qu’un supplément utile, et/donc je suis sincèrement curieux de savoir si quiconque de plus de 16 ans a jamais construit une campagne autour du meurtre d’un dieu en diminuant ses Points de Vie(3).

Stuart Dollar

Je possède un exemplaire de la 1e édition de Deities & Demigods, mais je ne l’ai en fait jamais utilisé dans une partie. Même à 17 ans, je lui accordai peu de valeur. Dans mes univers de jeu, les dieux et les demi-dieux sont des dispositifs pour l’intrigue, pas des monstres. Tout groupe d’aventuriers qui fait le choix de guerroyer contre les dieux apprendra juste quelles puces minuscules et insignifiantes ils sont vraiment comparés aux dieux. Le rôle de ceux-ci est de distribuer des quêtes, de menacer les aventuriers, et à l’occasion d’accorder la faveur divine.

Un bon supplément sur les dieux et demi-dieux, comme ton post et la critique l’expriment tous deux, devraient porter sur la création de cosmologies et de panthéons de dieux, avec des exemples concrets, soit d’après des univers de TSR, ou peut-être même en utilisant des exemples du monde réel (les panthéons grecs, romains et nordiques, par exemple, et on pourrait certainement en utiliser d’autres, si on le souhaite). Cela aurait été utile au rôliste que j’étais à 17 ans. Les caracs de Hastur et Asmodée… euh pas tellement.

Quant au ton de la critique, je dirais que TSR… ne faisait que récolter ce qu’ils semaient à l’époque. Pourquoi TSR pensait nécessaire, au sommet de son succès à la fin des années 1970-début 1980, de ruiner le plaisir de tout le monde, alors que leur vrai et seul ennemi était leur propre et processus de décision défaillant –  c’est quelque chose que je n’ai jamais vraiment compris.

Ian Borchardt

En fait je crois que le but principal de Gods, Demigods, and Heroes (qui fut simplement mis à jour pour donner Deities & Demigods) était simplement de fournir cette sorte de liste de « monstres », avant tout pour être utilisée avec le sort de Portail. Ce n’était pas censé du tout être un traité sur la religion, juste une tentative de codifier ce qui pouvait être invoqué en utilisant ce sort, pour en finir avec le niveau de disputes qui s’ensuivait : « J’invoque Thor » – « il vous écrabouille tous avec son marteau Mjolnir ».

Ce n’était que quand vous réfléchissiez à l’envers (comme la plupart des gens l’ont fait, il est vrai) et tentiez de faire rentrer ces « monstres/avatars » dans un cadre religieux en tant que dieux eux-mêmes, que l’on commençait à rentrer dans le problème d’avoir attribué des caractéristiques de JdR à des entités qu’on considère comme des dieux.

Si on les considère juste comme des avatars du dieu ou de la déesse, amenés à une manifestation physique par le sort de Portail – et ainsi limités par les règles de l’existence physique – alors ces descriptions fonctionnent en fait très bien. Bien entendu, blesser un avatar n’aurait aucun effet sur le dieu lui-même, et la forme de l’avatar serait moulée sur les croyances de l’invocateur. Ils sont autant des monstres que quelque chose invoqué par le sort d’Invocation des Monstres IX (bien qu’ayant bien plus de volonté propre, car ils tendent à agir comme l’invocateur croit qu’ils agiraient)

Cela permet aussi d’invoquer de multiples avatars de dieux, avec le même type d’aspect. Ainsi deux cultes différents pourraient invoquer leur version du dieu de la mort, par exemple, et les deux avatars seraient vénérés en tant que le dieu, mais aucun ne serait le vrai dieu de la mort. Je trouve que cette approche ramène de nombreuses idées de la foi dans nos parties.

Bien sûr, on parle de magie extrêmement puissante ici, qui n’avait pas sa place dans la plupart des mondes de campagne (ou au moins étaient inaccessibles aux Personnages-Joueurs de l’époque), et donc la plupart des gens n’ont jamais pensé à ces suppléments de cette façon. Et c’était une époque avant qu’il y ait des règles pour régir le voyage entre les plans. Il est intéressant de remarquer que Portail n’ouvre pas un passage entre les dimensions ; il amène plutôt à vous quelque chose d’une autre dimension.

D’un autre côté, la plupart des gens qui achetaient ce livre cherchaient en fait à quantifier et à créer une religion dans leurs campagnes – ces suppléments étaient alors quasi inutiles en pratique. Et cet aspect [religieux] que la plupart des gens voulaient en fait, était quelque chose que [TSR] refusa constamment de toucher dans D&D pendant très longtemps, même avec une perche de 3 mètres [pour éviter les foudres des groupes religieux, qui affirmaient que D&D menait au paganisme ou au satanismeptgptb (NdT)]. Même aujourd’hui, ils ont tendance à beaucoup tergiverser sur ce sujet ; j’aime répéter que je n’aime pas leur façon de traiter ce qui sont en fait des religions polythéistes et monothéismes.

Jeremy Zharkov

À part pour juste pour le lire et mater l’illustration de Loviatar, je ne l’ai jamais trouvé si utile.

Loviatar[Loviatar, déesse intermédiaire de la torture et de la douleur (et du sado-masochisme ?) dans l’univers de Faerun. Trouvée dans le Forgotten Realms Wiki avec des descriptions de son culte et de son dogme – mais sans ses caracs. (NdT)]

D’un autre côté, c’est vraiment la seule occurrence d’un supplément de D&D1 en gros réécrit pour AD&D, même s’ils n’ont que peu changé le nom - Deities and Demi-Gods au lieu de Gods, Demi-Gods, & Heroes.

Bien sûr, si vous lisez l’introduction, l’intention de ce supplément était de limiter les grosbills.

« Cet ouvrage est aussi quelque chose de différent ; notre dernière tentative de communiquer avec les Maîtres de Donjon trop généreux avec les PJ (Monty Hallptgptb). Peut-être que maintenant, les campagnes où tout est donné aux persos sembleront aussi idiotes qu’elles le sont vraiment. Nous essayons ici pour la dernière fois de démontrer l’absurdité des Personnages-Joueurs de niveau 40 et plus. Quand Odin, le Père de Tous, n’a que 300 points de Vie, qui peut prendre au sérieux un Seigneur de 44e niveau. ? »

JDJarvis

Une fois mon Paladin/lanceur de sort a fait tomber Odin sur son cul avec un sort de Poussée, comment est-ce que quelque chose d’aussi amusant pourrait être du mauvais ? ;)

Justin S. Davis

Je suis sûr que je l’ai déjà raconté, mais la « bande de rôlistes » qui prenait mon bus nous narrait comment, dans une campagne où ils prenaient leur pied, ils avaient tué Thor avec un sort de Poussée… parce que les dégâts de la chute sur Terre l’avaient achevé.

(je crois qu’un des joueurs avait peut-être plus de 16 ans, mais les autres avaient de 10 à 12 ans. Évidemment.)

viking

À l’époque, il me semble que dans tous les exemplaires de D&DG que je voyais (je ne l’ai jamais eu), les noms étaient rayés avec des mentions comme « mort » ou « banni » et autres dans ce genre. Je me souviens que quand les gens se vantaient de tuer des dieux, la réponse était « alors c’est que ton MD est nul »

The Recursion King

Ton MD connaissait visiblement mal Thor pour penser que les dégâts de la chute le tueraient. Un géant d’argile haut d’une lieue lui est tombé sur le cou et tout ce qui se passe c’est qu’il a du mal à se relever (c’est dans une des eddas [manuel de poésie doublé d'un florilège des mythes norrois (NdT)]). Il est aussi difficile d’imaginer qu’un dieu qui a été en partie élevé par les gardiens de la foudre – qui résident certainement dans les nuées orageuses – pourrait jamais tomber sur Terre et être se faire mal.

(Odin avait des problèmes avec son fils agité à la puissance immense, et l’avait confié quelque temps aux gardiens de la foudre pour lui apprendre à trouver sa place – ça a marché). Enfin, quelqu’un a eu raison de rappeler que Thor ne peut être tué que par le serpent du monde, à cause de la prophétie du Ragnarok, donc ça ne sert strictement à rien de tenter de se battre contre lui.

Dave Starks

Je n’ai jamais entendu parler de rôlistes affirmant « massacrer des dieux » à l’époque – bien que la quantité finie des caractéristiques listées dans D&DG nous ait certainement amené à calculer à quel niveau des PJ seraient capables de combattre les dieux… Quoi qu’il en soit, mon groupe de jeu ne s’approcha jamais du niveau nécessaire pour y arriver.

Ceci dit, je n’ai en fait pas de problème avec l’idée de combattre des dieux à l’apogée d’une campagne épique… C’EST de la Fantasy, pas vrai ? Les mythologies sont pleines de récits de mortels accédant au statut de légendes, et d’ailleurs de demi-dieu… J’ai grandi avec les comics Marvel, où des héros mortels vainquaient des entités égales des dieux comme Galactus – c’était une des histoires les plus mémorables et prenantes que j’ai jamais lu. S’il est concevable de descendre dans les enfers pour défaire des Seigneurs Démons, alors l’élimination des dieux du Mal pourrait bien être la Saga Épique Ultime d’un groupe de jeu.

Et finalement, une œuvre

Pistol Pete

Deities & Demigods est un grand mélange. Bien que le problème des caracs des dieux soit controversé – on comprend pourquoi – j’ai toujours trouvé que c’était une œuvre réellement inspirante.

Il y a vraiment une gamme étendue d’idées originales et cool là-dedans et au total c’est une des créations de D&D les mieux illustrées de tous les temps.

Enfant, je m’émerveillais toujours devant les dessins grotesques et bizarres, et les étranges descriptions des dieux. La profusion de filles au seins nus était aussi un des facteurs de son attrait… surtout les courbes d’Aphrodite et d’Hécate, façon Frazetta. Yeah !

Les pantalons à patte d’eph’ stylés d’Elric et Tristelune valent aussi un gloussement.

C’est aussi D&DG qui m’initia à Fafhrd et le Souricier Griswiki et toute la folie qui allait avec… des goules transparentes, un nuage de haine qui trimbale des épées et des haches pour tuer des gens, Sheelba, Ningauble et l’adorablement maléfique Tyaa (la déesse des oiseaux maléfiques)

Et puis cette horreur lovecraftienne qu’est Blipdoolpoolpen ? La fille nue avec la tête et les pinces de homard ?

 Chaque fois que je vois cette image, ça me rappelle Chasey Lain jouant le super-méchant dans [la comédie potache] Capitaine Orgasmo, MdR.

(1) NdT : il s’agit des premiers White Dwarf avec du Jeu de Rôles, des scénarios, des wargames et de la figurine, pas de la version actuelle qui s’apparente au catalogue des produits Games Workshop… [Retour]

(2) NdT : extrait de la fiche du Grog sur Runequest et son approche de la religion dans son univers Glorantha :

Passionné de religions anciennes et de mysticisme, pratiquant lui-même le chamanisme, [l'auteur] Greg Stafford a imaginé Glorantha dans les années 60 et n'a cessé depuis d'écrire sur le sujet (...) Il a ainsi décrit toute l'histoire mythique de son monde, la naissance des dieux, les différents conflits qui les ont opposés, les panthéons qui se sont rassemblés, les prophéties et autres héros divinisés après des quêtes épiques qui ont modelé le monde. Chaque religion, chaque dieu est décrit avec un grand luxe de détails, et chaque culture possède sa propre vision subjective du monde, sa version des différentes légendes. Pourtant les dieux ont une existence réelle, et leur influence se fait sentir en permanence.

[Retour]

(3) NdT :François Marcela-Froideval raconte qu’alors qu’il était chez TSR, il entendit un jour les rédacteurs éclater de rire ; ils venaient de recevoir la lettre d’un groupe de joueurs qui leur demandaient si TSR allait publier un autre supplément sur les dieux, « car ils avaient tué tous ceux de Deities & Demigods » [Retour]

 

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