La Règle d'or: l'équilibre du jeu

 présente

un article a été traduit et publié antérieurement sur

imaginez.net

notre site partenaire de réflexion et de diffusion du JdR

D&D est un jeu de plateau

(2008) (rendu public à la demande de Jediwiker)

En écoutant les gens parler de la quatrième édition à venir de Donjons & Dragons, j'ai souvent entendu la même chose : équilibrer les classes.

J'ai entendu dire que le combattant allait faire le plus de dommages au contact alors que le voleur (je ne dirai pas le « filou ») ferait le plus de dommages par derrière tandis que le magicien ferait le plus de dommages à distance et bla et bla et bla...

Je me suis consolé à la pensée que la nouvelle équipe de concepteurs de D&D jouait enfin franc jeu. D&D n'est pas un jeu de rôle; c'est un jeu de plateau très sophistiqué. C'est un peu un paradoxe dans la mesure où D&D est le premier « jeu de rôle ».

Et pourtant il n'en est pas un. C'est comme si vous étiez votre propre grand-père : cela réclame quelques explications.

J'ai beaucoup réfléchi à la question: « Qu'est-ce qu'un jeu de rôle ? » En y pensant de la même façon que Scott Mc Cloud dans son brillantissime roman graphique L'Art invisible (Understanding Comics) où il réfléchit à « Qu'est-ce qu'une BD? ». J'y ai beaucoup pensé parce que quelque chose dans le nouveau D&D m'interpellait, quelque part.

Il est important de noter que tout jeu peut être transformé en un jeu de rôle. Vous pouvez changer les échecs en jeu de rôle si vous donnez un nom à votre roi et que vous le faites parler. Vous pouvez changer Life [le jeu d'évolution mathématique de John Conway (NdT)] en un jeu de rôle de la même façon. En réalité, vous pouvez transformer n'importe quel jeu de plateau en un jeu de rôle ainsi. Mais vous devez lui ajouter quelque chose. Vous devez y ajouter un personnage et ses motivations.

Je plaiderai également qu'il faut lui ajouter un autre élément. Le « personnage » doit faire des choix basé sur ses propres motivations plutôt que sur un avantage stratégique ou tactique. C'est le côté: « Mon personnage ferait ainsi ». Le mouvement correct aux échecs peut être que le pion de la reine prend le pion en 4, mais si le roi décide que « je préfère protéger ma reine plutôt que mon fou, même si le mouvement le plus intelligent est de protéger mon fou », alors nous avons un jeu de rôle.

Ça ne signifie pas que vous jouez de façon idiote. Vous pourriez faire tous les déplacements intelligents que vous voulez. Mais si vous considérez de façon active que les désirs et les motivations du personnage passent avant, alors je pense que vous avez compris ce dont nous parlons ici.

Mais un jeu comme les échecs ne vous récompense pas pour avoir fait des choix qui ne vous conduisent pas directement ou indirectement à la victoire. En fait, aucun jeu de plateau ne le fait. C'est, je pense, ce qui différencie un jeu de plateau d'un jeu de rôle. Un jeu de plateau récompense les joueurs pour avoir fait des choix qui conduisent à la victoire. Un jeu de rôle récompense le joueur pour avoir fait des choix qui sont cohérent avec son personnage.

De la même façon, la plupart des jeux de plateau n'ont pas le sens de la narration, c'est-à-dire de la construction d'une histoire. Maintenant, notez que j'ai dit « la plupart ». Certains jeux de plateau le font sans aucun doute. Et je ne parle pas d'un « histoire » au sens abstrait qui serait sujet à interprétation. Je veux dire une vraie histoire complète, avec tout ce que nous attendons d'une histoire. Une intrigue, une narration, un exposé, la trahison du troisième acte. Et tout le tintouin.

Certains jeux de plateau ont effectivement un sens de la narration, mais ne récompensent pas les joueurs pour la faire avancer. A l'opposé, c'est justement le fondement du jeu de rôle : faire avancer la narration. Il a des mécanismes qui aident spécifiquement les joueurs à le faire.

En conséquence : « Un jeu de rôle est un jeu dans lequel les joueurs sont récompensés pour avoir fait des choix cohérents avec les motivations de leur personnage, ou qui favorisent l'intrigue. »

(A ce stade, je prédis que de fidèles lecteurs souligneront que ce n'est pas la définition que la plupart des gens associent au jeu de rôle. J'anticiperai ce reproche en leur demandant pourquoi la plupart des Américains ne savent pas utiliser « vous n'êtes pas sans savoir/ignorer » , comprennent mal le principe de l'Évolution et prononcent incorrectement le mot « nuclear » [« nioucoular » au lieu de « nioucliar » (NdT)], et parmi eux le type assis à la Maison Blanche [G.W. Bush] qui se vautre sur les trois à la fois.

Ceci est une définition de travail. C'est loin d'être complet et je n'en suis pas entièrement satisfait, mais c'est un bon point de départ. Notez qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des figurines ou des dés pour jouer au jeu de rôle. Certains utilisent des figurines, certains des dés, mais pas tous. La question importante est si on peut ou non jouer au jeu de rôle sans utiliser des dés ou de figurines. Ma réponse est oui et c'est ce que je fais depuis au moins vingt ans.

(C'est à ce moment que je me suis rappelé qu'un certain individu, qui eut un rôle très important dans l'origine du jeu de rôle, m'avait dit - en face – que je ne jouais pas au jeu de rôle du tout, mais que j'étais juste un « acteur de théâtre amateur contrarié ». Mais il ne faut pas dire de mal des morts.)

Les dés, les cartes et les figurines ne sont pas nécessaires pour jouer au jeu de rôle. (Oui, Matt, j'utilise ce mot dans ce sens là). Certains joueurs préfèrent les utiliser, d'autres non. Il n'est pas non plus nécessaire de jouer sans eux. Est-ce qu'ils apportent quelque chose à l'expérience ? Oui, ils peuvent. Mais ils peuvent aussi distraire de cette expérience, l'inhiber ou la limiter. Mais ils ne sont pas nécessaires.

Ce que je considère comme essentiel au jeu de rôle – ce qui définit le jeu de rôle – est que les joueurs endossent le rôle de leur personnage dans un jeu qui a des règles qui permettent et encouragent l'histoire et les choix du personnage. Cela, c’est un jeu de rôle.

Et avec cette définition à l'esprit, j'examine ce à quoi va ressembler D&D4 et j'en suis venu à la conclusion qu'il ne sera pas un jeu de rôle.

Vous pouvez en faire un jeu de rôle, mais pour cela, vous devrez ajouter des éléments qui n'existent pas dans les règles. Si vous jouez en vous tenant aux règles, ce n'est pas un jeu de rôle. D&D a des règles qui vous récompensent lorsque vous faites les meilleurs choix stratégiques et tactiques, mais il n'en a pas pour aider les joueurs à faire progresser l'histoire. Il a des règles pour le mouvement, les dommages, les soins et tout le reste, tout comme Talisman, mais il ne récompense pas un personnage qui prendrait des décisions qui ne sont pas focalisées sur la victoire.

A la fin d'Indiana Jones et le temple maudit, Indy abandonne « le trésor et la gloire » pour soigner le village. Il rend la pierre magique au vieil homme, achevant ainsi la transformation du salopard cupide et égoïste en un héros que nous avions découvert au premier film.

Dans D&D4, il n'y a aucun avantage pour lui à abandonner le trésor. Hé! Dans D&D3, il n'a aucune raison de le faire non plus. Aucune raison stratégique ou tactique. Il devrait prendre la pierre magique, l'ajouter à son stock d'objets magiques et partir vers une nouvelle aventure. De même, il n'aurait pas dû rendre l'Arche d'Alliance au gouvernement américain et il n'aurait pas dû s'arrêter pour soigner son père. Il aurait dû s'enfuir de ce temple aussi rapidement que ses petits pieds le portaient, puis profiter d'avoir découvert la coupe du Christ. C'est la seule manière de gagner des points d'expérience. C'est la seule manière de « gagner ».

C'est comme cela que vous gagnez à D&D. Plus de trésors pour tuer de plus gros monstres pour avoir de plus gros trésors.

Ce qui m'amène au point principal de ce texte: l'équilibre du jeu. D&D3 avait pour obsession l'équilibre du jeu. Le fait que les caractéristiques soient tirées au hasard montre à quel point c’était un Échec Total et Massif. (Si nous faisons la somme de nos caractéristiques et que vous avez un point de plus que moi, c'est que nos personnages sont déséquilibrés). Quelle quantité de dommages peut infliger un combattant avant de tomber, quelle quantité de dommages peut infliger un magicien avant de tomber, quelle quantité de dommages peut infliger un voleur avant de tomber...? Toutes ces questions sont à côté de la plaque. Tout spécialement dans un jeu de rôle. Elles visent les symptômes, et non la maladie. Elles coupent les branches mais pas les racines. « L'équilibre du jeu » dans un jeu de rôle n'a rien à voir avec les points de vie, la classe d'armure, les dommages, les dons les compétences ou quoi que ce soit du même genre. L'équilibre dans un jeu de rôle se résume à une simple question: « Est-ce que chaque personnage joue son rôle dans l'histoire ? » D&D répond à cette question sous l'aspect réducteur de la tactique. Le combattant combat, le voleur vole, le clerc soigne et le magicien est l'artillerie. Faites en sorte que chaque rôle – tels que D&D les considère – soit occupé. Mais quid des motivations ? Quid des buts personnels ? Laissez moins vous expliquer ce que j'entends par là.

Une de mes aventures à la RPGA (0) mettait en scène un voleur de premier niveau. Il était le fils d'un tavernier qui avait accumulé d'énormes dettes de jeu. Mon personnage avait appris les talents de voleur car il avait été videur de la taverne de son père. Il savait comment vider les poches car il devait surveiller les pickpockets. Et il savait comment attaquer par derrière car il devait savoir s'approcher des trouble-fêtes silencieusement pour les mettre K.O. en un coup pour éviter de déclencher un combat. C'était mon voleur.

(Je dois souligner que le jeu en lui-même n'exige pas que je fasse tout cela. Il n'y a aucune règle ou mécanisme qui le nécessite et il n'y a aucune règle ou mécanisme qui m’en récompense.)

Je partis en aventure avec mon petit voleur. Alors que nous marchions, j'ai commencé à bavarder avec les autres personnages. J'étais très bavard. Ils me réprimandèrent de ralentir l'aventure. Pas mon personnage. Mais moi. Il me réprimandèrent pour avoir jouer mon rôle. Visiblement, je jouais au mauvais jeu.

Nous avons tué quelques bandits kobolds, récupéré un peu de trésor. Les autres joueurs ne jouaient pas beaucoup en groupe (en dépit de mes suggestions) et se sont continuellement disputés et chamaillés.

Pendant ce temps, j'ai volé tout ce que j'ai pu. Lorsque j'étais seul et que je trouvais quelque chose, je le gardais. Je devais sauver la taverne de mon père, quels que soient les obstacles. Encore une fois, je jouais mon personnage, mais contre l'intérêt du groupe qui était le partage du trésor. Tel que Tav le voyait (il s'appelait Tav), ces gens l'avaient embauché pour faire un boulot. Ils étaient impolis envers lui, et ne s'encombraient pas de le protéger.

A la fin de l'aventure, j'avais un beau trésor en argent et en or. J'avais même récupéré une épée courte +1 dont le guerrier ne voulait pas. Et quand l'aventure fut terminée, je dis que je prenais ma retraite.

Ils me regardèrent tous avec incompréhension. Je leur rappelai que la seule raison pour laquelle j'avais fait tout cela, c'était pour sauver la taverne de mon père. J'avais un beau paquet d'argent et une épée magique qui valait des milliers de pièces d'or. J'étais riche pour le reste de ma vie. Un paysan voyait une pièce d'or par an, j'en avais quelques milliers. J'étais riche. J'avais rempli mon rôle.

Mon anecdote sur Tav m'aide à illustrer de nombreux points. Presque tous les choix que j'ai fait avec lui étaient basés sur son histoire personnelle, jusqu'à sa retraite. Tous les choix étaient basés sur des éléments qui n'étaient pas sur ma fiche de personnage. Ces éléments, étaient, selon mon pont de vue, les choses les plus importantes concernant un personnage.

L'équilibre du jeu n'a rien à voir avec les points de vie, la classe d'armure, le nombre de sorts par jour et ce genre de choses. L'équilibre du jeu consiste à permettre à un joueur de raconter son histoire sans éclipser les autres personnages. C'est un mécanisme qui aide les joueurs et les récompense pour cela.

Du moins, c'est ma manière de voir les choses. Et je ne suis pas encore complètement satisfait de cette définition.


Traduit par Antoine Drouart pour Imaginez.net. Tiré de Wicked Thought, avec l'aimable autorisation de l'auteur. Aucune reproduction n'est permise sans l'accord de Imaginez.net.

un texte original de ptgptb.fr

Ptgptb présente:

La règle d’or : l’équilibre du jeu – analyse et réfutation

par Rappar

Cet article apparaît comme plutôt bon: il est facile à lire avec son récit de partie de convention, bien écrit ; il tape sur D&D, c'est marrant et provocateur.

Mais avec un peu d’analyse, je démontrerai que cet article est fouillis, contradictoire, qu’il se base sur des principes faux, et que le résultat consiste à diviser la communauté rôliste entre les « bons » - qui font du jeu de rôles - , et les « mauvais » - qui font du jeu de plateau. Tout cela, parce que l’auteur n’a pas assez lu de théorie rôliste pour mettre ses préjugés un peu en perspective, ne peut pas imaginer la richesse des différentes approches du jeu de rôles ; et tombe dans ce travers rôliste qui consiste à se diviser en chapelles et conspuer les autres chapelles sur les forums.

Un peu de contexte : John Wick, né en 1968, a collaboré aux JdR Livre des Cinq Anneaux, et 7th Sea/les secrets de la septième mer - deux jeux de rôles qui jouent énormément sur les clichés ; il est l'auteur de Orkworld (où les joueurs jouent les « monstres » des JdR traditionnels), entre autres jeux et projets.

Le texte a été écrit sur un blog, ce qui implique : 1-que John Wick n’a pas passé des heures à peser chaque phrase, et 2-son ton « billet d’humeur ». Le résultat n’est pas un essai, c’est des idées qui partent dans plusieurs directions, et un texte qui se finit par « mais je ne suis pas tout à fait content de ma définition », plutôt que « j’ai beaucoup lu et beaucoup réfléchi, et ma conclusion développée sur plusieurs pages est la suivante ». Pour ne pas ennuyer le lecteur, je répondrai dans le même ton direct. :-)

Analyse de fond

Le cœur de la première partie de l'article, est le syllogisme suivant :

1- « Un jeu de rôle est un jeu dans lequel les joueurs sont récompensés pour avoir fait des choix cohérents avec les motivations de leur personnage ou qui favorisent l'intrigue de l'histoire. »

2- ce n’est pas le cas de Donjons & Dragons (D&D);

3- donc D&D n'est pas un JdR (selon la définition personnelle de l'auteur).

1. Une définition imprécise

L’auteur précise bien que sa définition est personnelle : « Je prédis que de fidèles lecteurs souligneront que ce n'est pas la définition que la plupart des gens associent au jeu de rôle » mais sa réponse est : ceux qui ont une autre définition sont des ignares, qui ne savent de toute façon pas bien parler.

Le problème, c'est que sa définition est imprécise : il faudrait dire précisément : « Un jeu de rôle simulationniste et narrativiste est un jeu dans lequel les joueurs sont récompensés pour avoir fait des choix cohérents avec les motivations de leur personnage ou l'intrigue de l'histoire. », donc D&D n'est pas un JdR simulationniste ni narrativiste.

Qu’est-ce que cette distinction dans les types de JdR que Wick ignore ?

Le « LNS », acronyme de Ludiste / Narrativiste / Simulationniste (GNS en anglais - G pour Gamism) est une théorie, développée par Ron Edwards, qui a énormément contribué à la compréhension de la pratique du jeu de rôles. Son essai, d’abord peu facile, est disponible en français sur PTGPTB.

En la résumant très grossièrement : derrière la constatation banale « on vient tous trouver dans une partie de JdR des choses différentes », on peut réduire l’intérêt à jouer au Jeu de Rôles à trois aspects des parties de JdR :

Dans les parties à dominance ludiste, compétitives, gagner est amusant. Gagner contre le système de règles, contre l’adversité, contre les PNJ, les énigmes, l’intrigue, faire mieux que les autres joueurs, améliorer son perso... On récompense celui qui tire le meilleur parti des règles, des descriptions, de l’univers de jeu; le plus rusé, celui qui se tire le mieux des mauvaises situations... Les jeux de rôles dont les règles favorisent les parties avec des aspects ludistes sont par extension « des jeux de rôles ludistes ».

Dans les parties plutôt simulationnistes, on favorise le sentiment d’être quelqu’un d’autre, dans un autre monde. Sont mis en avant l'immersion, le roleplay (l'interprétation de son personnage selon leur description, la simulation de ce personnage), la vraisemblance. Les jeux dont les règles sont détaillées et réalistes répondent au goût des joueurs qui préfèrent les simulations crédibles et interprètent logiquement leur personnage. Ce sont des JdR simulationnistes. C’est pourquoi la définition du JdR selon John Wick est en fait celle du jeu de rôle simulationniste.

Dans les parties majoritairement narrativistes, les participants essayent de créer de belles histoires, des cas de consciences, des situations intéressantes. Même si cela implique que « perdre » est plus riche dramatiquement ou en rebondissement sque « gagner » Un jeu de rôle narrativiste récompense donc les actions qui favorisent l'intrigue. C’est pourquoi la définition de John Wick, selon laquelle un jeu de rôle digne de ce nom pousse les joueurs à favoriser l’intrigue, - sans que l’on comprenne bien s’il s’agit de l’avancer ou de créer une belle histoire - comprend les jeux de rôles narrativistes.

Le premier reproche que je fais à John Wick, est donc de fonder son raisonnement sur une définition imprécise.

2. Un rejet d’une composante fondamentale du jeu de rôles.

Apparemment ignorant de la théorie LNS, John Wick semble découvrir que D&D ne favorise pas la manière de jouer qu’il préfère ! La sienne est la meilleure ! Toutes celles qui ne sont pas la sienne ne sont pas du jeu de rôles !

Ne pas connaître l’analyse LNS implique de devoir la réinventer, et le reste de la première partie de l’article n’est qu’une présentation des manières de jouer simulationniste et narrativiste : les actions qu’on y prend ont des fondements dans la personnalité du PJ et pas simplement dans l’intérêt d’accumuler des objets magiques. John Wick aurait le droit de dire, qu’à son avis, seuls les aspects narrativistes et simulationnistes sont propres au jeu de rôles, et que le ludisme n’en fait pas partie.

Sauf que n’importe quelle pratique d’une séance de JdR démontre que « dans jeu de rôles, il y a jeu ». Un JdR contient ces trois aspects, en plus ou moins grande proportion. Dans nos séances du samedi soir, on est tour à tour ludiste, simulationniste et narrativiste. Si vous enlevez tout un aspect, vous ne faites plus du jeu de rôles. Si vous enlevez les aspects ludiques, c'est-à-dire les gains et la progression des personnages, la compétition, les adversaires, les enjeux, les défis et la victoire des efforts communs, alors ne reste que de l’improvisation théâtrale ou une histoire écrite à plusieurs mains. Les éléments narrativistes et simulationnistes sont indispensables au JdR, mais ils ne sont pas seuls. Dans son récit, John Wick lui-même explique le plaisir (ludiste) qu'il avait à garder des trésors pour lui.

L’apport du LNS, distinguant les différents plaisirs qu’apporte une séance de Jeu de Rôles, aboutit à expliquer qu'il n'y a pas une manière de jouer qui serait objectivement « meilleure » : les joueurs ont des préférences subjectives pour tel ou tel aspect. L’analyse LNS a permis aux rôlistes de se comprendre les uns les autres : 

Marc préfère les combats épiques, où son perso massacre une armée; moi je préfère des combats réalistes et mortels et donc mon perso fuit devant le nombre, tandis que Hervé est déjà en train d’écrire une ode de barde sur la mort héroïque de son perso. C’est nos choix.

La distinction LNS vise à ce que les rôlistes se comprennent, créent des groupes de jeu fonctionnels, et d'éviter que tant de parties se terminent en disputes insatisfaisantes. Le second reproche que je fais à John Wick, est donc de fonder son raisonnement sur une définition partisane et ignorante de la réalité des composantes d’une simple partie de JdR.

3. Redécouverte que D&D encourage la manière de jouer ludiste et décourage la manière de jouer simulationniste et narrativiste.

Ron Edwards expliquait pour juger la valeur d'un JdR d’une manière un tant soit peu scientifique et sans préjugés sur son genre, il faut vérifier si son système, son univers, son ambiance, etc.  sont en conformité avec les attentes de ceux qui y jouent. Ainsi, si un JdR est annoncé comme « fantastique, sombre et désespéré », mais qu’en le pratiquant, les joueurs se marrent en truicidant des monstres folkloriques réduits à leurs statistiques de combat, ce n’est pas un "bon" jeu de rôle cohérent : hors de tous autres facteurs, il n'est pas ce que les joueurs attendent en achetant la boîte.

D&D encourage les aventures épiques, et très irréalistes. Personne ne dit le contraire : il est dur de faire tuer son perso à D&D, et en plus il y a la résurrection. D&D est éminemment ludiste, favorisant ceux qui connaissent le mieux les règles trouvent les meilleures combinaisons de sorts, et les optimisent. Monte Cook (auteur de la 3ème édition) le revendique même, dans Création de JdR style «Tour d’ivoire »ptgptb

L’idée ici est que le jeu ne donne que les règles, et que les joueurs comprennent les tenants et les aboutissants eux-mêmes - les joueurs sont récompensés pour avoir réussi à maîtriser les règles et pour faire les bons choix plutôt que les mauvais.

On aime, ou pas. Le fait est que D&D est un jeu pour pas se prendre la tête, pour bourrins, pour optimisateurs, pour les experts de règles, et que son succès est dû à tous ces aspects.

Ce n’est pas nouveau. Ces reproches sont aussi anciens que D&D 1ère édition. Pire : ils ne sont pas propres à D&D ; on peut dire cela de Rolemaster, de Warhammer 1ère édition, de presque tous les JdR de héroïc-fantasy (le mot "héroïque" n'est pas là par hasard...). Se focaliser sur D&D parce qu’il sort la 4ème édition est ridicule ; s’il faut rejeter l’aspect ludiste, c’est toute la catégorie de JdR qu’il faut rejeter.

Le raisonnement de John Wick est en fin de compte le suivant :

1. je n’aime pas le ludisme.

2. D&D est très ludiste.

Donc 3. je n’aime pas D&D.

4. Une confusion avec les mécanismes de méta-jeu

Dans son récit de partie, John aborde tout à coup un aspect de la pratique du jeu de rôles qu’il n’aime pas : - « Les autres joueurs ne jouaient pas beaucoup en groupe (en dépit de mes suggestions) et se sont continuellement disputés et chamaillés. »

C’est ici que l’on voit l’article partir dans une toute autre direction. John Wick rajoute ici à sa définition qu’un ("vrai") Jeu de Rôles récompense l'action de groupe, favorise en méta-jeu la coopération et ainsi l'amusement de tous.

1- à nouveau, D&D n’est pas l’unique jeu qui ne récompense pas formellement la coopération et les considérations de méta-jeu. C’est même un aspect ignoré de la presque totalité des JdR, qui se contentent de renvoyer les Maîtres de Jeu à leur appréciation: quelque chose comme « donnez un bonus de Points d’Expérience au joueur avec le meilleur esprit de jeu ». Pointer du doigt D&D sur ce point revient donc à cacher la forêt avec l’arbre.

2- l’approche ludiste décriée par John Wick est neutre quand à la coopération entre joueurs.

D'un côté, la victoire contre l’intrigue et les ennemis est collective. Les personnages sont complémentaires comme le reconnaît Wick ; le Guerrier combat au contact, le clerc est derrière pour le soigner, le magicien balance des sorts depuis l’arrière...

De l'autre, quand on s'appelle John Wick, on critique l'inefficace attitude "solo" des autres joueurs, mais on s'empresse de garder les découvertes pour soi. Lorsque j'étais seul et que je trouvais quelque chose, je le gardais. Pourquoi? "ben mon perso a besoin d'argent ! C'est mon perso ! M'en fous des autres persos !". OK, mais les autres joueurs le savent, eux; et cela fout une mauvaise ambiance.

Qu'est-ce qui empêche de passer un accord de joueur à joueurs? "Nos persos mettent tous les trésors en commun, et ils partagent à la fin. J'espère que mon perso aura de quoi rembourser les dettes. Mais la coopération méta-jeu est à ce prix"...

3- les chamailleries entre joueurs dépendent donc davantage des joueurs et de la partie, que du JdR joué (1).

5. Un mépris des autres pratiques

Il est bienvenu que Wick fasse la promotion du simulationnisme. Avez-vous connu cette sensation un jour? Vous sentir bien seul à une table de jeu, parce que vous essayez d’interpréter votre personnage en tenant compte du décor de jeu ou de la simple vraisemblance, tandis que les autres joueurs ne pensent qu’à se défouler, et résoudre le scénar en rentrant dans le tas? C’est toujours bien de remettre en cause le courant ludiste qui s’est imposé depuis les débuts du JdR.

Cependant, ne pas étiqueter comme tel simulationnisme et narrativisme, et du coup rejeter les autres pratiques, est beaucoup plus polémique, malhonnête, et enfin, stérile.

C’est au minimum tardif ; White Wolf s’étant déjà lancé en 1995 - avec le mouvement de l'Art du Conteur – dans la promotion de la richesse d’univers et l’interprétation de personnages.

Pas plus qu’on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, aucun système de règles d’aucun JdR favorisant l’immersion et les bonnes histoires, ne transformera des joueurs ludistes en heureux joueurs co-scénaristes ou en comédiens de l’Actor’s Studio. Au pire, ce JdR les contrariera, les fera abandonner ce système et jouer à un autre.

Dans son récit de partie illustrant sa pensée, John Wick amalgame joueurs, manière de jouer et un JdR du commerce. Et il raconte fièrement comment il a pourri (oui !) une session de jeu de rôle, emmerdant ses partenaires ludistes avec ses prétentions simulationnistes et narrativistes. Même si c’est drôle à lire parce que méchant, c’est significatif d’un mépris, d’une fermeture d’esprit, et d’un refus de prendre en compte les souhaits des autres joueurs.

Nous sommes en convention, cette partie est un « one-shot ». C’est l’unique partie de tout le groupe, et voulue comme telle. Les joueurs sont des inconnus de rencontre. On crée des persos.

  • Wick crée un personnage à ne jouer qu’une fois - puisque le personnage est programmé pour retourner à sa taverne. Il n’est pas adapté au scénario.
  • « Mon personnage avait appris les talents de voleur car il avait été videur de la taverne de son père. Il savait comment vider les poches car il devait surveiller les pickpockets.» Voilà des justifications bien tordues pour expliquer que le perso a des compétences de Voleur mais n’en est pas un... Tout cette démarche est incongrue, parce que le système est important ptgptb et que dans D&D1 (et AD&D) c’est la classe qui donne les compétences. C’est pratique, facile et rapide, mais si tu veux choisir tes compétences, faut jouer à Runequest !
  • Wick se crée un passé de personnage en béton, parce qu’il préfère les persos bien fouillés. Le Maître de Jeu n'a rien demandé, et ne tient pas compte dans son scénar, ni n'arque son scénar autour du background du PJ. Pourquoi ? Parce que le MJ est un affreux ludiste qui se fout des persos et de l’univers de jeu et ne s’intéresse qu’aux stats des monstres ? Non ; c’est parce que c’est one-shot de conv’!

Dans une campagne, on prend plus de temps pour épaissir l’historique de son perso, trouver des raisons de courir l’aventure avec les autres PJ, les faire se rencontrer et discuter pour créer un groupe, et exploiter leur background par des intrigues secondaires. Dans une convention, on n’a que 3 heures pour aller cogner la liche dans son repaire.

John Wick se plaint que D&D ne récompense pas la création d’historique de personnage. « Je dois souligner que le jeu en lui-même n'exige pas que je fasse tout cela. Il n'y a aucune règle ou mécanisme qui le nécessite et il n'y a aucune règle ou mécanisme qui m’en récompense. » (L’auteur aurait préféré être récompensé de ses efforts. Qu’est-ce qui distingue un ludiste qui tente d’obtenir des récompenses par ses victoires, d’un narrativiste qui veut obtenir une récompense par ses histoires ?)

Est-ce que Warhammer, l’Appel de Cthulhu ou Vampire, offrent des points ou des bonus à celui qui écrit 15 pages d’historique à son personnage ? Non. A ma connaissance, seul Ambre le fait. Il faudrait donc « déclasser » 95% des jeux de rôles existants ?

- Est-ce qu’un JdR donne des XP au perso prêtre pour faire des prêches, l’artisan pour créer des objets, etc. ? J’ai entendu dire que Chivalry & Sorcery le faisait, mais que c’en était injouable, chaque personnage allant faire sa quête dans son coin....

John Wick se plaint ensuite de ne pas être en phase avec les autres joueurs : « Alors que nous marchions, j'ai commencé à bavarder avec les autres personnages. J'étais très bavard. Ils me réprimandèrent pour avoir ralenti l'aventure. Pas mon personnage. Mais moi. Il me réprimandèrent pour avoir joué mon rôle. Visiblement, je jouais au mauvais jeu » Remarquez la supériorité du français, où l'on distingue et traduit selon les cas "game" par "jeu" ou "partie". Wick découvre que les attentes des autres joueurs sont différentes des siennes. Donc il ne jouait pas la bonne partie à la bonne table, pas avec le bon MJ ni les bons joueurs - pas forcément au mauvais jeu. L’auteur aurait pu être réprimandé par des joueurs ludistes à n’importe quel jeu !

Découvrir que d’autres joueurs n’ont pas les mêmes priorités que soi n’est pas une nouveauté, ni une avancée, à part pour l’auteur. De plus, les autres joueurs auraient peut-être aussi aimé faire parler leurs persos… s’ils n’avaient pas conscience, eux, de la brièveté d’une partie de convention… et peut-être voulaient-ils jouer l’aventure plutôt que de passer la moitié de la partie à faire jacter leurs persos dans l’auberge (et faire enrager le MJ).

Si les autres joueurs et le MJ aimaient le roleplay, ils lui auraient fait de gentils sourires et l’auraient félicité de sa prestation. Mais il en faut pour tout le monde : les autres joueurs de cette partie savaient, eux, en s’inscrivant à la partie, que D&D est un jeu d’aventures épiques. Ils auraient été contrariés par des règles qui les auraient forcés à l'interprétation alors qu’ils n’en auraient pas envie. Est-ce qu’ils font du jeu de plateau pour autant?

Mais au lieu de se conformer à l’ambiance générale ou de respecter les autres, John Wick rejette en bloc jeu, règles et joueurs par un jugement hâtif, biaisé par son mépris de ses partenaires, « forcément bourrins puisqu’ils jouaient à D&D ».

6. Une pratique du JdR qui détruit autant la partie que ce qu’il dénonce.

« Pendant ce temps, j'ai volé tout ce que j'ai pu. Lorsque j'étais seul et que je trouvais quelque chose, je le gardais. Je devais sauver la taverne de mon père, quels que soient les obstacles. Encore une fois, je jouais mon personnage, mais contre l'intérêt du groupe qui était le partage du trésor »

Contradiction de l’auteur, qui cherche plus haut la coopération entre joueurs, mais finalement préfère jouer à fond son personnage : « je suis un SIMULATIONNISTE. Je plante la coopération (et la partie), mais c'est parce que je joue mon perso ! ». « Je suis un NARRATIVISTE. Je favorise l'intrigue. Mon intrigue. Pas la vôtre.» Mais qui donc a défini son personnage de telle façon que le jouer l’oppose au groupe ?

« Et quand l'aventure fut terminée, je dis que je prenais ma retraite. Ils me regardèrent tous avec incompréhension. Je leur rappelai que la seule raison pour laquelle j'avais fait tout cela, c'était pour sauver la taverne de mon père »

Quel intérêt de jouer à fond son perso, quand on est le seul à le faire ? Et puis, en quoi l’auteur fait-il rebondir l'histoire d'une manière intéressante et narrativiste, s'il met fin aux aventures de son perso ?

En fait, l’auteur essaye de présenter comment il a renvoyé chez eux ces bourrins d’autres joueurs, alors qu’il a tout simplement saisi la première opportunité plausible de quitter une partie qu’il n’aimait pas. Après tout, il aurait été tout aussi cohérent de dire que son personnage, une fois les dettes paternelles réglées, avait pris goût à l’aventure et confiance en lui. Il ne se contentait plus d’être fils d’aubergiste et, tel Murat, allait terminer Maréchal d’Empire et roi de Naples...

Le simulationnisme poussé à l’extrême plombe l’ambiance : « je joue mon perso et je vous emmerde ». « Je tue le perso de Julien car mon perso a de bonnes raisons pour cela ; moi le joueur je sais qu’il est innocent, mais mon perso ne le sait pas ». Tandis que le narrativisme extrême crée les ennuis : « on va dire que mon perso et celui d’Éric sont rivaux pour le cœur de la même dame. Quel beau drame et quels beaux conflits on va créer ! ». Tant qu’à raconter ses expériences de jeu; j’ai joué à une campagne de ce genre, et au bout d’un moment les personnages s’entretuaient ou se séparaient. Cela ne fait pas des parties amusantes.

- « L'équilibre du jeu consiste à permettre à un joueur de raconter son histoire sans éclipser les autres personnages » – en effet, en l’absence d’autres joueurs narrativistes, l’auteur tire la couverture à lui avec son perso plus fouillé ! « MJ, n'oublie pas que selon mon background ceci et cela, MJ je te prends 45 minutes en tête-à-tête! ». Piste intéressante soulevée là par l’auteur : comme il ne considère jeux de rôles que les JdR narrativistes, il cherche à en équilibrer les sessions, à réussir à combiner les historiques des persos pour ceux-ci aient le même « quart d’heure de gloire » dans l’aventure.

Malheureusement, cet article- reste encore à écrire. John Wick comprend confusément qu’il y a contradiction entre d'un côté un simulationnisme appuyé et de l'autre une partie sans engueulades ou qui n’éclate pas en plusieurs tête-à-tête avec le MJ. Cependant, la recherche d’un équilibre vraisemblance/jouabilité n’est pas l’objet de son article, qui se borne à constater que D&D est ludiste, ni ne favorise formellement une bonne entente.

7. D&D lequel ?

Anecdote lue sur la mailing-list du Grog : au Monde du Jeu 2009, un membre du Grog fait un tour sur le stand, histoire de voir ce qui se joue. Là, il tombe sur deux tables avec des floorplans, des figurines etc. Surpris, il retourne à la table d'accueil et demande pourquoi le Grog partage son espace JdR avec du jeu de plateau. Sauf que le jeu en question était D&D4, en plein Gameday...

On a voulu voir dans l’article de John Wick une critique de D&D4 ; or, cet article a été écrit avant sa sortie, et d’ailleurs débute par le commentaire de rumeurs sur son système de règles … avant de dévier. Wick ne traite donc pas des similarités entre D&D4 et les jeux de plateau, ni de l’influence qu’ont pu avoir les MMORPG sur sa conception marketing.

Quant au jeu de l’anecdote de la RPGA, c'est D&D1 ou AD&D. Bref, pour Wick, D&D, AD&D, les autres éditions, tout est pareil depuis 30 ans. C’est à se demander pourquoi les joueurs de D&D opposent telle ou telle éditionptgptb

Ne pas tenir compte de l'évolution d'un jeu sur 30 ans, c’est très superficiel. Pour une réflexion étonnante et profonde sur la manière dont D&D était joué à ses débuts, et conduit à jouer d'une certaine façon, allez plutôt lire Un examen sans complaisance de Dungeons & Dragons.

Conclusion

Cet article est une immense fumisterie. Il est à la fois beaucoup moins que ce qu’il paraît, et très à côté de la plaque.

La raison pour laquelle il a fait tant de bruit, alors que ce n’est qu’un brouillon de début de réflexion de l’auteur au saut du lit, c’est que le seul slogan que l’on en retient est « D&D n’est pas un jeu de rôle ». La riposte est tout aussi disproportionnée lorsque des milliers de rôlistes se lèvent en s’exclamant : « je joue à D&D depuis 1978 et ce n’est pas un jeu de rôles ? ». Ils oublient qu’ils ne jouent pas à la même version, ou y jouent différemment qu’à leurs débuts. Ou encore les donjonneurs tentent de se justifier : « il existe du roleplay dans mes parties de D&D et d’ailleurs page tant il est écrit que le MJ peut donner des XP pour une bonne interprétation ». Donjon ne favorise pas cela. Assumez-le. Soyez fiers de votre genre.

De toutes façons, faut-il une règle et une incitation pour chaque élément d’une partie de JdR ? Une bonne ambiance grâce à une bonne interprétation et une bonne entente ne sont-elles pas des récompenses en elles-mêmes (2) ?

John Wick écrit en conclusion : « Je ne suis pas encore complétement satisfait de cette définition » En effet, cet article est un travail d’étape de sa réflexion, pas son aboutissement.

  • La définition de John Wick est incomplète, partisane, ignorante de la composante ludiste des parties mêmes de JdR.

  • Elle n'engage que ses préférences LNS, sans les nommer.

Wick amalgame :

  • Manière de jouer des joueurs de RPGA et des joueurs de D&D;

  • Manière de jouer ludiste confondue avec « D&D »;

  • Réciproquement, manière de jouer narrativiste/simulationniste et « jeu de rôles ».

  • Son article introduit, toujours sans les identifier, des préférences de méta-jeu (coopération entre joueurs et équilibre du temps de parole), qu’il ne traite pas. Cependant il soutient que le méta-jeu est absent de D&D, puisque il ne l’a pas vu... et qu'il n'en a pas fait non plus dans la partie dont il se moque.
  • il n’apporte pas d’analyse nouvelle (sauf pour lui) sur D&D.

  • il pointe « D&D » du doigt, sans distinguer les différentes éditions, et oubliant tous les autres jeux de rôles qui ont les mêmes propriétés.

La discussion est déviée vers l’éternel débat "pour/contre D&D". La mention de D&D devient un écran de fumée.

Cet article constitue une régression, rendant opaque ce qui est éclairci par le LNS. Wick présente, dans son récit de partie, les autres joueurs (de D&D, incidemment) comme des bourrins qui le regardent avec des yeux de gros boeufs lorsqu'il fait du roleplay. Il stigmatise ainsi la manière de jouer ludiste, et s’inscrit dans une vieille tendance ‘anti-ludiste‘ qui consiste à diviser la communauté des rôlistes avec d'un côté les bourrins / grosbills maximisateurs, et de l'autre les intellectuels qui font du roleplay et de belles histoires.

Rien de nouveau :

« C'est à ce moment que je me suis rappelé qu'un certain individu, qui eut un rôle très important dans l'origine du jeu de rôle, m'avait dit - en face – que je ne jouais pas au jeu de rôle du tout, mais que j'étais juste un "acteur de théâtre amateur contrarié". Mais il ne faut pas dire de mal des morts. »

Un jour Gary Gigax a dit à John Wick qu’il ne faisait pas du jeu de rôles. Maintenant John Wick dit aux joueurs de D&D qu’ils ne font pas du jeu de rôles. Évidemment, ils présentent leurs définitions comme exclusives.

Mark Rhein-Hagen se vantait déjà dans Vampire de transformer les « joueurs » en « Conteurs », avant que l’on accuse à leur tour les joueurs de Vampire de se délecter du nombre de dés de dommages qu’ils pouvaient infliger... Il est toujours aussi stérile de lancer des polémiques sur qui joue « vraiment du jeu de rôles », et qui le « dénature ». Il est dangereux pour notre loisir de créer des distinctions, des clivages bons/mauvais joueurs ; de se disputer ; d’exclure sans tenter de comprendre.

Le Jeu de Rôles c’est l’ensemble de ces manières de jouer, et d’autres peut-être qui n’ont pas encore étés inventées ou répertoriées.

Dieu sait que à PTGPTB, on encourage d'autres manières de jouer en traduisant des articles orientés comme le narrativiste mener des Jeux d'Histoires qui veut changer le nom même Jeu de Rôle. Au passage, la série "Mener des Jeux d'Histoires" a été écrit en 1995, donc, que Wick redécouvre le narrativisme 13 ans après ne m'apparaît pas comme une percée théorique majeure. On aime le manifeste de Turku, qui insiste sur une immersion totale du joueur dans le personnage. Et chaque mention des possibilités d'un JdR indé nous fait rêver. Dieu sait que j'ai comparé une partie de AD&D avec Magic, et avec un jeu vidéo... Pourtant, il ne nous viendrait pas à l'idée de jeter le bébé avec l'eau du bain, de rejeter un pan de l'activité rôliste, le jeu qui en est le porte-drapeau, et ses joueurs que nous avons été au moins une fois (même pour décider que ce n'est pas notre tasse de thé). La communauté rôliste n’a vraiment pas besoin de se diviser, mais au contraire de reconnaître et d’assumer que sa pratique satisfait simultanément différents besoins.

Si vous êtes intéressés par des articles qui aurait été des réponses au courant anti-ludiste, je vous invite à lire plutôt pitié pour les pauvres diables ptgptb ou L'évolution du Grosbill ptgptb de Monte Cook, dont tous les paragraphes semblent répondre à ceux de John Wick.

Je me contenterai d’en reproduire deux :

C’est énervant et stupide pour des gens investis dans un minuscule loisir de niche comme le JdR de critiquer la façon dont les autres jouent. C’est exaspérant, en particulier, de voir des rôlistes avec plus d’expérience tourner les nouveaux “gros bills” en ridicule sous prétexte qu’ils seraient stupides ou immatures.

Vous avez été un jeune rôliste vous aussi (vous êtes peut-être un jeune rôliste maintenant). Vous avez apprécié ces premières expériences, simples histoires et cet insouciant Porte-Monstre-Trésor. Laissez donc d’autres joueurs les apprécier à leur tour. Ne dénigrez pas, ne ridiculisez pas les expériences des autres juste parce que vous êtes déjà passé par là.


(0) NdT : The Role-Playing Gamers Association, association à but promotionnel fondée par TSR qui, notamment, organise des parties et des campagnes de D&D [Retour]

(1) NdA : Je mets de côté Paranoïa, où par nature la compétition entre joueurs est exacerbée, et le gagnant est le dernier clone survivant. Au fait, Paranoïa non plus ne serait pas un jeu de rôle selon les critères de Wick! [Retour]

(2) NdA : plus de réflexion sur cette question "ambulance vs barrière" de savoir s'il vaut mieux ne pas jouer avec des abrutis, ou avoir plein de règles pour les empêcher de sévir. [Retour]

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Commentaires

Dans un premier temps je tiens à preciser que je n'ai malheureusement pas su trouver la date de cette article (peut-être suis-je trop bigleux, c'est tout à fait possible).

A la lecture de cet article, un question m'est restée en tête tout du long, si jamais quelqu'un a la réponse je lui en serait redevable: Existe-t-il une liste ou un équivalent des jeux de rôles par dominance LNS ?

Sinon que dire de l'article à part que je l'ai trouvé extremement utile de mon point de vu de "MJ cherchant encore un système de jeu pour sa campagne".

Auteur : 
Odilon

Odilon, prends rendez-vous chez l'ophtalmo ;) car :

- sous le titre, il y a un (2008). Oui. En gras. ;)

- à la fin de l'article de Wick, il y a un lien vers la page originale, qui est datée de Mar. 9th, 2008 at 4:46 PM

- dans la réponse il y a ce pasage : "la série "Mener des Jeux d'Histoires" a été écrite en 1995, donc, que Wick redécouvre le narrativisme 13 ans après ne m'apparaît pas comme une percée théorique majeure."

Bon. Un classement de JdR par dominante LNS est disponible sur la page Wikipedia de la théorie LNS, mais comme chacun voit midi à sa porte, Prosopopée (un jeu sans scénar ni MJ où l'aventure est créée pendant la partie) est classé simulationniste par son auteur, "parce que l'histoire créée doit être cohérente"... et pas dans les JdR L et N? :/

Heureux que l'article te soit utile :). Réfléchis aux thèmes et au style de ta campagne, et tu trouveras un système :

- épique/héroïque/action façon 3 Mousquetaires ? -> un système orienté Ludisme, comme Feng Shui

- dur et réaliste avec des morts? -> un système orienté simulationniste, comme l'Appel de Cthulhu

- plein d'intrigues et de rebondissements "soap"? -> un système orienté narrativiste, comme Ambre

Auteur : 
Regis

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