Étreintes

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Sauvez la princesse ? Non… Draguez-la !

Je vois cela tout le temps. C’est un classique du genre action/aventure. C’est dans tous les films et téléfilms (ou dans la plupart, de toute façon). Il n’y a pas beaucoup de livres qui échappent à la règle. Pourtant, je ne le vois quasiment jamais dans nos parties. Cela m’est venu en regardant un vieil épisode de Seaquest Police des Mers wiki. Le commandant Jonathan Ford reçoit deux billets pour le voyage inaugural du nouveau train Omni-Pacifique et en profite pour inviter le lieutenant Loni Henderson à un rendez-vous galant. Bien sûr, l’intrigue n’est pas centrée sur cette invitation. Une compagnie concurrente a saboté le train. Et tandis que la crise éclate, il y a ce moment où nos deux héros sont enlacés dans les bras l’un de l’autre, pendant qu’il lui présente ses excuses.

“Ce n’est pas ainsi que j’imaginais notre premier rendez-vous, réplique-t-elle, mais on fera avec.”

Eh bien, je ne vous garantis pas que ce sont exactement les mots prononcés – mais l’esprit est là. Et cela a suscité chez moi quelques réflexions : pourquoi n’avons-nous pas ce genre de moments dans plus de parties ?

Et de peur que vous pensiez que ce n’est pas important, jetons un œil vers d’autres genres. Que serait Star Wars sans la tension sexuelle entre Han Solo et la princesse Leia ? Chaque film de James Bond a son lot de liaisons sans lendemain, mais n’y a-t-il pas toujours qu’une femme qui compte vraiment ? Le Dragon du Lac de Feu wiki et Legend wiki sont beaucoup plus centrés sur l’histoire d’amour entre les protagonistes que sur la représentation d’une bataille fantastique. Quand avez-vous vu pour la dernière fois À la poursuite du diamant vert wiki ? C’est un grand film d’aventure, mais là aussi, les hauts et bas de la relation entre Joan et Jack mènent l’histoire.

A la poursuite du diamant vert

Bien sûr, vous pouvez trouver de merveilleuses histoires qui n’ont pas ce type de relations. Si on parle d’amour dans Le Seigneur des anneaux, c’est dans un passage assez bref, vers la fin avec Samsagace, ou dans un indice sur le mariage prévu d’Aragorn. Pas de fille en vue dans À la poursuite d’Octobre Rouge. Et les films Star Trek ont réussi la plupart du temps à se passer de ce genre de complications sentimentales.

Mais pour chaque grand film ou livre qui les survole, il y en a deux qui font intervenir une histoire d’amour. Jack Ryan a pu être célibataire dans À la poursuite d’Octobre Rouge, mais pendant qu’il sauvait la famille royale d’Angleterre dans Jeux de guerre wiki en, il devait aussi protéger son épouse.

Il est vrai qu’inclure ces éléments dans nos parties comporte des obstacles. Peut-être que si nous les comprenons, cela nous aidera à trouver des moyens pour les contourner.

Beaucoup d’entre vous ont commencé à jouer dans leur prime adolescence (moi pas – j’étais jeune adolescent bien avant que les premiers jeux de rôles soient publiés, et je les ai découverts au début de ma vingtaine). La plupart d’entre nous (moi y compris) étaient considérés comme des “polards” (geeks) ou des “tarés” (nerds). Pour nous, ces instants romantiques étaient déjà embarrassants et inconnus. Il était plus facile de créer des aventures dans lesquelles ils étaient minimisés. Peut-être que nous sauvions la fille (et c’était excitant de le faire), mais c’était la bourse remplie d’or de son père et non son baiser qui était notre véritable récompense. Donc, nous avons établi les trames de nos parties à un âge où les passages romantiques étaient embarrassants, davantage source de ricanements que de tension. Et plus d’une décennie plus tard, même si beaucoup d’entre nous avons trouvé le chemin pour sortir de ce labyrinthe et sommes maintenant mariés, nous orientons toujours les trames de nos parties sur ces mêmes valeurs.

Il y a également un problème qui naît des relations entre joueurs, et de la relation entre chaque joueur et son personnage. Cela ne surprendra personne si je dis que notre loisir comprend plus de garçons que de filles. Cela n’empêche pas qu’il y ait des filles dans nos aventures – les MJ mettent en scène des personnages non joueurs féminins ; des joueurs qui n’ont pas de problème avec leur identité sexuelle jouent régulièrement des personnages du sexe opposé. J’ai joué beaucoup de personnages féminins au fil des ans, et bien sûr derrière l’écran j’ai souvent interprété des femmes. Personne n’a de problème avec ça. Mais quand tout à coup je joue un personnage féminin qui fait des avances à l’un des personnages masculins dans la partie, cela crée une légère confusion des genres.

Si votre personnage tombe dans les bras du mien, et que nous sommes tous les deux des mecs, sommes-nous suffisamment à l’aise avec ce qui arrive ? Pourriez-vous me susurrer à l’oreille des mots doux par l’intermédiaire de votre personnage, sans avoir l’impression que vous faites quelque chose de, euh, inconvenant ? Et même quand il n’y a pas de confusion sur le sexe, cela ne veut pas dire pour autant que l’on soit complètement à l’aise non plus. Si ma femme et votre petit ami, Mademoiselle, sont tous les deux autour de la table pendant que mon personnage drague le vôtre, à quel moment franchissons-nous la ligne rouge et risquons tous les deux d’avoir des ennuis ? Un visiteur de notre forum Multiverser avait raconté avoir été banni du lit conjugal après une séance où son personnage avait des vues sur le personnage d’une autre joueuse. C’est plus simple pour nous d’éviter ces histoires d’amour potentielles et de nous concentrer sur l’aventure.

D’ailleurs, qu’avons-nous à gagner avec ces passages ? Est-ce qu’on gagne des points d’expérience ? Vous ont-ils permis d’augmenter vos compétences ? Y a-t-il un coffre rempli de trésors après ça ? Non, en réalité les récompenses pour ces moments-là sont subjectives, immatérielles, et dans l’univers de jeu, elles sont encore moins tangibles.

De plus, l’attirance et les interactions humaines sont fortement liées au monde physique – ce que nous voyons, ce que nous sentons, ce que nous touchons. Dans un média qui s’appuie autant sur les mots, avoir un personnage tombant amoureux d’un autre exige beaucoup plus que de l’imagination. Cela requiert un degré d’immersion, une perception de la “réalité” qui entoure notre personnage, le sentiment d’être là ; c’est un saut bien au-delà du mode de jeu classique.

Malgré tout cela, j’ai eu pas mal de chance avec les histoires d’amour dans mes parties.

J’avais un avantage, je pense. Au moment où je jouais au JdR, j’étais déjà marié, et ma femme était très impliquée ces premières années. La première fois que j’ai vu une histoire d’amour vraiment bien fonctionner dans une partie, ma femme était derrière l’écran et j’étais le seul joueur (c’était un solo). Mon personnage extraterrestre, un genre d’écureuil volant haut de plus de deux mètres, apprenait à devenir pilote spatial ; et une jeune femelle de mon espèce était dans le programme d’ingénierie spatiale à la même académie. Mon épouse jouait la femelle, timide, réservée, douce – elle joua sur la corde sensible. Je me souviens de l’affection que j’avais par procuration pour ce mammifère poilu longiligne. Mon personnage commença à se comporter de la façon un peu niaise et stupide si commune dans les amours éperdues d’adolescents, tournant autour d’elle, essayant de la protéger contre les autres mâles, en tentant de lui venir en aide à chaque fois qu'elle en avait besoin. Et cela montrait que les histoires d’amour étaient tout à fait possibles dans les parties de JdR.

Oui mais, c’était le bouillon de culture idéal. C’étaient des parties en tête-à-tête, et il y avait déjà une relation romantique (du moins, je me plais à le penser) entre le MJ et le joueur, et il n’y avait pas de confusion des genres tant au niveau des joueurs que des personnages. Si ça n’avait pas marché, je me serais inquiété pour mon mariage.

La bonne nouvelle c’est que ce n’était pas la seule partie qui eut des instants imprégnés de romantisme ou de tension sexuelle. Deux des personnages de mes joueurs à Multiverser ont finalement épousé des PNJ féminins que j’avais mis en place dans leurs parties, et un autre y a aussi songé. Alors, comment ai-je surmonté ces difficultés ?

Très peu de mes joueurs sont encore dans leur prime adolescence, certains sont dans la trentaine avancée. Pour ces joueurs, il est temps que leurs parties mûrissent en même temps qu’eux, et les relations entre adultes (dans le meilleur sens du terme) sont appropriées à ces univers plus aboutis. J’ai également proposé des personnages féminins – jeunes filles en détresse, femmes compagnons d’aventure, et d’autres encore – à mes joueurs plus jeunes, mais ils ont généralement esquivé la question pour se jeter sur l’or. Donc, en ce qui concerne la question de la maturité, j’offre les possibilités et laisse les joueurs faire leurs choix.

Le fait de jouer un personnage du sexe opposé n’a jamais été un problème significatif. Je pense que c’est parce que je suis suffisamment détaché de mes personnages non joueurs. Dans ce cas, je jouais trois princesses (de The Dancing Princess [un recueil de 9 scénarios (NdT)] dans Multiverser: First Book of Worlds) toutes reconnaissantes envers le personnage joueur qui les avait sauvées des démons ; et le roi avait promis que le héros pourrait épouser la fille de son choix.

First Book of Worlds

Donc il y avait trois filles qui souhaitaient se marier avec lui, mais toutes jouées par moi. Pas une seule fois je n'ai dû dire ou faire quelque chose de suggestif ou user de ma séduction. J’ai simplement joué les personnages comme je les avais créés. L’aînée, sûre et convenable, polie et agréable, et juste un peu distante, était une femme mature et responsable, prête à être reine. La cadette, réservée, modeste, renfermée, peut-être faussement timide, ferait appel au désir de protection de tout homme. La benjamine avait un côté garçon manqué, l’esprit de compétition, joueuse et taquine, et aimait les grands espaces. Je ne les ai pas jouées en train de le harceler ; elles lui ont parlé, ont partagé du temps avec lui, pris quelques repas ensemble, et j’ai seulement laissé aller les interactions sans leur fixer de direction.

Le joueur fut à la hauteur de l’occasion ; il tergiversa, inventa des excuses – à un moment donné il affirma même au roi qu’il était en fait un prêtre, donc qu’il ne pouvait pas se marier (mais une rapide vérification auprès du cardinal rétablit la vérité). Il arrangea un mariage avec un prince pour l’aînée, et avec un noble très attentionné pour la cadette. Et puis, avec un panache qui me prit par surprise, à la veille de son départ pour parcourir le reste du monde, il fit sa demande en mariage à la benjamine devant la famille et les amis.

Elle n’était pas moi, il n’y avait aucune confusion sur ce point. Elle était un personnage que j’avais écrit pour une histoire, et il était un autre personnage dans cette même histoire. La distance était claire, et il n’y avait aucun problème avec cela. Et si vous pouvez créer cette distance sans perdre la connexion du joueur avec son personnage, un grand nombre de problèmes devraient s’évaporer.

Et peut-être, comme vous pouvez le voir dans cette histoire, son personnage était-il tombé amoureux de la plus jeune princesse parce que j’avais dépeint une image d’elle qui a pris vie dans son esprit. Il la voyait comme je la vois – bien que je doute que l’image qu’il en avait soit tout à fait la même que la mienne (l’image qu’on trouve dans le recueil ne lui ressemble pas du tout non plus). Elle était excitante, éclatante, pleine de vie, et il pouvait le sentir au premier coup d’œil, comme si elle était sortie du livre, pour ainsi dire. Il est tombé amoureux de cette image dans son esprit – et de toute manière, n’est-ce pas de cela dont nous tombons tous amoureux ?

Quant à la récompense, il y en a une pour ces relations dans la partie de JdR. En fait, il y en a beaucoup. Bien gérée, une histoire d’amour peut bonifier l’évolution du personnage. Une fois qu’il l’eut épousée, il découvrit qu’elle voyait mieux en lui que quiconque ; ses simulacres d’infaillibilité l’amusaient beaucoup et la faisaient l’aimer encore plus. Dans certaines situations, cela peut générer des intrigues, quand les amoureux séparés doivent tout faire pour se retrouver. Que la personne aimée dispose déjà de compétences utiles ou doive les apprendre en cours de route, le PJ a maintenant un PNJ associé qui est très loyal, très fiable. Le personnage joueur a désormais une équipière, qui peut participer à un travail d’équipe dans les situations futures.

Ou peut-être qu’il n’a juste que quelqu’un qui l’attend à son retour, une raison de survivre à la bataille du moment et revenir dans le havre de paix qu’est son foyer. Il reste que cela change et apporte une autre couleur au jeu, aux personnages, aux aventures, ouvrant de nouvelles possibilités et orientations. Les relations amoureuses sont toujours d’excellents moteurs pour une histoire ; mais elles sont aussi le résultat naturel des interactions entre personnages. Les meneurs de jeu n’ont pas à créer des relations amoureuses pour qu’elles fonctionnent ; nous devons juste les rendre possibles.

Et ensuite, nous les laissons évoluer, se tortiller et tourner dans n’importe quelle direction en fonction des personnages et du monde, et laissons s’épanouir l’histoire d’amour.

Article original : Embraces

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Pour aller plus loin…

retrouvez cet article dans l'ebook PTGPTB n°18, un numéro sur un thème un peu plus adulte que d'habitude : les relations amoureuses entre personnages-joueurs -Coup de foudre à JdR Hill.

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