J’ai fait jouer Fianchetto du Défi 3FF

la Tablée des joueurs

En naviguant sur le site de PTGPTB, j’ai découvert les jeux du premier Défi 3 Fois Forgé et Fianchetto a attiré mon attention parce qu’il propose une partie de jeu de rôle de manière peu conventionnelle, à base de pièces d'échecs et de complots. Le concept m’a attiré et j’ai souhaité pousser les joueurs à l'élaboration de plans tordus tout en développant son jeu sur chaque plateau personnel ; j'avais envie de mettre l'accent là-dessus.

couverture de Fianchetto, un jeu de Guillaume St-Pierre, Cathelineau & Whidou

J’ai donc proposé une partie de cette création à mon club, la Tablée des Joueurs (dans le Vaucluse) : nous étions quatre hommes d'âges très variés (entre 20 et 60 ans) et l’un d'entre nous découvrait pour l’occasion le jeu de rôles.

Fianchetto est prévu pour être joué à quatre et seulement à quatre, ce qui oblige à prévoir vos participants à l’avance, avec un jeu d'échecs et la fidèle union du papier et du crayon, comme souvent pour les JdR !

En amont de la partie, j’ai compilé toutes les informations dont j'avais besoin pour animer la partie ainsi que deux idées à tester pour améliorer l’expérience de jeu. Je remercie donc les créateurs (Guillaume St-Pierre, Cathelineau & Whidou) et les diffuseurs de ce jeu (ptgptb.fr) par une critique que j'espère constructive, et quelques idées "maison".

Pour une meilleure compréhension de la suite de l’article, nous vous encourageons à lire Fianchetto - eh, il ne fait que 18.000 signes et il est très inspirant - coup de coeur des pairs du 3FF1.

Dans ce jeu, chaque joueur a devant soi une feuille de jeu représentant un quart d’échiquier. Sur chacune des cases (sauf une) se trouve un mot en lien avec le personnage, ou des vices.

quart d'échiquier rempli avec mots-clés

La mécanique de résolution s’appuie sur cet échiquier et sur les pièces qui y sont posées. Les résolutions imaginées par les joueurs sont alors teintées du mot inscrit dans cette case.

Ossola

La description introductive de l'univers présente Ossola comme une principauté à l'écart de tout, "oubliée même des plus éminents cartographes", qui donne l’impression d’exister en autarcie.

Ce point ne sert pas tellement le jeu et l'on a vite fait de dépasser cette description pour élaborer des plans vraiment tordus, ou pour trouver des appuis et alliés dans les régions voisines ; l'existence d'Ossola soit difficile à justifier, cependant cette idée proche de l'autarcie est assez contradictoire avec les coups bas de grandes envergures, qui mettent en jeu des familles nobles dans toute l’Europe.

La localisation d’Ossola peut être un point à aborder avec les joueurs au moment de la création de personnage et des appuis, cela peut permettre de l’adapter à un univers hors-Europe.

L'exemple donné sur l'activation du fou sur la case "Colère" qui indique un risque d'excommunication le montre bien (celle-ci étant une exclusion à grande échelle).

Fou (évêque) en b4

Dans l’exemple de partie du jeu, alors qu’un personnage souhaite rendre publique la fuite discrète (en vue d’un mariage) de deux amants de familles rivales, un autre PJ s’y oppose en dépêchant un ecclésiastique (représenté par la pièce du “Fou”) vers la famille censée accueillir les deux fuyards.

Création et mise en place

Fianchetto propose de créer un personnage pour chaque joueur : deux hommes et deux femmes car un jeu d’échecs possède deux rois et deux reines. Puis vient la création de son propre plateau de 4x4 cases avec des mots clés à l’intérieur.

J'ai eu au départ (lors de ma préparation) du mal à comprendre la mise en place, et je crois que c'est surtout dû à la page 6 du PDF, dont la partie "Créer un noble" décrit des étapes qui ne sont pas dans le même ordre ou qui n'ont pas la même dénomination que les pages qui suivent.

J’ai pris du temps à distinguer le "nom" du "titre" car la première phase de la page 6 indique "choisir son nom" alors que la page textuelle qui suit (page 8) indique "TITRE". Je sais c'est bête mais j'insiste car je me suis embrouillé l'esprit un bon moment en lisant et relisant la suite. 

Le reste concernant la mise en place est bien, et une fois préparé, le début de partie autour de la table allait comme sur des roulettes. Notons que les trois compétences à choisir ont été longues pour tout le monde : si vous le faites jouer, pensez à donner beaucoup d’exemples pour aider à l’inspiration.

Variante de règles : la Fortune

C'est aussi à la fin de la mise en place que j'ai proposé à mes joueurs de tester une idée "maison" : la Fortune. Qui sait combien de victimes nos personnages (qui sont la lie de la noblesse) ont extorqué ou manipulé avant de s'exiler à Ossola? Ce que l'on sait c'est que toutes ces "activités" ont été profitables. Peut-être même qu'ici se trouvent d'autres fortunes à acquérir ?

Donc il est mis en place un système de "mises" et d'échange de fortune avec ou sans contrepartie. Former des alliances et les briser a toujours été le sel des jeux de ce genre, alors il fallait donner la possibilité aux joueurs de le faire :

La fortune d'un personnage

  1. Tous les joueurs commencent avec quatre pions en début de partie (soit les seize pions fournis par le jeu d'échecs). Pour compenser la faiblesse des Rois lors de leur déplacement sur le plateau, on leur attribue au départ une Fortune de 3 (et rien pour les Reines).
  2. Un joueur peut se défausser d'un pion, qui n'est pas déployé sur l'échiquier, pour gagner 2 Fortunes.
  3. Lorsqu’un joueur souhaite acquérir un pion qui a été défaussé au préalable par un joueur, il paye 3 Fortunes et le place à côté de son plateau (et pas 2 pour éviter les boucles d'action, et aussi pour simuler un épuisement économique lors du déroulement de la partie).
Le jeu originel proposait l’équilibre suivant : les Joueurs qui se font représenter par un Roi ont 4 pions et ceux qui ont une Reine en ont 3 (en plus des pièces maîtresses). Je m’en suis donc inspiré même si je trouve qu’un pion ça fait peu, mais deux pions ça fait trop (le plateau est petit qui plus est).

Les Mécanismes

Les Fortunes sont représentées physiquement (avec des jetons voire des fausses pièces pour plus d’immersion dans le jeu). La matérialité de la fortune est nécessaire puisque les joueurs vont pouvoir la positionner et la faire transiter via l'échiquier.

Un PJ peut proposer un marché à un autre. Pour cela, ils négocient ensemble puis celui qui est “redevable” dépose la quantité déterminée sur la case de son choix (ou de leur choix) avec l'une de ses pièces d'échecs sur la Fortune en jeu. L'autre PJ doit faire de même en plaçant à son tour une de ses pièces sur la même case.

Le mouvement financier se fait au dénouement de la situation en cours, selon les règles suivantes :

  • Si un seul des deux joueurs a réussi à conserver sa pièce sur la case où se situe la fortune (car le second joueur a dû déplacer la pièce qui était dessus), il empoche le magot
  • Si les deux joueurs ont leurs pièces encore présentes sur la case au dénouement de la situation c'est au joueur à l’initiative du marché de décider si l’échange se fait, conformément à leur accord, ou pas (créant des tensions qui ne seront pas oubliées lors de futures querelles)

Cette obligation de déposer une pièce sur la case pour récupérer l’argent encourage le déplacement des pièces et pousse l’histoire dans le sens du contenu de la case.

Certains pourront objecter que cette mécanique de jeu est un chemin qui nous rapproche un peu plus d'un jeu de plateau, mais c'est quand même bien l'idée derrière Fianchetto que de devoir "gérer", voire optimiser son propre plateau d'échecs (surtout avec des Fortunes en jeu, voyez-vous ?).

Exemple :

Philippe Tartin, Duc de Bourgogne, demande à Béatrice Pensamilla, Comtesse des Flandres, si elle n’aurait pas dans ses connaissances un armateur qui serait prêt à louer une corvette pour une mission délicate. Béatrice Pensamilla possède une case "Capitaine de frégate" sur son plateau (Appui en C2) et répond qu’elle peut organiser une réunion en échange d’une contrepartie de deux Fortunes.

Philippe Tartin trouve le marché acceptable et déplace sa tour depuis A2 vers C2 et y dépose deux Fortunes. Lors de son tour, Béatrice Pensamilla déplace aussi une pièce en C2 et décrit aux autres joueurs comment elle organise la réunion secrète entre ce mystérieux capitaine de Frégate et le Duc de Bourgogne.

Quelques tours plus tard, les esprits s'échauffent et Philippe Tartin refuse de quitter la case C2, laissant planer le doute. Béatrice Pensamilla l'attaque alors en déplaçant le fou sur "Colère", et raconte comment un Jésuite vient donner une leçon de morale au Duc de Bourgogne, en lui rappelant le sort réservé aux enfers à celles et ceux qui reviennent sur leur parole donnée. Au dénouement de la situation, le Duc de Bourgogne, étant resté sur la case C2, décide d’annuler le transfert des Fortunes et les récupère dans son escarcelle.

Lors de la partie, deux questions furent soulevées par les joueurs :

  • Vaut-il mieux contraindre les joueurs à ne pas pouvoir "poser" une pièce directement sur la case de la transaction? Et les contraindre à s'y déplacer uniquement ?
  • Est-il préférable d’autoriser les achats ou ventes de pions à n’importe quel moment de jeu ou durant le tour de jeu de chaque PJ, pour éviter les conflits si plusieurs joueurs veulent acheter en même temps le seul pion disponible ?

Je pense que cette variante a besoin de plus de tests pour éclaircir ces points, mais attention à bien se mettre d’accord avant le démarrage des hostilités.

C’est une idée personnelle, bien entendu. Cette variante rebutera certaines joueuses et joueurs. Elle a surtout besoin d'être re-testée pour savoir ce qu’elle peut ajouter à Fianchetto, mais elle a créé, pendant notre partie, davantage d'interactions entre les joueurs lors d'une situation, en évitant ainsi de voir les deux autres PJ rester neutres lors d’une confrontation.

Chroniques du jeu

Enfin je souhaite insister sur un point : notez ce qu'il se passe ! La situation initiale, les évènements, les suites d’actions…

Les tours de jeu peuvent être longs, surtout si les joueuses et joueurs sont très créatifs. Et il peut être laborieux de se souvenir de ce qui s'est exactement passé il y a quatre tours.

Faites tourner le carnet de notes car c'est encore mieux lorsque les chroniques sont biaisées par des points de vue différents. Cela rajoute du piquant, mais ça dépend de qui est à votre table aussi, j’imagine.

Conclusion

J’ai proposé Fianchetto sur un coup de tête, je n’avais pas trop préparé mes joueurs (mais moi si) à ce qui les attendait, en précisant quand même que cela se rapprochait d’un Jeu de Rôle, sans en être un classique.

Je pense qu’il faut bien avoir lu et compris la mise en place et le fonctionnement avant d’être assis à la tablée, et suivre la création des plateaux étape par étape avec les joueurs, sinon ça peut rapidement mal tourner (on a vite fait d’oublier une case).

Nous avons passé un agréable moment, satisfaits de découvrir une nouvelle manière d’animer un jeu.

En fin de partie une seule critique est ressortie : les joueurs et moi-même avons trouvé les situations et confrontations parfois un peu longues à se démêler (pour faire écho à mon conseil: notez bien sur un carnet ce qu’il se passe), mais c’est certainement lié au “type” de joueurs autour de ma table.

La prochaine fois sera probablement différente !

Merci de m'avoir lu, et merci à Fianchetto, que l'entourloupe soit de mise !

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Pour aller plus loin…

  • Le concept du Défi 3 Fois Forgé organisé chaque année par PTGPTB
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