La Maîtrise de Jeu Stratégique, 3e partie

Signaux, THACOMS et accroches scénaristiques

vers la 2e partie

Des lecteurs ont porté mon attention sur plusieurs articles en  (1) concernant les drapeaux (ou signaux) en  (2) . En résumé, les « signaux » sont toutes les données de la feuille de personnage.

Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous encourage vivement à lire ces articles instructifs, écrits par des MJ expérimentés.

Cet article-ci cherche à clarifier la relation entre ces signaux et la maîtrise de jeu stratégique (MJS) à travers le THACOMS (Tableau Holistique d'Analyse de Concepts et Objets pour Maîtrise Stratégique). Il cherche aussi à détailler la manière dont la MJS peut être utilisée pour élaborer des accroches scénaristiques d’aventures déjà écrites.

La MJS vise avant tout à optimiser l’expérience des joueurs en analysant leurs attentes à travers leur fiche de PJ et leur roleplay.

Le THACOMS quant à lui est un moyen de résumer les points clés des PJ dans un tableau, pour examiner leurs thèmes en commun, afin que ces thèmes apparaissent dans le scénario impliquant tous les PJ, et donc les joueurs.

Signaux et indices

L’utilisation des signaux, comme expliqué tout particulièrement dans le dernier article cité ci-dessus, couvre un large panel d’objets décrits dans le premier article de la série sur la MJS. Cependant, les signaux ne se limitent pas à la feuille de personnage : tout ce qu’il y a dessus et hors de celle-ci est un signal de présence de données valides et exploitables.

En outre, le deuxième article de la série sur la MJS va plus loin :

  • En fournissant une catégorisation des signaux, avec des répercussions sur la manière dont le ou la MJ va les exploiter.

  • En présentant le THACOMS comme un outil de gestion rationnel et systématique des signaux. Le Tableau permet non seulement de créer des accroches scénaristiques ou une aventure centrée sur les données du PJ, mais aussi de gérer l’évolution des signaux/indices tout au long de la partie ou de la campagne.

Le THACOMS comparé à d’autres outils

Le THACOMS n’est pas un outil pour établir une carte relationnelle en (3) et n’a pas été conçu pour cela.

Le THACOMS est un outil de systématisation élaboré pour représenter, à un instant donné, d’une façon visuelle, efficace et reproductible tous les processus mentaux du MJ en lien avec l’espace imaginaire commun. Pendant une campagne, les THACOMS successifs peuvent aussi bien illustrer l’évolution des personnages que celle de l’univers.

Le THACOMS influence la manière dont le ou la MJ crée ses aventures.

Comme c’est un outil de systématisation pour n’importe quelle donnée du jeu, non limité aux signaux de la feuille de personnage, l’utilisation régulière du THACOMS modifiera le regard avec lequel le MJ lit les aventures et les descriptions de PNJ créés par d’autres : tout est signal, y compris n’importe quelle donnée dans les caractéristiques ou les descriptions d’une aventure ou d’un PNJ. Et le ou la MJ, à l’aide du THACOMS, découpera lesdites aventures ou PNJ en objets constitutifs (les signaux).

Essayons avec une aventure assez simple :

Un héraut annonce que la princesse a été enlevée par un dragon qui cherche à se venger bien des années après que les armées du royaume l’ont chassé du pays. Le vieux roi offre une récompense à quiconque sauvera la princesse et la ramènera à Sa Majesté. À l’insu du roi, sa princesse de fille est de mèche avec des barons dissidents. Ils complotent pour renverser le monarque et couronner sa fille, utilisant le rapt comme prétexte pour approcher le roi et l’assassiner.

Décomposé dans le THACOMS et combiné avec les lignes préexistantes des PJ du THACOMS, nous obtenons ceci (les points communs ayant été colorisés) :

Notez que les objets « aventure » ne sont pas décomposés en Historique et Objectifs, mais en « Décor » et « Événements à venir ».

La simple colorisation des objets identiques fait apparaître le thème « Jeunesse ». Celui-ci peut apporter quelques moments prometteurs entre les deux jeunes personnages du mage et de la princesse. Évidemment, le dragon est le point central de plusieurs thématiques importantes.

Pour les étapes suivantes (les points communs distants et les liens découlant des décisions du MJ), nous avons écarté ceux établis entre les PJ et nous sommes concentrés sur les liens entre les PJ et l’aventure. Le résultat ressemblerait à ça :

Seul un petit nombre de liens sont nécessaires pour déterminer quels angles seraient les plus efficaces pour entraîner les PJ dans l’intrigue. Le thème « assassinats » dans l’historique du PJ 3 conviendrait normalement aux barons dissidents et pourrait être rattaché au thème « instabilité politique » mais, selon la façon dont le PJ conçoit l’intrigue, un tel lien présente le risque de mettre le PJ assassin directement en opposition au reste du groupe : ceci est un exemple des liens antagonistes que j’ai décrits dans le deuxième article de la série.

Conséquences sur l’écriture d’accroches scénaristiques

Rêvons un tout petit peu. Que se passerait-il si les aventures et des PNJ étaient déjà décomposés avant que le MJ stratégique commence à travailler sur son THACOMS ?

Rien n’empêche l’auteur d’une aventure ou d’un PNJ de prendre quelques minutes pour diviser son aventure ou ses PNJ en composants élémentaires.

Ces composants ne seraient pas les indices ou signaux des personnages mais ceux de l’aventure ou des PNJ.

Si l’auteur s’arrangeait pour organiser ces éléments dans un simple THACOMS, éventuellement avec un code couleur pour les objets communs, le ou la MJ pourrait directement ajouter l’aventure et les PNJ à son propre THACOMS.

Ce travail serait simple et évidemment logique pour l’auteur puisqu’il connaît mieux que quiconque les objets composant son aventure, sa campagne ou ses PNJ. Ce travail lui permettrait même de s’affranchir de la fastidieuse tâche de créer et lister les amorces scénaristiques pour son univers, scénario ou PNJ.

Ces amorces scénaristiques deviendraient spontanément évidentes dès que le ou la MJ :

  • intégrerait les lignes de l’objet idoine du THACOMS de son propre groupe de jeu ;

  • réaliserait les trois étapes (colorisation, liens distants et liens décidés par le MJ) lors de son intégration au THACOMS.

Conclusion

La seule question qui reste est de savoir si les auteurs de scénarios ou de PNJ s’approprieront ce tableau synthétique, le THACOMS, pour leur propre travail - afin que le ou la MJ assimile plus rapidement l’aventure/le PNJ pour les faire interagir avec les PJ.

J’espère fortement qu’ils le feront, parce que réduire l’effort de l’auteur tout en simplifiant la vie des MJ semble être dans l’intérêt de tous.

Article original : Strategic Gamemastering, part 3: Flags, THACO, and plot hook writing practices

Vers la 4e partie


(1) NdT : Dans ces deux articles, Christopher Chinn expose sa façon de créer des aventures. Il y expose notamment la notion de drapeau (ou signal) qui représente une relation ou un idéal que le personnage est prêt à mettre en jeu, ou pour lequel le PJ peut oublier ses valeurs morales. [Retour]

(2) NdT : Dans son article, Martin Rayla détaille ce que peuvent être des signaux (à savoir n’importe quelle facette d’un PJ qui peut être utilisée pour orienter la partie, le plus souvent un trait de caractère ou un détail de son historique). [Retour]

(3) NdT : Christopher Chinn expose dans cet article une façon de jouer les dilemmes avec une approche ludiste. [Retour]

Note: 
Moyenne : 9.8 (36 votes)
Catégorie: 
Nom du site d'Origine: 
Traducteur: 
Share

Ajouter un commentaire

Mention légale importante

Nous vous encourageons à faire un lien vers cette page plutôt que de la copier ailleurs, car toute reproduction de texte qui dépasse la longueur raisonnable d’une citation (c’est-à-dire, en règle générale, un ou deux paragraphes) est strictement interdite. Si vous reproduisez une grande partie ou la totalité du texte de cette page sans l’autorisation écrite de PTGPTB (version française), et que vous diffusez ladite copie publiquement (sites Web, blogs, forums, imprimés, etc.), vous reconnaissez que vous commettez délibérément une violation des lois sur le droit d’auteur, c’est-à-dire un acte illégal passible de poursuites judiciaires.