Une Histoire du jeu de rôle : postface

Vers la neuvième partie

Eh bien, avec ce numéro de PTGPTB, l’Histoire du jeu de rôle est enfin finie. Dieu merci. Peut-être que maintenant je peux reprendre une vie normale.

Mon intention initiale était que l’Histoire soit juste en trois parties, mais elle a muté au-delà de tout contrôle, en une énorme bête dévoreuse de vie, requérant de loin plus de travail que ce que j’aurais jamais pu imaginer. D’un autre côté, elle a aussi attiré bien plus d’attention, de soutiens et de louanges que ce que j’aurais jamais pu imaginer. Les gens nous ont inondés d’e-mails de remerciements pour l’Histoire, ce dont je vous remercie tous beaucoup. De nombreuses pages web ont établi des liens vers elle ; elle est apparue (sous forme abrégée) sur d’autres sites, et a même été traduite en danois ! À de nombreuses occasions, j’ai eu envie de laisser tomber toute l’Histoire, et c’est ce formidable soutien qui m’a fait aller jusqu’au bout.

Vous avez aussi tous étés très charitables en ce qui concerne le flot apparemment interminable d’erreurs qui figuraient dans l’Histoire. Et vous avez été très patients, tandis que l’Histoire grossissait de toujours plus de parties à chaque numéro de PTGPTB. Je vous remercie d’être restés attachés à l’Histoire et à moi-même pendant si sacrément longtemps.

En fait, l’Histoire a eu un effet d’attraction si positif, que je ne sais pas ce que nous allons faire sans elle. L’Histoire a fait partie du zine depuis le premier jour, et PTGPTB est devenu ce qu’il est aujourd’hui en grande partie grâce à elle. Elle nous a donné encore et encore de nouveaux lecteurs et des fans passionnés, et a aussi fait que les gens continuent de revenir. Et s’il n’y avait pas eu la pression constante de l’engagement de “finir la foutue Histoire des JdR”, j’aurais peut-être abandonné ce zine-qui-bouffe-ma-vie depuis un bail.

Mais c’est fini maintenant, alors j’ai pensé que ce serait une bonne occasion pour prendre du recul et considérer ce que c’était et comment ça l’est devenu.

J’ai initialement décidé d’écrire l’Histoire avant tout parce que je ne l’avais simplement pas vue écrite auparavant. J’avais lu pas mal d’articles qui prétendaient être des histoires de notre loisir, mais ils s’arrêtaient invariablement avant les années 80. Ils ne racontaient que le tout début de l’Histoire, et je pensais qu’il était temps que quelqu’un aille plus loin.

Pourquoi je décidai de faire ça au même moment où j’entrepris la tâche immense de débuter mon propre fanzine n’est pas clair. J’incrimine la fatigue mentale entraînée par la fin de ma thèse à l’époque. Quoi qu’il en soit, ce n’était pas malin, et parfois je me demande comment je suis arrivé à survivre aussi longtemps en menant ces deux activités. Mais au début, je n’avais pas réalisé à quel point il pouvait être difficile d’écrire une Histoire, donc je relevai naïvement le défi.

Mon idée de départ, comme je l’ai dit, était de faire l’Histoire en trois parties, chaque partie étant ciblée sur une décennie. Cependant, après avoir écrit la première partie, je pris conscience que cela devrait être un peu plus long, et je révisais mes estimations à cinq parties. Malheureusement, je découvris alors que la deuxième partie s’étendit en partie deux et trois, nous poussant à six chapitres. Ce genre d’incident continua de se répéter, comme auront pu l’observer de fidèles lecteurs.

La raison principale de cela était que mes compétences en recherche grandirent en même temps que l’Histoire. Ainsi, quand j’en venais vraiment à écrire ce qu’à l’origine j’estimais prendre un paragraphe, j’avais souvent trois fois plus d’informations que je m’y étais attendu. Bien sûr, à partir de ce moment j’utilisais cette nouvelle norme pour mes prévisions, avec pour seul résultat la répétition du problème initial. À la fin, je commençai à enlever des infos dans l’espoir de raccourcir tout ça, mais je décidai alors que ce n’était pas assez bon. Quel que soit le temps que cela prenne, je devais au nombre croissant de fans de l’Histoire de boire la coupe jusqu’à la lie.

Pour les trois premières parties, tout se passa relativement en douceur. Ceci parce que je pouvais m’appuyer sur de nombreuses sources – les autres Histoires mentionnées ci-dessus, qui couvraient les choses dans le détail. Il s’agissait donc simplement de compiler les informations et de le présenter avec mes propres mots. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai passé si longtemps à examiner seulement six jeux : j’avais tant d’infos sur eux que je ne pouvais m’empêcher de faire du verbiage. Et en bonus, ce pour quoi je tirais à la ligne était si ancien et si généralement méconnu du lecteur moyen, que je n’avais pas à trop me préoccuper de mon exactitude. Ceci changea beaucoup par la suite, bien sûr.

Ma source principale ici fut l’excellent livre Shared Fantasy, par Gary Alan Fine. Cette thèse de sociologie sur le jeu de rôle comme sous-culture de loisir offre une remarquable vision sur l’évolution du jeu de rôle à l’époque où il l’écrivit, en 1982. Si vous vous intéressez un tant soit peu à cet aspect de notre loisir, je ne peux trop recommander le livre de Fine. C’est probablement la meilleure chose qui ait été écrite sur le JdR.

Je devrais aussi mentionner Fantasy Roleplaying Games de J. Eric Holmes, une introduction affreusement puérile pour les nouveaux-venus, écrite en 1983. Son panorama des JdR sur le marché à l’époque s’est révélé inestimable pour les deuxième et troisième parties. Cependant, ce livre est aussi la cause de l’énorme erreur sur James Egbert dans la quatrième partie (1), donc je ne peux le recommander en tant que source fiable.

En plus de la surabondance d’informations dans les trois premières parties, je les ai aussi trouvées faciles à écrire. Comme je listais simplement des faits et des dates, je n’avais pas besoin de développer de quelconque thèse ou de donner de sens/problématique à mes œuvres. La première partie est une simple chronologie et une interview piquée dans le livre de Fine, et la deuxième partie est à peine plus qu’un passage en revue de trois jeux. Ainsi ce ne fut que lorsque j’étais vraiment en train d’écrire la troisième partie que je commençai à concevoir le format et le fil de l’Histoire. C’est alors que j’en suis venu à l’idée que les années 80 représentaient l’âge d’or du jeu de rôle.

Pour le non-historien que j’étais alors, découper franchement l’Histoire en périodes parut constituer un pas plutôt impressionnant, mais cela marcha, et cela a donné un sens et une ambiance à l’Histoire, pour la majorité des parties suivantes. Quand je compris que j’avais tiré le bon numéro, je décidai de ne pas trop faire appel à ma chance en tentant d’en trouver une autre. Aussi je me cramponnai à cette thèse pour le reste de la série. Quand j’en eus fini avec les années 70 cependant, je m’aperçus que j’avais très peu d’informations sur la décennie suivante. J’en connaissais cependant un rayon sur l’histoire de BADD, alors je décidai de me concentrer d’abord là-dessus. Je connaissais aussi quelques bonnes pages Web sur le sujet, qui naturellement me menèrent à d’autres encore, me fournissant une montagne de détails. À part la grosse erreur du début, je pense que la quatrième partie est la plus fouillée de toutes, et donc la plus intéressante.

À partir de là, je m’aperçus pour la première fois qu’Internet pourrait beaucoup m’aider dans mes recherches. Je pistai les sites des éditeurs et obtins leurs historiques où je le pouvais, et leur e-mailai des demandes de renseignements supplémentaires là où je ne le pouvais pas. J’étendis mes antennes à des amis internautes, cherchant quiconque en saurait plus que moi. Comme on pouvait s’y attendre, il y en avait beaucoup.

Ainsi je dois remercier toutes les personnes qui m’ont aidé à rassembler mes données. Ceci comprend Dan Davenport, Steve Dempsey, Sarah Hollings, Jim Ogle, Kevin Powe, Eric Rowe de Chaosium, et la personne de chez West End Games qui m’a écrit (désolé, j’ai perdu vos coordonnées). Je dois remercier en particulier Gary Gygax lui-même, qui a été extrêmement serviable. Tant que j’y suis, je devrais aussi remercier tous ceux qui m’ont écrit avec des corrections à l’Histoire, notamment Peter Lewerin, Shaun Hately et Sergio Mascarenhas. Grâce à tous ces gens, nous avons rétabli les faits, et nous avons tous fait en sorte d’en apprendre un peu plus.

Arrivé là, la quantité d’e-mails que nous avions reçus m’avait convaincu du degré de sérieux auquel les gens tenaient l’Histoire, et après la grosse erreur de la quatrième partie, la pression était vraiment là. À partir de la cinquième partie, mes recherches gravirent un degré dans l’exactitude, car traiter d’événements plus récents et avoir davantage de lecteurs impliquait qu’aucune erreur ne passerait inaperçue. Je dois confesser que je me suis souvent senti opprimé et primé – lorsque, après mon si dur labeur, la première volée d’e-mails qui suivait la publication soulignait inévitablement mes dernières fautes.

Mais cette observation toujours plus minutieuse me fit encore une fois prendre conscience de combien de peu d’informations je disposais pour les parties suivantes. Je connaissais les bases, mais rien de concret, et Internet ne suffisait pas pour remplir les blancs. L’Histoire semblait condamnée.

Puis une sorte de miracle se produisit. Tandis que je farfouillais dans un présentoir d’occasions à une convention, je tombai sur une grande boîte de vieux magazines de JdR britanniques. Ils s’appelaient GM et plus tard Games Master International, et avaient été édités de 1988 à 1992. Non seulement ils me donnèrent de formidables tuyaux sur cette époque, mais ils contenaient aussi souvent des rétrospectives sur le passé des JdR. En bref, ils étaient exactement ce dont j’avais besoin.

Presque toutes les informations des cinquième, sixième et septième parties vinrent de ces magazines, aidés un peu par les rétrospectives parues dans le magazine britannique plus récent Arcane. Sans eux, je n’aurais jamais pu assembler les morceaux d’histoires de jeux comme GURPS, Champions, Star Wars, L’Appel de Cthulhu, Pendragon et d’autres encore, pour ne rien dire de firmes comme Games Workshop et West End Games. Mais la plus grande aide que m’apportèrent les magazines GM fut leurs informations sur les jeux vidéo et les MUD pour la septième partie. Réellement posséder des numéros qui critiquaient des jeux vidéo comme Pool of Radiance lorsqu’ils étaient des sorties récentes/nouveautés s’avéra être une ressource étonnante, pour ne pas dire de merveilleux souvenirs.

Les cinquième et sixième parties s’avérèrent être les plus agréables à écrire de toutes, ne consistant en fait en rien de plus que de longues louanges de certains de mes JdR préférés. La plus grande difficulté de leur rédaction fut de m’obliger à arrêter de faire de longs discours sentimentaux. La sixième partie s’avéra spécialement source de problèmes à cet égard, parce que je fus forcé d’allouer à certains des plus grands JdR de l’histoire – Paranoia, Pendragon, Warhammer – rien de plus qu’un paragraphe pour exprimer leur génie. C’était très ennuyeux, mais si j’avais davantage déblatéré, l’Histoire n’aurait pas été finie du tout.

Je dois cependant m’excuser pour le peu de données sur le jeu de rôle grandeur nature. Encore une fois, le problème était le manque d’information. À part leur origine, comme écrit dans la sixième partie, je ne pus rien trouver d’autre, alors je fus forcé de faire l’impasse sur ce sujet. Si quelqu’un ici a plus de renseignements sur l’histoire du JdRGN, j’aimerais beaucoup la connaître.

Ne sachant rien sur l’histoire du jeu vidéo, c’est en écrivant la septième partie que j’en appris le plus. Cependant, le manque d’informations bloqua mes efforts une fois de plus dans les huitième et neuvième parties. Mais j’eus de la chance : nous arrivions enfin à une période durant laquelle j’avais été un joueur passionné ; l’histoire moderne, enfin ! En conséquence, les huitième et neuvième parties ne furent en fait que des observations personnelles que n’importe qui aurait pu écrire, et donc sont probablement les parties les moins satisfaisantes de la série, de mon point de vue.

Les huitième et neuvième parties, néanmoins, soulevèrent aussi le problème des controverses. J’étais arrivé au point où je traitais de thèmes modernes au sujet desquels les rôlistes étaient à la fois passionnés et très partagés. En particulier, je dus éviter d’offenser à la fois les fans et les adversaires de White Wolf lors de mon opus sur l’impact de Vampire: the Masquerade. Ce fut un vrai défi de mettre de côté mes sentiments personnels et d’évaluer l’ensemble de la situation en adoptant une perspective historique. Constatation amusante : malgré la controverse et le fait que je ne faisais en fait que pontifier ma propre perception des débats sur RPGNet, nous n’avons reçu aucune plainte à propos de ces parties… du moins, jusqu’à maintenant !

Ce qui nous amène à la fin. Tout mon difficile travail est fini, et à mon grand étonnement, l’Histoire est faite. En y repensant, l’idée même que j’aie pu me lancer dans quelque chose d’aussi énorme que l’Histoire paraît fantastique. Et pourtant, nous y sommes : neuf parties et plus de vingt-cinq mille mots plus tard, je l’ai faite.

Une grande partie de mes informations a dû être extraite et rassemblée de livres complètement dépassés, de vieux magazines poussiéreux, et de pages web peu dignes de confiance, sans parler de vagues souvenirs, ouï-dires, légendes, et de purs mensonges. Tout cela a dû être filtré, poli et martelé en une sorte de démonstration, puis présenté par un historien naïf et malhabile dans une prose lisible. Mais malgré mes sources souvent insuffisantes et mes compétences encore plus insuffisantes, j’ai bel et bien réussi à obtenir tous les faits – exacts pour la plupart d’entre eux – et à tous les transformer en une Histoire du JdR convenable. J’ai couvert quasiment tous les aspects du jeu de rôle des vingt-cinq dernières années, et ai même inclus des analyses des tendances du milieu, ainsi que leurs causes et leurs effets.

C’est loin d’être parfait, mais cela couvre le sujet. Et c’est en soi la vraie réussite. Parce qu’une Histoire de cette envergure est plutôt unique. Malgré la taille, l’âge et la diversité de notre loisir, presque personne ne s’est sérieusement attelé au travail de rassembler et présenter toute son histoire (bien que j’aie maintenant entendu parler d’un livre nommé Heroic Worlds qui traite d’un domaine similaire mais il n’est pas aisément disponible). Et d’après ce que nous avons vu, les rôlistes le ressentent comme une négligence ; ils veulent vraiment en savoir plus sur leur loisir et ses origines.

Alors je suppose que tout mon difficile travail – et avoir passé nuit après nuit de stress à désespérément essayer de trouver en quelle année précisément Chaosium avait publié le JdR Prince Valiant – a payé. Je n’ai pas tout à fait écrit un chef-d’œuvre, mais ce que j’ai fait est quelque chose que presque personne d’autre n’a eu l’énergie de faire, tant c’est une tâche si grande et si touffue. Mais c’était quelque chose qui devait être fait, et quelque chose que beaucoup de gens voulaient vraiment lire. Alors j’en suis très fier, et je suis très fier de tous les formidables compliments que j’ai reçus pour l’Histoire. Merci encore.

Personnellement cependant, ce dont je suis le plus fier est d’avoir écrit vingt-cinq mille mots sur l’Histoire du jeu de rôle sans mentionner une seule fois Musclor RPG [He-Man RPG ].

Les remerciements du traducteur

Il était tentant, lors de la traduction de l’Histoire du JdR, d’actualiser un peu les informations, d’expliquer et de préciser certains concepts, et d’établir des parallèles avec le milieu français – même si cela a donné lieu à d’envahissantes notes de traducteurs. C’est ce que j’ai fait, en collaboration avec les personnes suivantes :

– Steve Darlington qui, bien qu’il déclare officiellement avoir abandonné toute idée de mise à jour de son Histoire, a gracieusement répondu aux appels à l’aide, expliquant certains de ses passages un peu elliptiques ou trop marqués culturellement, et décidant avec fair-play de ce qui était recevable dans les remarques que nous lui faisions remonter.

– Toute l’équipe des traducteurs de PTGPTB (y compris le rédacteur en chef actuel de la VO, Steve Dempsey), a relu, corrigé, fait les recherches, et participé à la mise à disposition de cet important document aux internautes francophones. On ne peut les citer individuellement, car nous ne savons plus qui a fait quoi, alors nous nous citons collectivement.

– Il mérite un remerciement spécial, je le proclame membre d’honneur de la VF de PTGPTB, ce héros c’est Lottès Loukoum ! Aidé par sa connaissance encyclopédique du JdR et une minutie à la limite de la manie, notre “consultant” s’est évertué à débusquer des erreurs qui avaient échappé à des hordes d’experts anglophones, et en a même remontré à l’auteur sur certains détails.

Comme on pouvait s’y attendre, cet effort collectif et coordonné a permis de peaufiner l’Histoire du JdR ; c’est pourquoi nous sommes fiers de pouvoir affirmer que la version francophone est plus exacte et plus à jour que la version anglophone.

Janvier 2003

Article original : The History of Role-Playing: Author's Addendum

(1) NdT : Steve crut d’abord qu’il y avait deux “suicidés” alors qu’il s’agissait du même. Il dut réécrire la quatrième partie. [Retour]

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Pour aller plus loin… panneau-4C

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