Créez votre jeu de rôle préféré
© 1996 Lou Prosperi
Remarque : Cet article a tout d’abord été publié dans le magazine Shadis [magazine américain de JdR (1990-1998), fondé par Jolly Blackburn (NdT)] puis sur le site web de l’auteur.
Introduction
Avez-vous déjà regardé une série télé ou un film, ou fini un roman ou une BD en vous disant “Bon sang, ça ferait un SUPER jeu de rôle !” ?
Je suppose que c’est arrivé déjà à la plupart des rôlistes comme vous et moi au moins une fois, voire plusieurs fois comme dans mon cas. Donc, comment transforme-t-on sa série télé/film/livre/BD préféré en jeu de rôle ? C’est une bonne question, à laquelle nous allons répondre dans cet article.
L’objectif de cet article est de proposer des pistes en prenant une source – que ce soit une émission ou série télé, un film, un livre – et en l’utilisant comme base pour un jeu de rôle.
Avant d’aller plus loin, j’aimerais signaler qu’il existe déjà plusieurs JdR basés sur des séries, des films, etc. Ce sont des jeux sous licence, produits par des éditeurs avec l’autorisation des propriétaires de la fiction. Star Wars : Le jeu de rôle de la Guerre des Étoiles (grog), édité par West End Games, est un bon exemple. West End Games a obtenu l’autorisation de Lucasfilm Ltd, propriétaire de la licence Star Wars, pour créer un jeu de rôle basé sur Star Wars. Je souligne ce point pour rappeler que le but de cet article est de créer un JdR dédié à votre usage privé uniquement.
N’utilisez pas les conseils de cet article pour créer un JdR basé sur Star Trek : The Next Generation (wiki) (Star Trek : TNG), et essayer de le publier et de le vendre sans la permission des propriétaires de la licence Star Trek (à savoir Paramount Pictures). Tout ce que vous obtiendrez c’est un procès. Et ne m’en voulez pas, je vous aurai prévenu.
Vue d’ensemble
Le processus décrit dans cet article contient quatre étapes simples :
Chacune de ces étapes est détaillée ci-dessous. Cet enchaînement peut sembler excessif de prime abord, mais le but est de recréer l’esprit de la source originale le plus fidèlement possible, afin d’en capter l’essence. Après tout, la source est la raison pour laquelle vous vous lancez dans ce projet. Autant la simuler le plus fidèlement possible.
Ce processus est aussi similaire à ce que font les créateurs de jeu lorsqu’ils commencent à concevoir un nouveau jeu de rôle. Bien que cet article aborde l’analyse d’une source donnée, les étapes suivantes s’appliquent également à la création de nouveaux JdR. J’ose espérer que vous utiliserez cet article pour ça aussi.
Remarque : Bien que les idées de cet article puissent s’appliquer aussi bien à une série télé, un film ou un livre, j’utiliserai le terme de “série” lorsque je ferai référence à la source qui est à la base de votre JdR.
Première partie : définir la source
Définir la source signifie prendre la source dont vous essayez de tirer un JdR, et la décomposer en morceaux qui peuvent être traduits en éléments simulables par un système de jeu. Cette première partie du processus ne s’occupe pas des règles de jeu, mais plutôt de décrire les différents aspects de la source en termes généraux – traduisibles ensuite en termes de jeu. Les articles des numéros précédents de Shadis qui décrivent les séries Brisco County (wiki) et X-Files : aux frontières du réel (wiki) sont des exemples de définition de sources de cette manière (2). Ces deux articles sont légers en termes techniques ou de règles, et se concentrent plus sur la définition des éléments importants de ces sources en termes généraux. Voilà tout ce qui constitue la première partie du processus.
On définit la source en examinant et en définissant l’abrégé sur laquelle la série est basée, les éléments de fiction (univers, personnages et intrigue), et comment les histoires sont racontées dans la série.
L’abrégé (the premise (1))
La première étape consiste à définir l’abrégé de la série. L’abrégé est une simple déclaration qui décrit la source de manière concise mais complète. C'est une étape importante dans le processus, car à chaque étape, vous devrez vous référer à l'abrégé afin de vous assurer que vous êtes toujours sur la bonne voie.
Plus simplement, l’abrégé est une description de la série. Il résume généralement l’univers, les personnages, et les intrigues-types des épisodes auxquelles on peut s’attendre. Pour nos besoins, l’ensemble du travail de définition de la source se base sur l’abrégé. L’abrégé définit également la série dans les termes d’une œuvre de fiction. Il définit en gros les éléments de fiction importants.
En définissant l’abrégé, ne vous dispersez pas en rédigeant une description exhaustive de toutes les facettes de la série. Ce niveau de détail viendra plus tard. L'idée de l’abrégé n’est pas de décrire chaque personnage ou intrigue couverts par les épisodes, mais d’en faire un bref résumé.
L’abrégé est une première description de la série. Il indique :
- ce dont la série parle ;
- qui sont (globalement) les personnages ;
- ce qu'ils font ;
- et où la série se déroule.
L’abrégé peut aussi être comparé à celui d'un jeu de rôle. Établir l’abrégé d'une série est essentiellement la même chose que l’établir pour un jeu de rôle ; cela consiste à décrire ce dont parle le jeu.
L’abrégé d'une série télévisée pourrait aussi être comparé à ce qui est parfois appelé l'esprit d'un jeu de rôle – tout simplement ce dont traite le jeu. Cela va plus loin qu’une simple description de l'univers de jeu ou des personnages : cela englobe également les mécanismes et le système de jeu, et comment les règles encouragent les types d'histoires que l’on veut jouer dans les campagnes (3).
Tout au long de cet article, je donnerai des exemples à chaque étape du processus, en décrivant la série X-Files .
Exemple d’abrégé : X-Files
X-Files suit les exploits d'un duo d'agents du FBI qui enquêtent de nos jours sur des phénomènes inexpliqués. Au cours de la série, les agents Mulder et Scully font face à des événements paranormaux, des mutations génétiques, des apparitions d’ovnis, des expériences génétiques et une vaste opération gouvernementale pour dissimuler la majeure partie de ce que les agents ont vu.
Cet exemple d’abrégé nous fournit de nombreuses idées-clés concernant X-Files. Premièrement, c’est un univers contemporain, mais dans lequel les ovnis, les pouvoirs psys et d'autres événements paranormaux sont réels. Deuxièmement, les personnages sont définis comme des agents du FBI. Cela ne nous dit pas seulement qui sont les protagonistes, mais limite également l’univers de la série aux États-Unis. Troisièmement, nous savons que l'action principale dans chaque épisode est une enquête, dont le but est de comprendre la vérité derrière les événements de l’affaire.
Ainsi, ce simple abrégé décrit les bases de la série, et nous donne également un bon aperçu de X-Files en tant qu’œuvre de fiction.
Les éléments de la fiction
La prochaine étape consiste à définir la source en termes qui pourront être ensuite traduits dans un système de jeu. Il y a trois éléments de base communs à tous les styles de fiction : le décor (setting), les personnages et les actions. En les définissant clairement, vous aurez une meilleure compréhension de votre source, et de la façon dont les histoires racontées sont structurées.
Une des meilleures façons que j'aie trouvées pour comprendre les détails des éléments de fiction est tout simplement de poser des questions sur ces éléments, puis de répondre à ces questions en m’appuyant sur les œuvres étudiées. Dans chacune des sections suivantes, je vous présente quelques questions pour vous aider à définir les aspects spécifiques de chacun des éléments de fiction.
Le décor [ou l’univers]
Le décor est peut-être le plus facile des éléments de fiction à décrire, mais il est aussi le plus global. Très simplement, c'est l'endroit et l’époque où se déroule la série. Le décor comprend le monde où se produisent les événements ; mais même s’il est parfois facile à décrire, le décor englobe également bien des aspects différents, tels la période historique, le niveau de technologie, les contextes politiques et sociaux, et bien d’autres.
Les réponses à certaines des questions suivantes fourniront des informations spécifiques à l’univers de la série.
À quelle époque se déroule la série ?
C’est un élément important du décor. Une série qui se déroule dans le Far West (comme Brisco County) sera très différente d’une autre qui se déroule à l'époque moderne.
L’époque historique d'une série détermine également de nombreux autres aspects, dont certains sont traités ci-dessous. Par exemple, comme on pourrait s'y attendre, la plupart des séries de science-fiction se déroulent dans le futur, quand la technologie a progressé au-delà de celle d'aujourd'hui. L’époque est également importante pour comprendre le climat politique et/ou sociologique en cours.
Définir l’époque vous permet également d’appréhender l'histoire de l'univers de la série ou, en termes plus simples, les événements qui se sont succédés pour arriver où on en est. Bien sûr, une série dans le monde contemporain, le vrai, aura une histoire identique à la nôtre, et très probablement une situation politique similaire.
Comme on peut s'y attendre, la plupart des séries ont quelques aspects qui diffèrent du nôtre. Par exemple, une série comme X-Files a une histoire commune avec la nôtre mais elle part aussi du principe que certains événements passés impliquent des ovnis et d'autres phénomènes paranormaux. Bien que ces événements ne soient pas connus du public, ils sont très importants dans l’univers de X-Files.
Dans le cas d’une série futuriste, “l'histoire du futur” est un aspect important du décor, qui offre une bonne compréhension de la situation présente de la série. Par exemple, dans la série SeaQuest Police des Mers (wiki), l'exploration et la colonisation des océans de la Terre a conduit à la formation d'un certain nombre de confédérations, chacune en compétition pour un domaine océanique. Après avoir évité de justesse un conflit nucléaire, plusieurs de ces confédérations ont formé l’Organisation des Terres/Océans Unis, dont le rôle est de maintenir la paix entre les confédérations. Le submersible SeaQuest est le fleuron de la flotte de l’O.T.U. et est chargé de résoudre les conflits qui surviennent entre les nombreuses confédérations.
Où se déroule la série ?
Est-ce sur Terre, sur une autre planète ou système stellaire, ou dans un pays ou ville donné ?
Comme pour l’époque, déterminer la localisation géographique du décor est important pour appréhender la série. Une série qui se tient sur une planète sera différente à bien des égards d'une qui se déroule dans toute une galaxie. De même, une série située dans une ville ou un pays diffère de celle qui couvre le monde entier.
Cet aspect du décor détermine un certain nombre d'éléments de la série. Il définit les types de situations susceptibles de survenir, ainsi que qui ou quoi pourrait être rencontré.
Par exemple, Earth 2 (wiki) se déroule sur une seule planète, à de très très nombreuses années-lumière de la Terre. L'équipe de colons de cette série doit faire face aux défis d'un monde nouveau, armée seulement de ce que les colons ont apporté avec eux. Ils ne sont pas ravitaillés et ils ne peuvent pas non plus demander des conseils ou obtenir l'aide de qui que ce soit.
Quel est le niveau technologique de l’univers de la série ?
Le niveau technologique détermine la plupart du temps les types d'équipement et de gadgets utilisés par les personnages. Est-il le même que le nôtre ? Moins avancé, comme dans Brisco County, ou plus avancé, comme dans Star Trek: Voyager ou Babylon 5 (wiki) ? Les spécificités de la technologie sont importantes et sont étroitement liées à ses personnages (voir ci-dessous). Ses conséquences sont-elle importantes dans la série ? Les différents types de technologie sont-ils facilement accessibles ?
La technologie peut généralement être décomposée en quatre catégories de base : armement, communications, transports, et divertissement/confort. Chacune d'elles est assez explicite, mais il pourrait être utile de s’y intéresser de plus près.
- L’armement indique le niveau technologique des armes et armures utilisées dans la série. La plupart des armes sont-elles de simples armes à feu, comme nous en avons aujourd'hui, ou plutôt des lasers ou blasters ? Quels autres types d'armes inhabituelles sont utilisés, comme les pistolets soniques paralysants de SeaQuest, ou les sabres laser de Star Wars ?
- Les communications n’impliquent pas seulement les téléphones ou les visiophones, mais également les systèmes d'échange d'informations et les réseaux informatiques comme Internet. Quels systèmes de communication sont utilisés dans la série ? Y a-t-il des téléphones, téléphones portables, visiophones, ou des communicateurs personnels ? Y a-t-il un réseau mondial (ou galactique) d'information ? En combien de temps une information peut-elle être trouvée et/ou envoyée ?
À titre d'exemple, la combinaison portée par les membres de l'équipe du Projet Eden sur Earth 2 leur permet de communiquer à la fois visuellement et oralement et offre également une forme de réalité virtuelle. Cet équipement permet à des membres de l'équipe de partir en éclaireurs, tout en restant en contact avec le reste du groupe. - Les transports couvrent les appareils technologiques qui permettent aux gens de se déplacer, comme les automobiles, les avions, etc. Quels progrès ont été réalisés au niveau des transports dans la série ? Y a-t-il des aéroglisseurs, par exemple ?
Toutes les différentes séries de Star Trek utilisent la technologie de la téléportation, par laquelle le corps d'une personne est converti en énergie, envoyé à un autre endroit, puis recomposé. Ceci est un excellent exemple d'une avancée technologique notable dans le domaine des transports. Quelles sont les autres formes exceptionnelles de transport dans la série, s’il y en a ? Dans SeaQuest, le voyage sous-marin est très commun et majoritaire. Cela tombe sous le sens, puisque cette série parle essentiellement d’activités sous-marines. - Le divertissement est le domaine où la plupart des avancées technologiques de notre monde sont les plus évidentes. Les innovations comme la réalité virtuelle, les consoles de jeux (telles la Playstation ou la X-box), et les home cinema sont de bons exemples de technologie du divertissement. Quels types de technologie du divertissement trouve-t-on dans la série ? Est-ce que la réalité virtuelle existe ? Et les simulations holographiques, comme celles des holodecks (wiki) de Star Trek: TNG ?
- Enfin, les éléments de confort sont ceux utilisés dans la vie quotidienne, par à peu près tout le monde. Les produits comme les fours à micro-ondes et les assistants numériques personnels (comme l’iPad) entrent dans cette catégorie. Bien que ce type de technologie ne soit généralement pas aussi important pour les histoires que les catégories précédentes, il est toujours utile d'examiner la façon dont la technologie est utilisée pour le divertissement et le confort dans une série.
Le contexte politique ou social unique est-il inhabituel ?
L'action se situe-t-elle dans un environnement politique (relativement) stable ou ce dernier est-il instable, sous la menace d’une guerre qui se profile à l'horizon ? Y a-t-il des ennemis politiques bien définis ? La base de nombreuses anciennes séries télé reposait sur une divergence politique et la présence d'un ennemi très clairement identifié.
Star Trek : Deep Space Nine (DS9) et Babylon 5 se déroulent toutes deux dans un environnement politique quasi-instable, qui alimente la plupart des conflits. Dans le cas de Star Trek : DS9, la tension entre l'Empire cardassien et la planète Bajor, avec l’implication de la Fédération des Planètes Unies et de Star Fleet, forme l'abrégé de la série. De même, [dans le huis-clos de la station spatiale] Babylon 5, l'état de paix incertaine entre les Minbaris, Centauris, Narns, les Terriens et les Vorlons offre une situation idéale pour un conflit dramatique.
La dimension sociale est un autre sujet important. Quel est le climat sociologique de la série ? Est-il comparable à notre situation actuelle, ou les choses se sont-elles améliorées ou détériorées ? Dans l’univers des différents Star Trek, par exemple, la situation sociale est bien meilleure que la nôtre. La Fédération a pratiquement éradiqué la pauvreté, la faim et de nombreux autres problèmes d’aujourd’hui. En revanche, Earth 2 imagine un univers où la Terre est devenue presque inhabitable, et où la majorité de la population a déménagé dans d’immenses stations spatiales en orbite autour de la Terre. Gouvernée par le méfiant et omniprésent Conseil, la société est devenue très stratifiée, avec un quasi-système de castes séparant les ouvriers, des politiciens, des nantis. Ajoutez à cela le syndrome qui a commencé à toucher les enfants des habitants des stations, et l’instantané social du décor de Earth 2 apparaît manifestement des plus sinistres.
Y a-t-il des gens avec des capacités spéciales ou inhabituelles (magie, pouvoirs psychiques, etc.) ?
Dernier aspect à considérer : les capacités ou pouvoirs spéciaux ou paranormaux. De nombreux univers de fantasy et de science-fiction incluent différents types de capacités spéciales, comme les pouvoirs magiques ou psychiques – telles la télékinésie ou la Perception Extra-Sensorielle (PES). Cet aspect, qui fait certes partie de l’univers de la série, est également important lors de l’examen des personnages et des actions, qui seront traités plus bas.
Pour l'instant, notre souci est de savoir si de telles capacités sont présentes dans l'univers de la série, et si oui, comment elles sont utilisées. Il faut aussi réfléchir à la rareté de ces pouvoirs. Sont-ils communs ou uniques ? S'agit-il d'aptitudes naturelles, ou est-ce le produit d'une sorte d'étrange traitement ou d’expérience médicale ?
Par exemple, dans l'univers de SeaQuest, des médiums et des télépathes sont connus ; l'un d’eux est même membre de l'équipage du sous-marin. De même, dans les Star Trek, de nombreuses races sont connues pour avoir des pouvoirs télépathiques, comme les Vulcains ou les Betazoïdes. Dans le cas de SeaQuest, ce sont des aptitudes naturelles, et elles sont présentées comme très rares et difficiles à maîtriser. Elles ont également un pouvoir quelque peu limité. Plusieurs épisodes de X-Files ont suggéré des pouvoirs magiques et psychiques, bien qu’on ne connaisse jamais la vérité sur ces éléments.
Exemple de décor : X-Files
Le décor de X-Files est le monde moderne, un monde de possibilités extrêmes. La série se passe vers 1995, et suppose un niveau de technologie égal au nôtre, et les mêmes situations politiques et sociales qu’actuellement.
Mais le décor de X-Files suppose également l'existence d'une vie extraterrestre, de pouvoirs paranormaux, de mutations génétiques, et plus encore. En outre, X-Files présume l'existence d'une conspiration du gouvernement qui est au courant de ces choses, et qui en probablement même responsable pour beaucoup d’entre elles. À l’intérieur de cette gigantesque agence/conspiration gouvernementale, de nombreuses avancées technologiques ont été réalisées, mais elles jouent peu ou pas de rôle dans les histoires racontées dans X-Files. Elles servent principalement à démontrer la puissance et l'étendue de la conspiration.
Les personnages
Après avoir défini et décrit le décor de votre série, le prochain élément fictif à prendre en compte est : les personnages. Il y en a trois grands types : les personnages principaux, les adversaires et les seconds rôles. Bien que tous ces types de personnages soient importants, cet article se concentre sur les personnages principaux, puisqu’ils sont par nature, les personnages-joueurs de la série.
Avant de pouvoir discuter des problèmes spécifiques à chaque PJ, nous allons d’abord regarder leurs points communs.
Lorsque vous définissez les personnages, il faut prendre en compte ces idées-clés :
- leur identité (ce qu’ils sont),
- leurs actions (ce qu’ils font),
- et leurs motivations (pourquoi ils le font).
L’identité d’un personnage est comparable à l’abrégé d’une série : une description courte et simple décrivant le personnage de façon suffisamment détaillée pour pouvoir le distinguer des autres. Tenez, dans X-Files, on peut décrire le personnage de l’agent spécial Fox Mulder comme : un brillant enquêteur qui travaille pour le FBI, passionné par les phénomènes étranges et inexpliqués, qui choisit d’enquêter sur des affaires inhabituelles et pour le moins mystérieuses.
Les actions des personnages sont les différentes tâches que les personnages effectuent pendant le récit. Elles sont le plus souvent liées au métier du personnage, ou au rôle qu’il remplit dans le décor de la série. Par exemple, dans Star Trek: DS9, Miles O’Brien est le chef des opérations de la station spatiale. Son rôle consiste à maintenir le fonctionnement optimal de la station. Son poste nous révèle le type de tâches qu’il réalise le plus souvent. Puisque les actions des personnages forment la base de l’histoire, cet aspect des personnages est très lié à l’intrigue [afin que l’intrigue et le PJ soient adaptés l’un à l’autre (NdT)]. Nous en discutons plus longuement ci-dessous.
La motivation d’un personnage, la raison pour laquelle il fait ce qu’il fait, est en rapport avec son rôle dans la série. Ainsi, à partir de l’exemple précédent, pourquoi l’agent Mulder enquête-t-il sur des affaires mystérieuses ? Réponse : simplement de découvrir la vérité, quelle qu’elle soit. Comme le montrent les affaires des épisodes des X-Files, il y a beaucoup de vérités à découvrir, que Mulder est bien déterminé à connaître.
Un des derniers aspects notables des personnages concerne leurs capacités et compétences. Cet aspect, fortement lié à ses propres actions, révèle le genre d’activités où le personnage excelle, et ce qu’il est capable de tenter.
Tous les personnages ne savent pas faire la même chose, et c’est même préférable. La plupart des personnages ont un talent ou une compétence qu’ils sont les seuls à posséder. C’est ainsi que les auteurs et créateurs créent des personnages uniques et singuliers. Dans le même temps, les personnages ayant des professions identiques ou similaires peuvent avoir certaines compétences en commun.
Par exemple, dans X-Files, Fox Mulder est un fin psychologue spécialisé dans le profilage de suspects à partir des éléments de leurs crimes passés. Dana Scully est médecin, spécialisée en médecine légale. Les deux personnages seraient capables d’établir le profil d’un tueur en série, mais seule Scully pourrait réaliser une autopsie. Mulder n’essaierait même pas d’en faire une, car cela relève d’un domaine au-delà de son expertise.
Lorsque vous définissez les capacités des personnages, pensez à des domaines généraux de savoir-faire et d’expertise, plutôt que de vous limiter à des compétences précises. Pour poursuivre avec l’exemple précédent, Mulder aura probablement les compétences suivantes : Enquête criminelle, Psychologie et Connaissance du paranormal ; Scully en revanche aura plutôt Enquête criminelle, Médecine, et Médecine Légale. Ces capacités communes leur permettent de travailler ensemble sur certains aspects de l’enquête, alors que leurs compétences spécifiques et propres les aident à résoudre les enquêtes.
Personnages principaux
Les personnages principaux, ou protagonistes, d’une série sont les vedettes de l’émission. Blague à part, c’est la façon la plus simple de déterminer quels personnages sont importants dans la série.
La première étape est facile ; déterminer qui sont les personnages principaux. Une fois qu’ils sont identifiés, il faut définir les personnages en fonction des idées-clés ci-dessus, c’est-à-dire leur identité, leurs actions et leurs motivations. Les capacités et compétences des personnages font autant partie de l’identité que des actions ; ainsi il vous faudra en même temps définir leurs capacités.
Vous avez deux manières de déterminer les personnages principaux. La première, de façon générale, en les définissant à travers un type de personnage, avec des actions et motivations classiques. La seconde consiste à les définir en tant qu’individus, avec une identité et des motivations qui leur sont propres.
Cette distinction (définition générale/spécifique) sera utile lorsque vous devrez déterminer le style de jeu que vous souhaitez obtenir (voir la section Déterminer le style de jeu ci-dessous.) Si vous choisissez un style de jeu dans lequel chacun des joueurs joue un des personnages principaux de la série, il vous faudra définir très précisément ces personnages pour que les joueurs puissent les interpréter le mieux possible. Par contre, si vous choisissez un style de jeu où les protagonistes sont proches des personnages principaux [de la série, mais ne sont pas ceux-ci], vous devez les appréhender de façon moins spécifique ; vous devez plutôt décrire des [arché]types de personnage, ainsi que leurs motivations générales. Cela permettra aux joueurs de créer des personnages-joueurs qui s’accorderont avec le décor imaginaire de la série.
Vous trouverez ci-dessous plusieurs questions pour vous aider à déterminer qui sont les personnages principaux de votre série, de façon spécifique et générale, à travers les domaines cités précédemment (identité, actions, motivations et compétences) et des exemples de séries télé ou de films.
Qui sont les personnages principaux ?
Les personnages principaux dans Star Trek : TNG font partie de l’équipage du vaisseau spatial Entreprise. Il y a notamment le capitaine Jean-Luc Picard, le commandeur William Riker, le docteur Beverly Crusher, l’ingénieur-en-chef Geordi LaForge, la conseillère Deanna Troi, le chef de la sécurité Worf et l’officier scientifique le commandeur Data.
Les personnages principaux travaillent-ils pour une organisation précise, pour un gouvernement ou une agence gouvernementale ?
Les personnages principaux du film Les Experts (wiki) [de 1992] travaillent ensemble comme consultants spécialisés dans la protection des données privées. Dans Seaquest, les personnages principaux font partie de l’équipage du Seaquest, le vaisseau amiral de la flotte de l’O.T.U.
Qu’est-ce qui motive les personnages ?
Les personnages principaux de X-Files, les agents Fox Mulder et Dana Scully, travaillent pour le FBI. Ils sont motivés par leurs désirs de vérité et de justice.
Quelles compétences ou capacités spécifiques ont les personnages ?
Tous les personnages du film Les Experts sont des spécialistes dans différents domaines liées à la sécurité, physique ou électronique. L’équipage dans Star Trek : TNG est composé d’officiers de StarFleet, formés pour accomplir des tâches variées dans des fonctions diverses en rapport avec l’exploration spatiale.
Les adversaires
Les adversaires des personnages sont les méchants de la série, ou, pour utiliser des termes moins défavorables, les antagonistes. Ça ne veut pas toujours dire qu’ils sont maléfiques ou mauvais, simplement qu’ils représentent une force opposée d’une façon ou d’une autre à celle des personnages principaux (4). Très souvent, l’intrigue d’une histoire débute par une action du ou des adversaires. Par exemple, la base de l’intrigue dans Les Aventures de Buckaroo Banzaï à travers la 8e dimension (wiki) est l’évasion du Dr. Emilio Lizardo (Lord John Worfin) et le kidnapping du Dr. Hikita qui s’ensuit. Les différents crimes et incidents étudiés dans X-Files sont souvent commis par l’un ou l’autre des adversaires.
À moins que vous ne prévoyiez de jouer des scénarios directement basés sur des épisodes de votre série, vous devrez probablement définir les adversaires dans les grandes lignes seulement.
Bien sûr, il vous faudra définir les méchants plus en détails si ce sont des adversaires récurrents. Vous pouvez utiliser les questions ci-dessus pour définir les adversaires et les seconds rôles de vos héros (voir ci-dessous).
Les seconds rôles
Les seconds rôles sont des amis des personnages principaux, dont les actions aident à faire avancer l’intrigue, sans pour autant devenir l’élément central d’un épisode. Les personnages de Perry White et Jimmy Olsen, dans Loïs et Clark : les nouvelles aventures de Superman (wiki), sont de bons exemples de seconds rôles. Ces deux personnages aident Lois et Clark (et Superman bien sûr), mais ils sont rarement les vedettes. Garak, le tailleur cardassien dans Star Trek : DS9 est un autre bon exemple. Garak est un ancien espion à la solde de l’ordre d’obsidienne, dont les connaissances et compétences ont plus d’une fois été utiles à l’équipage.
Il n’est pas nécessaire de décrire de façon très détaillée les seconds rôles et, très souvent au début, il n’y a pas assez de matière pour le faire. Lorsque vous créez ces personnages, le plus important est de définir leur rôle dans l’histoire. Mais pour faire ressortir l’ambiance et l’atmosphère de la série, il s’avère utile de décrire précisément leurs actions, compétences et motivations.
Exemple de personnages : X-Files
Les personnages principaux de X-Files sont Fox Mulder et Dana Scully, un duo d’agents spéciaux du FBI, chargés d’enquêter sur le terrain sur des affaires étranges ou surnaturelles. Leur motivation principale est de faire respecter la loi et d’amener les criminels devant la justice, mais ils sont aussi décidés à trouver la vérité cachée derrière les crimes des affaires sur lesquelles ils enquêtent.
Les seconds rôles dans X-Files sont notamment Gorge Profonde, Monsieur X (noms donnés par les producteurs de la série) et le directeur adjoint Walter Skinner. Les deux premiers personnages aident Mulder et Scully en leur fournissant des informations secrètes liées à leurs enquêtes. Ils agissent ainsi car ils ressentent le besoin de faire connaître la vérité sur les complots du gouvernement pour cacher la saisie de technologie extra-terrestre et les expériences des agences gouvernementales sur les humains. Walter Skinner aide Mulder et Scully en les autorisant à poursuivre leurs enquêtes malgré les menaces et les avertissements de supérieurs haut placés dans le gouvernement.
Les antagonistes dans X-Files sont rares. Dans la plupart des épisodes, il n’y a pas de méchant clairement identifié ; et quand il y en a un, ce n’est seulement que pour un ou deux épisodes. Un personnage récurrent peut être considéré comme adversaire : c’est le personnage qui est nommé “l’homme à la cigarette” dans le générique. Il occupe un poste à responsabilité dans le gouvernement, et est assurément impliqué dans les dissimulations et conspirations auxquelles sont confrontés Mulder et Scully. Cet homme s'est activement opposé plus d’une fois aux deux agents, même si dans la plupart des cas, il se contente simplement d’observer leurs activités, afin de s'assurer qu’ils ne s’approchent pas trop de la vérité.
Actions et intrigue
Les actions et l’intrigue sont les derniers éléments à approfondir de la fiction. L’intrigue d’une histoire se définit simplement par la suite d’incidents ou d’événements qui composent cette histoire. Incidents et événements sont quasiment tous des conséquences des actions des personnages, qu’ils soient les protagonistes (personnages principaux) ou antagonistes (adversaires). Dans certains cas, les événements de l’intrigue sont le résultat des actions des seconds rôles, mais c’est assez rare.
Les actions, se rapportent à ce que les personnages font dans l’histoire. Les résultats de ces actions sont les événements et incidents qui composent l’intrigue de l’histoire. Cet aspect de la fiction est, naturellement, très proche de celui des personnages, puisque sans personnage, la plupart des actions ne peuvent avoir lieu.
La meilleure façon de définir cet aspect de votre série est de le faire de façon plutôt générale, en définissant le type d’actions plutôt que les actions précisément. Par exemple, plutôt que de noter que Scully fait une autopsie sur le corps de Ray Roames dans tel épisode, il serait plus utile de simplement noter que Scully pratique souvent des autopsies durant les enquêtes.
Pour définir le type d’actions des personnages de la série, il suffit simplement de regarder des épisodes et de noter les actions qu'ils entreprennent. Dans Earth 2, les personnages voyagent dans un continent appelé New Pacifica, où ils vont établir une nouvelle colonie. En chemin, les personnages recherchent de la nourriture et de l’eau, survivent à un environnement extraterrestre, et rencontrent les autres habitants de ce monde, les autochtones et ceux implantés par le Conseil.
Une fois que vous avez une idée de toutes ces actions, vous pouvez ensuite réfléchir au résultat de leur combinaison, c’est-à-dire l’intrigue.
L’intrigue est une suite d’événements et d’incidents qui créent une histoire. Elle permet aussi de positionner la série par rapport à ses éléments les plus fréquents. Lorsque vous définissez les actions et l‘intrigue, vous définissez donc le genre d’événements et d’incidents les plus fréquents, et les intrigues qui en résultent.
Une bonne façon de faire consiste à prendre des notes sur les intrigues des épisodes que vous considérez comme les plus représentatifs. Par exemple, beaucoup de fans de X-Files trouvent que les épisodes Compressions (wiki) et Les Hybrides (wiki) sont les plus caractéristiques de la série. De même, beaucoup de fans de Star Trek : TNG trouvent que les meilleurs épisodes de la série sont L’Enterprise viendra d’hier (wiki) et Le Meilleur des deux mondes (wiki) (épisodes 1 & 2).
Vous pouvez utiliser ces épisodes pour vous guider et identifier les intrigues qui, d’après vous, collent le mieux à la série. Ces notes pourront aussi vous aider à créer vos propres intrigues, comme je l’expliquerai plus loin dans cet article.
Cela signifie-t-il qu’on ne peut créer qu’un nombre limité d’intrigues et d’histoires en se basant sur une série ? Bien sûr que non ! En fait, il peut être aussi bienvenu de changer de style. Par exemple, certains des meilleurs épisodes d’une série sont ceux qui offrent un type de récit légèrement différent. Dans ces cas-là, l’histoire est plus souvent centrée sur les personnages eux-mêmes plutôt que sur leurs actions. Un bon exemple est l’épisode En Famille (wiki) de Star Trek : TNG, centré sur les vies privées du capitaine Picard et du lieutenant Worf, plutôt que sur leurs actions et celles de l’équipage.
Exemple d'actions et d'intrigue : X-Files
Les épisodes de X-Files impliquent d’une façon ou d’une autre un phénomène inexpliqué. Alertés par un compte rendu sur cet incident, Mulder et Scully enquêtent pour retrouver le coupable, s’il y en a un, et la vérité, si possible. Au cours de l’enquête, les agents récoltent des preuves qui les mènent à une résolution de l’affaire. Le plus souvent, celle-ci soit est incomplète, soit ne peut être prouvée, et l’affaire reste non résolue.
Techniques et Accessoires
À ce stade, nous avons abordé l’abrégé de la série, son décor, ses personnages, et les actions et intrigue. Mais ces idées décrivent-elles la série de façon exhaustive ? Pas du tout. Il en faut beaucoup plus pour une œuvre de fiction (que ce soit une série télévisée, un film ou un livre). Si vous voulez avoir une compréhension approfondie de la série, un autre aspect, englobant de nombreux éléments et idées, a besoin d'être décrit. C'est ce que j'appelle les Techniques et accessoires.
“Techniques et accessoires” est une catégorie fourre-tout qui regroupe tous les éléments de fiction permettant de structurer l'histoire ainsi que d'autres aspects importants, propres à la série mais qui n'entrent pas dans les catégories définies précédemment. L'ensemble permet de formuler une définition plus aboutie des composants de la série.
Malgré les apparences, les techniques et accessoires ne sont pas une sous-catégorie. Ils ne sont pas simplement regroupés parce qu'ils ne sont pas importants. Au contraire, ils représentent des éléments trop variés pour être examinés séparément, et trop importants pour être minimisés ou ignorés. En outre, tous les éléments des Techniques et accessoires n'apparaissent pas toujours dans tous les types de fiction – certains apparaissent fréquemment, d’autres moins – alors qu’ils ont tous par exemple un décor, ou des personnages, des actions et des intrigues.
Enfin, à l’opposé des autres éléments déjà vus, ceux qui composent les techniques et accessoires dépassent le cadre de la plupart des règles et systèmes de JdR, qui ne peuvent pas, ou peu, les définir. Ce sont plutôt des méthodes, procédures et astuces à utiliser pour mieux capter l’essence de la source.
Les techniques et accessoires d'une série décrivent le contenu des histoires, la façon de les raconter, et les aspects spécifiques des autres éléments (décor, personnages etc.) qui la rendent unique. Les Techniques sont des méthodes de narration, c’est-à-dire différents types de procédés et astuces, tels que l'humeur, le ton, les flashbacks, les histoires parallèles, etc. Les accessoires se réfèrent à la manière dont les histoires sont racontées, à leur thème ou leur morale, autant d'éléments qui aident à agrémenter les histoires, et à leur donner plus d'importance (5).
De quoi parlent les histoires ?
Le premier aspect clé des techniques et accessoires concerne le sujet de la série et englobe deux domaines fondamentaux : le contenu et le thème.
Le contenu se réfère à des types spécifiques d'événements et de circonstances, susceptibles d'être au centre des histoires. Par exemple, les intrigues dans X-Files traitent toutes de phénomènes paranormaux ou inexpliqués, les histoires de Star Trek : Voyager parlent des nouveaux mondes que le vaisseau et son équipage rencontrent sur le chemin du retour, et les histoires des Sentinelles de l’air (wiki) (Thunderbirds) décrivent les exploits de la Sécurité Internationale, une équipe de sauvetage high-tech du XXIe siècle.
Le contenu des histoires est très étroitement lié à l'idée des actions décrites plus haut. Seulement, là où notre discussion était centrée sur les personnages, elle se préoccupe plus ici du genre d'événements susceptibles de se produire. C’est un détail, mais de taille. Il ne suffit pas d'énoncer simplement les actions les plus fréquentes. Vous devrez également décrire les types d'événements communs à l’ensemble de la série.
Par exemple, dans la partie des actions et intrigue de X-Files, j'ai dit que les agents Mulder et Scully enquêtent sur des phénomènes étranges ou paranormaux. Cependant, en ce qui concerne le contenu de X-Files, je décrirais également les différents types de phénomènes paranormaux, comme les ovnis, les enlèvements par des extraterrestres, les pouvoirs psychiques, etc.
Le second domaine fondamental concerne le thème. Un thème est en substance, le message ou la morale d’une histoire. Même si toutes les séries n’ont pas de thème, la plupart en ont généralement un, même s’il n’apparaît qu’en filigrane. Plusieurs séries comme Star Trek : The Next Generation, ont exploré des thèmes différents au cours de leurs nombreux épisodes.
Dans certaines séries, les épisodes pris individuellement peuvent ne pas avoir de thème, mais la série dans son entier, si. Dans ce cas, il est fréquent que la plupart des épisodes particuliers servent à renforcer le(s) thème(s) de la série plutôt que d'offrir l'un des leurs. On a un excellent exemple dans X-Files, où chaque épisode sert à renforcer l'idée centrale de la série, “The Truth is Out There” (6). Dans chaque épisode de X-Files, Mulder et Scully recherchent la vérité, et à chaque épisode le public entrevoit de nouveaux fragments de cette même vérité.
Comment les histoires sont racontées
La prochaine étape aborde la façon de raconter ces histoires. Cet aspect de la série implique deux idées principales : la structure de base des histoires, et les types de techniques et astuces de fiction.
La structure du récit renvoie à la manière dont les événements (ou scènes) de l'histoire sont présentés aux spectateurs. Est-ce que chaque épisode de la série suit une même séquence d'événements, ou est-ce différent d’un épisode à un autre ? La plupart des séries suivent une certaine forme de structure. Si vous regardez suffisamment d’épisodes d'une série, vous finirez par reconnaître la façon dont les histoires se déroulent. La structure du récit est étroitement liée aux différents types d'histoires qui composent une série, et à leur contenu. Différents types de récits nécessitent des structures différentes. Par exemple, la mission-type de Star Trek : TNG est très différente de la mission d'exploration et de survie des histoires d’Earth 2.
Les histoires de Star Trek : TNG sont souvent basées sur une mission, que ce soit cartographier un système stellaire reculé ou enquêter sur une anomalie ou une autre. Ces histoires montrent les efforts de l'équipage pour accomplir la mission, et comment ils font face aux dilemmes et défis qui surviennent. Les histoires de Earth 2 se basent sur les efforts de l'équipe du Projet Eden pour atteindre New Pacifica et établir une nouvelle colonie terrienne. Donc les histoires traitent le plus souvent des difficultés des personnages lorsqu’ils sillonnent la planète et rencontrent ses occupants.
Quels types d'histoires rencontre-on le plus souvent dans la série ? S'agit-il d'enquêtes (comme dans X-Files), de missions (comme dans Star Trek : TNG), de différents événements et situations de la vie des personnages centraux (comme dans Star Trek : DS9) ? Connaître les types d'histoires récurrentes vous fournira un moule qui conviendra parfaitement à la nature de la série et vous aidera à créer vos propres aventures.
Maintenant que vous avez une bonne connaissance de la structure de base des histoires de votre série, considérez le type de techniques de fiction ou de narration qu’elle utilise. Il s'agit simplement des techniques et astuces des scénaristes (et les vôtres aussi j'espère, en tant que meneur de jeu). Une fiction utilise beaucoup, beaucoup d'astuces narratives, telles que les séquences de rêve, les flashbacks ou les histoires parallèles (7) En général, les romans utilisent davantage les techniques de narration que les séries télévisées ou le cinéma. Mais le fait qu’elles soient relativement moins fréquentes renforce en réalité leur impact, lorsqu’on les utilise.
Certaines séries utilisent des techniques qui leur sont propres, au moins dans la manière de les utiliser. Un bon exemple de ce type de technique est celle du journal de bord du capitaine dans Star Trek. La présentation de ce journal de bord est une forme de récit qui présente aux téléspectateurs les bases de l'histoire de l’épisode qui commence, et les éléments hors champ indirectement importants pour l'intrigue. Le journal de bord du capitaine est également souvent utilisé sous une forme d’épilogue, dans lequel le capitaine ou le commandant rend compte de la résolution de l'histoire.
Il existe des conventions narratives qui constituent la spécificité d'une série entière. Cette spécificité est tout aussi importante que les descriptions du décor et des personnages.
Par exemple, dans X-Files, les téléspectateurs, ainsi que les agents Mulder et Scully, n’apprennent jamais toute la vérité derrière les événements de chaque épisode. Cette très importante facette de X-Files est essentielle à la nature même de la série, même si ce n’est pas une technique narrative “conventionnelle” (8).
Éléments uniques et spécifiques de la série
Les derniers éléments à définir sont les types d’équipements ou d’organisations, ainsi que les antagonistes ou les situations politiques, spécifiques à la série. Apportons donc maintenant plus de détails et d'informations à chacun de ces éléments.
À ce stade, vous devriez décrire les véhicules et équipements utilisés dans la série. Par exemple, si votre jeu est basé sur SeaQuest, vous devrez décrire le sous-marin SeaQuest lui-même, ainsi que les autres véhicules et armes que les personnages utilisent. Si votre jeu est basé sur l’une des séries Star Trek, vous devrez décrire les téléporteurs, les synthétiseurs de nourriture, les phasers, et d'autres “articles” communs. Les éléments clés à retenir concernent en particulier la technologie – parfois d’une importance primordiale dans l’abrégé – comme le sous-marin de SeaQuest, ou les engins volants et tous les équipements de la Sécurité Internationale dans les Thunderbirds.
Vous devrez aussi décrire les organisations et les antagonistes importants. Par “organisations”, on peut inclure les gouvernements ou agences, tels que l'empire cardassien de Star Trek : DS9, ou l'O.T.U de SeaQuest. Ces organisations ont probablement été décrites brièvement dans la partie décor, mais vous devez ici les décrire de la façon la plus détaillée possible, ou du moins autant que nécessaire pour maîtriser une partie.
De même, il vous faudra détailler plus longuement les antagonistes, surtout les plus importants et significatifs de la série. Par exemple, lors de la première saison de Loïs et Clark, le personnage de Lex Luthor est très important. Si vous créiez un JdR d’après cette série, c’est à ce stade que vous décririez Luthor avec le plus de détails possible.
Exemple de techniques et accessoires : X-Files
Toutes les histoires dans X-Files impliquent des événements inexpliqués ou des phénomènes paranormaux, et les agents Mulder et Scully sont en quête de ce qui se cache derrière. Que les histoires parlent de rencontres d’ovnis, de mutations génétiques, ou de conspirations du gouvernement, c'est la vérité que recherchent Mulder et Scully. Cependant, malgré leurs efforts, dans presque toutes les affaires, ils ne découvrent jamais toute la vérité derrière les événements et les circonstances de leurs enquêtes.
Étant donné l’importance de la vérité dans X-Files, il ne faut pas s'étonner que presque tous les épisodes explorent le thème “La vérité est ailleurs”. Ce dernier est la base de la série. “Ne faites confiance à personne” est un autre thème important. Plus d’une fois, Mulder et Scully ont été manipulés ou abusés, parfois même par des personnes en qui ils avaient toute confiance.
Face aux efforts de Mulder et Scully pour découvrir la vérité, il existe une vaste et puissante conspiration qui s'étend des services de renseignements à l'armée en passant par le Département de la Justice. L'étendue du pouvoir de cette conspiration est inconnue, mais elle est en mesure d'exercer son influence au sein du FBI, ainsi que dans l’Air Force, et dans le pouvoir exécutif. Cette conspiration est impliquée dans la dissimulation de technologie extraterrestre et dans des expérimentations militaires non autorisées.
[Attention spoilers]. Trois hommes en lien avec cette organisation sont apparus dans X-Files. Le premier fut le personnage de Gorge Profonde, un homme qui aida Mulder et Scully dans leurs enquêtes en leur fournissant aide et informations. À la fin de la première saison, Gorge Profonde fut tué par des agents travaillant pour la conspiration.
Un autre personnage ayant des liens avec cette organisation est l'homme connu uniquement comme Monsieur X. Il a pris la place de Gorge Profonde pour aider Mulder et Scully.
Le dernier personnage important lié avec la conspiration est “l'homme à la cigarette”. Cet homme est haut placé dans la conspiration et, selon toute vraisemblance, c'est lui qui a ordonné le kidnapping et les expériences sur Scully.
Deuxième Partie : déterminer le style de jeu
Une fois que vous avez défini l’abrégé, les éléments de fiction et les techniques et accessoires de la série, il vous faut déterminer le style de jeu que vous voulez maîtriser. On peut mener en gros deux styles d’aventures et/ou de campagnes sur la base de séries télé, de films, ou autre. Le premier type consiste à “jouer la série”, c’est-à-dire jouer les personnages de la série. Le second consiste à jouer des personnages inspirés de la série. Certaines séries ou sources conviennent mieux à l’un de ces styles, tandis que d’autres peuvent aller aux deux. Examinons chacun de ces deux types, et voyons quels styles de jeu conviennent le mieux aux genres de série.
Jouer les personnages de la série
C’est le style le plus limité, et beaucoup de joueurs pourraient essayer de l’éviter de prime abord. Dans ce style, chaque joueur interprète l’un des personnages de la série. Cela veut dire que les joueurs n’interpréteront pas leur propre personnage, mais un prétiré. La plupart des joueurs préfèrent jouer un personnage qu’ils ont imaginé et créé, pour avoir plus de liberté pour l’interpréter.
D’un autre côté, certains joueurs pourraient adorer l’idée de jouer un personnage précis de leur série préférée. Par exemple, dans une partie basée sur Star Trek : TNG, un tas de joueurs sauteraient probablement sur l’occasion de pouvoir jouer Jean-Luc Picard, ou l’un des autres personnages principaux.
Jouer ce type de partie implique de créer les personnages de la série, voire de leur attribuer des caractéristiques selon le système de jeu choisi (voir plus bas “Concevoir le jeu”). Bien que ce soit normalement le rôle du MJ, confier cette mission aux joueurs est un bon moyen de les impliquer, puisque vous mettez en place cette partie autant pour vos joueurs que pour vous. De plus, en participant à la création du personnage, le joueur en aura un meilleur ressenti au moment de l’interpréter.
Ce style nécessite aussi que les joueurs connaissent déjà la série et ses personnages. Si c’est une de leurs séries préférées, cela ne devrait pas poser de problème, car les joueurs connaissent suffisamment les personnages pour bien les interpréter. S'il s'agit d'une série que vous aimez mais que vos joueurs ne connaissent pas très bien, vous devrez peut-être écrire les backgrounds et les descriptions des personnages, ainsi qu’une introduction générale [à l’univers] de la série. Ces biographies n’ont pas besoin d’être exhaustives. Elles doivent juste retranscrire la personnalité du héros et son historique (background) de façon suffisamment détaillée pour qu’un joueur puisse l’interpréter correctement, ou du moins de façon assez proche du personnage, pour que le joueur et vous profitiez de la partie.
Par exemple, il y a quelques années, j’ai maîtrisé une partie à la Gen Con (en 1992 plus exactement) en me basant sur Les Sentinelles de l’air, créée par Gerry Anderson dans les années 60 en supermarionation (je sais que ce sont des marionnettes, mais il y avait les véhicules les plus cools du monde !) Comme je ne pouvais pas savoir à l’avance si les joueurs connaitraient la série (ce qui était peu probable), j’ai rédigé les descriptions des personnages, leur historique et les notes pour l’interprétation ; ce qui permit à beaucoup de joueurs – dont certains n’avaient effectivement jamais vu la série – de jouer leur personnage.
Une autre limite de ce style de jeu concerne le nombre de joueurs par rapport au nombre de personnages principaux de la série. Certaines séries récentes qui pourraient servir de bonne base de jeu de rôle ont un nombre important de personnages, parfois huit ou neuf. Autant de joueurs ferait une assez grande table, que beaucoup de MJ ont des difficultés à gérer.
De plus, il est souvent difficile de rassembler un groupe de huit ou neuf joueurs à la même heure. S’il y a neuf personnages principaux dans une série, mais seulement quatre joueurs, quels personnages laissez-vous de côté ? De même, à moins que vous ne prévoyiez vos aventures/campagnes pour un sous-groupe spécifique de personnages principaux, il se peut qu’un de vos joueurs ne choisisse pas un des personnages, bien qu’il soit important pour votre scénario. Ajoutez à cela la tâche d’attribuer quel personnage pour quel joueur, et vous réaliserez qu’une telle organisation est pleine de défis.
Pour finir, même si vous avez suffisamment de joueurs, l’histoire implique-t-elle équitablement les personnages du début jusqu’à la fin ? Beaucoup de séries passent d’un personnage à l’autre, ce qui fait que certains joueurs peuvent s’ennuyer, alors que d’autres seront en permanence impliqués dans l’histoire.
Toutes ces difficultés sont surmontables, et aucune ne devrait vous empêcher de jouer. L’objectif n'est pas de vous décourager mais de vous avertir des défis potentiels de ce style de jeu. La section “Jouer à ce jeu”, plus bas, aborde plus longuement les défis des parties basées sur des sources externes, et propose quelques conseils pour les gérer.
Jouer des personnages inspirés de la série
Dans ce style de jeu, les personnages-joueurs sont proches de ceux de la série, mais ce ne sont pas les personnages de la série proprement dits. Ce style de jeu permet aux joueurs de créer leur propre personnage, et de mieux le comprendre. Les joueurs contribuent davantage à la partie et font en même temps l’expérience de la création de personnages devant correspondre à l’univers du jeu.
Ce style de jeu est préférable au précédent, lorsque c’est possible. Il est également plus ouvert à des types d’histoires et de personnages différents. Par exemple, au lieu de jouer Mulder et Scully, les joueurs pourraient interpréter leurs propres agents du FBI, [tout en étant] enquêteurs de l’étrange.
Comme dans la section précédente, ce style de jeu a également ses propres défis. Tout d’abord, il faut que le personnage créé par le joueur soit compatible avec l’univers de la série. Cela signifie que le MJ doit donner suffisamment de conseils durant la création du personnage pour s’assurer que les personnages correspondent.
Vous devez également définir un système de création de personnage en fonction du système de jeu (cf. “Concevoir le jeu”, ci-dessous). Tous les JdR prévoient un système de création de personnages, mais là il faudra en plus prendre en compte les aspects spécifiques de la série.
Par exemple, si votre série compte des pouvoirs psychiques (comme dans SeaQuest, ou Babylon V), vous devez inclure dans la création de personnage la possibilité d’acheter des pouvoirs psychiques (sauf si bien sûr vous ne souhaitez pas que vos personnages-joueurs en aient). Si vous les autorisez, quel sera le coût de ces pouvoirs ? Comment le système de jeu les gèrera-t-il ? Etc. Ce genre de problème est souvent abordé lors de la conception du jeu lui-même (voir plus bas), mais il ne faut pas oublier de les prendre en compte [au moment de la création de personnage] car ils représentent un défi pour ce style de jeu.
Alors, quel style choisir ?
Aucun n’est meilleur que l’autre, même si l’un sera préférable à l’autre selon le type de série. Dans ce cas, quel type de série convient à quel style de jeu ? Bonne question ! La réponse dépend largement de l’abrégé de la série, et de la spécificité des personnages et de l’univers. Vous allez me dire “Les personnages et les univers sont toujours spécifiques, dans une série.”. C’est vrai, mais il y a une nuance. La clé de cette nuance tient dans cette question : l’abrégé requiert-il la présence des personnages principaux, ou bien peut-on avoir d’autres personnages, similaires, sans modifier cet abrégé ?
Certaines séries, même si elles ont des personnages principaux, impliquent un certain type de rôle plutôt qu’un personnage en particulier. Par exemple, dans X-Files, des agents du FBI enquêtent sur le paranormal. Les personnages de Mulder et Scully ont certainement été essentiels au succès de la série, mais n’importe quel groupe d’agents du FBI pourrait être les héros d’une partie de X-Files, sans trahir l’esprit, – ou l’abrégé – de la série.
Par contre, dans SeaQuest, avec son capitaine, son équipage et ses histoires dans les océans du XXIe siècle, il est important de jouer les personnages principaux pour conserver l’abrégé de la série.
Il est toujours possible de jouer des personnages “inspirés de” dans des séries où il est préférable de jouer les personnages originels. Par exemple, comme les séries Star Trek se situent dans un unique environnement (ou univers), il est très possible de créer un JdR où les personnages sont l’équipage d’un nouveau vaisseau, dont la mission est d’explorer une certaine partie de la galaxie (9). De fait, le jeu de rôle Star Trek publié par FASA Corporation suppose que la plupart des groupes vont jouer leurs propres personnages dans leur propre vaisseau.
Une partie dans le monde de SeaQuest pourrait se dérouler 20 ans après la série, avec un tout nouvel équipage, mais dans le même vaisseau. Dans un JdR sur Earth 2, les PJ pourraient être d’autres membres de l’équipe du Projet Eden (comme ceux qui apparaissent brièvement dans certains épisodes). Autre exemple : les personnages pourraient être des colons qui arrivent sur le vaisseau principal, 22 mois après l’atterrissage de l’équipe d’éclaireurs du Projet Eden.
Comme on vient de le voir, chacun de ces styles de jeu a ses avantages et inconvénients, et chacun fonctionne avec des types de séries différents. Votre choix de style de jeu dépendra donc très probablement de la série que vous aurez choisie, et de la mesure où vous voulez lui être fidèle.
Exemple de style de jeu : X-Files
La série X-Files pourrait convenir aux deux styles de jeu, bien que jouer des personnages inspirés de la série convienne mieux. Car dans un esprit “Jouer les personnages”, seuls deux joueurs pourraient participer, pour interpréter Mulder et Scully. Faire jouer des personnages “inspirés de” permet de créer ses propres agents avec leurs personnalités et croyances propres. Cela permet aussi au MJ d’utiliser [les PNJ] Mulder et Scully comme source d’information ou aide. On pourrait même utiliser Mulder pour jouer un personnage comme Gorge Profonde qui donnerait de temps en temps des informations durant leurs enquêtes. Une super source d’information serait les dossiers des affaires non classées, dont le bureau de Mulder regorge, et qu’il pourrait transmettre à d’autres agents pour les aider.
Troisième partie : concevoir le jeu
Maintenant que vous avez défini la série qui servira de base à votre JdR, et décidé du style de jeu que vous voulez, il est temps d’en concevoir les mécanismes et le système de règles. En vérité, vous n’aurez pas à “construire” le système ex nihilo. Vous pouvez utiliser l'un des nombreux systèmes de jeu de rôle disponibles sur le marché. Que vous construisiez ou empruntiez le système de jeu, je vais utiliser uniquement le terme de “conception”, car c'est un bon moyen de décrire le processus.
Avant d'entrer dans les détails de la création du système lui-même, nous devons d'abord examiner les rôles et buts d'un système de jeu de rôle de façon générale. Une fois que nous aurons appréhendé cela, nous pourrons alors réfléchir au type de système qui fonctionnera pour votre série.
Les fonctions d’un système de jeu de rôle
Dit simplement, créer un tel jeu consiste à définir les éléments de fiction dans un système leur permettant d'interagir de la même manière que dans les œuvres dont ils sont tirées, et de déterminer les résultats des actions des personnages et des événements. Bigre ! Cette définition est assez indigeste, nous allons donc la regarder morceau par morceaux :
Définir les éléments de fiction dans un système…
Chacun des principaux éléments de la fiction – le décor, les personnages, les actions et intrigues – sera défini en niveaux ou en catégories.
…leur permettant d'interagir de la même manière que dans les œuvres dont ils sont tirés…
La manière dont chaque élément de fiction est défini devrait lui permettre d'interagir avec les autres. Chaque élément devrait être défini avec cohérence, ainsi qu’une certaine forme de concordance. Par exemple, si les caractéristiques des personnages sont notées sur une échelle de 1 à 10, et que les pouvoirs psychiques s'évaluent selon des mesures de Moyen, Bon et Excellent, une concordance entre les échelles 1-10 et Moyen / Bon /Excellent doit exister (10).
…et de déterminer les résultats des actions des personnages et des événements.
Il doit y avoir un moyen de déterminer le résultat de différentes actions et événements, que ces actions soient entreprises par des personnages ou d’autres types d’événements, comme les phénomènes naturels.
Comment un système de jeu peut-il accomplir cela ? En fournissant un système permettant de 1) définir les différents éléments du décor, 2) définir les personnages, et 3) capable de résoudre les actions. Ces trois critères correspondent aux éléments de fiction évoqués ci-dessus. Comme nous l'avons vu, les techniques et accessoires sont généralement hors du domaine des systèmes de règles.
La plupart des systèmes de JdR publiés déterminent les résultats des actions d’une manière ou d’une autre (sinon les jeux seraient injouables). Pour nous, la question est “De quelle manière le système de jeu pourrait-il définir le décor, les personnages et les actions et intrigues afin d'être fidèle à la série ?”. Examinons chacun de ces éléments.
Remarque
Je n’ai pas la place dans cet article pour entrer dans les détails des aspects spécifiques des statistiques, des mécanismes [à base] de dés, et autres, et je n’essaierai pas ici d’aborder ces questions. Je vais plutôt insister sur ce que vous devez prendre en compte lors de la conception, ou du choix, de votre système de jeu.
Définir le décor
Comme indiqué plus haut, le décor d'une série englobe de nombreux aspects, de la technologie aux capacités spéciales telles que les pouvoirs magiques ou psychiques. Le système de jeu doit être en mesure d'expliquer comment ces choses fonctionnent dans l’univers de jeu, en particulier la façon dont ils interagissent avec les personnages, et leurs conséquences possibles.
En ce qui concerne la technologie, le système de jeu devrait être capable de définir les différentes catégories décrites ci-dessus, en particulier l'armement, les communications et les transports. La définition de chacune de ces catégories sera plus ou moins détaillée en fonction de leur importance dans la série. Dans certains cas, il suffit simplement de dire que tel type d'équipement existe. Dans d'autres cas, comme pour la plupart des armes, il faut fournir des informations précises, comme le nombre de dégâts qu’une arme inflige à sa cible, son coût, et le nombre de fois que l’on peut l’utiliser avant d’épuiser la batterie ou les munitions.
En ce qui concerne les appareils de communication, il est important de noter leur portée et la durée de vie des batteries (s’il y en a). Pour les véhicules, prenez en compte leur vitesse, leur manœuvrabilité, et d'autres facteurs, surtout si l'utilisation des véhicules est importante dans la série.
Par exemple, les armes sont de deux types dans SeaQuest: pistolets soniques paralysants et pistolets laser. Comment cela fonctionne-t-il dans le jeu ? Quels sont les effets sur une cible ?
Autre exemple ; dans la série Les Sentinelles de l’air, les véhicules et les véhicules de sauvetage sont au cœur de l'action de la série. La série elle-même tient son nom des vraies stars, les Thunderbirds, une flotte de cinq véhicules fantastiques, chacun conçu pour un type de mission précis. Tout JdR basé sur cette série, devrait fournir un système pour définir les caractéristiques des Thunderbirds, ainsi que la façon dont les personnages les utilisent.
En ce qui concerne les capacités spéciales, comme les pouvoirs magiques ou psychiques, vous devez définir la façon dont on les utilise dans la série. S’ils font partie du décor et qu’ils sont une facette des personnages, alors c’est ici qu’ils doivent être pris en compte. Quels types de capacités sont possibles ? Quelle est l'étendue de ces pouvoirs ? Est-ce que ces pouvoirs sont communs ? Quelle est la portée de ces pouvoirs ? Si ces pouvoirs peuvent blesser, combien de dégâts infligent-ils ?
Par exemple, les pouvoirs psychiques existent dans les séries SeaQuest et Babylon 5. Mais comment ces pouvoirs fonctionnent-ils ? Sont-ils répandus ? Comment leur utilisation est-elle traduite en termes de jeu ?
Le système de jeu doit être en mesure de quantifier les caractéristiques des différents types de technologie et de pouvoirs spéciaux qui existent dans le décor, et ce, d’une manière qui soit fidèle à leur utilisation dans la série. Par exemple, les pouvoirs psychiques dans SeaQuest sont très limités, et difficiles à utiliser. Tout système de jeu dans lequel un personnage pourrait utiliser ces pouvoirs facilement et régulièrement ne correspondrait pas à la façon dont ces pouvoirs sont dépeints dans la série, et serait donc inapproprié.
Définir les personnages
L’étape suivante de la conception du jeu est la définition des personnages. Autrement dit, comment le système décrit les personnages. La plupart des systèmes de règles utilisent un ensemble de statistiques qui représentent les capacités des personnages dans un certain nombre de domaines. En général, ce sont des attributs, les compétences ou des talents et des capacités spéciales telles que des pouvoirs magiques ou psychiques. Examinons-les.
Attributs [ou Caractéristiques (NdT)]
Les attributs sont les qualités qui définissent fondamentalement un personnage. Ils représentent les capacités naturelles qui ne proviennent pas d’un entraînement ou d’une formation. Les attributs décrivent généralement les prouesses physiques d'un personnage, ses aptitudes mentales, et dans certains systèmes de jeu, ses qualités sociales ou spirituelles. Presque tous les systèmes ont un ensemble d'attributs qui définissent ces aspects des personnages, mais pratiquement aucun n’utilise le même ensemble d'attributs.
En outre, certains systèmes de règles définissent certaines capacités comme des attributs, alors que vous les verriez comme compétences ou talents. Lors de la conception ou du choix d'un système de jeu, essayez de sélectionner un ensemble d'attributs qui s'adapte aux personnages tels qu’ils sont dépeints dans la série.
Compétences ou talents
Les compétences (ou talents), représentent les capacités spécialisées, que les personnages ont apprises, d’eux-mêmes ou via leur profession. Tous les systèmes de jeu ont une sorte de liste de compétences ou de talents. La différence se fait souvent sur la précision et la disponibilité des compétences. Par exemple, certains systèmes ont des compétences différentes pour l'utilisation des revolvers, des pistolets automatiques, des fusils à pompe et des fusils. D'autres systèmes utilisent simplement une compétence générique comme “Armes à feu”.
Certains systèmes de jeu séparent ces capacités selon une classification. Par exemple dans l'art du Conteur (grog), utilisé dans les jeux du Monde des Ténèbres de White Wolf, ces capacités sont classées en Talents, Compétences et Connaissances. En revanche, GURPS, publié par Steve Jackson Games, considère tous les genres de capacités comme des compétences.
Lors de la conception ou du choix du système de jeu, vous devrez considérer à la fois le type et l’étendue des capacités des personnages de la série, et si un système de jeu existant gère compétences et talents en reflétant l’esprit de la série.
En outre, il sera nécessaire d’ajouter les compétences propres à la série. Par exemple, un jeu basé sur SeaQuest devra probablement inclure des compétences génériques militaires, et des compétences détaillées d’opérations sous-marines.
Capacités spéciales
Comme indiqué précédemment, les capacités spéciales renvoient aux pouvoirs magiques ou psychiques vus dans la série. Cela va de la capacité de lancer des sorts jusqu’à la télékinésie, en passant par les perceptions extrasensorielles. Le système de jeu devra fournir une liste des pouvoirs disponibles, ainsi que la façon dont un personnage [tant PJ que PNJ] peut les utiliser.
De nombreux systèmes de jeu ont des règles pour ces types de capacités, mais soyez prudent si vous choisissez de les utiliser. La plupart des systèmes ont leur propre logique interne qui s'applique à ces pouvoirs, et il est peu probable que l'un d’eux reflète fidèlement la façon dont la série représente les pouvoirs. Chaque concepteur de jeu (et producteur de série TV) a sa propre idée sur la façon dont la magie et/ou les pouvoirs psychiques fonctionnent, et il n'est pas très courant que les deux concordent parfaitement. Pour rappeler un exemple vu plus haut, les pouvoirs psychiques dans SeaQuest sont rares et difficiles à utiliser. Le système de jeu que vous utilisez pour un JdR sur SeaQuest devra le refléter, et ne pas en permettre une utilisation facile et commune.
Autres caractéristiques
Il y a d'autres types de caractéristiques que vous pouvez envisager. Les plus communes sont les Avantages et Désavantages (ou Défauts). Ce sont des caractéristiques qui sont positives ou négatives pour le personnage. Ces caractéristiques sont généralement naturelles ou innées, comme une mauvaise vue, une phobie, ou le talent d’ambidextrie – mais peuvent aussi concerner des amis, des relations, des tics, et même des situations sociales. Comme mentionné précédemment, certains systèmes utilisent ces types de capacités pour définir des aspects des personnages, alors que d'autres systèmes les considèrent comme attributs ou compétences.
Très souvent, ces types de caractéristiques peuvent aller très loin pour différencier les personnages. En outre, lors de la “création” des personnages centraux d'une série, l'utilisation de ces types de caractéristiques les définira plus précisément. Par exemple, l'un des traits notables d’Indiana Jones est sa peur des serpents. Si vous créez un jeu sur les films d’Indiana Jones et que vous faites la feuille de personnage d’Indy, vous devrez inclure cette phobie des serpents.
D'autres caractéristiques doivent être prises en compte pour définir un personnage mais beaucoup d'entre elles ne sont pas directement liées au système de règles lui-même. Il s'agit notamment des traits de personnalité ; de la manière de s’exprimer ; des mœurs et des croyances. Ces caractéristiques ou traits, qui dépassent souvent le cadre de nombreux systèmes de jeu, sont importants et doivent être présents quand les personnages sont “adaptés” (pour les personnages centraux d’une série) ou créés (pour des personnages originaux).
Caractéristiques propres à une série
La dernière zone à définir pour un personnage est ce que j'appelle les caractéristiques “propres à la série”. Ce sont des caractéristiques ou des traits, uniques ou importants, qui peuvent être liés à certains pouvoirs spéciaux, mais aussi représenter les mœurs et croyances à l'égard de certains aspects du décor. Par exemple, l'une des idées clés dans X-Files est la différence de croyance entre les agents Mulder et Scully concernant les phénomènes inexpliqués et paranormaux. Mulder est un vrai croyant alors que Scully est plus que sceptique. Les personnages d’un JdR basé sur X-Files doivent décider de leur comportement ou de leurs croyances par rapport au paranormal, car c'est un élément important de cette série.
Pour donner un autre exemple, dans SeaQuest, l'importance des pouvoirs psychiques pourrait vous amener à noter si un personnage a un quelconque potentiel psychique (que la série appelle Facteur Psi). Alors que la plupart des personnages n’en ont pas, il apparaît dans un épisode que le capitaine Bridger manifeste un Facteur PSI mineur. Pour tenir compte de cette idée, chaque personnage dans un JdR SeaQuest devrait avoir un score reflétant son facteur PSI.
Comme pour les Avantages et Désavantages, les caractéristiques propres à une série peuvent aider à mieux définir les personnages, et à ce qu’ils soient plus conformes à leur source.
Définir les actions
Ce dernier aspect est peut-être le plus simple des trois. Il s’agit simplement de déterminer comment les actions sont résolues dans le système de jeu. Les actions entreprises par les personnages centraux sont au cœur de toutes les histoires, et tous les systèmes de jeu ont une méthode (ou plusieurs) pour résoudre les résultats de ces actions.
Alors que de nombreux JdR utilisent une mécanique unique pour tous les types d'actions, certains utilisent des systèmes différents pour différents types d'actions, un pour utiliser des compétences, un autre pour le combat.
Je préfère les systèmes qui utilisent une mécanique de résolution unique pour toutes les actions, comme la majorité des systèmes de jeu publiés ces dernières années.
Mais même si cet aspect du système est assez simple, il reste encore quelques petites choses que vous devriez prendre en compte lorsque vous créez et choisissez votre système de jeu. En priorité, il y a la difficulté des actions-types. Cette difficulté est liée à “l’atmosphère” de la série. Est-ce que les personnages sont des héros, qui effectuent souvent des exploits incroyables ou des prouesses physiques, ou bien l'ambiance est-elle plus “réaliste” voire même sombre et âpre ? Le système de jeu doit, si possible, refléter cette réalité. Par exemple, dans les films Star Wars, les personnages centraux sont des individus extraordinaires, des héros capables d’exploits formidables. Un JdR basé sur ces films doit le refléter. Par contre, le type d’actions que les personnages peuvent accomplir dans X-Files est beaucoup plus réaliste.
Il faut également prendre en compte un autre point : lorsque l'on tente une action, le système de jeu décrit-t-il différents degrés de réussite ou bien simplement l’échec et la réussite ?
Succès et échecs des personnages
Avez-vous déjà remarqué que, dans une série, les personnages réussissent toujours quand ils en ont besoin ou, devrais-je dire, quand l'histoire a besoin qu’ils réussissent ? C'est un des avantages de l’écriture d'un roman sur celle d'un scénario de jeu de rôle ; l'écrivain peut décider du moment où les personnages réussissent et échouent. Le meneur de jeu et les joueurs ne sont jamais aussi chanceux. Le résultat de leurs actions est lié au système de jeu.
Si vous avez choisi (ou conçu) un système de jeu approprié, cela devrait fonctionner la plupart du temps. Même si ça ne marche pas, ne pas connaître à l’avance le résultat d’une action entreprise par un personnage fait partie du plaisir du jeu de rôle. Mais il y a des moments où il serait bon qu’un personnage réussisse son action, ou (et cela devrait être assez rare) doive réussir une action pour que l'histoire puisse continuer. Comment pouvez-vous vous en assurer ? Voici quelques manières de procéder.
Tout d'abord, si le système de jeu dispose d'un mécanisme de points d’héroïsme, ou de karma, ou d’une règle similaire qui permet aux personnages d'augmenter ses chances de succès, vous pouvez autoriser le personnage à les utiliser au-delà de ce que les règles permettent normalement, dans l'espoir que ce coup de pouce permette au personnage de réussir l'action. Ces points supplémentaires pourraient être appelés “points de Drame” ou quelque chose de semblable, pour refléter leur importance.
Une autre solution, qui fonctionne tant avec les systèmes à “points d’héroïsme” que les autres, est ce que j'appelle les “points d’histoire”. Ces points font réussir automatiquement toute action importante pour la continuité de l’histoire (11). Les points d’histoire sont très puissants et leur utilisation est toujours soumise à l'approbation du meneur de jeu. Chaque personnage ne devrait en avoir qu’un ou deux à la fois car ces points permettent aux personnages de réussir quand ils ont besoin – ou du moins lorsque les joueurs pensent qu'ils en ont besoin. C’est un également un bon moyen pour le meneur de jeu de s’assurer que son scénario va pouvoir se poursuivre.
Toutefois, veillez à ce que les joueurs n'abusent pas du concept. Rappelez-vous l’objectif des points d’histoire : permettre à cette dernière de continuer. On pourrait par exemple les utiliser dans X-Files pour trouver des indices essentiels à une enquête (12) ou dans SeaQuest pour sortir d’un tunnel immergé avant un tremblement de terre. Comme indiqué plus haut, c'est au meneur de jeu de déterminer si l'utilisation d'un point d'histoire est autorisée ou non.
Concevoir ou choisir le bon système
Maintenant que nous avons examiné la façon dont un système de jeu devait définir les éléments de fiction fidèles à une série, il est temps de vraiment soit concevoir, soit choisir le système de jeu approprié.
Avec quelques modifications, vous pouvez être en mesure d'utiliser l'un des nombreux jeux de rôles disponibles sur le marché, au lieu d’en créer entièrement un. Quand je parle de “quelques modifications”, je veux dire que peu de jeux de rôles existants vont correspondre parfaitement à la série que vous avez choisie. Beaucoup peuvent s'en rapprocher, mais quasiment tous les systèmes nécessiteront des ajustements et du bricolage.
Que faudra-t-il ajuster ou bricoler ? Cela dépend de votre série et du jeu que vous aurez choisi. Une des raisons de travailler sur l'abrégé, les éléments de fiction et le style de jeu, est d'attirer votre attention sur la façon dont la série fonctionne et sur les éléments importants. C’est en se référant à ces derniers que vous pouvez vous assurer, lorsque vous concevez le jeu, que vous restez fidèle à la série telle que vous l'avez définie (13).
Selon toute vraisemblance, il n'existe pas d’unique système de jeu couvrant les besoins spécifiques de votre série. Il faudra un certain degré de modifications. La meilleure approche consiste à déterminer lequel des éléments – décor, personnages ou actions – est le plus important et à trouver le système de jeu qui lui corresponde le mieux. Par exemple, dans X-Files, les personnages et leurs actions sont plus importants que le décor, au moins en termes de mécanique de jeu. À l'inverse, dans Les Sentinelles de l’air, les [véhicules] Thunderbirds eux-mêmes sont les plus importants, et un JdR basé sur cette série a besoin d'utiliser un système avec des règles consistantes sur les véhicules.
Une fois que vous avez trouvé le système s'adaptant à l'élément le plus important, il ne devrait pas être trop difficile de le faire fonctionner avec les autres éléments. Par exemple, la plupart des systèmes de jeux ont des règles pour les armes à feu ou les matériels de communication. Tout ce que vous devez faire, c’est définir les types spécifiques d'équipement au moyen des règles des équipements du système que vous avez choisi.
Personnellement, je trouve que les actions sont l’élément le plus important des trois. Cela peut paraître étrange mais la raison en est simple : la manière de résoudre les actions est au cœur de tout système de jeu. Pratiquement tous les autres aspects d'un système sont conçus pour aider cette fonction, depuis les caractéristiques d’un personnage jusqu'à la façon dont l'équipement et les pouvoirs spéciaux sont utilisés.
Une fois que vous avez trouvé un système de résolution d'actions qui reflète la série, il ne devrait pas être trop difficile de définir les personnages et le décor. En outre, il est souvent plus difficile de changer la nature de la résolution des actions que de changer le niveau des équipements ou des personnages.
Si votre série a des personnages héroïques, capables d'accomplir des actions incroyables, vous aurez besoin d'un système “héroïque” pour gérer cela. Tout ensemble d'attributs et de compétences peut convenir à de l'action héroïque, mais il n'en est pas de même pour les systèmes de résolution d'actions.
Vous devrez peut-être concevoir le système de création de personnage selon le type de jeu envisagé. Il sera probablement proche du système de création initial mais il devrait également refléter les spécificités de la série, comme les capacités ou pouvoirs spéciaux. Si vous jouez les personnages de la série [cf. partie 2 – Déterminer le style de jeu], vous n'aurez pas besoin d'un système de création de personnage mais devrez déterminer les caractéristiques de tous les personnages principaux.
Ne vous restreignez pas au moment de choisir un système de jeu. Vous pouvez choisir des morceaux d'un système que vous aimez et jeter le reste. La plupart des systèmes sont à peine plus qu’un cadre générique, façonné d’une certaine façon. En changeant des morceaux ou des parties du système, vous reconfigurez simplement le cadre pour qu’il convienne à vos besoins. Comment faire ? Eh bien, il y a de multiples possibilités, mais en voici quelques-unes, sans trop rentrer dans les détails.
Lorsque vous travaillez sur la définition des personnages, si vous aimez l‘échelle des attributs [Caractéristiques], mais pas spécialement la façon dont ce système les utilise, modifiez-les. Utilisez un ensemble d'attributs d'un autre système, ou de votre propre création.
Faites de même pour les types de compétences ou de talents. Si vous préférez que ces capacités soient classées comme celles de l'Art du Conteur, faites pareil. Ajoutez des types de caractéristiques d’autres systèmes si besoin, comme les Avantages et Désavantages. Vous pouvez apporter les mêmes types de modifications quand il s’agit d’adapter le décor de la série au système de jeu.
Ce qu’il faut retenir, c’est que le choix d'un système de jeu ne veut pas dire que vous devez adhérer à tous ses principes ; ce que vous changez ou ajoutez doit surtout rapprocher le plus possible le système de jeu de la série. À cette étape de la création du jeu, vous connaissez déjà les aspects les plus importants de votre série le point-clé est de vous en souvenir lorsque vous concevez le jeu.
Quatrième partie : jouer à ce jeu
La dernière étape de ce processus de création est, bien sûr, de jouer à votre jeu. Une fois que vous avez choisi un système et l’avez modifié à votre convenance, il est temps de l’appliquer à vos parties. Vous devrez penser à un certain nombre de choses en préparant votre partie : vous assurer que les joueurs connaissent la série d’origine (ou la base du jeu), créer les personnages (vous-même ou le faire faire par les joueurs), et, bien sûr, vous aurez besoin de scénarios.
Familiariser les joueurs à l’univers d’origine
C’est normalement une étape facile à franchir, car il est probable que la plupart de vos joueurs connaissent déjà la série sur laquelle vous basez votre jeu. Si ce n’est pas le cas, il faudra la leur présenter, si possible de manière à ce qu’ils s’y intéressent autant que vous. Si vous vous inspirez d’une série télé, le plus simple est de regarder les épisodes qui selon vous sont les plus représentatifs de la série. Si vous vous inspirez d’un livre, prêtez-leur le livre si vous l’avez, ou empruntez-le à un ami ou à la bibliothèque. Si c’est inspiré d’un film, louez le film et regardez-le tous ensemble.
Si aucune de ces solutions n’est possible, rédigez une description de la série à partir de vos notes, ou décrivez-la de votre mieux oralement à vos joueurs. C’est la meilleure méthode si vous prévoyez de maîtriser en convention, ou pour un nouveau groupe de joueurs. Si possible, trouvez des articles de magazines, ou d’autres sources d’information comme des cartes à jouer, des bandes originales, ou même des calendriers. De plus, on trouve souvent des livres ou des nouvelles sur des séries télé populaires et des films. Tout cela peut vous aider à expliquer ou décrire la série à vos joueurs.
Création de personnage
En fonction du style de jeu choisi, vous devrez soit préparer à l’avance les fiches des personnages principaux de la série, soit créer des personnages nouveaux mais prétirés, soit les créer avec les joueurs. Si vous Jouez la série, vous devrez prévoir toutes les caractéristiques des personnages principaux. Si votre partie s’inspire de la série, vous pouvez créer des personnages vous-mêmes, ou laisser les joueurs le faire. Si vous laissez les joueurs créer leur personnage, ils doivent comprendre quel type de personnage est adapté à l’univers de la série.
Créer le scénario
La création du scénario est une tâche connue par tous les MJ, aussi ne vais-je pas en rappeler les bases. Par contre, voyons ce qu’il faut prendre en compte lorsque l’on rédige des aventures et des histoires basées sur une série.
Créer les intrigues appropriées
En étudiant attentivement la série, vous découvrirez le genre d’intrigue qui convient le mieux à l’univers et aux personnages. Il est primordial de le faire lorsque vous créez des scénarios : le plus souvent l’intrigue (et non le décor ou les personnages) vous révélera si une adaptation est fidèle ou non à sa source d’inspiration.
En l’occurrence, si une série a duré plusieurs années, il y aura probablement un épisode ou deux qui ne vous “semblent” pas bons : quelque chose dans cet épisode n’a pas été dans la continuité de ce que vous connaissez de la série. Cela arrive souvent à cause d’une mauvaise intrigue, ou du moins d'événements mal conçus dans l’intrigue. Plus rarement, ce sentiment d’incohérence survient lorsqu’un personnage dit des choses inappropriées ou agit bizarrement, ou si le décor est mal décrit. C’est pour cette raison que vous devez prendre soin d'étudier les intrigues de la série. Même si vos personnages et votre décor “sonnent” juste, vos joueurs trouveront le scénario bizarre si l’intrigue est médiocre.
Formule de création d’aventures
Comment faire pour créer de bonnes intrigues ? Une solution consiste à élaborer une formule ou un processus de création basé sur des éléments d’intrigues communs de la série. Une manière de créer cela consiste à analyser par exemple les intrigues de vos quatre ou cinq épisodes préférés, en notant le type d’événements qui ont lieu et comment ils se déroulent dans l’intrigue. Notez aussi les événements récurrents de la série. Une fois que vous avez défini le processus d’épisode type, testez-le en recréant quelques intrigues d’épisodes de la série. Ne vous découragez pas si les débuts vous semblent difficiles. Beaucoup d’histoires fonctionnelles d'une série ne s’adaptent pas si bien en JdR.
Servez-vous des techniques et accessoires
Les techniques et accessoires de votre série peuvent être des outils très importants ici, car ils décrivent la façon dont les histoires sont racontées, et leurs thèmes. Cela inclut aussi la restitution de l’ambiance et de l’atmosphère de la série, ainsi que les thèmes récurrents importants. Il faut toujours avoir cela en tête lorsque vous rédigez vos scénarios.
Gardez donc vos notes sur les techniques et accessoires à portée de main pour être sûr que les aventures restent fidèles à la série. Ces techniques rendent souvent la série intéressante, par exemple quand elles concernent la nature de la série (les enquêtes sur le paranormal dans X-Files, les véhicules cools des Thunderbirds, ou la lutte entre l’individu et la société dans Le Prisonnier (wiki)). Ce sont donc elles que vous devrez reproduire dans vos parties, et qui vous guideront lors de l’écriture des scénarios.
Campagne “feuilleton” ou par épisode
Vous devez aussi vous demander si vous voulez maîtriser une longue campagne [type “feuilleton” – n’en ratez pas un acte, ou vous perdrez le fil (NdT)] ou une série d’épisodes. Une série d’épisodes est composée d’histoires indépendantes, peu liées entre elles d’un épisode à l’autre, au-delà d’un univers persistant et de personnages récurrents. Les parties en campagne sont composées d’histoires reliées entre elles, que ce soit par des antagonistes ou des intrigues secondaires qui s’étendent sur plusieurs scénarios séparés, ou autre chose. La différence réside dans le temps consacré au développement des personnages et de leur évolution, mais votre décision peut aussi influer sur la façon dont vous concevez le jeu.
Les aventures par épisode sont souhaitables quand vous “jouez la série”, vu que les personnages vont peu évoluer au fil de la partie, que ce soit psychologiquement ou en termes de compétences.
La campagne “feuilleton” est préférable lorsque vous vous inspirez de la série, puisque dans ce type de partie, l’histoire peut prendre sa propre direction, qui ne sera pas strictement dans la “ligne” de la série. C’est d’autant plus vrai que les joueurs ont créé leur propre personnage, qu’ils vont faire changer et progresser dans le temps. Ce qui implique que vous devez prévoir un système de points d’expérience pour que les personnages puissent développer leurs compétences et attributs.
Problèmes potentiels
Toutes ces considérations ne sont pas là pour vous décourager mais pour vous sensibiliser aux problèmes potentiels qui peuvent survenir. Tout d’abord, la série que vous trouviez si cool à adapter en jeu de rôle peut ne pas tant l'être que ça. Malgré vos efforts, ce qui rend la série si particulière et intéressante (pour vous) peut ne pas pas bien rendre dans les parties (14). Ensuite, il se peut que vos joueurs ne trouvent pas la série aussi intéressante que vous, ou qu’ils aient des difficultés à rentrer dans son état d'esprit. Beaucoup de séries qui selon vous feraient une chouette base pour un JdR impliquent que les participants adhèrent à l'abrégé de la série, en acceptant ses principes de base et ses éventuels défauts.
Le style de jeu que vous aurez choisi peut également poser problème. Par exemple, si vous vous inspirez de la série, les personnages créés ne seront peut-être pas tout à fait adéquats. Si vous “jouez la série”, le défi sera le nombre de personnages par rapport au nombre de joueurs. Voici quelques pistes de solution.
La réserve (pool) de personnages
Le “pool” de personnages permet à un groupe de joueurs de jouer un grand nombre de personnages, ce qui fournit aussi un cadre permettant de changer de personnage entre les aventures. Attention, ce système n’est pas recommandé pour des nouveaux joueurs.
Le principe de la réserve est que le groupe couvre l’intégralité du casting. Chaque joueur accepte de jouer un certain nombre de personnages prédéfinis (entre deux et quatre) – le nombre exact dépend du nombre total de personnages requis par la série et du nombre de joueurs. La meilleure méthode est que chaque joueur ait un personnage principal – impliqué dans la majeure partie de l’histoire – et un personnage secondaire qui n’apparaît que pour les scènes où il est important.
Bon, qui veut jouer Darwin ? Kr-kr-kr-kr-kr-kr !
Exemple de pool : Seaquest
Il y a onze personnages dans cette série, en incluant Darwin le dauphin. Bien sûr, vous ne devriez pas maîtriser onze joueurs, car il serait difficile de conserver l’attention de tout le monde. Partons du principe que vous avez un groupe de cinq joueurs, chacun jouerait deux personnages (et le MJ jouerait Darwin, qui a plus une stature de PNJ). Classez chaque personnage dans un groupe “personnage principal” ou “personnage secondaire”. Ainsi, vous axez votre scénario sur cinq de ces personnages : le capitaine Bridger, le docteur Wendy Smith, l’enseigne Henderson, le lieutenant Brody et le marin Tony Piccolo. Chaque joueur choisira l’un de ces personnages, ainsi que l’un des cinq autres personnages : Lucas Wolenczak, le lieutenant O'Neill, le commandant Ford, Dagwood, et le lieutenant Ortiz. Pendant la partie, chaque joueur alternera entre le personnage principal et le personnage secondaire, selon le scénario. Supposons par exemple qu’un joueur interprète à la fois le docteur Smith et le lieutenant O’Neill. Si le siège de l’U.T.O envoie un message, le joueur interprètera d’abord le lieutenant O’Neill. Si plus tard, on a besoin du docteur Smith, il jouera le docteur Smith. Chaque joueur alternera entre les personnages au fur et à mesure que l’histoire avance.
Une autre façon d’exploiter le principe de réserve de personnages est de demander aux joueurs de changer de [paire] de personnages à chaque partie. Par exemple, le même joueur décrit plus haut (celui qui jouait le docteur Smith et le lieutenant O’Neill), pourrait jouer le capitaine Bridger et Tony Piccolo à la prochaine partie, et le commandant For et le lieutenant Ortiz à la suivante. Cela permet aux joueurs de pouvoir jouer tous les personnages [au moins une fois] et de se changer les idées de temps en temps.
J’expliquais au début de l’article mon objectif de proposer quelques indications pour l’adaptation d’une série, d’un livre ou d’un film pour créer un JdR.
J’espère avoir atteint cet objectif et que vous trouverez utiles les différentes informations dans cet article, que ce soit en vous permettant de créer un jeu d’après votre film ou série télé préféré, ou comme une nouvelle façon de voir les JdR.
Article original : Creating your favorite RPG
(1) NdT : Nous avons choisi de traduire premise par abrégé, car dans d’autres articles traduits, la prémisse désigne une proposition de partie de JdR, et non le résumé des points essentiels. [Retour]
(2) NdT : De nos jours, dans chaque numéro du mensuel Knights Of The Dinner Table, la rubrique Gaming The Movies de James Davenport donne des conseils pour adapter une œuvre (livre, film, série) en JdR. Dans le n°182 de décembre 2011, par exemple, c’était le film Comment tuer son boss ?. [Retour]
(3) NdT : Avez-vous pensé à vous servir du générique d’une série TV pour un abrégé ? PTGPTB vous propose un petit jeu pour vous rendre compte que le générique résume la série. [Retour]
(4) NdT : Retrouvez la bible de l’antagoniste avec ses propres raisons, et son interview dans Tout le monde veut être le maître du monde ptgptb. [Retour]
(5) NdT : Cela devrait vous rappeler que le style de maîtrise est à rapprocher de l’Art du cinéaste : mais est-ce un Art?ptgptb. [Retour]
(6) NdT : Traduit par “La vérité est ailleurs”, qui donne l’impression qu’elle est inaccessible, jamais où on la cherche et s’échappe à chaque enquête. Une autre traduction serait : “La vérité est là-bas, quelque part” ; elle est là, à portée, pour qui se donne la peine de la chercher, de ratisser les possibilités et de tirer les fil(et)s qui la ramèneront. Cela change un peu la perspective de la série et explique mieux l’obsession investigatrice de Mulder. [Retour]
(7) NdT : Ici, on se référera à l’encyclopédie des astuces narratives (en anglais) : tvtropes.org. Le flashback par exemple s’y trouve. Cette ressource n’existait pas à l’époque de l’écriture de l’article. [Retour]
(8) NdT : Autres exemples de convention narratives uniques dans des séries : dans Colombo, le spectateur assiste au crime et connaît le meurtrier dés les premières minutes ; dans Mission Impossible, il ne connaît pas le plan de Phelps, et le découvre en même temps que la victime. Les épisodes de New York police judiciaire (wiki) commencent tous par la découverte du cadavre, et se poursuivent, la moitié du temps pour l’enquête de police, l'autre moitié pour le procès. Le crime est élucidé (devinez à quel moment) dans Les Cinq Dernières Minutes, etc. [Retour]
(9) NdT : Les romans ne se sont pas gênés pour partir de cette prémisse, par exemple la série Star Trek : New Frontier de l'écrivain Peter David, qui raconte les aventures de l'USS Excalibur. [Retour]
(10) NdT : Le système doit aussi être fidèle à la série, en ce que faire une action dans ce JdR doit donner le même de éventail de résultats que cette action dans la série. Par exemple, les règles d’un JdR sur Star Wars doivent permettre à un petit vaisseau de se cacher sur la coque même d’un destroyer ; et dans certaines circonstances, de démolir l’Étoile Noire ; tout en lui interdisant de faire exploser une planète. [Retour]
(11) NdT : Le système Star Wars d6 utilise cet outil avec les points de Force. Si ces derniers sont dépensés dans un but altruiste, ils sont regagnés. En outre, s'ils sont dépensés dans un but altruiste et à un moment dramatiquement approprié, ils sont non seulement regagnés mais également augmentés. [Retour]
(12) NdT : Le système Gumshoe va plus loin dans la logique. Il part du principe que, dans un jeu d'enquêtes, les personnges découvriront automatiquement les indices. La difficulté étant ailleurs. [Retour]
(13) NdT : “telle que vous l'avez définie”. Importante nuance, n’est-ce pas ? Il peut être intéressant de comparer les différentes visions d’un même univers, “traduites” par les différentes adaptations rôlistes de quelques “séries”, par exemple Star Wars d6, Star Wars d20, la vision de Mongoose ptgptb… et la vôtre. [Retour]
(14) NdT : Sur les rapports entre fiction et JdR, lisez Fiction jouable ptgptb. [Retour]
Pour aller plus loin…
Cet article est regroupé avec d'autres autour du système de jeu des JdR dans l'ebook n°14 : Le système, cet important.
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