Firefly m’a tout appris

Pour les malheureux passés à côté de sa brève vie télévisée [une seule saison, 14 épisodes (NdT)], Firefly wiki fut une des meilleures séries de jeu de rôles jamais produites. Bon, elle ne parlait pas vraiment de rôlistes … Pourtant, il était plutôt facile d’imaginer que nous suivions les aventures d’un groupe de personnages-joueurs, et dans ce cas précis, d’une campagne de Space Opera. La série présentait un groupe de personnages intéressants, des histoires géniales et une vision unique du futur. Que demander de plus à une campagne de JdR ?

Attention : cet article contient du divulgâchache. Si ça vous ennuie ou vous fait peur, cessez de lire.

Pour saisir les exemples ci-dessous, voici un synopsis rapide de Firefly :

Cette histoire de science-fiction prend place 500 ans dans le futur, dans un univers à la saveur particulière de Western Américain d’après la Guerre de Sécession. Malcolm Reynolds, vétéran du camp perdant d’une guerre galactique pour l’unification, pilote son propre vaisseau : un modeste modèle de transport de classe Firefly nommé Serenity. Autrefois meneur d’hommes idéaliste, il loue désormais ses services en tant que contrebandier prêt à tout.

Cette combinaison de situations a fait de lui une canaille qui essaye d’ignorer son « cœur d’or », ses objectifs de mercenaire s’opposant à ses anciens (et meilleurs) instincts et moralité.

Avec ce capitaine escroc vient le traditionnel équipage hétéroclite :

  • Wash, le pilote décontracté et blagueur ;
  • Jayne, un mercenaire prêt à tout pour une poignée de dollars ;
  • Kaylee, la mécanicienne de bord éternellement optimiste,
  • et Zoe, seconde de Malcolm et ancienne sœur d’arme.

(On pourrait presque voir leur fiche de personnage hors champs).

Parmi eux se trouve aussi Inara, membre de la très fermée Guilde des Compagnons.

Elle est plus qu’une prostituée de luxe ; le dur-à-cuire Malcolm est attiré (romantic interest) par elle.

Inara

L’équipage – hors-la-loi s’il le faut – cherche à « remplir les réservoirs et mettre de la nourriture sur la table ». Au début de la série, ils prennent à bord trois passagers qui deviennent de facto des membres de l’équipage :

  • Simon, le docteur,
  • River, sa sœur fugitive et mentalement confuse,
  • et le Pasteur Book, qui souhaite découvrir la vie en dehors du monastère.

Après avoir regardé et apprécié énormément cette série, j’ai réalisé qu’elle essayait de m’enseigner d’importantes leçons, que ce soit l’art de raconter des histoires (story-telling) ou pour mener des parties de jeu de rôle. J’ai regroupé toutes ces leçons ici.

Leçon n° 1 : n’oubliez pas d’où viennent les PJ

Beaucoup de séries (et encore plus de groupes de JdR) survolent rapidement les origines d’un groupe de Personnages-Joueurs, utilisant des excuses usées comme « Tiens, on est tous à la recherche d’un emploi dans le même bar. » Il est rare que l’on mette en place une bonne raison qui pousse les personnages à se regrouper et à risquer leur vie pour un type qu’ils ont rencontré la veille.

Les meilleures séries TV (et campagnes de JdR !) vous offrent un bon « épisode pilote » [le premier épisode de la série (NdT)] pour poser le décor, et les personnages, afin de mettre en place ces relations entre eux.

La série Firefly nous présente un pilote en deux parties : Serenity – Partie 1 et 2. Celui-ci débute par un flash-back qui nous ramène à l’époque de la fin de la guerre pour Malcolm, puis enchaîne sur la première aventure de l’équipage. Les trois passagers sont présentés au groupe. Nous en apprenons assez pour savoir qui est qui, et quel rôle jouera chaque personnage. Le groupe est mis en place, personnages-joueurs et personnages non-joueurs confondus.

La création

  • du thème de campagne ( « Nous sommes tous des rebelles, errants à bord d'un cargo volant et acceptons n’importe quelle mission qui nous permette de payer les frais. »),
  • des motivations de chaque personnage et
  • du cadre de jeu du pilote

…doivent se faire simultanément. Elles sont toutes d’importance égale pour créer une campagne riche et satisfaisante, pour vos joueurs et vous.

Comme pour un bon scénario de série télé, le pilote doit débuter « au moment où l'histoire commence et pas avant ».

Si les PJ voyagent tous ensemble dans un vaisseau spatial, ce sera la première fois qu'ils monteront tous en même temps dans le vaisseau. S'ils vont tous combattre dans la guerre contre les gobelins, le pilote devrait prendre place lors de leur affectation à la même unité de combat. S'ils veulent juste partir à l'aventure, ils devraient tous être présents lorsque l’accroche de l'aventure se pointe.

Leçon n° 2 : donnez-leur une raison d’être ensemble

En créant le pilote à partir de la Leçon n° 1, vous devrez déterminer ce qui pousse ces persos à former un groupe. Leur rencontre doit se faire au bon endroit, au bon moment, motivée par ce qu’ils et elles recherchent ou ce qu’iels fuient. Dans Firefly, les personnages cherchent généralement à fuir quelque chose, que ce soit une prime sur leur tête ou l’autorité oppressive du gouvernement galactique. Le vaisseau fournit la parfaite échappatoire : il les attire à lui et les lie même à son sort.

Côté personnage, il est logique que le pasteur rejoigne l’escroc Malcolm. Ils répondent chacun à un besoin de l’autre ; le pasteur cherche quelqu’un à sauver, et la canaille souhaite être sauvée. Inara vend de l’amour à des étrangers, mais ne cherche en réalité que l’amour de Malcolm.

Une fois que les personnages sont réunis par les circonstances, ne laissez pas la logique les séparer. La chance les a peut-être réunis pour leur première aventure, mais il doit exister une bonne raison pour que le groupe ne se fragmente pas dès que la pression immédiate retombe. Celles et ceux qui sont les moins susceptibles de rejoindre le groupe par communauté d’intérêt, doivent le rejoindre parce qu’iels en ont désespérément besoin, ou parce qu’iels y voient une opportunité plus grande.

À bord du Serenity, tout le monde a ses propres raisons pour rester avec le groupe, raisons souvent moins tangibles que le profit potentiel. Mettre en place ces raisons moins matérielles peut lier un groupe bien davantage que la perspective d’obtenir un bon butin. Si l’alchimie de votre campagne est bonne, ces personnages se lieront profondément, forgeant des liens similaires à des soldats en guerre. Ils se battront et mourront les uns pour les autres. Ils deviendront une famille.

Quelques exemples de raisons moins tangibles :

  • Le besoin de fuir
  • Le besoin de liberté
  • Être amoureux.se d’un.e autre PJ
  • Le besoin d’appartenance
  • Le besoin d’un foyer
  • Le besoin de prendre soin de quelqu’un ou de quelque chose

fond d'écran avec les acteurs principaux de la série

Leçon n° 3 : créez un cocktail de personnages pour encourager le roleplay

L’équipage du Serenity est un véritable mélange d’opposés et de contrastes. Certains personnages sont amoureux, ou pourraient bien l’être un jour. D’autres se tolèrent à peine. Ils et elles viennent tous d’horizons différents, qu’ielles soient docteur de la haute société ou mécanicienne venue d’un coin paumé. L’équipage possède son homme de Dieu et plus de pécheurs qu’il n’en faut.

Jayne incarne le point de vue du mercenaire, méprisant toute autre considération que celle de l’argent. Le côté pratique de Malcolm trouve à peu près son compte avec lui. Plusieurs personnages encouragent les aspects « civilisé » et « altruiste » de Malcolm - que ce soit à travers les sermons du pasteur Book ou via l’idéalisme lumineux de sa mécanicienne. Ces contrastes et ces frictions créent des possibilités de roleplay et donnent de la profondeur aux personnages.

Mais veillez à ne pas créer trop de frictions. Il leur faut des croyances, des attitudes, et des sympathies communes, sans quoi leurs liens ne sont basés sur rien. Dans Firefly, tout le monde cherche à fuir quelque chose et chacun tolère les incursions de l’équipage dans l’illégalité. Même les passagers « innocents » prennent rapidement part aux coups et manigances de l’équipe. Il serait affreusement compliqué d’avoir un groupe de contrebandiers et de voleurs faisant équipe avec un représentant de la loi et de l’ordre.

Quelques traits de personnalité intéressants :

  • Optimiste / Pessimiste
  • Civilisée / Barbare
  • Pieux / Agnostique
  • Tue sans remord / Chérit toute forme de vie
  • Suit la loi / Contourne la loi / Enfreint la loi
  • Silencieuse / Bruyante
  • Haute société / Classe populaire
  • Vie riche / Vie malheureuse

Leçon n° 4 : un grand thème musical

Bien que j’aie caressé l’idée d’avoir une bande-son pendant mes séances, il est trop compliqué de gérer le minutage de sa musique d’ambiance pour qu’elle intervienne au bon moment, sans contrôler parfaitement sa source musicale. Balancer une playlist avec des sons de Conan le Barbare, Gladiator ou Le Seigneur des Anneaux n’ajoute pas grand-chose à la campagne. En fait, ça peut même s’avérer plus perturbant qu’utile quand une musique vient s’immiscer dans une scène tranquille. On se sent presque obligé de faire débouler un groupe d’orcs, peu importe la situation.

Mais la bonne musique, utilisée au bon moment, peut s’avérer très efficace. J’aime avoir un thème de campagne à jouer en début de partie. Ça met les joueurs et les joueuses dans l’ambiance en leur indiquant que la partie commence. Si elle est bien choisie, la musique peut devenir un cri de ralliement pour le groupe.

La musique du thème de Firefly a le même effet. C’est une balade qui résonne comme un western ; Joss Whedon, le créateur de la série, l’a écrite. Notre culture, où la télévision est très présente, nous a appris que le thème musical [donc le générique (NdT)] « lance le spectacle ». Tirez-en profit. Quelques minutes de musique peuvent permettre de se recentrer et de rappeler à tout le monde l’état d’esprit de la campagne.

Vous pouvez inclure de la musique plus tard dans vos séances, en utilisant des morceaux courts pour illustrer des changements de scène, d’état d’esprit, ou encore la lecture de toute une scène de transition [scène où les persos ne sont pas ; par exemple : « ce dont les méchants discutent pendant ce temps. » (NdT)]. Tout comme dans les séries télé, ces indicatifs musicaux peuvent être très efficaces pour définir les attentes de nos joueuses.

Essayez de choisir une pièce musicale qui évoque le genre que vous utilisez : génériques de séries, musique rock, morceau médiéval ou de la Renaissance, bande-originale d’un film du même genre.

« Bad Company », par le groupe du même nom, serait sympa pour une campagne Western.

Le bande-originale de 2001 : l’Odyssée de l’Espace pourrait être appropriée pour une campagne dure-réaliste à Traveller (1).

Leçon n° 5 : commencez par un grand boum !

À la manière des meilleures séries et films, Firefly débute chaque épisode en préparant le terrain pour l’histoire et s’arrête dès que vous réalisez que les choses vont être plus intéressantes que prévues, pour laisser place à la musique et au générique. Dans les films, il s’agit généralement d’une séquence d’action ou de quelque chose qui retiendra l’attention du public avant de l’ennuyer avec la liste de l’équipe de production.

Dans le jeu de rôles, on peut utiliser la même technique pour faire démarrer l’aventure en fanfare. Faites oublier aux joueurs leur journée de travail ou le délai de livraison de la pizza en utilisant des évènements qui retiendront vraiment leur attention.

Il faut aussi maîtriser les techniques du cliffhanger. Quand vous commencez l’aventure et que vous arrivez au BOUM, arrêtez l’action. Lancez le thème musical de votre campagne. Laissez les joueurs mijoter un petit peu avant de replonger dans l’histoire et de résoudre les problèmes. L’effet de surprise aura le temps de s’ancrer et aura plus d’effet. Si vous résolvez le BOUM avant la pause musicale, vous relâchez la tension que vous étiez en train d’essayer de construire.

Quelques exemples de « BOUM » :

  • Mettez en place un début de partie classique et injectez-y un retournement de situation [un twist] pour terrifier les joueurs et les joueuses ; les exciter ; les rendre paranoïaques - ou au moins inquiets pour la santé et l’avenir de leurs personnages et objectifs,
  • Commencez par leur faire accomplir quelque chose de banal et attaquez-les ; ou introduisez un retour de flammes de leur passé ; ou un personnage qui représente un défi pour les leurs - afin de faire cogiter les joueur.euses.

Le vaisseau Serenity

Leçon n° 6 : offrez-leur un refuge

Nous avons tous besoin d’un endroit où nous nous sentons en sécurité. Pour nos amis de Firefly, le vaisseau est leur abri, l’endroit où ielles peuvent se réfugier (et s’évader dedans). Sans refuge, les personnages ne peuvent se relaxer ni être eux-mêmes nulle part. Il n’existe pas de lieu où ils peuvent échapper aux dangers de leur monde.

Lorsqu’ils entrent dans leur refuge, ils sont en sécurité. Tout comme l’arrivée dramatique de Frodon au sanctuaire de Fondcombe dans Le Seigneur des Anneaux, vos héros devraient avoir un endroit où se réfugier quand le danger est trop grand ou quand leurs plans ne fonctionnent pas.

Le groupe s’attachera beaucoup au havre de paix que vous lui aurez créé. Il sera même probablement très protecteur envers ce lieu.

Ayant un attachement aussi fort que l’amour envers le vaisseau, la plupart des membres de l’équipage du Serenity se battraient pour le défendre. Dans l’épisode La Panne, nous découvrons comment Malcolm est tombé amoureux de son vaisseau. Kaylee clame son amour pour le vaisseau dans plusieurs épisodes. Même River trouve le vaisseau si convenable qu’elle déclare s’y sentir chez elle, plus que n’importe quel autre endroit qu’elle a connu (épisode Objet volant identifié).

Un bon refuge dépendra étroitement de l’époque et de l’ambiance de votre campagne, mais voici quelques suggestions :

  • leur bar préféré,
  • une maison qu’ils partagent,
  • une forteresse,
  • un vaisseau,
  • une école,
  • un site religieux,
  • leur village natal,
  • leur planète natale,
  • la ville où ils vivent,
  • leur quartier,
  • le quartier général de leur Ordre,
  • une salle de guilde.

Leçon n° 7 : Envahissez leur refuge

Quoi de mieux que de menacer un élément auquel les personnages (donc les joueurs et les joueuses) sont férocement attachés ? Pour quel autre endroit que leur foyer les joueurs combattraient-ils avec autant de ferveur et d’émotion ?

Dans la série Firefly, le contrôle du vaisseau est menacé dans plusieurs épisodes, mais jamais autant que dans Objet volant identifié, où un chasseur de prime high-tech envahit le vaisseau « au milieu de la nuit » pour capturer River et le docteur. Il enferme la plupart des membres de l’équipage dans leur cabine, menace Kaylee - la mécanicienne - d’actes inqualifiables, et prend le contrôle du vaisseau pendant un moment. Sachant que dans l’espace, le moindre faux-pas peut vous coûter la vie, perdre le contrôle de votre vaisseau présage généralement des conséquences fatales.

C’est exactement dans ce type de situation que les personnages donnent le meilleur d’eux-mêmes. Certains des plans de bataille les plus créatifs et des combats les plus acharnés sont arrivés lors de la défense ou de la reprise du refuge d’un groupe.

Un refuge peut être menacé de bien des manières :

  • en étant « au mauvais endroit au mauvais moment », lors d’évènements importants bien plus graves, comme des guerres ;
  • par des personnages d’élite, tels que des chasseurs de prime, lors d’invasions ciblées ; ou via des invasions plus musclées - par des groupes armés,
  • dépossession par des autorités aux mauvaises intentions,
  • …ou simplement via les mouvements inexorables de la bureaucratie.

Leçon n° 8 : Quand les personnages se séparent, créez des sous-intrigues pour chaque groupe

Dans les épisodes de Firefly, il était habituel que le vaisseau atterrisse sur une planète et qu’une partie du groupe parte faire des affaires pendant que l’autre partie assure leurs arrières. La série a bien su trouver de bonnes sous-intrigues pour les deux groupes.

Diviser l’histoire en sous-intrigues peut être essentiel pour éviter que vos joueuses ne se retrouvent exclus de séances entières. Ne vous sentez pas coupable si vous faites une pause de 5 minutes dans la partie pour concevoir une sous-intrigue que vous n’aviez pas vu venir.

Les sous-intrigues donnent aux joueuses plus de libre arbitre. Elles n’auront pas la sensation que leurs personnages doivent rester ensemble tout le temps, juste pour que la partie avance.

Dans l’épisode De la boue et des hommes, le Pasteur et River (la sœur folle du docteur) se retrouvent seuls sur le vaisseau. Cette association étrange permet à ces deux personnages d’interagir d’une manière qui leur est propre et de découvrir des choses l’un sur l’autre.

Les meilleures campagnes encouragent les personnages à évoluer, non seulement au niveau des caractéristiques et de la richesse. (Aparté : un Personnage-Joueur ou un Personnage Non-Joueur avec des problèmes mentaux intermittents est un outil formidablement souple pour créer des situations intéressantes) (2).

Dans l’écriture de scénarios pour le cinéma et la télévision, ces fils séparés sont appelés Intrigue A et Intrigue B. L’intrigue A est la plus importante. C’est la mission que le groupe a acceptée, par exemple. L’intrigue B n’est pas importante pour mener à bien cette mission. C’est surtout une opportunité pour explorer et développer les personnages.

Voici quelques thèmes de sous-intrigues :

  • devoir gérer un problème mineur qui n’est pas lié à l’intrigue principale,
  • permettre à deux personnages - qui s’agacent mutuellement - de régler une partie de leur frictions en dialoguant,
  • permettre aux PJ de faire avancer leurs objectifs personnels.

Leçon n° 9 : le passé revient les hanter

Dans l’épisode Le Message, nous rencontrons Tracey, tout droit venu du passé de Mal et Zoe ; il apporte avec lui le danger et l’aventure. On voit un flash-back de leur rencontre jadis et c’est parti : l’imbécile entre en piste.

Dans l’épisode De la boue et des hommes, l’équipage se rend sur une planète que Jayne a déjà visité avant de rejoindre le Serenity. Ce qui était un braquage raté dans son souvenir, est devenu une légende populaire à la Robin des Bois pour les travailleurs locaux, qui ont trouvé l’argent volé.

N’ayez pas peur d’introduire de nouveaux éléments dans le passé des personnages. Si vous ne le faites pas, vous vous privez d’utiliser leur vie comme source de nouvelles intrigues, de personnages, d’espoirs, de rêves et de cauchemars. À moins que les joueurs ou joueuses ne s’y opposent, remplir les blancs dans le passé de leur personnage est une superbe opportunité. Assurez-vous simplement que ce passé apporte du bon avec le mauvais, ou les joueurs ne se prêteront pas souvent au jeu.

Dans De la boue et des hommes, le retournement de situation, construit autour d’un thème ordinaire - comme « de vieux ennemis » - sort les personnages de leur zone de confort. Compliquer des persos tels que Jayne est amusant, car ils sont généralement unidimensionnels au départ et sont donc une toile vierge à travailler. Ça rend leur évolution plus intéressante et plus amusante à interpréter.

Ce que vous faites revenir du passé ne doit pas être accessoire pour les personnages, mais quelque chose dans lequel ielles peuvent se plonger corps et âme, et qui met en lumière les chemins qu’ils et elles ont parcouru. Dès que possible, liez leurs passés à des Éléments Importants.

Dans Firefly, Zoe et Mal ont combattu dans une guerre galactique six ans auparavant. Donner aux PJ un rôle dans l’Histoire (même en tant que fantassin) leur donne de la profondeur et bien plus de matière à utiliser dans de futures aventures.

Bien des déclenchements d’intrigues prennent leur source dans le passé :

  • amis,
  • amours,
  • ennemis,
  • opportunités,
  • rivaux,
  • échecs,
  • succès,
  • famille,
  • anciens emplois,
  • choses qui étaient perdues.

Leçon n° 10 : ne plaisantez pas avec la mort

Dans les univers des jeux de rôle, il est bien trop commun de voir des « secondes chances » pour les personnages qui meurent. Et bien souvent, c’est fait en catimini et les conséquences sont insignifiantes. L’univers de Firefly ne pardonne pas autant. Beaucoup de blessures engagent le pronostic vital, et si on meurt, on est mort.

Une campagne où la mort est permanente offre un sol bien plus fertile en termes de roleplay pour les PJ qui restent. Dans Le Message, on livre un cadavre à l’équipage. La solennité et la gravité de l’équipage lorsqu’il ramène ce corps chez lui, à sa famille, sont vibrants.

La mort apporte nombre de problèmes à gérer pour les personnages survivants :

  • trouver le tueur,
  • venger le mort [ajout des traducteurs]
  • prouver leur innocence,
  • traiter le corps avec respect,
  • trouver un endroit approprié pour une dernière demeure,
  • rencontrer des gens, avec comme enjeu la mort du personnage [dans l’épisode, Book fait chanter un officier pour qu’il arrête sa quête du cercueil (NdT)]
  • accomplir les dernières volontés du défunt.

Leçon n° 11 : soignez votre ambiance

Dans Firefly et son atmosphère Old West assumée, certaines armes à feu sont conçues à la manière de six-coups portés à la ceinture. Bien entendu, on y rencontre de « grands espaces sauvages », et les colonies de la région sont agraires. Il y a du transport de bétail dans un épisode, et dans un autre, un braquage de train. Les personnages sont des échos des stéréotypes du Western (le docteur, le pasteur, la catin, le bandit armé, les anciens soldats) et leur vêtements sont définitivement inspirés du Vieil Ouest américain. Même les autorités, représentées par la Flotte de l’Alliance, portent des uniformes militaires rappelant plus les marins de la Guerre Civile Américaine que l’équipage des cuirassés modernes.

Les joueurs et les joueuses devraient recevoir, en amont, une déclaration sur l’ambiance de votre campagne et les thèmes abordés. De cette manière, ils peuvent se mettre dans le bon esprit et aider à lui donner vie. Vous devriez pouvoir utiliser l’atmosphère ou le genre de la campagne pour créer des aventures et des scènes. Si ce n’est pas trop difficile, même se costumer peut aider à animer la séance.

Voici quelques aspects du genre avec lesquels vous devriez vous familiariser :

  • langage et argot spécifiques,
  • professions typiques,
  • niveau de technologie (qu’il soit scientifique ou magique),
  • aventures propres au genre,
  • degré de réalisme,
  • stéréotypes propres au genre.

Leçon n°12 : jouez avec les choix moraux

Une bonne campagne devient géniale quand les personnages doivent faire face à des choix moraux. Un choix est moral lorsque la bonne réponse n’est pas claire. C’est un choix à faire entre deux « bons » et deux « mauvais », pas un choix entre le bien et le mal. Et il ne s’agit pas toujours de faire le « bon » choix. Parfois, il s’agit aussi de continuer à se regarder dans le miroir quand on a fait le mauvais. Dans l’épisode Le Duel, Malcolm essaye de défendre l’honneur d’Inara face à un client qui ne la traite pas correctement. À cause des codes sociaux de la planète, son offense lui vaut d’être défié en duel. Dans l’épisode Sains et Saufs, Malcolm doit abandonner le docteur et sa sœur face à un danger mortel pour aller faire soigner le pasteur Book, gravement blessé.

Voici certaines manières de développer des choix moraux :

  • deux bonnes choses doivent être faites, mais l’équipage ne peut en faire qu’une,
  • il faut stopper deux mauvaises choses doivent être stoppées, mais l’équipage ne peut en arrêter qu’une,
  • une très mauvaise chose est sur le point d’arriver et l’équipage doit décider s’il prend le risque de s’y coller,
  • deux issues sont possibles ; la première offre une récompense sous forme d’argent et la seconde ne rapporte rien mais est plus noble.

Leçon n°13 : laissez le danger les trouver

Vous ne pouvez pas toujours attendre que vos joueurs mettent eux-mêmes leurs persos dans le pétrin (même si certains groupes n’ont aucun problème à y arriver tout seuls). Le monde (ou l’univers) est un endroit dangereux, peu importe le genre dans lequel vous évoluez : votre campagne doit le rappeler régulièrement aux joueurs.

Dans l’épisode Pilleurs d’épave, l’équipage croise la route d’un vaisseau attaqué par des Ravageurs, des hommes prédateurs voyageant dans les confins de l’espace et qui fondent sur les vaisseaux qu’ils croisent, comme des cannibales.

Dans l’épisode La Femme du commandant, l’équipage est attaqué par une femme bien décidée à vendre le vaisseau à ses camarades, pour le découper et revendre les pièces détachées.

Dans l’épisode La Panne, l’équipage doit faire face aux dangers d’une défaillance mécanique survenue dans l’espace profond.

Tous les genres où ça vaut la peine de vivre des aventures ont leur lot de dangers et d’ennemis. Ils peuvent être utilisés aussi souvent que nécessaire pour mettre le groupe au défi et renforcer l’ambiance du genre. Si vous n’introduisez jamais ces éléments, vous allez saper l’ambiance que vous essayez de créer.

Ces dangers peuvent être environnementaux ou sociaux :

  • des criminels les prennent en chasse,
  • Mère Nature leur envoie une surprise,
  • ils sont pris au milieu d’évènements politiques majeurs, tels qu’une guerre, des assassinats, des élections, des [crises de] successions, etc.

Leçon n°14 : la loi a le bras long

Si les Personnages-Joueurs sont du mauvais côté de la loi - comme l’équipage du Serenity - il est important que « la Loi » joue un rôle fréquent dans leurs aventures. Le Serenity ne dispose même pas d’armes de vaisseau, ce qui rend inenvisageable son utilisation en combat. Mais dans plusieurs épisodes, la présence de la Flotte de l’Alliance, ou de soldats, affecte les choix de l’équipage.

Si l’équipage commet des crimes, il doit être poursuivie par les autorités, soit immédiatement par le shérif et sa clique, soit plus tard par le rouleau compresseur de la bureaucratie sans cesse en mouvement. Le Docteur et sa sœur fuient des poursuites judiciaires ; par conséquent des personnes qui les recherchent surgissent régulièrement.

Les troupes gouvernementales - ou autres représentants de « l’Ordre » - peuvent être des obstacles ou des opportunités. Dans l’épisode l’Attaque du train, la présence imprévue d’un wagon de soldats de l’Alliance rend le braquage beaucoup plus risqué. Dans l’épisode Sains et saufs, seuls les capacités médicales de l’Alliance peuvent sauver la vie du pasteur.

Voici différentes manières d’impliquer la légalité dans les aventures de votre équipe :

  • la police mène des enquêtes criminelles,
  • des « sous-traitants » du gouvernement - comme des chasseurs de prime - poursuivent le groupe,
  • des forces gouvernementales gardant des biens gouvernementaux,
  • des zones de patrouilles militaires,
  • des unités militaires en opération.

Leçon n°15 : Amusez-vous avec les langues

Le créateur de Firefly a décidé s’aventurer sur un sol mouvant : créer lui-même ses jurons. (La dernière série télé ayant fait ça, à ma connaissance, est Battlestar Galactica wiki, et les résultats étaient mitigés.) Permettre aux personnages de proférer des injures qui ne soient pas éhontément modernes aide à maintenir l’ambiance et à renforcer la saveur de la campagne. De plus, faire jurer les personnages ajoute du réalisme à la série, car les vrais gens jurent.

Laissez les personnages bilingues utiliser leur langue secondaire pendant la partie, en permettant à leurs joueurs.euses d’inventer à la volée des mots s’ils le veulent. Des phrases et des exclamations en chinois se glissent assez régulièrement dans Firefly, en particulier à des moments qui ne sont pas critiques ou encore des moments où les personnages ont besoin de ronchonner. Si un joueur ou une joueuse est bilingue (ou même si iel n’a qu’un vague intérêt pour cette langue étrangère), laissez-les l’expérimenter à la table de jeu. L’allemand pourrait marcher pour « la langue des Nains », et les Elfes pourraient parler français [ou une langue qui parait élaborée. Le grec ancien ? (NdT)]. Laissez vos joueurs s’amuser avec ça.

Grâce au langues étrangères, apportez un peu de saveur à ces éléments:

  • jurons,
  • exclamations,
  • insultes,
  • serments,
  • noms d’usage et titres,
  • noms de lieux,
  • noms de vaisseaux,
  • noms d’aliments,
  • objets communs.

Jayne (?) avec son gros flingue

Leçon n°16 : amusez-vous avec le matériel

Ça rapporte de passer du temps à décrire les objets dignes d’intérêt de l’univers de votre campagne. Cela renforcera le réalisme et encouragera les joueuses à s’investir davantage dans l’univers. Dire « l’épée de famille de Barford, forgée par les Nains de Kith-Saal et transmise de génération en génération », ça sonne un peu mieux que : « une Épée longue bonus +1 ».

Dans La Femme du commandant, Jayne dévoile une arme militaire élaborée et essaye de faire un échange avec son capitaine. On peut clairement voir le soin apporté aux détails de l’arme. Jayne se souvient précisément de quand il l’a obtenue et lui a même donné un nom (Vera). On comprend tout de suite qu’il s’agit d’un objet de valeur à ses yeux et cela donne beaucoup de poids à sa tentative de négociation. N’est-ce pas plus intéressant et plus amusant que d’ajouter une arme quelconque à votre fiche de personnage ?

Voici des objets auxquels vous devriez donner un peu de personnalité :

  • le vaisseau (quelqu’un a déjà entendu parler du Faucon Millenium ?),
  • les armes (« Oh, ça ? Juste une petite lame que j’aime appeler Excalibur… »),
  • les objets magiques (« Ce ne sont pas des bottes magiques ordinaires, mon ami… »),
  • les trophées (« J’ai obtenu cette corne en combattant des alligators en Australie. Nom d’une pipe, cette bestiole était coriace ! »)

Leçon n°17 : les flash-backs et les scènes cinématiques sont vos amis

N’ayez pas peur de remplir le passé avec des aperçus attrayants, grâce à des scènes de flash-backs. Ces petits apartés hors de l’action en cours peuvent être amusants, poignants, excitants ou mystérieux. Firefly utilise cette technique à son avantage dans l’épisode La panne. Les scénaristes y révèlent comment tous les membres principaux de l’équipage ont rejoint le vaisseau et même la manière dont Malcolm a choisi le Serenity en premier lieu.

L’utilisation de flash-backs peut aider à :

  • introduire de nouveaux éléments dans la campagne,
  • construire les personnages,
  • renforcer l’intrigue,
  • donner de l’épaisseur au monde environnant.

Comme beaucoup de séries télévisées, Firefly utilise des scènes cinématiques wiki dans presque tous les épisodes pour apporter des détails, installer l’ambiance et faire avancer l’intrigue. En gros, les cinématiques maintiennent l’attention des spectateurs à l’endroit voulu par les scénaristes.

Dans l’épisode Mission secours, on nous présente les habitants d’une ville et leur dirigeant machiavélique dans toute sa gloire. Nous voyons à quel point cet homme est abject et ce qu’il est prêt à faire pour user de son pouvoir.

Ce genre de « scènes d’exposition » peut aider à créer la haine d’un méchant ou de la sympathie pour une victime. Et parfois, nous avons seulement besoin de savoir ce qui se trame dans le camp adverse. Quel meilleur moyen qu’une cinématique pour faire monter la tension ou éclaircir une aventure très complexe ? Les scènes cinématiques le font à merveille, et vous permettent, en tant que Meneur ou Meneuse de Jeu, d’utiliser toute votre éloquence pour porter, et créer à l’avance un truc qui déchire, plutôt que de l’improviser sur le moment.

Les meilleurs moments pour titiller les joueurs avec une cinématique :

  • quand les héros voyagent,
  • quand il faut faire monter les enjeux
  • quand vous devez créer du mystère,
  • quand vous devez éclaircir une situation trop complexe.

Leçon n°18 : le meilleur moyen de résister à la tentation, c’est d’y céder…

Tous les personnages devraient avoir des faiblesses. Et vous devez leur donner l’opportunité de céder à ces faiblesses de temps en temps. Cela peut avoir des conséquences mineures ou cela peut changer le cours de la campagne. Jayne, le mercenaire, est salement cupide. Il saisit sa chance en dénonçant les fugitifs/résidents du vaisseau dans l’épisode Intrusion, et finit par se retrouver lui-même aussi en garde à vue. Nous ne savons pas à quel point cela a changé son attitude dans la suite de la série.

Toutes les mises à l’épreuve de caractère ne mènent pas forcément à une inversion de croyances. Il est rare qu’une faiblesse disparaisse mais, le temps passant, les personnages évolueront peut-être. Pour encourager le roleplay, vous pouvez envisager de faire appel à un mécanisme de jeu qui déterminera à quel moment une faiblesse intervient dans la partie, surtout si les joueurs et les joueuses tendraient à simplement ignorer cette faiblesse.

Les tentations les plus courantes sont :

  • l’argent,
  • la célébrité,
  • l’amour,
  • la luxure,
  • la gloire,
  • le pouvoir,
  • le statut social.

Leçon n°19 : tout le monde a un secret

Aucune aventure n’est amusante sans cachoteries. Les personnages devraient tous avoir des grands secrets. Ces secrets permettent à vos personnages de se doter d’un peu de mystère, d’évoluer au-delà de leurs caractéristiques et de leur « étiquette ».

Plusieurs personnages de Firefly ont des secrets qui n’ont été révélés que progressivement au public. Ces secrets peuvent donner des résultats surprenants (Sains et saufs) ou créer une tension sous-jacente s’ils ne sont pas révélés. Les secrets sont aussi des accroches idéales pour des intrigues et des aventures. Menacez de révéler son secret, et la joueuse pourrait être étonnamment motivée pour le garder bien caché.

La révélation d’un secret peut secouer une campagne un peu trop statique. De telles révélations peuvent aussi présenter un choix moral aux personnages, surtout si la révélation d’un secret affecte directement un autre personnage. (« Luke, je suis ton père. »)

Voici des secrets qui ont fait leurs preuves :

  • des actes passés,
  • d’anciennes relations,
  • des relations actuelles,
  • des objectifs,
  • des faiblesses personnelles,
  • des mensonges.

3 membres de l'équipage, habillés comme des cow-boys

Leçon n° 20 : laissez chacun montrer son savoir-faire

Les joueurs et joueuses aiment que leurs personnages soient compétents dans leur rôle de prédilection. Ielles aiment avoir l’impression que leur PJ, et leurs décisions en tant que joueuses, ont eu un impact réel sur le succès de l’aventure et sur la vie des personnages [PJ et PNJ] dans l’univers de jeu. C’est à vous, Meneur.euse de Jeu, de leur offrir cette opportunité.

Il ne serait pas très sympa d’autoriser des PJ sans compétences de combat dans une campagne centrée sur des batailles de mercenaires. De même, des PJ mercenaires (et leurs joueurs.euses) se morfondraient dans une campagne consistant en une suite de résolution d’énigmes [ou d’enquêtes criminelles].

Pour une série comportant neuf personnages principaux, il a été difficile de trouver un seul épisode où tous les personnages avaient un rôle important. La plupart des groupes de jeux de rôles comptent moins de participants ; il est alors raisonnable de se fixer comme objectif d’offrir des opportunités à autant de PJ que possible au cours de chaque séance.

Examinez tous les PJ et notez leurs rôles officiels et les autres domaines où vous avez identifié l’importance d’une compétence particulière. En présence d’un PJ voleur perceur de coffres, il serait pas mal de faire apparaître un coffre-fort de temps à autre.

Gardez ces détails à l'esprit lorsque vous créez vos aventures. Vous ne devez pas essayer de tout faire tourner autour des personnages, mais veillez à n'exclure personne.

Leçon n° 21 : tout le monde aime les grosses bagarres

Parfois, vous pouvez vous sentir submergé.e par les intrigues, les sous-intrigues et l’intrication de toutes ces possibilités de roleplay. Le meilleur remède à tout ça est une bonne grosse bagarre. Je parle ici d'une grande mêlée, de haut vol, à grande échelle. Quelque chose qui peut satisfaire les besoins viscéraux des joueurs, et où ce qui doit être fait est clair.

Dans l’épisode Mission secours, l'équipage répond à un appel à l'aide et se retrouve à défendre une maison close contre une petite armée. Pas d’astuces géniales ici, mais simplement une occasion pour les joueurs orientés « combat » de montrer leur savoir-faire (voir la leçon précédente). Vous devez faire en sorte qu'ils puissent s'y préparer et démontrer leur génie tactique à toute la tablée.

La Grande Bagarre n'est pas obligatoirement un combat, mais dans la plupart des JdR que j'ai vus, c'est souvent le cas.

D'autres options pour La Grande Bagarre incluent :

  • la Grande Course (si les PJ ont un bateau / un vaisseau),
  • le Grand Braquage (s'ils goûtent peu le respect des lois).

Leçon n° 22 : laissez les gentils élaborer un plan

Tout le monde aime s'attaquer à des choses sur lesquelles il peut avoir du contrôle. Ces opérations - telles que « un casse risqué » - offrent une excellente occasion d'impliquer tous les membres du groupe, car de multiples compétences seront probablement nécessaires pour franchir les différents obstacles. Les joueurs et joueuses peuvent tous réfléchir et résoudre les problèmes ensemble.

Dans l’épisode Déchet précieux, l’équipage a l’occasion de voler une antiquité rare. On les voit comploter autour d'une table pour trouver le moyen de franchir tous les obstacles et s'enfuir sans encombre. Cette table ressemblait tellement à une table de JdR que je me suis demandé si le créateur de la série, Joss Whedon, n'était pas un rôliste dissimulé.

Le moyen de rendre amusante une scène de planification est de s'assurer que les joueurs et joueuses disposent de suffisamment d'informations sur la situation pour avoir l'impression de pouvoir élaborer un plan valable. S'il y a trop de facteurs inconnus, ielles se sentiront impuissantes à faire face à la situation.

Dans Déchet précieux, Saffron savait comment passer le système de sécurité, Kaylee savait comment reprogrammer la navette-poubelle et Mal était capable de désactiver les alarmes de la cible. En situation de jeu, vous devriez faire savoir aux joueuses que leurs personnages savent comment passer ces systèmes de sécurité, que les navettes-poubelles sont automatisées et peuvent être reprogrammées, et aussi que les alarmes peuvent être désactivées par des méthodes à la portée des PJ.

Une solution possible au dilemme « ce que les PJ connaissent » est d'informer les joueurs et joueuses qu’elles peuvent vous poser n’importe quelles questions fermées [questions auxquelles vous répondrez par seulement par oui ou non (NdT)] pendant leur planification pour savoir ce que les PJ connaissent. Certains systèmes de règles leur demanderaient de faire un jet de compétence ou de capacité, mais je n'y tiens pas vraiment.

héros en train de rire

Leçon n° 23 : ayez recours à l’humour

« Je suis plutôt un adepte du “sombre”, du “sinistre”, de la “dureté”. Mais ensuite, pour l’amour de Dieu, faites une blague ! »,
- Joss Whedon.

Je n'ai encore jamais vu une partie de JdR qui n'était pas truffée de jeux de mots, de private jokes et autres réjouissances. Pour moi, c'est le signe d'un bon groupe de JdR. Bien sûr, vous ne voulez pas que l'humour soit omniprésent lorsque vous essayez de mettre en place une ambiance sérieuse, mais si votre campagne permet aux personnages d'avoir aussi un sens de l'humour, vous pouvez assimiler les propos des joueurs qui font les petits malins et les mettre dans la bouche de leurs PJ.

Dans l'épisode Histoires anciennes, Mal et Wash ont été capturés et torturés par un Méchant récurrent. Plutôt que de se contenter de grogner contre la douleur ou de s'épancher en bravades, les deux hommes poursuivent une dispute idiote entamée sur le vaisseau au début de l'épisode, hilarante simplement par son incongruité dans la scène. La frustration sur le visage des tortionnaires est tellement amusante.

Cette leçon s'applique également aux citations. Il est rare qu'une séance de jeu de rôles ne donne pas lieu à une citation mémorable, le plus souvent drôle. Dans nos campagnes, des personnages ont été immortalisés dans les marges du journal des joueur.euses avec le genre de commentaires qui ont fait que tout le monde a recraché son soda par le nez. Travaillez avec cela, assurez-vous que les bonnes réparties soient écrites pour la postérité. Cela peut être une source de fierté pour les joueur.euses et aussi aider à approfondir le caractère du personnage incarné.

Leçon n° 24 : toute bonne action est punie

Un monde vivant et réaliste doit respecter les règles de la cause et de l'effet ou, en langage télévisuel, des Répercussions et de la Continuité. Ce sont les marqueurs d'une série télévisée bien écrite ou d'une campagne de JdR bien maîtrisée. En clair, ce qui s'est passé dans l'épisode précédent a un effet sur l’épisode actuel. Les personnages vivent dans un univers dynamique où leurs actions ont des conséquences, bonnes comme mauvaises.

Dans Histoires anciennes, les événements de l'épisode Intrusion - inconnus de la plupart des membres de l'équipage - ont eu un effet sur le comportement de Jayne (il est mystérieusement généreux avec sa part du butin). Les autres le remarquent avec curiosité, mais ce n'est pas très grave. Dans le même épisode, leur décision d'abandonner plus tôt un contrat leur a valu l'immense courroux d'un gangster qui les fait alors kidnapper.

Ces répercussions peuvent tout affecter. Comme vous n'avez pas le temps de créer un monde complet, soyez sélectif dans le choix des contrecoups à exploiter. Ceux qui influencent l'intrigue ou les relations avec les PNJ sont les plus importants. Prenez le temps de choisir - parmi les répercussions de l'aventure de la semaine dernière - celle qui serait la plus réaliste. Les PNJ changent-ils d'attitude ? Quelqu'un élabore-t-il un plan en réponse à ce qu’il s'est passé, façon « La vengeance est un plat qui se mange froid. » ?

Les évolutions des PJ doivent être gérées par leur joueur ou joueuse, mais lorsque le personnage grandit et mûrit, n'hésitez pas à encourager son ou sa propriétaire en récompensant leur bon roleplay.

Leçon n° 25 : les gens mentent

Les gens mentent, que ce soit pour avancer leur cause, pour s'amuser, ou simplement par habitude. De nombreuses Meneuses évitent complètement les mensonges et leur utilisation doit se faire avec prudence. Mais une campagne où tout ce que dit la Meneuse est 100% exact n'est pas autant intéressante.

Étant donné qu'en tant que MJ, vous êtes la seule source d'information dont iels disposent, les joueurs et joueuses supposeront que tout ce que vous leur dites sur le monde est la vérité. Vous ne pouvez pas commencer à mettre le désordre dans ce type de description sensorielle, sinon vos joueurs.euses se rebelleront.

En général, les MJ jettent le doute dans ces descriptions à des moments particuliers avec des indicateurs prudents tels que « semble » ou « apparemment », mais ces mots sont presque des signaux pour les joueuses : « Des mensonges arrivent ! »

Les meilleurs moments pour jouer avec la tromperie sont les dialogues avec les PNJ. Que vous jouiez les PNJ en parlant à la première ou à la troisième personne, ils peuvent mentir et le feront très certainement.

La plupart d'entre eux auront de très bonnes raisons de le faire :

  • se protéger,
  • protéger les autres,
  • protéger leurs richesses et leurs possessions,
  • servir des maîtres opposés aux PJ,
  • avoir besoin de se faire des amis,
  • préférer rester distant,
  • faire progresser leurs propres ambitions, etc.

Ces mensonges des PNJ créent souvent un aspect dramatique plus intéressant quand les joueuses essaient de découvrir la vérité. Ne mentez pas sur de petites choses, car les joueuses n'ont pas besoin de déployer les efforts nécessaires pour les découvrir, et cela donne l'impression que le monde est moins fiable. Il suffit de placer un ou deux gros mensonges pour que les joueuses traitent les PNJ avec plus de respect que « des distributeurs automatiques d'informations ».

PNJ femme

Leçon n° 26 : des PNJ hauts en couleur

Le monde (ou l'univers) est rempli de gens qui luttent pour mener une existence raisonnable, dont le seul rêve est d'avoir une famille et de boire un verre au pub le samedi soir. Ces gens sont formidables, mais pas pour une campagne de jeu de rôles. Ils sont la toile de fond sur laquelle se déroule tout ce qui est intéressant. Ce sont les hordes anonymes de l'humanité, que les héros sauvent.

Firefly regorge de « Personnages Non-Joueurs » intéressants et décalés. Saffron est une fauteuse de troubles récurrente qui a l'habitude d'épouser des gens pour gagner leur confiance. Le chasseur de primes dans Objet volant identifié est une personnalité éloquente bien qu'un peu dérangée mentalement. Dans L'Attaque du train, et à nouveau dans Histoires anciennes, l'équipage du Serenity rencontre une figure sadique et importante de la pègre nommée Adelei Niska.

Rappelez-vous que tous les PNJ hauts en couleur ne sont pas forcément des ennemis pour nos héros. Sallah, dans les films d'Indiana Jones, est un allié crucial. Nos amis du Serenity rencontrent quelques amis ou neutres amicaux. L'équipage a évidemment une histoire amicale avec le personnage de Monty qui apparaît dans l'épisode Déchet précieux.

Et les personnages hauts en couleur ne sont pas là que pour faire joli. Ils aident les joueurs à se souvenir des PNJ importants de votre campagne. Leurs bizarreries peuvent donner à nos héros l'avantage dont ils ont besoin au moment où ils ont besoin de tous les avantages possibles. Dans l’épisode Objet volant identifié, River peut jouer sur l'instabilité psychologique du chasseur de primes alors qu'il surclasse manifestement tous les membres du vaisseau au combat.

Voici quelques moyens de rendre un personnage pittoresque :

  • lui donner une obsession sans rapport avec ses activités,
  • lui donner un défaut qui n'aurait pas de sens pour sa profession,
  • le faire s'habiller d'une manière extrêmement particulière,
  • lui donner un passé culturel ou social inattendu.

Leçon n° 27 : pimentez la campagne

Les campagnes à forte intensité sont amusantes. Osez être différent et brisez le train-train de votre campagne de fantasy habituelle.

Avec Firefly, nous avions un space opera avec une touche de vieux Far-West. Il ne s'agissait pas d'une énième série spatiale avec des fusils laser et des extraterrestres. Dans l’univers de Firefly, il n'y a que des humains, pas d'extraterrestres. Les pistolets laser existent mais sont trop chers pour le commun des mortels, si bien qu’on utilise toujours les balles. Même les aventures font écho à l'esprit du western. Dans l’épisode L’Attaque du train, ils dévalisent un train. Dans Mission secours, ils défendent un bordel contre un patron diabolique. Dans Le Duel, un bal costumé se termine par un duel.

Jouez avec les idées pour rendre mémorable votre campagne. Peu importe ce que vous souhaitez y inclure, vous devez pouvoir l'exprimer en une ou deux phrases, et cela doit être suffisamment évocateur pour que les joueuses le comprennent immédiatement. Les bonnes joueuses joueront dans le ton de la campagne et l'amélioreront.

Leçon n° 28 : confiez-leur une mission

L'ennui des PJ est une situation qui peut nuire à toute campagne. Remarquez que je n'ai pas parlé des joueurs et joueuses, bien qu'iels s'ennuient probablement eux aussi. Les personnages ont besoin de faire quelque chose. S'ils ont une profession, et qu'ils ne se contentent pas d'errer sans but en attendant que l'aventure leur tombe dessus, profitez-en.

Les épisodes de Firefly commencent souvent avec l'équipage en cours d’une activité, transportant des marchandises, volant un navire abandonné (épisode Serenity), concluant un marché (L’Attaque du train), ou réapprovisionnant leur navire. Ces activités renforcent le cadre de la campagne et servent d’arrière-plan pour amener des éléments d'aventure. Elles évitent aux joueurs d'avoir à réfléchir à l'essentiel et leur permettent plus facilement de rester dans la peau de leur personnage.

Le fait de commencer [in media res (NdT)] au milieu d'un contrat ou d'une tâche leur donne instantanément un élan et une direction : terminer le contrat ou la tâche. Cela élimine la question « Que fait-on maintenant ? », qui peut bloquer un groupe plus souvent qu'on ne l'imagine.

L'activité choisie doit avoir un sens pour les personnages, individuellement ou pour le groupe. Si vous aimez commencer une séance par un grand boum, vous pouvez les placer au milieu d'un casse délicat et dangereux, ou au milieu d'une bataille qui va commencer. Une fois l'événement résolu, vous pouvez justifier pourquoi ils sont là.

Leçon n° 29 : finissez en beauté

Pour ceux qui connaissent l'histoire de Firefly, la série a eu un bref passage à la télévision avec 16 épisodes tournés mais seulement 13 diffusés. Comme vous pouvez le constater, j'ai estimé que la série valait bien plus que cela. Elle méritait certainement un bon final ; une opportunité donnée à très peu de séries télévisées.

La clôture d'une campagne de jeu de rôles est tout aussi importante que celle d'une série télévisée. C'est un geste de respect et cela permet à toutes les personnes impliquées de tourner la page. Vos joueur.euses et vous le méritez, et il est de votre ressort de le faire arriver. Clôturer les trames d’intrigues ouvertes procure une certaine satisfaction et permet d'éviter de faire durer une campagne plus longtemps qu'elle ne le devrait (levez la main si vous avez vu une grande série s'effondrer parce qu'elle n’avait pas su quand s'arrêter).

L’épisode final d'une campagne ne signifie pas que les PJ ne pourront plus jamais être utilisés, mais que l'histoire en cours est terminée. S'ils et elles se retrouvent à nouveau ensemble, ce sera pour un nouvel objectif, généralement séparé de la campagne achevée par le passage du temps et le développement des PJ en dehors du groupe.

Pour conclure

Les Meneurs et Meneuses de jeu peuvent apprendre beaucoup des formidables manières de raconter des histoires dans les différents médias tels que les films, les séries télé, les romans, les bandes dessinées, et bien plus encore.

La télévision est particulièrement appropriée grâce à sa nature épisodique et à sa dépendance aux genres et aux stéréotypes pour orienter rapidement le public. Apprendre de Firefly est un excellent moyen pour commencer à affiner vos techniques et à créer de meilleures campagnes pour vos joueurs, vos joueuses, et vous-même.

Je vous laisse avec une citation du créateur de Firefly, Joss Whedon :

« Vous prenez des gens, vous les envoyez dans une aventure, vous les mettez en danger et vous découvrez qui ils sont vraiment. S'il existe un meilleur type de fiction que ça, je n’en ai jamais entendu parler. »

Heureusement, pour ceux d'entre vous qui veulent profiter de Firefly et y puiser l’inspiration, comme moi, la série complète - y compris les trois épisodes non diffusés - est disponible en DVD [et en streaming maintenant (NdT)], dans l'ordre prévu de diffusion (très différent de l'ordre de diffusion réel). Je vous recommande vivement de vous la procurer. De plus, en juillet 2004, le casting original terminait la production du film Firefly appelé Serenity.

Firefly et tous les personnages associés sont protégés par copyright par Mutant Enemy Inc. et Fox Broadcasting Company.

Article original : All I REALLY need to know I learned from Firefly


Cette traduction est sponsorisée par notre Tipeur ElrikMelny - Merci de ton soutien, Elrik, tu es un chic Tip ! ;)

(1) NdT : Au passage, si Josh Weddon est rôliste, c’est probablement le JdR Traveller grog qui l’a inspiré, tant on sent de similitudes dans la proposition de jeu.[Retour]

(2) NdT : cette série d'articles vous indique comment « jouer » un personnage avec un handicap mental d’une manière respectueuse et sans tomber dans les clichés. [Retour]

 

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Commentaires

Super article. J'ai moi aussi flashé sur la série (et le film), je me suis procuré le jdr et ai eu la chance d'avoir une MJ qui nous a mené une campagne.

C'est clair que Serenity est une parfaite illustration pour les bons conseils de JdR. Merci d'avoir déniché et traduit cet article qui reste d'actualité !

Auteur : 
ElrikMelny

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