La création de personnage chez les enfants
© 2012 Uri Kurlianchik
Au cours des derniers mois, quelques personnes sympa, et une personne que je ne connais pas, mais qui doit sans doute être une personne sympa, ont demandé à avoir accès aux articles originaux de D&D Kids qui avaient été postés sur le site de Wizards Of the Coast à l’ère jurassique. J’aurais pu simplement reposter ces articles, mais j’ai décidé de faire mieux que ça : je vais les mettre à jour. Cela fait quelques années que j’ai écrit mes premiers articles sur les enfants et le jeu de rôle. Rétrospectivement, certains de ces conseils étaient loin d’être parfaits. En termes de geek, j’ai pris un niveau supplémentaire dans la vie, donc il n’y a pas de raisons pour que ces articles n’évoluent pas non plus.
Donc, sans plus de manières, le premier article de la série…
La création de personnage chez les enfants
Salut les gars, salut les filles (sans oublier de mentionner les parents, les professeurs et les bibliothécaires) !
[Le jeu de rôle] est une super activité pour les enfants. Ça encourage l’esprit d’équipe et la créativité, développe l’imagination, et stimule l’expression personnelle.
On peut s’en servir pour enseigner l’histoire, la mythologie, le folklore, et même la religion. Vous pouvez examiner des dilemmes moraux et éthiques grâce à Donjons & Dragons. Des sujets d’ordinaires ennuyeux deviennent bien plus excitants lorsqu’ils sont “expérimentés” via le jeu de rôle puisque les élèves sont impliqués à un niveau bien plus personnel. Bon sang, D&D aide même avec les mathématiques : “Vite, quel est ton bonus d’attaque avec ce pouvoir ?”.
Mais par-dessus tout… D&D est amusant !
Ce qui est moins amusant, du moins pour un Maître du Donjon inexpérimenté, c’est la transition entre le fait de jouer avec des amis adultes et de jouer avec des enfants. Au sommet de la liste des défis inhérents au fait de travailler avec les enfants – et n’importe quel professeur des écoles adorera disserter des heures sur ces défis – il y a le fait de se heurter à des règles et des concepts qui peuvent être trop complexes ou barbants pour de jeunes enfants. Et mon Dieu ce que j’ai pu galérer pendant ma première année !
Mais comme disait Nietzsche, “Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort”. J’ai appris de mes erreurs et développé des techniques pour faire la transition entre des mecs barbus et des écoliers malicieux, aussi harmonieusement que possible.
Et je suis là pour partager ces techniques avec vous – ainsi que quelques anecdotes et dessins venant des enfants à qui j’ai donné des cours.
L'un des aspects les moins amusants de jouer à D&D avec des enfants est la création de personnage, ou pour être plus précis, la compréhension du personnage. Je n’ai encore jamais vu de groupe qui comprenne rapidement comment les défenses sont calculées et utilisées. Il en va de même pour les scores de caractéristiques vs les modificateurs, les mécanismes de compétences et ainsi de suite (1). Ce n’est pas que les enfants ne sont pas capables de comprendre ces règles. C’est juste qu’ils sont bien plus impatients de commencer à tuer des monstres et à obtenir des superpouvoirs plutôt que de se concentrer sur des systèmes rasoirs.
Les conseils ci-dessous vont vous aider à travers ce processus sans mettre vos nerfs en pelote. En fait, vous pourriez même les apprécier tout en apprenant une ou deux choses sur le jeu de rôle auprès des esprits non formatés des enfants…
La race et la classe sont les deux premiers choix, et les plus importants, que doit faire un nouveau joueur. Je vous conseille d’écrire toutes les races et classes sur un tableau et de les décrire succinctement une à une avant que le jeu ne commence. Une fois que chaque enfant a choisi sa combinaison race/classe, expliquez-leur les traits de caractères en des termes les plus simples et clairs qui soient, tout en évitant les détails techniques autant que possible.
Par exemple, “les Eladrins sont des fées qui ressemblent à des elfes et qui peuvent se téléporter une fois par rencontre” est une description suffisante. Des descriptions plus longues induisent des bavardages dans les rangs, ce qui à son tour signifie du temps perdu en discipline pour des gamins qui s’ennuient ou s’énervent.
Distribuez les scores de caractéristiques en utilisant des nombres fixes. J’utilise généralement l’ensemble de valeurs plutôt hautes de 16/14/13/12/11/10 pour augmenter les chances de survie des personnages. Malheur à vous si vous utilisez les jets de dés aléatoires (à moins que vous n’aimiez le son d’enfants qui pleurent) ou l’allocation de points (à moins que vous ne souhaitiez créer intégralement dix personnages vous-même).
Assurez-vous d’expliquer quelle caractéristique est importante pour quelle classe, ou vous risquez de vous retrouver avec des enfants jouant des combattants très intelligents mais asthmatiques, ou des sorciers qui ont été acceptés à l’académie uniquement parce qu’ils étaient bons au foot.
Préparez-vous au fait que certains enfants n’aient pas envie d’être comme “tout le monde” et demanderont à jouer une race ou une classe non-standard. Des enfants ayant accès au Manuel des monstres demanderont toujours à jouer [le prince-démon] Orcus wiki. Les enfants n’ayant pas accès au Manuel des monstres inventeront souvent des races quasi-divines et démesurément puissantes avant de demander à les jouer.
Afin de traiter le problème, je vous recommande de vous disputer pendant un moment avec les enfants, et ensuite de “vous rendre” en les autorisant à jouer une race “spéciale” comme les shadar-kai [Fées d’ombre qui n’ont pas peur de mourir (NdT)] ou les minotaures (selon les Traits Raciaux de l’annexe à la fin du Manuel des Monstres].
Une autre approche, qui implique beaucoup plus de travail de la part du MD, est de demander aux enfants de dessiner et décrire le personnage qu’ils veulent jouer puis de définir – avec ou sans eux – des caractéristiques appropriées pour leurs créations. Vous serez surpris de découvrir à quel point les enfants peuvent être créatifs et originaux (et occasionnellement imprévisibles) !
Quoi qu’il en soit, commencez à jouer aussi rapidement que possible, et commencez avec panache ! Les enfants s’ennuient très rapidement et une fois que vous les avez perdus, il est très ardu de les remettre sur les rails. Les longues descriptions remplies de détails seront interrompues au bout de quelques secondes… mais nous en reparlerons plus tard. Pour le moment, attelons-nous aux particularités des personnages.
Traits raciaux et de classe
Écrivez ou dictez les traits raciaux et de classe et ensuite expliquez brièvement les effets de chacun des traits. Il n’y a pas énormément de traits aussi ça ne devrait pas prendre trop longtemps. Lorsque vient le moment de prendre une décision, conseillez ou définissez clairement les avantages de chacune des options – ne balancez pas un tas de termes inconnus aux gamins, car ils entreront par une oreille avant de sortir par l’autre.
Par exemple, voici comment je décrirais les traits de classe du sorcier :
Envoûtement : Expliquez ce pouvoir en premier car c’est à la fois le plus important pour le sorcier et parce que c’est nécessaire pour comprendre les avantages octroyés par le pacte occulte.
Au début de ton tour tu peux maudire un ennemi. Tes attaques font plus de dégâts aux ennemis maudits. Tu gagnes aussi des récompenses variées après les avoir vaincus, selon ton pacte.
Pacte occulte : Tu choisis d’où tu tiens tes pouvoirs :
- Pacte féerique : Tes pouvoirs viennent de la nature. Les créatures féeriques te transportent sur une petite distance chaque fois que tu tues un ennemi que tu as maudit.
- Pacte infernal : Tes pouvoirs viennent des Enfers (vous pourriez explicitement préciser que c’est l’Hadès [les enfers grecs], le Valhalla ou même l’enfer [chrétien] en fonction de l’âge des enfants et des circonstances – après tout, vous n’avez pas envie que leurs parents soient gênés par le jeu ou n’importe lequel de ses concepts). Tu reçois un petit peu de points de vie chaque fois que tu tues un ennemi que tu as maudit.
- Pacte stellaire : Tes pouvoirs viennent des extraterrestres (il s’agit d’une dérive du Manuel des joueurs, mais les gosses sont surexcités avec ça…). Chaque fois que tu tues un ennemi que tu as maudit, les aliens te révèlent un petit morceau du futur, te donnant un petit bonus à ton prochain jet de dés.
Tir de proximité : Vous pouvez sauter celui-là, parce que les gamins ont peu de raisons de l’utiliser. Si vous vous en servez, lisez juste ce qui est dans le manuel, parce que la description est déjà assez simple et courte.
Déplacement enténébré : Seul un gamin sur dix utilisera cette aptitude pendant la partie. Ce qui peut vouloir dire que l’expliquer n’est pas rentable. Cela étant dit : Si tu te déplaces de trois cases ou plus, tu seras caché dans les ténèbres jusqu’à ton prochain tour. Mais n’oublie pas – être dissimulé veut dire qu’il est plus difficile de te voir et de t’attaquer, pas que tu es invisible.
Compétences
Les noms de compétences sont relativement descriptifs, alors laisser les enfants choisir par eux-mêmes ne devrait pas être un problème. Les compétences ci-dessous devront probablement être clarifiées avant leur sélection pour éviter de futures disputes ou déceptions.
- Arcanes : Connaissance de la magie et des êtres magiques. Ne donne aucun pouvoir magique.
- Exploration [de donjons] : Survie et orientation dans un environnement souterrain. Ne donne pas de pouvoirs liés à l’architecture, à l’excavation, à la réalisation de pièges ou à la détection.
- Soins : Traiter les maladies et stopper les hémorragies mortelles. Ne donne pas la capacité de rendre des points de vie aux personnages.
Je vous conseille d’utiliser les compétences aussi tôt que possible pour une seule et bonne raison : les enfants adorent lancer les dés. Ils lanceront souvent leurs dés au moment même de l’annonce de leur tour sans même prendre la peine de vous dire ce qu’ils font. Bon sang, même quand ce n’est pas leur tour, ils seront constamment en train de lancer les dés, vous annonçant joyeusement chaque 20 et chouinant à chaque 1.
Assurez-vous d’effectuer autant de tests de compétences que possible pour satisfaire leur soif de dés. Lorsque vous effectuez des tests de compétences, n’annoncez pas uniquement le nombre de succès devant être réalisé dans chaque compétence. Au lieu de cela, lancez un débat de groupe et donnez à chaque enfant la possibilité de vous convaincre de l’utilité d’une compétence en particulier. Les tests de compétences devraient donner à chacun une occasion de briller. Encouragez la créativité, mais ne vous laissez pas emporter par toutes les folles propositions qui laissent un personnage utiliser une compétence n’ayant aucun lien avec l’action, juste parce qu’il a un bonus élevé.
La preuve par l'exemple
Un enfant a demandé à utiliser Histoire dans un test de compétences pour sortir d’un puits profond, argumentant qu’il pourrait peut-être savoir quelque chose sur le puits, qui aiderait le groupe à le quitter. J’ai fait l’éloge de son originalité. Un autre gamin m’a demandé s’il pouvait utiliser la Diplomatie pour essayer de convaincre le puits de les recracher…
Les pouvoirs d’attaque
J’ai réalisé que la meilleure manière de gérer les pouvoirs est d’attendre que les enfants commencent un combat avant d’introduire ceux d’attaque. Soudain, choisir les pouvoirs n’a plus rien à voir avec l’écoute d’informations ennuyeuses qu’ils ne comprennent que partiellement et se coltiner des listes fastidieuses. C’est une question de vie ou de mort !
Au début du tour de chaque enfant, ouvrez le livre à la page appropriée, expliquez, très brièvement, les avantages et inconvénients de chacun des pouvoirs d’attaque [activables] à volonté et laissez ensuite le joueur choisir celui qu’il souhaiterait utiliser sur le moment. À mesure que les choses deviennent plus difficiles, il faudra faire la même chose avec les pouvoirs d’attaque de rencontre et quotidiens.
La preuve par l'exemple
Quand un enfant jouant un combattant est en train de choisir son premier pouvoir quotidien, demandez-lui s’il préfère infliger trois fois plus de dégâts en un seul coup (Attaque brutale), le double de dommages et se soigner (Frappe revigorante), ou alors doubler les dommages maintenant et un peu plus à chaque attaque ultérieure (Sus à l’ennemi). Une fois qu’il a choisi son pouvoir, décrivez-le comme une soudaine explosion de colère et d’héroïsme désespéré face à une adversité écrasante, quelque chose qui marque sa transformation de simple soldat au héros destiné aux plus grandes choses. Ce n’est plus juste une simple attaque. C’est un véritable moment charnière dans sa vie.
Et pendant que nous parlons de combat, assurez-vous d’expliquer aux enfants que partir à l’aventure est une carrière très dangereuse et que certains personnages mourront au cours de leur campagne. Pas forcément parce qu’ils auront fait quelque chose de mal, mais parce qu’ils seront au mauvais endroit, au mauvais moment. C’est la vie. Quand un personnage meurt effectivement, présentez ce moment comme une nouvelle opportunité excitante d’expérimenter de nouvelles classes et races, pas comme un échec. J’aime aussi récompenser les joueurs dont les personnages se sont noblement sacrifiés pour le bien commun ou dont le personnage est mort de manière impressionnante et dramatique. Bien que cette façon de faire contribue à donner aux rencontres un côté mémorable et cinématographique, elle devrait être utilisée avec parcimonie car elle encourage un fatalisme lugubre qui n’est pas approprié pour tous les groupes.
Les enfants très jeunes (7/8 ans) ont plus tendance à s’attrister ou s’énerver du fait de la mort fortuite d’un personnage. Il vaut mieux que leurs personnages s’évanouissent simplement.
Talents
Mon conseil est le suivant : abstenez-vous. Le temps qu’il faudra aux enfants pour parcourir la liste des talents et le nombre de questions qui seront posées rendent le procédé plus fatiguant qu’il ne le mérite. Ils pourront très bien dépasser le niveau 1 sans aucun talent, les compétences et les pouvoirs offrant suffisamment d’options de personnalisation pour rendre chaque personnage unique.
Si vous devez utiliser les Talents, il vaut mieux que vous leur en donniez deux lorsqu’ils atteignent le niveau 2. Pour simplifier et fluidifier le processus de choix, je vous recommande de préparer des listes simplifiées qui correspondent aux classe, race, caractéristiques et style de jeu de chaque enfant. De cette manière vous réduirez le choix de plus de 80 talents, à moins de 20. Il est aussi possible d’attribuer des talents en fonction des exploits personnels et du style de jeu (pensez à Visionaries wiki – Les Chevaliers de la lueur magique, la vieille série animée). Les enfants plus âgés (9 ans et plus) ressentiront peut-être cette légère perte de leur liberté de choix, et devraient avoir au minimum 2/3 options.
L’équipement
Premièrement, même si cela peut paraître évident à vos yeux, expliquez quand même aux enfants que la partie se déroule dans un univers médiéval (bien que magique) et que les objets qu’ils transportent doivent correspondre à cette époque d’un point de vue technologique. Si vous ne le précisez pas, la moitié des enfants commencera la partie avec des fusils-mitrailleurs, l’autre moitié commençant avec des smartphones de dernière génération.
Il y a deux stratégies de base dans la sélection de l’équipement, que je trouve être les plus efficaces et amusantes.
De la misère à la richesse
Faites commencer le groupe sans rien d’autre que des couteaux et des gourdins, mais soyez généreux avec les trésors pendant les premières rencontres. Même si les joueurs n’auront pas l’équipement de leurs rêves, chaque objet aura ce petit quelque chose de spécial car il sera associé au dur labeur et à la victoire.
Une vision plus extrême de cette stratégie est de faire commencer les personnages dans un état d’extrême pauvreté, peut-être même de famine. J’utilise généralement une de ces accroches :
- A. Les personnages sont des prisonniers qui doivent s’échapper d’une prison sans rien d’autre que leurs vêtements et n’ont aucun souvenir de la manière dont ils sont arrivés ici.
- B. Les personnages commencent la partie indigents et flirtent avec la noblesse grâce à un mécène généreux, une damoiselle en détresse ou une chance de déjouer une conspiration contre la ville, dont ils sont les seuls à avoir conscience.
Les 20 questions
Choisissez l’équipement des enfants après une série de questions ayant pour but de déterminer quels objets correspondront le mieux à leurs besoins.
La preuve par l'exemple
Les questions suivantes pourraient servir à aider un enfant jouant un guerrier à choisir l’arme qui s’adapte le mieux à son style de jeu :
“Que préfères-tu : une arme à une main qui te laisse l’autre main libre pour porter un bouclier, ou une arme à deux mains qui fait plus de dégâts mais qui te laisse vulnérable aux attaques ?
– À deux mains.
– Cool. Qu’est-ce qui t’importe le plus, la précision ou les dégâts ?
– Les dégâts.
– Est-ce que les dégâts sont la chose la plus importante pour toi, ou tu veux aussi atteindre les ennemis éloignés avec ton arme ?
– Les dégâts ! Je veux réduire mes ennemis en bouillie !
– Très bien. Tu devrais donc avoir une hache de guerre. C’est l’arme parfaite pour un sauvage comme toi !”
La même méthode peut être appliquée aux armures (“Vitesse ou sécurité ?”). Dictez simplement aux joueurs le matériel d’aventure et les autres objets classiques – comme les livres de sorts pour les sorciers ou les outils du voleur – sans trop de discussion ; personne ne dit jamais non à de l’équipement gratuit.
J’aime donner la possibilité aux enfants de proposer des objets loufoques en plus de leur équipement de base. Les enfants ont inventé des objets sympa, comme un violon pour hypnotiser les serpents, un faux badge de garde de la cité, ou un sac avec la première crotte du héros qui tuera n’importe qui s’il est ouvert (bon, peut-être pas la dernière, mais vous devez admettre qu’elle est plutôt drôle.)
Notez que si vous leur donnez du matériel gratuit, certains enfants rempliront leur inventaire, écriront sur les bords de la page, la retourneront et écriront aussi au verso. Limitez le nombre “d’objets gratuits” et parcourez la liste avec attention, ou vous serez surpris de découvrir qu’un enfant a un sabre laser, tandis qu’un autre a une échelle de cinq kilomètres de haut.
Finalement, bien qu’il ne s’agisse pas d’équipement au sens strict du terme, je vous recommande de profiter de cette étape pour donner à chaque personnage-joueur un animal de compagnie. Les enfants adorent les animaux de compagnie. Vous devriez les adorer aussi parce qu’ils donnent d’excellentes opportunités pour le roleplay, peuvent sauver le groupe dans une situation a priori désespérée, et ajouter de la variété ainsi qu’une chance de faire des blagounettes pendant votre partie (quelqu’un a entendu parler de chats passifs-agressifs ?).
Le prologue
Donjons et Dragons est un jeu de rôle. La narration et les choix moraux ont autant, si ce n’est plus, d’importance que de tuer des monstres et gagner des niveaux. Pour aider les enfants à commencer sur la bonne voie, j’aime finir la création de personnages avec un processus que j’appelle “le prologue” (ou “l’intro” pour la génération jeux vidéo).
Expliquez que la classe n’est pas un travail ou une personnalité, mais plutôt un ensemble de compétences de jeu. Par exemple, un guerrier est simplement quelqu’un qui sait se servir d’une arme et d’une armure ainsi qu’encaisser les coups. Certains guerriers sont de droits champions au service d’un roi, tandis que d’autres sont des tueurs sanguinaires qui vivent dans les terres sauvages et abusent des plus faibles. D’autres encore sont des soldats, des mercenaires, des maîtres d’escrime, ou même des jardiniers qui ont dû apprendre à se battre à cause des aléas de la vie. La même chose pourrait être dite pour les sorciers ou n’importe quelle autre classe du Livre du Joueur.
Demandez à chaque enfant de décrire son personnage en quelques mots. Ce sont les concepts du personnage. Encouragez-les à créer des concepts intéressants en les récompensant avec des compétences ou des capacités spéciales mineures. Par exemple, le rôdeur d’un enfant était un dresseur de puces professionnel dans un cirque ; je lui ai donné le pouvoir de rendre très “démangeante” la vie de ses ennemis. Un autre enfant jouait un paladin, l’unique survivant d’une bataille épique, à la recherche d’une noble mort ; je l’ai “récompensé” en faisant en sorte que la Mort le snobe à chaque fois…
Une fois que tout le monde a choisi son concept, écrivez-les sur le tableau et procédez à l’étape suivante : le concept du groupe.
Demandez au groupe de faire des suggestions sur la raison qui les a réunis (une cellule rebelle se battant contre un tyran, une unité militaire d’élite, des citoyens préoccupés par l’écologie, etc.). Après avoir réuni cinq ou six idées, écrivez-les sur le tableau et faites voter le groupe pour son concept préféré.
Cela a deux intérêts : premièrement, cela donne aux enfants un but, et les aide à prendre des décisions raisonnables au cours de leur carrière d’aventurier, en ayant leur concept pour boussole morale et modus operandi.
Deuxièmement, cela vous aide à choisir un décor et un style de jeu qui correspond plus aux intérêts particuliers et aux besoins du groupe.
La preuve par l'exemple
Un groupe a décidé qu’ils étaient des esprits revenus de l’au-delà afin d’exercer une terrible vengeance sur les nobles qui s’étaient servis d’eux avant de les tuer d’une manière particulièrement atroce. Il était clair qu’ils cherchaient des aventures sombres et violentes. La longue liste qu’ils m’ont donnée à la séance suivante a confirmé cette impression, et m’a aidé à préparer des rencontres appropriées pour eux.
Un autre groupe d’enfants a décidé qu’un puissant sorcier nommé Le Boss de Guerre (oui, Le Boss de Guerre) les avait choisi pour sauver l’écologie de leur monde mourant. Ce groupe était plus intéressé par la narration et le roleplay. Ils ont adoré visiter des endroits fantastiques, reconstituer l’horrible histoire de leur monde et récupérer tout ce qu’il fallait, artefacts ou connaissance, pour faire fleurir un désert. J’ai donc apporté une grande carte de la région de Tyr (de Dark Sun), l’ai étalée sur la table et leur ai raconté les étranges rumeurs qu’ils avaient entendues sur chaque endroit. Puis, je leur ai tendu la carte et leur ai dit “C’est votre monde. Il est mourant. Que pouvez-vous faire pour le sauver ?”
Une dernière chose…
Une ardoise effaçable à sec. Ce cliché d’école est tellement pratique lorsqu’il s’agit de mener une partie avec des enfants, qu’il peut presque être considéré comme indispensable. À moins que vous ne meniez un jeu d’ambiance au bord d’un feu de bois ou quelque chose de la sorte, assurez-vous d’avoir à portée de main une ardoise et des marqueurs de différentes couleurs. Cela rend toutes les explications bien plus faciles, les séquences de combat bien mieux organisées qu’avec des figurines (elles sont bien trop tentantes pour qu’on les laisse tranquilles) et instille une ambiance bien plus sérieuse et scolaire chez les enfants.
Article original : Character Generation
(1) NdT : Écrivant sur le site de Wizards, Uri ne pouvait parler que de D&D. Toutefois, il existe des jeux de rôles aux mécanismes plus simples ptgptb, donc plus à la portée des enfants, où l’on apprend à maîtriser en jouant. [Retour]
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