Sans préparation : Six bases d’une aventure

La semaine dernière, j’ai proposé sept secrets et demi sur l’art de créer avec succès des “aventures à la volée” ptgptb, avec peu ou pas de préparation. Le quatrième “secret” (tout le monde le connaît maintenant, même si ce n’était pas le cas avant !) était incomplet, présenté seulement en résumé, car je savais qu’il allait falloir plus de place et de texte pour détailler ce que j’avais sur ce sujet.

Pour rafraîchir vos souvenirs, le troisième secret proposait une liste standard de composants d’intrigues, couvrant tout depuis le cadre où l’action se déroule jusqu’à l’antagoniste/l’ennemi, chacun de ces composants devant être complété avec un contenu précis lors de l’élaboration de l’intrigue improvisée. Le quatrième secret concernait le point de départ pour remplir cette liste d’éléments narratifs, le centre autour duquel le reste d’une histoire pouvait être construit, et proposait une liste de six sources pour l’idée centrale :

  • Une idée d’intrigue : en règle générale, un ensemble de circonstances – ou un problème – qui viendra compliquer la vie des PJ
  • Une idée de personnage : un aspect d’un ou plusieurs PJ ou PNJ non hostiles, pouvant être relié à un antagoniste
  • Une idée d’ennemi : une suggestion cool ou intéressante pour un nouvel antagoniste, ou une nouvelle manière d’utiliser ou développer l’histoire d’un antagoniste existant
  • Une idée de lieu : une carte, une image ou une description inspirant un scénario
  • Une idée extérieure : voler une idée dans quelque chose que j’ai lu, vu ou entendu
  • Les actions des PJ : quand les PJ veulent accomplir quelque chose de précis, je me passerai parfois d’une intrigue fixe et les laisserai interagir avec le monde de la campagne, trouvant des antagonistes et des complications sur le coup.

Cette semaine, je vais combler les blancs dans l’article en examinant chacune de ces propositions. Alors, si tout le monde s’est remis à jour, c’est parti…

“Où trouvez-vous vos idées ?”

Une des questions que l’on pose à tous les écrivains est “Où trouvez-vous vos idées ?”. C’est aussi une question qu’un MJ pose parfois à un autre, surtout si leur différence de niveau d’expérience derrière l’écran de jeu est notable.

Cette question peut être agaçante, parce que peu d’écrivains peuvent donner une réponse satisfaisante, et certains de ceux qui le pourraient sont si énervés de l’entendre pour la dix millième fois qu’ils ne le font pas. J’ai entendu toutes les réponses, de “J’imagine juste un truc” à “Je pourrais te le dire, mais alors, il faudrait que je te tue”, ni l’une ni l’autre n’aidant beaucoup.

J’ai aussi entendu des auteurs et autrices qui tentent de répondre honnêtement à la question à chaque fois, peut-être en se souvenant de leur jeunesse, lorsqu’ils se confrontaient au même problème et posaient cette question à leurs idoles littéraires lors de conventions et événements du même genre.

Une des meilleures réponses que j’aie jamais entendues est celle-ci : “Je couche par écrit l’idée la plus ridicule à laquelle je puisse penser, puis commence à essayer de la rendre plausible. L’idée elle-même est perdue et remplacée au cours des réécritures, et il ne reste que la plausibilité.” (J’aimerais pouvoir identifier l’auteur de la citation, mais je ne me souviens plus de qui a dit ça !).

Le but de cet article est d’expliquer où je trouvais mes idées lorsque j’improvisais des aventures à la volée, et où (dans une certaine mesure) je continue à les trouver, encore aujourd’hui.

1. Une idée d’intrigue sans préparation

Le fait que je parle d’idées d’intrigue sans préparation requise impose des contraintes supplémentaires : en particulier, le fait qu’il n’y ait pas de temps pour effectuer des recherches sur les idées. Si des connaissances particulières sont requises, je dois les apporter avec moi à la table, comme informations que je possède déjà.

Cela implique que plus un MJ est cultivé et plus il lui est facile d’improviser des aventures à la volée. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je considère ce raisonnement comme complètement valide : non seulement le MJ a davantage de ressources où puiser lorsqu’il étoffe ses intrigues, mais il a aussi un ensemble plus vaste d’idées dont tirer parti. J’ai donné une liste très restreinte de sources influentes, à la fois écrites et audiovisuelles, sous le titre A Medley of Inspiring Media (“Un pot-pourri de sources d’inspiration”), et je ne vais donc pas développer davantage cet aspect des choses maintenant, mais j’estime avoir lu plus de 5000 volumes de fiction, plus de 2000 ouvrages non-fictionnels, et deux ou trois cents compilations d’anecdotes qui tiennent un peu des deux. C’est sans compter à peu près 300 livres rôlistes, papier ou ebooks. Ajoutez à ça une collection de plusieurs centaines de DVD, et une collection de vidéos plus grande encore. Tout cela est du grain à moudre lorsqu’il s’agit de concevoir des scénarios.

Le défi du journal

Comprenez que je ne sous-entends pas que tout ce niveau de culture est nécessaire pour improviser des intrigues. Si vous avez besoin de vous convaincre que vous avez assez d’expérience pour le faire, essayez la chose suivante :

  1. Récupérez une copie de votre quotidien préféré.
  2. Parcourez-le, un article à la fois, une page à la fois – et n’oubliez pas les publicités !
  3. Avec un stylo bleu, ajoutez une astérisque devant chaque titre ou paragraphe que vous pouvez transformer en scénario ou en élément d’intrigue pour le jeu de rôle auquel vous jouez en ce moment.
  4. Comptez les astérisques.
  5. Puisez votre courage dans tout ça.

Cet exercice produira habituellement plus d’une centaine de pistes pour une campagne moderne, et plus d’une cinquantaine pour une campagne de fantasy. Vraiment.

Certaines des idées d’intrigues seront stupides, d’autres mièvres ou sans intérêt ; ce n’est pas grave. Le but de l’exercice est de démontrer combien d’idées sont là, dehors, prêtes à vous tomber toutes rôties dans la bouche ; et une fois que vous avez une idée, son exécution est une question de technique et d’expérience.

Il se trouve justement que j’ai un journal à portée de main. Voici ce que je peux extraire des seules dix premières pages :

  • “Le suspect dans une affaire de hold-up au faux collier de bombes a été repéré grâce à ses e-mails.” Cela donne une trame évidente, directement tirée des gros titres.
  • “Un parti politique est dans la tourmente après avoir prêté une somme à un député afin qu’il évite la faillite, sans que celui-ci révèle la transaction.”
  • “Le projet d’une compagnie aérienne de supprimer mille emplois a été critiqué de toutes parts, certains craignant que jusqu’à cinq mille emplois supplémentaires puissent disparaître.” Dans ma tête, je n’arrête pas de faire le lien entre ça et le film Wall Street, rediffusé à la télévision la semaine dernière – un film sur le prix de la Cupidité.
  • “Des hommes et femmes politiques se sont vu accorder une augmentation de leurs indemnités de mille cinq cents dollars par an, équivalant à plus du double du taux d’inflation”.
  • “Une chaîne de télévision envisage de ressusciter des émissions à succès des années 70 et 80 pour tenter de donner un coup de fouet à sa rentabilité”, ce qui suggère la possibilité d’une trame à base de voyages temporels où la mode, la culture et la société commencent à régresser.
  • “Une chaussure a été trouvée dans le cadre de la recherche du corps d’un adolescent disparu depuis 2003”. Cela sonne comme le point de départ d’une intrigue policière avec un mystère à résoudre.
  • Une compagnie de téléphones portables promet des “sms illimités”, suggérant un message de l’espace de longueur infinie.
  • Il y a une publicité pour la compagnie aérienne supprimant des emplois, qui suggère qu’ils veulent passer d’une entreprise de transport classique à un service haut-de-gamme pour les riches et les hommes et femmes d’affaires nanties. Cela évoque une intrigue tournant autour d’une tendance à la ségrégation sociale, empêchant les gens ordinaires de voyager dans d’autres pays sans rogner sur la sécurité et/ou la qualité du voyage : une forme de protectionnisme pour l’industrie touristique.
  • Il y a un article sur un gorille au dos argenté ayant reçu des fleurs comme cadeau d’anniversaire de la part d’un zoo safari en Angleterre. Alors, pourquoi pas un gorille s’échappant d’un zoo ou d’un autre endroit protégé pour obtenir des fleurs ? Peut-être un scénario inspiré de King Kong ?
  • Un tribunal a jugé que le nom d’un donneur de sperme pouvait être enlevé du certificat de naissance de sa fille. En traitant ça comme une tendance et en projetant celle-ci dans le futur, cela donne une histoire où toutes les informations présentes sur un certificat de naissance ne sont disponibles que si le besoin de les connaître est établi, ce qui impacterait la société de plusieurs manières. Transposez la culture qui en résulterait dans une société extraterrestre.
  • Les publicités de l’été ont démarré pour une importante chaîne de magasins même si (officiellement) nous sommes toujours au milieu de l’hiver, ici dans l’hémisphère sud. Peut-être une intrigue autour d’une canicule sans précédent ?

Le Défi de la vie quotidienne

Toujours pas convaincu ? Essayez ça :

  1. Pendant toute une journée, à chaque fois que vous voyez ou entendez quelque chose, demandez-vous si vous pouvez ou non l’utiliser dans un scénario.
  2. Si la réponse est “oui”, faites une marque dans votre carnet.
  3. Comptez le total à la fin de la journée.
  4. Soyez stupéfait de la vitesse à laquelle les marques se sont accumulées.

En ne tenant compte que des moments les plus notables de mon mercredi, voici une simple fraction des idées d’intrigues :

  • J’ai pris une douche chaude. Idée : une ville où il pleut chaque jour au moins pendant une partie de la journée, depuis un siècle.
  • Je me suis retrouvé à court de jus d’orange au petit déjeuner. Idée : une pénurie agricole non naturelle.
  • J’ai écouté un mp3. Idée : un démagogue excitant le peuple organise une manifestation très véhémente.
  • J’ai écouté un mp3. Idée : un homme politique louche a été pris la main dans le sac.
  • J’ai acheté un journal. Idée : quelqu’un insère des messages codés dans les informations quotidiennes.
  • J’ai marqué plusieurs articles d’un journal. Idée : quelqu’un a compilé une quantité de coupures de journaux apparemment sans lien entre elles.
  • J’ai lu quelques pages d’un livre. Idée : un justicier emploie la torture, façon Inquisition espagnole, pour amener des gens ordinaires à avouer des fautes sans importance.
  • J’ai roulé et fumé une cigarette. Idée : des cheminées géantes relâchant un polluant industriel engendrant une addiction, dans le but de créer un marché pour un nouveau produit alimentaire. Les gens ne savent pas pourquoi, mais qu’est-ce qu’ils l’aiment !
  • Un de mes DVD a accroché mon regard. Idée : un chasseur de fantômes et célèbre cynique est, sans le savoir, l’hôte d’une entité démoniaque.
  • J’ai pris une tasse de café. Idée : au fond de la mer, il fait totalement noir, aussi noir que dans ma tasse de café. Maintenant ajoutez l’idée de la Magie sympathique.
  • J’ai localisé un lien (celui de l’article ci-dessus sur la magie sympathique). Idée : il existe une Loi de Symétrie de la magie.
  • J’ai travaillé sur cet article. Idée : un écrivain décide de faire des PJ les personnages de son prochain roman.
  • J’ai vu une publicité à la télé. Idée : un visiteur venant d’une dimension où les chimpanzés ont atteint un niveau supérieur de civilisation, prend mentalement le contrôle des pensionnaires d’un zoo.
  • J’ai regardé une série télé. Idée : quelqu’un remplace les bras et les jambes de gens sans qu’ils le sachent par des membres artificiels, leur nature n’apparaissant qu’aux rayons X.
  • J’ai vu une publicité à la télé. Une nouvelle marque de voiture contient un lien satellitaire vers un ordinateur central, en théorie pour être utilisé comme technique antivol et pour contrôler l’état de la voiture et ses besoins de réparations. En fait, il permet de prendre le contrôle du véhicule à distance, en faisant une parfaite arme de crime. NB : Cela requiert que tous les fabricants achètent les licences correspondantes, et peut-être que la technologie soit gérée par une organisation automobile bipartite.
  • J’ai vu une publicité. Un marchand de fruits à l’allure furtive aime donner l’impression qu’il connaît un secret.
  • J’ai écouté un mp3. Idée : une statue de créature cthulhuesque s’anime la nuit venue.
  • J’ai écouté un mp3. Idée : un PJ masculin se découvre inexplicablement irrésistible pour les femmes. Il apprécie ce nouvel état jusqu’à ce qu’elles commencent à utiliser des armes pour éliminer la concurrence, pénètrent par effraction chez lui, etc.
  • J’ai lu quelques autres pages du livre. Idée : les PJ doivent s’assurer qu’un colis particulier arrive à destination, malgré tout ce qui pourrait tourner mal en faisant cela.

Multipliez cette liste par dix ou plus pour une journée typique. Combien de publicités voyez-vous au cours d’une journée ? Si vous pouvez tirer un seul personnage intéressant ou une seule idée d’intrigue d’une publicité sur dix, cela fera trois ou quatre par jour pour cette seule ressource. Même en laissant tomber tout ce qui ne peut pas être intégré à une seule et même trame globale suffisamment séduisante, il est facile de voir que les opportunités pour créer des intrigues abondent tout autour de nous. Par le passé, j’ai trouvé et utilisé des idées à partir de feux de signalisation, panneaux publicitaires, casse-croûtes, distributeur d’en-cas, d’une tasse de café et même de la disposition des ingrédients sur une pizza (une combinaison étagée de plates-formes flottantes) !

Mettre en œuvre l’intrigue

Si vous travaillez à partir d’une idée d’intrigue isolée, la première chose à faire est de trouver une manière de la relier au reste de la campagne, autrement dit à un PJ. Ce lien peut être direct ou indirect. “Direct”, dans ce contexte, signifie que, quelle que soit l’idée du scénario, les choses arriveront directement au(x) PJ. “Indirect” signifie qu’elles arriveront à un des PNJ importants pour le PJ concerné.

D’une manière ou d’une autre, le but est de faire en sorte que les événements comptent pour le PJ. Pour qui croyez-vous que Peter Parker alias Spiderman s’inquiétera le plus : un étranger quelconque ou bien Tante May wiki ? Il n’y a pas besoin de passer en revue beaucoup d’épisodes de l’improbable existence de cette dernière pour découvrir la réponse (si jamais vous aviez un doute) !

S’il n’y a pas de PNJ adéquat, ou si impliquer Tante May ou son équivalent devient un cliché usé, alors les événements devraient concerner un inconnu, ce qui permettra d’introduire un nouveau PNJ récurrent.

2. Une idée autour d’un personnage

Certaines des meilleures idées de scénarios proviennent directement des PJ eux-mêmes. Il est bien plus facile de faire cela avec Champions grog/le système Hero grog, où une partie de la construction du personnage demande explicitement d’associer à celui-ci des partenaires récurrents (supporting cast), ainsi qu’une série de “sujets sensibles” qui importent pour lui ; mais on peut faire cela avec n’importe quel jeu ou genre.

Ces liens peuvent typiquement être divisés en trois catégories : le monolien, le lien binaire et le lien ternaire.

Les idées d’intrigues à monolien fonctionnent avec des liens “à une place”. Si un personnage est animé par la volonté de “protéger les orphelins”, alors tout ce dont vous avez besoin pour connecter le PJ à ce qui se passe est une intrigue mettant un ou plusieurs orphelins en danger. Un antagoniste faible ayant perdu très tôt ses parents a un lien “à une place” avec un tel PJ.

Les liens binaires prennent deux éléments d’un PJ ou plus et les mettent en opposition, comme par exemple “Protecteur des orphelins” et un allié faisant quelque chose les mettant en danger. Quand un seul personnage a cette double connexion, cela produit un conflit interne ; quand les connexions appartiennent à deux personnages différents, cela déclenche un conflit entre eux. Les deux sont tout à fait adéquats.

Le lien ternaire prend trois éléments ou plus chez au moins deux PJ et les relie via l’intrigue. Un allié d’un PJ a une liaison amoureuse avec une alliée d’un autre PJ, suscitant la colère d’un troisième, qui croit au caractère sacré du mariage, par exemple. Un personnage a pour adversaire suprême le meilleur ami d’un autre, pendant qu’un troisième a “loyal envers ses amis” comme limitation psychique ; cela peut servir de “corde” que chacun tire de son côté. Parfois, cela peut être délicat à faire tenir et sembler peu plausible, mais lorsque vous parvenez à faire fonctionner une trame de ce type, elles peuvent compter parmi les plus réussies.

Une destination en vue

Vous ne pouvez jamais faire appel à ce type d’intrigue sans une vision à terme. Vous êtes en train de modifier la décoration du bocal à poisson rouge personnel des PJ : il vous faut donc :

Première stratégie : une manière de faire revenir les relations à leurs conditions initiales à la fin de l’histoire,

ou alors

Deuxième stratégie : une intrigue subordonnée visant à rétablir ces liens endommagés par le résultat du conflit.

Un exemple de la première stratégie : un proche du PJ, qui n’est pas encore apparu dans la campagne, se pointe et commence à se comporter étrangement. Au même moment, on prévient le PJ qu’un nouveau super-assassin arrive en ville avec pour cible un personnage public. Les circonstances amènent les PJ à suspecter que les deux événements sont liés, et que le super-assassin est le proche du PJ. Lors du crescendo, on découvre que ce n’est pas le cas : il s’agit en fait de sa petite amie.

Un exemple de la seconde stratégie : un allié d’un PJ, motivé par l’avarice, est un marchand de sommeil, ce qui le fait entrer en conflit avec un autre PJ protecteur des opprimés (ou quelque chose de ce genre). Si vous balancez une telle intrigue aux PJ, vous avez également besoin d’une trame subséquente où le PNJ fait quelque chose justifiant la relation qu’il entretient avec le premier PJ. Peut-être que tout en étant cupide, il protège les enfants, les malades ou quelque chose comme ça. Il vous faut réhabiliter partiellement l’image du PNJ que vous avez dépeint comme un individu mauvais, afin de justifier le lien entre lui et le personnage initial, sauf, bien sûr, s’il est un parent du PJ (en suivant la théorie selon laquelle on choisit ses amis mais pas sa famille, vous pouvez vous en prendre à lui).

Déployer la toile

Une intrigue impliquant deux ou trois PJ est largement suffisante, sauf si vous avez quatre joueurs ou plus dans votre groupe, ce qui est souvent le cas. Quand cela se produit, vous devez élargir la trame pour y inclure tout le groupe (c’est parfois faisable, parfois non), ou bien trouver une intrigue secondaire parallèle mettant en jeu les autres PJ, afin d’éviter qu’ils se tournent les pouces. Il n’y a vraiment pas d’autre option.

En théorie, impliquer un PJ ou plus mobilise tout le groupe de joueurs et de joueuses, simplement par le biais des liens d’amitié ou des alliances, mais en pratique, cela ne semble jamais marcher ainsi.

La meilleure méthode pour étendre l’intrigue est de regarder les ramifications de ce que vous avez déjà. Si deux PJ sont accaparés par l’élucidation de la trame principale, cela signifie qu’ils ne sont pas disponibles dans la fiction pendant au moins une partie du temps, et que les autres PJ devront se débrouiller sans eux. De cette manière, l’intrigue initiale peut déborder sur les autres PJ, même si le problème central ne les touche pas directement. L’absence des personnages principalement occupés par l’intrigue est le meilleur endroit pour en démarrer une autre pour le reste de l’équipe.

Ajouter une intrigue B

L’autre option est d’ajouter une intrigue B. Babylon 5 wiki utilisait cette technique presque tout le temps : chaque épisode reposait sur une intrigue principale (la trame A) centrée sur deux ou trois personnages, pendant qu’une trame B se déroulait parallèlement à la A, afin de donner aux autres personnages quelque chose à faire. Dans de rares cas, il fallait aussi ajouter une trame C : la plupart du temps, ce n’était rien de plus qu’une intrigue subordonnée, qui ne connaîtrait son plein développement que lors d’un épisode ultérieur.

Dans les meilleurs exemples, les deux trames interagissent, se complétant et se compliquant l’une l’autre : parfois l’intrigue B devient plus entraînante et importante que l’autre. Mais cela ne fait rien : il est plus important que vos joueurs soient impliqués dans la partie, que de savoir quelle histoire est au cœur d’une session donnée.

3. Une idée d’antagoniste

Une excellente idée d’antagoniste peut servir de tremplin à toute une série d’aventures. Ou elle peut tomber complètement à plat. Malheureusement, vous ne pouvez jamais savoir de quel côté la balance va pencher lorsque vous introduisez un nouvel adversaire ; parfois ça marche, parfois non.

Un des personnages les plus intéressants que j’aie créés ces dernières années était “Monsieur Murmure”, un vampire qui travaillait comme homme de main d’élite pour la Mafia. Les avantages possédés par une telle créature (la capacité de se transformer en brume ou en chien, le pouvoir de voler, la force et la capacité de récupération surnaturelles et l’immunité aux blessures par balles) le rendaient tout désigné pour ce rôle. Ajoutez une aptitude limitée de téléportation et il aurait dû convenir pour une longue période en tant qu’antagoniste récurrent de la campagne. En même temps, il détestait ce qu’il faisait et ne souhaitait rien autant que d’arrêter.

Pour des raisons dont je ne suis pas entièrement certain, ça n’a pas fonctionné de cette manière. Je l’ai poussé sur le banc de touche, puis mis à la retraite aussi vite que possible, après que les PJ ont pensé à un moyen de “soigner” son état (une idée brillante de leur part).

Un autre personnage que j’avais créé pour la même campagne s’appelait Jamison Riddle [“Riddle”, ou “énigme” (NdT)]. Inspiré par l’adversaire bien connu de Batman, le Sphinx wiki, Riddle était un psychopathe qui parsemait ses cambriolages de cadavres, laissant des énigmes comme indices pour prévenir les autorités, les forçant à choisir entre sauver la victime désignée ou empêcher le cambriolage. Il n’avait pas de capacités surnaturelles, juste un truc à lui, une manie, et de la personnalité à revendre.

Il ne devait intervenir que dans un seul scénario, et n’était a priori guère réutilisable, mais tout le monde s’est tellement amusé avec lui que j’ai dû le faire revenir. Le problème était qu’à la fin de la confrontation entre lui et les PJ, il avait été téléporté dans une dimension alternative aléatoire, perdue et sans aucun moyen pour la localiser.

Alors, j’ai fait en sorte qu’un autre des ennemis de l’équipe (qui disposait de pouvoirs interdimensionnels), le trouve, le ramène et lui donne les superpouvoirs d’un des ex-coéquipiers des PJ, par pure envie de nuire. Bien sûr, ses expériences l’avaient rendu encore plus dérangé. Avec beaucoup plus de difficultés, les PJ repoussèrent son attaque et le forcèrent à battre en retraite, mais sans qu’il y perde trop. La troisième fois, il a fait équipe avec un adversaire encore plus formidable, et le duo a manqué de peu vaincre les PJ avant que ceux-ci leur mettent des bâtons dans les roues. Chaque partenaire a accusé l’autre, et le duo s’est séparé, mais tous deux s’en sortirent indemnes.

La chose certaine au sujet de Jamison Riddle, c’est qu’il fera une quatrième apparition !

Quelles leçons peuvent nous apprendre ces deux personnages ?

  • La personnalité compte plus que les capacités spéciales.
  • Parfois, aussi cool que puisse sembler votre idée, elle tombera à plat durant la partie.
  • Si un ennemi ne fonctionne pas, modifiez-le ou remplacez-le. Sans délai.
  • Si un antagoniste fonctionne mieux que prévu, essayez de trouver une manière différente de l’utiliser dans un scénario futur.

Antagonistes non attachés à un PJ

J’ai aussi eu l’occasion de constater que les antagonistes focalisés exclusivement – ou même principalement – sur un seul PJ donneront plus fréquemment des personnages ratés, que ceux qui existent en eux-mêmes, permettant aux PJ de former leurs propres associations et réactions. En effet, lorsque la raison d’être d’un Grand Méchant tourne seulement autour d’un PJ, vous dépendez totalement de l’interaction entre le Méchant et le joueur du PJ. Si le joueur n’a pas vraiment envie d’interpréter cette interaction, l’antagoniste tombera à plat.

Ce fut une sorte de révélation pour moi : auparavant, j’avais pensé et dit qu’il fallait veiller à ce qu’au moins un PJ ait un lien émotionnel fort avec un antagoniste ou une revanche à prendre sur lui.

Ne vous trompez pas : si le joueur ou la joueuse se met dans son personnage lors de cette interaction, et apporte à la table toute la passion que son personnage est censé ressentir, l’antagoniste lié au PJ dépassera tous les autres. Mais il s’agit là d’une stratégie plus risquée.

4. Une idée de lieu

Parfois, un lieu (une image, une description, ou simplement un concept) peut s’avérer suffisamment inspirant pour servir de point de départ à un scénario :

  • Des parasites infestent Yggdrasil wiki, l’Arbre de Vie scandinave
  • Un château reposant sur des nuages noirs d’orage, avec une échelle faite d’éclairs, descendant jusqu’au sol
  • Une prison où les condamnés sont liquéfiés et conservés dans des bouteilles de verre scellées
  • “Le demi-jour de fin d’après-midi, presque oublié derrière les nuages noirs, rendait les distances étranges ; les bois semblaient se réduire à une image, d’une impossible densité. Les clairières aux frondaisons épaisses devenaient des cavernes de ténèbres menaçantes, et les troncs familiers, des formes noires sinistres se découpant sur le gris sombre.” Raymond E. Feist, Faërie
  • L’image utilisée au début de cet article

En construisant un scénario autour d’un lieu, l’étape critique suivante est de s’assurer que les événements qui vont se dérouler correspondent à ce lieu ou, même, développent l’image ou la description initiale. Placer une comédie légère dans l’un ou l’autre des endroits précédemment décrits ne fonctionnerait pas.

Tous les autres éléments devraient également s’accorder au thème.

5. Une idée extérieure

Cela peut sembler évident, mais vous pouvez toujours emprunter une idée d’intrigue à une autre source : un livre, une bande dessinée, une série télé ou un film.

Mais c’est rarement aussi simple. Vous pouvez trouver la plus intéressante et originale des trames mais, si les PJ ne réagissent pas comme le font les personnages dans l’œuvre originale (et ce sera le plus souvent le cas), tout le scénario peut s’effondrer.

Le dernier scénario que j’ai adapté à partir d’une source extérieure provenait de L’Avion du Président a disparu, de Robert J. Serling. Voici la quatrième de couverture : “Air Force One a disparu. C’est l’incroyable message qui a clignoté sur les écrans des agences de dépêches de Washington. L’avion du Président s’est évanoui des écrans radar après avoir été pris dans un orage au-dessus de l’Arizona. Et lorsqu’on trouve l’épave, le seul corps reconnaissable ne correspond à aucune des personnes censées se trouver dans l’avion.”

“Ce n’est là que la première énigme dans un mystère où les péripéties et les coups de théâtre de ce brillant roman se succèdent au rythme haletant des gros titres.”

Malheureusement, les PJ ont pigé ce qui se passait en un rien de temps, et j’ai dû ramer pour extraire un scénario de la situation, en combinant ces circonstances avec une autre trame (comprenant le lavage de cerveau du Président au moyen d’une reprogrammation et d’implants cybernétiques), que j’ai échafaudée à partir des souvenirs d’un autre livre (de Clive Cussler ou Tom Clancy, je crois). Le résultat était confus et à la limite de l’inintelligibilité pour moi, ne parlons même pas des joueurs. Heureusement, je parvins à amener l’intrigue jusqu’à une conclusion à moitié cohérente, tout en atteignant mon but principal : rendre la présidence vacante (ce qui était tout ce j’essayais de faire avec cette histoire).

Je suis resté un peu échaudé quant à l’idée d’adapter les Idées des Autres depuis cette expérience. Franchement, j’ai eu plus de succès en créant les miennes. Mais je dois reconnaître que toutes mes tentatives d’adaptation n’ont pas aussi mal tourné, donc ne laissez pas mon échec vous en détourner.

Une mise en garde importante

Cependant, il faut tenir compte d’une autre considération : les droits d’auteurs. Si vous souhaitez un jour tirer de vos expériences de jeu quelque chose qui soit diffusé au-delà de votre groupe, la présence d’une intrigue qui n’est pas la vôtre (peut-être à une position clé dans la structure de votre campagne) peut entièrement ruiner vos ambitions.

Le simple fait de rapporter une telle session dans ses grandes lignes pourrait vous causer (en théorie) des problèmes ; c’est une théorie que je ne souhaite pas éprouver. Vous pouvez avoir une autre opinion, ou n’avoir aucune ambition susceptible de se heurter à ces obstacles, mais j’ai pensé qu’il valait la peine de souligner cette complication potentielle.

6. Les actions des PJ

La dernière source d’idées d’intrigues est peut-être la meilleure. Lorsque les PJ veulent faire quelque chose, faites en sorte que des intrigues se développent naturellement à partir de ces désirs, et des tentatives des joueurs pour les satisfaire. Aucune préparation n’est possible dans ce cas, puisque vous ne savez pas à l’avance ce que les joueurs veulent accomplir, forçant le MJ à temporiser, ou à tout inventer à la volée.

Ici, à Campaign Mastery, la temporisation n’est pas une tactique recommandée ; au contraire, nous vous conseillons de dire Oui ptgptb.

Cela ne vous laisse qu’une option. Heureusement, cet article et son prédécesseur, Aventures à la volée ptgptb vous donneront les outils dont vous avez besoin pour mettre cette option en œuvre.

Article original : By The Seat of Your Pants : Six Foundations of Adventure

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