Jouer un personnage de haut rang quand on est introverti.e

Comme je suis habituellement une personne plutôt discrète et introvertie, mais que j’adore absolument jouer tout le contraire – des meneurs et des meneuses charismatiques – on me demande souvent des conseils là-dessus. Alors voici la collection de trucs et astuces que j’ai accumulée en plus de 20 ans de Grandeur Nature. J’espère que ça vous sera utile.

Vous pensez peut-être que pour être une cheffe convaincante, il faut être bruyante, charismatique, extravertie et confiante dans la vie réelle. Et pourtant, j’ai découvert quelques stratégies qui peuvent servir à « faire semblant ». En fait, il est plus que probable que beaucoup de dirigeants dans le monde réel fassent aussi « semblant », avec des stratégies très similaires.

Notez bien qu'il faut calibrer certaines de ces techniques avec les autres gens, à l'avance, afin que tout le monde soit d’accord et que personne ne soit blessé par vos clowneries !

Ceci étant dit, allons-y !

Prenez de la place

Pour moi, c’est la règle principale. Nous sommes nombreuses à avoir appris, dès le plus jeune âge, à ne pas prendre trop de place (surtout si notre malédiction est d’être nées Britanniques) ; à ne pas être une gêne ou un embarra ; à ne pas se mettre sur le passage des autres ; à ne ne pas se donner en spectacle. Alors la règle d’or, c’est de balancer tout ça par la fenêtre. Si vous êtes de haut rang, prenez autant de place que possible. Voici quelques techniques simples :

• Portez des vêtements imposants. Naturellement, votre costume dépendra largement de l’univers du GN, mais il y a toujours moyen de faire dans le grandiose. Que ce soit avec une grande cape qui flotte au vent, une gigantesque crinoline, un chapeau ridicule… Si vos vêtements sont grands, vous aurez l’air grand et les gens feront davantage attention à vous. Vous pouvez aussi ajouter des accessoires à votre costume pour avoir l’air plus extravagant (c’est-à-dire : bling bling bling !) mais même un costume simple imposera le respect s’il occupe tout l’espace.

• Bougez ! Et bougez encore ! Ne soyez jamais statique. Exploitez l’espace qui vous entoure. Traversez la pièce à grands pas. Quand vous parlez, marchez de long en large. Faites des gestes des mains et des bras. Si vous vous déplacez tout le temps, les gens devront s’ajuster à vos mouvements pour vous regarder, et ainsi vous capturerez leur attention.

• Si possible, tenez-vous plus en hauteur que les autres. S’il y a une estrade ou un podium, montez dessus. S’il y a une table haute, prenez-y place. Autrement, essayez d’ordonner à tous les autres de s’asseoir pendant que vous restez debout. Ou faites le contraire : soyez la seule personne assise pendant que tout le monde doit rester debout.

• Marchez à travers les gens, n’en faites pas le tour. Dans un GN typique, les gens se rassembleront en grappes pour discuter. Ne les contournez pas. Déboulez au milieu, pour les forcer à s’écarter.

Par exemple : à Goetia – Night of 100 Demons, je jouais Belial, le Roi de l’Orgueil. Je portais un manteau avec une cape attachée, qui flottait derrière moi partout où j’allais. Je marchais comme si le monde m’appartenait, et les autres devaient parfois bondir pour sortir de mon chemin !

Harvest Dance, détail d’une photo de Resafey.

D’un autre côté, sur Wicked Hearts, un court GN américain basé sur les contes de fées de la Russie impériale, je jouais le Vieux Bonhomme Hiver. Les recommandations de costume étaient de s’habiller de façon extravagante pour la cour impériale, mais j’ai décidé d’aller à contre-courant et de venir pieds nus, en robe élimée. Ça a clairement fait passer le message voulu et ça m’a permis de me démarquer !

Marquez votre territoire

Une bonne tactique, qui fonctionne bien pour moi, c’est de prendre un espace dans le GN, que ce soit une pièce, une table, ou un coin avec une bonne chaise, et de me l’approprier. Le décorer, ça améliore l’effet, mais le but principal est qu'il soit clair pour tout le monde dans ce GN que c’est votre espace. Si des malappris essaient de pénétrer votre espace… faites-les renvoyer. Servez-vous de vos sous-fifres pour les faire déguerpir.

Servez-vous de cet espace. Occupez-le. Exigez qu’on vienne à vous. J’ai passé des GN entiers à ne pas bouger d’un endroit. Les gens qui voulaient me parler devaient venir jusqu’à moi. Et même si c’était moi qui voulais parler à quelqu’un d’autre, il fallait quand même que ce soit il ou elle qui se déplace, pas moi.

Avoir des sbires aide beaucoup. Envoyez-les avec un message à communiquer à la personne convoquée, qu’ils doivent guider jusqu’à vous. Dans un bon environnement play-to-lift, [ou « jouer pour encourager » ^ptgptb, le fait d’avoir comme objectif d’alimenter le jeu des autres joueurs et joueuses (NdT)] les gens devraient être plus que partants pour ça.

J’ai utilisé cette technique dans Cyberpunk London, où je dirigeais un gang londonien. Je me suis approprié une alcôve de la boite de nuit et je n’en ai pas bougé de tout le jeu. À la place, un flot constant de visiteurs s’est présenté à moi.

Cyberpunk London, photo d’Alex Helm.

Pas besoin de faire du bruit, il faut être claire

Avoir une puissante voix qui porte est certainement utile, mais ce n’est pas du tout nécessaire. Comme je suis par nature quelqu’un qui ne parle pas fort, j’ai eu beaucoup de succès en parlant d’une voix basse mais extrêmement claire. Soyez très précis avec vos paroles. Exprimez-vous par des affirmations, pas des questions. Dites exactement ce que vous voulez et ce que vous voulez dire. N’utilisez pas de termes fuyants ou hésitants, posez simplement des exigences. Si vous êtes calme et clair, on vous écoutera. Et si quelqu’un essaie de vous interrompre, interrompez-les en retour : « JE N’AI PAS FINI ! ».

Quand j’étais encore à la tête d’une mafia dans enement 67 (une adaptation britannique du genre cyberpunk), je transpirais le calme et la confiance tranquille tout au long du jeu. Je n’ai pas levé la voix une seule fois. Les autres m’ont dit qu’iels avaient trouvé ça assez intimidant de découvrir que plus je baissais la voix, plus mon personnage était furieux, et ça les faisait trembloter comme prévu.

Le Cardinal Wolsey ^Wiki au Meeting of Monarchs, photo d’Oliver Facey.

Soyez imprévisible

Si les autres joueurs ne font pas attention à vous, ou s’ils vous manquent de respect… attirez leur attention en faisant ce à quoi ils ne s’attendent pas. Voici quelques suggestions :

• Si on vous manque de respect, levez-vous simplement, traversez la pièce jusqu’à l’autre personne et plaquez-la contre le mur (Bien sûr, obtenez d’abord leur consentement vite fait !). Puis retournez calmement à votre place.

• Si le ton de la pièce est sérieux, sortez une plaisanterie.

• Faites une exigence ridicule. Demandez de la nourriture, ou une nouvelle chaise, ou exigez que tout le monde change de place pour que leur disposition vous soit plus agréable.

• Éloignez-vous en pleine conversation. Rien n’est plus énervant que de voir quelqu’un se désintéresser de vous et vous laisser planté.e là. Faites-les donc enrager.

Au Goetia (encore), le Roi de l’Orgueil était furieux d’avoir été snobé par les cuisiniers du banquet (ceux qui ont entendu parler du trifle savent) [Nous tout ce qu’on sait c’est que c’est un dessert anglais, fait de couches de génoise, de fruits et de crème pâtissière (NdT)]. Il a donc exigé du chocolat en dédommagement. Les sous-fifres comme les PNJ ont dû se précipiter pour répondre à ce caprice ! Plus tard dans la partie, j’ai quitté la table du banquet avec fracas, en hurlant que personne ne faisait attention à moi ! (après tout j’étais le Roi de l’Orgueil).

Servez-vous de vos subalternes

Si tout le monde joue pour encourager, alors votre entourage de sous-fifres fera leur possible pour vous donner de l’importance. Entendez-vous avec elles pour qu’elles sachent de quoi vous avez besoin. Si l’une d’elles a une voix particulièrement forte, faites qu’elle annonce votre arrivée ou qu’elle impose le silence quand vous voulez parler. Expédiez vos sbires partout dans la pièce pour livrer vos messages, pour s’immiscer dans les conversations des autres en votre nom, pour espionner et faire la pêche aux rumeurs, ou simplement pour chanter vos louanges à tout le monde. Plus de gens parleront de vous, mieux ce sera.

Dans le rôle d’un Seigneur Sith, photo d’Alex Helm.

Exigez le respect

Voici ce que je trouve le plus difficile à gérer : que faire si quelqu’un manque de respect à votre rang ? J’ai trouvé quelques idées à tenter :

• Tournez-vous vers vos larbins pour leur demander, à haute voix, si cette personne vous manque vraiment de respect. C’est une question rhétorique, mais elle leur signale de vous soutenir.

• Ayez des réactions exagérées. Soufflez et soupirez d’énervement. Agitez le poing. Montez dans les tours. S’il est très très clair que vous êtes dépité, les autres se mettront à le remarquer.

• Exigez des excuses ou des réparations.

• Si vous possédez un quelconque pouvoir surnaturel ou autre qui permette d’afficher votre puissance, servez-vous-en. Surtout si ça les oblige à s’abaisser devant vous.

• Si vous détenez une autorité dans la société du jeu, faites-y appel. Exigez des révérences, des génuflexions ou des saluts militaires.

Si rien n’a l’air de marcher, c’est le moment de calibrer. Prenez la joueuse en question et parlez-en hors jeu. Souvent, c’est juste qu’elle kiffe son personnage, pas qu’elle essaie intentionnellement de vous faire de l’ombre, et une petite discussion règlera le souci. Et si ça ne marche pas, faites appel aux orgas, qui généralement aideront avec plaisir.

Sur le Mörkveden, je jouais un guerrier mort-vivant, un draugr ^Wiki de 800 ans, mais une poignée de mortels me snobait. Ça aurait été impossible à régler en-jeu sans que mes actions fassent sortir quelqu’un du jeu, alors à la place j’ai demandé à la personne à la tête du groupe qu’on se calibre un peu. Il s’est vite révélé que ce manque de respect était involontaire et iel se sont platement excusés. À partir de là, nous avons pu trouver ensemble comment continuer afin que tout le monde se sente aussi stylé que possible.

Voilà mes techniques, mais je suis certain qu’il y en a plus, alors vous qui lisez ceci, n’hésitez pas à en ajouter en commentaires !