Débarrassez vos monstres du validisme
© 2021 Fay Onyx
Snaga, dont le nom signifie « esclave » est un orc au service des puissants et puissantes Uruk-hai. Lorsqu’il apparait dans Le Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours wiki, de Peter Jackson, il suggère de manger Merry et Pippin pendant une halte. Il finira décapité et dévoré par d’autres orcs.
Les êtres humains créent des monstres et monstresses qui reflètent les peurs de leurs sociétés, notamment celles portant sur le handicap. À cause de ça, on a intégré le validisme wiki à nos descriptions de créatures. Dans certains cas, le handicap est utilisé pour les rendre dangereuses, perturbantes ou imprévisibles. Dans d'autres, le handicap sert à leur donner des faiblesses que les héros peuvent exploiter.
Dans tous les cas, ces descriptions propagent des stéréotypes nocifs mythcreants sur ce que signifie être handicapé-e. Et c'est vraiment dommage, parce qu'un bon monstre peut apporter beaucoup à une histoire, et le validisme nous en empêche. Alors discutons du validisme de nos monstres et explorons nos options pour les en débarrasser.
Comprendre les modèles validistes chez les monstres
Le validisme est mobilisé de bien des manières chez les monstres. La plupart peuvent être rangées dans une de ces quatre catégories.
1) Une Intelligence faible
Pour comprendre pourquoi les monstre-sses aux cerveaux anthropoïdes [qui ressemblent à ceux des humains (NdT)] (les monstre-sses conscient-es) ne devraient pas être décrit-es comme ayant une « intelligence faible », jetons un œil à l'Histoire du monde réel, où on a qualifié certains groupes de « sous-humains ».
Dans ce passé, le racisme et le validisme s'entremêlent dans des représentations déshumanisantes où les personnes non blanches (1) sont décrites comme « inintelligentes » et « primitives ». Ces images intolérantes ont servi de justification aux conquêtes, à l’esclavage, aux déportations et aux génocides. Malheureusement, une certaine part de cette Histoire est encore bel et bien vivante sous la forme de la suprématie blanche moderne.
Les descriptions contemporaines de monstres et monstresses telles que les orcs, les ogresses et autres gobelins descendent directement de ces terribles épisodes de l'Histoire. Peu de gens le savent, mais J.R.R. Tolkien a créé les orcs en s'appuyant délibérément sur les pires stéréotypes de son époque sur la communauté asiatique (en). Avec le temps, ces représentations ont muté pour intégrer des stéréotypes racistes sur les personnes noires (en). L'encodage des orcs en caricature raciste est si enraciné que certaines personnes de l’Alt-right wiki se servent du terme « orc » pour parler des personnes non blanches et tenir impunément des propos racistes (en).
Un orc, dans le Manuel des Monstres de la 5e édition de D&D.
Si tout ça est préoccupant, la description des monstres à « intelligence faible » l’est également. Par exemple, le Manuel des monstres de la 5e édition de Donjons & Dragons parle de la capacité mentale des ogres en termes profondément validistes dans une sous-section intitulée « Une stupidité légendaire » :
« Rares sont les ogres capables de compter jusqu’à dix, même sur leurs dix doigts. La plupart parlent seulement une version rudimentaire de la langue des géants et balbutient quelques mots de langage commun. Ils croient ce qu’on leur raconte et sont faciles à duper, mais ils ont une fâcheuse tendance à casser tout ce qu’ils ne comprennent pas. »
Un ogre, dans le Manuel des Monstres de D&D5.
Ce n’est rien d’autre qu’un stéréotype toxique sur ce que signifie avoir un handicap cognitif ou de développement. Et il est utilisé pour décrire un ou une monstresse qualifiée dans le Manuel des Monstres de feignante, violente, goinfre et « primitive ». Non seulement cette représentation du handicap est négative, mais elle est aussi combinée à des images racistes mythcreants quand elle décrit les cultures tribales comme « primitives ».
Les termes validistes comme « simplet », « sans-cervelle » et « stupide » (en) sont régulièrement utilisés pour qualifier les monstre-sses à « faible intelligence ». Ces dernièr-es sont, qui plus est, régulièrement comparé-es à des animaux, une méthode classique de déshumanisation longtemps utilisée contre les personnes non blanches et celles porteuses de handicap. La description des géant-es des collines dans le Manuel des Monstres de la 5e édition en est un exemple flagrant :
« La capacité des géants des collines à digérer presque n’importe quoi leur a permis de survivre pendant des siècles comme des sauvages, en mangeant et en se reproduisant dans les collines comme des animaux. Ils n’ont jamais eu à s’adapter et à évoluer, ainsi leur esprit et leurs émotions sont restés simples et sous-développés. »
Un géant des collines, Manuel des Monstres - D&D5
Le pire dans ces descriptions nocives, c’est qu’elles sont là pour créer des monstres et monstresses que les héroïnes peuvent tuer sans se sentir coupables mythcreants sans se poser de questions. N’importe quel ogre ou géante des collines peut être abattu-e à vue, permettant à la narration de passer directement aux scènes d’action spectaculaires. Dans la logique de l’univers de jeu, tuer ces monstres rend le monde meilleur – mais c’est en fait un génocide (2). La justification que les géants des collines sont une « race mauvaise » n’aide pas, car le concept de « race mauvaise » tire son origine de stéréotypes et de violences présentes dans le monde réel.
Si nous voulons arrêter de rejouer ces épisodes terribles de l’Histoire dans nos parties, nous devons dépasser les concepts de race « mauvaise » ou « stupide ». Évoluons vers de meilleurs monstres et Méchants, qui n’envoient pas le message néfaste que certaines personnes du monde réel seraient moins humaines.
2) La Laideur
Le validisme apparaît d’une autre façon à travers la qualification des monstres et monstresses « laides » comme étant « difformes », « tordues », « déformées » et « contre-nature ». Ces représentations s’appuient sur des descriptions validistes de caractéristiques relevant du handicap telles que les « bossus » wiki et les membres au développement atypique, dans le but de provoquer le dégoût chez l’auditoire. Dans la Manuel des Monstres, la description des fomorien-nes en est le meilleur exemple :
« Les infects fomoriens sont les plus hideux et malfaisants de tous les géants. Leur corps difforme trahit d’ailleurs leurs ignobles agissements. Les traits faciaux de certains sont placés au hasard sur leur tête difforme et verruqueuse. D’autres ont des membres aux proportions extrêmement différentes. D’autres poussent d’affreux hurlement à chaque inspiration dans leur bouche difforme. Leur aspect misérable inspire rarement la sympathie, mais les fomoriens se sont eux-mêmes infligé cette malédiction en laissant le mal s’immiscer dans leur cœur et leur esprit. »
Un fomorien, dans le Manuel des Monstres
Ces représentations validistes de corps handicapés qui seraient « misérables » et « déformés » renvoient déjà un message terrible. Cet exemple montre aussi clairement comment ces descriptions stigmatisantes du handicap sont utilisées pour symboliser des faiblesses morales writingalchemy. L’idée que la correspondance - ou pas – aux standards de beauté validistes reflète la valeur personnelle de quelqu’un est terriblement discriminante. Sans surprise, cette notion est une tactique courante de déshumanisation utilisée dans de nombreuses autres formes d’oppression, telles que le racisme, le sexisme, le classisme et l’âgisme wiki.
Si nous voulons créer des monstre-sses grotesques, contre-nature ou perturbant-es sans être oppressifs, il nous faut nous éloigner des caractéristiques que les gens ont dans le monde réel. Heureusement, de nombreuses options s’offrent à nous dans les littératures de l’imaginaire wiki pour créer des attributs qui dépassent les limites fixées par la nature (3).
3) Les handicaps sensoriels
Les monstres et les monstresses aveugles sont de loin les créatures avec un handicap sensoriel (en) les plus représentés. En plus d’avoir un handicap facilement reconnaissable, iels sont souvent invoqué-es pour faire rire, notamment quand iels tâtonnent et trébuchent comme des personnes voyantes avec les yeux bandés. Les trois Grées de la mythologie grecque wiki – qui partagent un œil à trois – en sont un bon exemple. Malgré le fait que chacune d’elles passe les deux tiers de sa vie aveugle, dans les deux versions des films Le Choc des Titans (4), les sorcières ont du mal à s’en sortir quand Persée vole leur œil. Elles le supplient de le leur rendre, et quand il le jette au sol, elles trébuchent et tâtonnent, démontrant l’absence totale de la maîtrise et des outils dont les personnes aveugles disposent réellement mythcreants. Dans cette représentation incroyablement stigmatisante de la cécité, les trois sorcières sont dépeintes à la fois comme comiques, horrifiques et pathétiques.
Persée rendant leur œil aux trois Grées (Perseus Returning the Eye of the Graii, de Johann Heinrich Füssli)
Cet exemple souligne un gros problème dans la description des monstres aveugles : elle est basée sur une interprétation stéréotypée et erronée de la cécité. Cela vient de l’idée reçue selon laquelle les personnes voyantes peuvent simuler le fait d’être aveugle en se bandant les yeux. Des recherches ont montré que simuler la cécité de cette manière renvoie aux personnes voyantes l’idée que les personnes aveugles seraient moins capables d’être fonctionnelles. Ce type d’« exercices d’empathie (5) » renforcent en fait la stigmatisation des personnes aveugles (en).
À cause de cette idée préconçue, les auteurs et autrices voyantes de JdR se concentrent sur le fait de remplacer la vue plutôt que d’explorer ce qu’est vraiment la cécité. Le Manuel des Monstres en propose un bon exemple avec sa section « Vision aveugle » :
« Un monstre avec la Vision aveugle perçoit son environnement sur une distance précisée sans se fier à la vue.
Les créatures dénuées d’yeux, telles que les torves et les vases grises, disposent généralement de ce sens spécial. C’est également le cas des créatures qui bénéficient de l’écholocalisation ou de sens plus aiguisés, comme les chauve-souris et les dragons véritables. »
Un torve (Manuel des Monstres)
Pour des créatures comme les vases, la Vision aveugle est complètement indéfinie, ce sens « semblable à la vue » n’a pas de propriété propre, ce n’est qu’une substitution à la vue. Pour d’autres créatures comme les chauves-souris et les dragons, les sens réels tels que l’écholocation sont traités comme des équivalents de la vue, plutôt que d’être décrits correctement, comme des sens singuliers avec leurs propres forces et limites.
Dans l’ensemble, ces représentations de monstre-sses aveugles perpétuent les stéréotypes et les stigmatisations, plutôt que de proposer une interprétation fidèle de la cécité. Quant d’autres handicaps sensoriels comme la surdité apparaissent, ils souffrent des mêmes types de distorsion.
Si les monstre-sses avec des handicaps sensoriels sont représenté-es, il est important qu’iels le soient avec plus de précision et de respect.
4) La « folie »
La « folie » est un concept erroné et marginalisant mythcreants, abandonné il y a longtemps par la médecine moderne. Cette notion est née à une époque où les personnes avec des troubles mentaux étaient considérées comme contagieuses. La « folie » concernait alors tout ce qui découlait d’un « comportement anormal », des maladies mentales à certains handicaps physiques, en passant par la conduite de certains groupes stigmatisés comme celui des mères célibataires. Ce terrible moment de l’Histoire comprend aussi le placement en asile, la torture et les expériences menées sur ces personnes « folles ».
Une des choses qui rend le concept de « folie » si inadéquat est qu’il englobe tous les types de divergences mentales. [Le concept de] « folie » a été abandonné lors de l’avancée de notre compréhension médicale de l’esprit, parce qu’elle n’était jamais basée sur les caractéristiques de maladies mentales réelles. Elle reste toutefois un stéréotype toxique selon lequel les gens avec des esprits divergents seraient dangereux, hors de contrôle, irrationnels et déconnectés de la réalité.
La « folie » demeurant un concept vaste et vague, on l’utilise de bien des manières dans la narration. Parfois, on invoque le cliché des personnes ayant une maladie mentale étant dangereuses et hors de contrôle pour rendre les monstres et monstresses plus menaçantes. À d’autres moments, le stéréotype selon lequel les personnes avec une maladie mentale seraient irrationnelles et déconnectées de la réalité est utilisé pour expliquer un comportement erratique et imprévisible. Enfin, l’idée que des évènements terribles auraient « rendu une personne folle » sert à accentuer l’horreur mythcreants et appuyer le préjudice psychologique.
Une fois de plus, le Manuel des Monstres de D&D5 propose un exemple qui illustre parfaitement cela :
« De toutes les terreurs engendrées par l’abjecte sorcellerie, le babélien est probablement la plus malfaisante et la plus perverse. Cette créature est l’amalgame des yeux, des bouches et des matières liquéfiées de ses victimes précédentes. Plongées dans la folie quand leur corps fut détruit puis absorbé par le babélien, ces victimes bredouillent des propos incohérents tout en étant forcées de dévorer tout ce qui se trouve à portée. »
Une babélienne (Manuel des Monstres)
Ici, la « folie » sert de justification au gargouillement incohérent du monstre et est utilisée pour représenter le tourment psychologique des victimes.
Peu importe la façon dont la « folie » est utilisée, ces représentations sont stigmatisantes et favorisent la désinformation sur les maladies mentales. Mais le terme est utilisé de tant de manières différentes qu’il ne peut pas être remplacé par un terme unique.
Nous avons plutôt besoin d’analyser attentivement la manière dont il est employé, et de l’échanger avec un élément scénaristique adapté au contexte. Cela peut aider d’imaginer la « folie » comme un moyen que l’on utilise pour arriver à un résultat souhaité ; par exemple l’explication d’un comportement imprévisible. Une fois que nous connaissons le but recherché, nous pouvons utiliser un autre moyen pour y parvenir.
Trouver des traits liés au handicap chez vos monstres
Vous trouverez ci-dessous une liste que vous pouvez utiliser comme point de départ pour trouver et étudier des attributs liés au handicap chez un ou une monstresse. Gardez à l’esprit que certaines de ces caractéristiques, comme la « folie », sont stigmatisantes par essence, alors que d’autres peuvent être plus neutres selon lke contexte. Par exemple, décrire une monstresse aveugle avec justesse et pertinence n’est pas validiste ; la faire trébucher de manière « comique », si.
Quand vous examinez vos monstre-sses, vérifiez que vous n’avez pas :
- Des corps humanoïdes atypiques : cela comprend les dos bossus, les articulations qui se plient de manière inusuelle, les yeux globuleux, les corps « difformes » ou « tordus » et les membres de taille et de forme inhabituelle.
- Une mobilité limitée : les mots-clés à repérer comprennent « titubant », « chancelant », « vacillant », « tanguant », « boitant », « rampant » et « trébuchant ». Identifiez aussi les parties du corps traînées quand le monstre ou la monstresse bougent.
- La « laideur » : notamment les descriptions de corps marginalisés comme les corps gros, osseux ou vieux, ainsi que les aspects considérés comme des défigurations, tels que les tâches, les cicatrices, les visages grêlés et les peaux constellées.
- Les maladies, plaies et excroissances : traquez les symptômes de maladie, par exemple une respiration difficile ; ainsi que les mots utilisés pour parler de plaies ou excroissances comme ulcère, infection, verrues, tumeurs, pustules, boutons, cloques purulentes et furoncles.
- Les êtres conscients à « faible intelligence » : les mots à identifier incluent « stupide », « idiote », « simplet », « écervelé-e », « crétin », « abrutie », « primitif » et « sauvage ».
- Tous les handicaps identifiables : cela inclut le fait d’être aveugle ou sourd-e, d’avoir la cataracte (des yeux blancs), des prothèses, et l’usage de matériel médical tel qu’un équipement d’assistance respiratoire.
- Les créatures « grotesques », « difformes » et « contre-nature » : et tous les mots associés comme « tordu », « cassée », « répugnant », « repoussante », « anormal », « défigurée », « déformé », « malformé », « mutilée » et « disproportionné ».
- La « folie » : les termes « fou », « déchainé », « cinglée », « dérangé », « lunatique », « maniaque » et « psychopathe ». Cherchez aussi les monstres qui « rendent les gens fous ».
Une fois que les traits liés au handicap ont été identifiés chez le ou la monstresse, examinez-les soigneusement un par un. Utilise-t-on cet attribut pour faire apparaître les monstres comme dangereux, provoquer le dégoût ou expliquer un comportement erratique ? Ce handicap sert-il de faiblesse exploitable ? Est-ce que la représentation de cette caractéristique envoie un message négatif sur le fait d’être handicapé-e ? Ces invalidités sont-elles présentées de manière inexacte ?
Si la réponse à n’importe laquelle de ces questions est oui, alors il s’agit d’une représentation stigmatisante du handicap, qui doit être modifiée.
Créer des monstres sans le validisme
Le validisme est intégré aux monstres de bien des manières ; l’éliminer exige donc une combinaison de techniques.
Utiliser des espèces neutres plutôt que des « races bonnes » ou « races mauvaises »
Des chercheuses et chercheurs en psychologie de l’Université de Tel Aviv ont défini l’essentialisme racial comme des « projections selon lesquelles les groupes raciaux posséderaient une essence fondamentale matérialisée par des caractéristiques et des aptitudes profondément ancrées et inaltérables ». Leur recherche montre que l’essentialisme racial a un effet non seulement sur ce que les gens pensent, mais aussi sur la façon dont iels pensent (en). Cela mène à l’accentuation des biais, des stéréotypes et de la discrimination (en).
Dans les littératures de l’imaginaire, l’essentialisme racial apparaît lorsque nous envisageons des « races » extraterrestres ou fantasy comme les elfes et les Vulcains, chacune ayant des traits biologiques, comportementaux et cognitifs partagés par tous leurs membres (6). C’est encore ce biais qui pousse les gens à penser que parler de « races mauvaises » et de « races stupides » est acceptable. Bazarder l’essentialisme racial est un élément-clé dans l’élimination du racisme et du validisme.
Alors que pouvons-nous faire à la place ? Créer des « races » diverses et fantastiques fait partie des plaisirs des littératures de l’imaginaire. Nous voulons des scénarios qui ont pour protagonistes des elfes, des orcs, des vulcaines et des klingonnes.
Surak, père de la philosophie vulcaine dans l’épisode La Frontière de la série Star Trek (1969).
Pour commencer, passons du lexique de la « race » à celui de l’ « espèce ». La race est un concept social concernant différents groupes d’humain-es (7). Comme la race n’est pas une catégorie biologique fondée (en), il est important que nous n’agissions pas comme si c’était le cas. À l’inverse, les espèces sont bien des groupes biologiquement distincts. Comme les « races » fictives des littératures de l’imaginaire sont créées pour être biologiquement différentes mythcreants, il est préférable de s’y référer en tant qu’« espèces » différentes (8).
Cependant, changer de langage ne suffit pas. Il faut aussi supprimer les concepts essentialistes de la manière dont on créer et traite les différentes espèces. Commençons par retirer dans les descriptions d’espèces les concepts basés sur des notions de valeurs telles que « bonne », « mauvaise », « intelligente », « stupide », « belle » et « laide ». À la place, ces présentations devraient se concentrer sur des caractéristiques physiques et mentales neutres, comme d’avoir des ailes ou de bons réflexes de sursaut. Ces traits biologiques neutres devraient en outre être limités. Tout ce qui est plus complexe, comme les comportements et les aptitudes, sont des caractères culturels mythcreants et devraient être traités à part.
Autre concept essentialiste à rayer : l’idée que les espèces sont uniformes. Comme dans le monde réel, il devrait y avoir un large éventail de diversité au sein de chaque espèce, incluant des handicaps.
Ce n’est pas parce que la plupart des peuples fées (fairies) sont né-es avec des ailes qu’iels le sont tous. On peut souligner cette diversité en mentionnant les variations communes au sein des espèces. De plus, il est utile de s’éloigner des éléments de langage catégoriques impliquant que tous les membres d’une espèce partagent les mêmes caractéristiques. Au lieu de ça, parlez des traits physiques et mentaux communs de cette espèce.
Quand vous décrivez les caractéristiques mentales de chaque espèce, les recherches et les concertations sont particulièrement importantes parce qu’il est facile de tomber accidentellement sur des clichés validistes. Il peut être intéressant de calquer les traits mentaux répandus chez les espèces sur la neurodiversité du monde réel. Par exemple, il existe des points communs entre l’anxiété et certains comportements du chat. À partir de là, on pourrait créer une espèce féline humanoïde en y incorporant certaines caractéristiques de l’anxiété, comme des sens développés et une tendance à être facilement surprise ou bouleversée. Le processus de recherche sur l’anxiété permettra d’éviter de faire le genre d’erreurs qui accompagne les stéréotypes.
Mise à jour : Changement de l’exemple dans le paragraphe précédent : l’anxiété plutôt que l’autisme. L’expérience personnelle de l’auteurice avec cet état a permis [d’éliminer la confusion et] des suggestions plus claires.
Reconvertissez les monstres conscients en Méchants
Mais si on n’utilise pas de « mauvaises races », que pouvons-nous faire quand nous voulons que notre héros ou notre héroïne se batte contre des monstres conscients ? Utilisez des Méchants. Je propose de réserver le terme « monstre » aux créatures qui ont un esprit plus animal et d’utiliser « Méchant-e » pour tous les êtres conscients qui commettent des actes immoraux.
Selon l’intrigue, les Méchants peuvent être :
- des individus isolés - comme un nécromancien maléfique vivant dans une contrée sauvage ;
- des petits groupes - comme une bande de pillardes ;
- ou de grands groupes - comme une faction d’extrémistes politiques xénophobes.
Choisissez avec soin les espèces de vos Méchantes et de vos héros. À cause de la codification passée des orcs en personnes racisées wiki et des elfes en personnes blanches (9), on envoie un message dangereux si toutes les Méchantes sont des orcs, et tous les héros des elfes.
Il n’y a aucun moyen d’échapper entièrement à cet héritage historique ; il faut donc s’assurer que pour chaque orque crapuleuse il y ait au moins une orque héroïque - et que certains elfes soient aussi des Méchants. Une autre chose à garder en tête quand on choisit les espèces de ses personnages est d’éviter le cliché narratif du sauveur blanc wiki : faites que des membres du groupe « victime » soient impliqués dans la lutte contre leurs oppresseurs.
Si vous souhaitez un-e Méchant-e plus spectaculaire, vous pouvez créer une structure de pouvoir délétère, comme p.ex. un empire maléfique. Le fascisme et le totalitarisme méritent qu’on s’y oppose. Quand vous le faites, il est important d’être clair-e : ce sont les structures et les gens au pouvoir qui sont mauvais. Les citoyens et citoyennes ordinaires de cette société sont piégées dans un système violent mythcreants qui les force à suivre les ordres de leur dirigeant-e, indépendamment de leur ressenti.
Bien que des gens ordinaires adhèreront à l’idéologie toxique du pouvoir en place, d’autres ne le feront pas.
Quand vous décrivez une structure de pouvoir maléfique, prenez soin d’éviter de présenter toute une culture comme mauvaise mythcreants. C’est particulièrement important quand vous représentez des personnes non blanches, parce qu’une bonne partie du racisme du monde réel s’exprime via des préjugés sur les cultures non-européennes, qui seraient « arriérées », « barbares » ou « immorales ». Une manière de séparer la culture de la structure du pouvoir est de créer un groupe de dissident-es, qui s’oppose aux institutions en suivant des valeurs culturelles solidement ancrées.
Explorez des forces et des faiblesses non-validistes
On peut utiliser certains types de caractéristiques – comme la résistance aux coups, ou le registre de l’horreur corporelle (10) – pour rendre les monstres et monstresses plus dangereuses ou effrayantes. Ces traits sont utiles pour remplacer ceux validistes. La liste qui suit donne des idées :
- Parties de corps animales : les groupes des insectes et de la faune marine en particulier sont d’excellentes sources d’inspiration. Par exemple, un monstre pourrait avoir des jambes de mille-pattes, des yeux de mouche, un corps segmenté, des tentacules urticants, un leurre phosphorescent [comme celui de la baudroie abyssale (NdT)] ou une peau transparente.
Une bien fière baudroie abyssale et son leurre, qui produit de la lumière grâce à une symbiose avec des bactéries.
(Miya, M., et al. Evolutionary history of anglerfishes (Teleostei: Lophiiformes): a mitogenomic perspective.).
- Des armes intégrées : les animaux fournissent aussi des inspirations pour créer des armes. La force extrême, les pinces, les crocs, les piques, les bois de cervidés et les cornes sont les plus communes ; mais il existe d’autres options comme les aiguilles, les dards, les ventouses, le poison, les harpons et les impulsions électriques éblouissantes wiki. D’autre part, certaines armes peuvent être utilisées de manière inhabituelle, comme des lames qui sortent d’endroits inattendus (en), des crocs qui pivotent sur les côtés (en), et des bras-matraques télescopiques qui distribuent des coups de poing fracassants (en).
- Des types d’effets singuliers : ils peuvent être de style direct, comme drainer la vitalité, couper le souffle, changer les gens en pierre, assimiler des capacités, ou se nourrir d'émotions. Ça peut aussi être des effets indirects, comme déclencher un éboulement, faire s'effondrer les tunnels, enchanter les plantes pour les animer, contrôler un élément ou générer un climat extrême.
- Des formes enveloppantes : certains monstres peuvent agripper, envelopper ou encercler leur cible. Par exemple, les vases peuvent engloutir, les serpents étouffer, les créatures de goudron peuvent prendre au piège, les meutes entourer, les essaims cerner, les tentacules peuvent saisir et les grandes bêtes avaler entièrement mythcreants. Les monstres peuvent aussi se servir de procédés pour emmailloter comme des toiles d'araignée, des plantes rampantes, des fosses, des sables mouvants et des remous.
- L'horreur corporelle : certains pans du registre de l'horreur corporelle sont validistes, mais beaucoup ne le sont pas. S'inspirer de la nature peut aider, mais aussi utiliser des choses qui sont impossibles dans le monde réel. Par exemple, un-e monstre-sse qui n'aurait pas de peau ; une nuée de parasites qui grignoteraient des galeries dans le corps de leur victime ; un-e monstre-sse composé-e uniquement d'organes internes ; et une créature qui transforme lentement sa cible en moisissure.
- Des protections fortes : les idées les plus courantes sont la robustesse, une armure, des piquants, de la souplesse et des capacités de régénération ; mais il y en a d'autres comme une peau empoisonnée ou lubrifiée, un jet de mucus expansif et étouffant wiki, du sang corrosif, des plumes toxiques, des morceaux de corps qui se décrochent wiki, des nuages d'encre wiki et des odeurs puantes.
- Des avantages en termes de mobilité : les monstres et monstresses qui se meuvent avec beaucoup d'aisance et de rapidité à travers leur environnement ont un avantage important. La plupart du temps, on retrouvera une créature terrestre furtive ou un monstre volant mais il peut aussi s'agir d'une bête qui grimpe aux murs, se déplace promptement sous terre, attaque depuis l'eau ou vit dans un dédale connu d'elle seule.
- Des formes mystérieuses : l'inconnu peut être plus effrayant que ce qu’on comprend. N'importe quelle caractéristique qui interfère avec la perception d'une forme connue peut rendre le ou la monstresse plus intimidante, comme un camouflage exceptionnel, le fait d'être recouverte d'ombres ou de briller si vivement qu'elle ne peut pas être regardée directement.
- Une apparence inoffensive : le contraste entre des abords innocents et un danger caché sous la surface souligne à quel point le monstre est menaçant. Avoir l'air inoffensif l'aide aussi à se rapprocher de ses proies. Il peut paraitre enfantin, être doux et mignon, avoir l'air effrayé, pousser des cris d’animal blessé, sembler fragile physiquement, émettre des sons magnifiques ou prendre la forme d'objets de valeur.
En plus d'avoir des aptitudes utiles, les monstres ont en général besoin de faiblesses qui peuvent être exploitées par les PJ. Si traiter le handicap comme une faiblesse est stigmatisant, nous pouvons heureusement faire autrement.
Le type de faiblesses le plus fréquemment utilisé est la vulnérabilité à un genre spécifique de dommage, comme un monstre de glace qui serait vulnérable au feu. Toutefois, les choses qui attirent ou effraient peuvent aussi être utilisées comme des faiblesses, tout comme des caractéristiques psychologiques - telles qu'une attention trop focalisée ou de la distraction. Par exemple, l'odeur de la proie préférée d'un monstre peut l'attirer dans un endroit donné. Ou alors, il pourrait être effrayé par la silhouette d'un dragon tournant au-dessus de sa tête. Les monstres qui se concentrent intensément seront plus faciles à esquiver si leur attention est fixée sur quelque chose ; alors que celui qui est distrait se fera semer aisément.
En plus de tout ça, il est intéressant d'envisager que les forces d'un ou d’une monstresse peuvent aussi être ses faiblesses. Par exemple, les muscles qui permettent aux crocodiles de refermer leurs mâchoires sur leur proie sont si puissants que ceux qui leur font ouvrir la gueule restent petits et faibles. Par conséquent, il est assez facile de maintenir les mâchoires d'un crocodile fermées si on arrive à les atteindre. Ce principe peut facilement être appliqué aux monstresses fictives. Par exemple, deux des forces principales du dragon sont : le vol, et les écailles qui le protègent comme une armure. Toutefois, ses ailes de chauves-souris ont besoin de s'étirer en vol et ne peuvent donc pas être caparaçonnées. Elles deviennent une faiblesse.
Par contraste, les faiblesses des Méchants peuvent être des défauts individuels mythcreants, comme le fait d'être arrogant, crédule, obnubilé, capricieux, cupide ou inflexible. Exploiter les désirs et les peurs, comme un besoin de reconnaissance ou l’angoisse de perdre son statut, est une autre option. De plus, les états comme la colère, la fatigue et l'ennui font de grandes faiblesses passagères. Soyez toutefois prudent-e quand vous choisissez des défauts car les Méchants, et surtout les Grands Méchants, doivent être menaçants.
Les faiblesses d'un-e Méchant-e peuvent aussi être utilisées pour expliquer un comportement irrationnel. Par exemple, un ou une Méchante manipulatrice pourrait mentir à ses sous-fifres pour tester leur loyauté. Si vous avez besoin d'un comportement extrême, vous pouvez faire appel à une explication magique, comme par exemple un objet maudit mythcreants qui lui murmure des mensonges.
Pour finir, les groupes de Méchants peuvent avoir des dynamiques sociales qui créent des faiblesses d’ensemble. Par exemple, si la Grande Méchante est une patronne tyrannique, alors ses employés sous-payés seront plus susceptibles de lâcher du lest et d'être distraits. Un groupe peut aussi être mal équipé, peu entraîné, déloyal, trop confiant, privé de sommeil, agité, surmené ou absorbé par des conflits internes. Enfin, les ordres du ou de la responsable peuvent transmettre ses propres défauts aux disciples.
Traitez le handicap de façon neutre
Pour créer des représentations respectueuses du handicap chez nos monstres, celui-ci doit être traité comme un trait neutre. Cela veut dire qu’on ne doit utiliser le handicap ni pour rendre un monstre plus ou moins menaçant, ni le présenter comme un plus ou un moins.
Les stéréotypes doivent donc être remplacés par des représentations correctes du handicap. En vous aidant de recherches et de concertations, déterminez comment le handicap du monstre affecte sa vie. Affecte-t-il l'endroit où il vit, comment il se déplace, communique ou se nourrit ? Comment gère-t-il les limitations créées par son handicap ?
S’intéresser aux capacités et compétences dont les monstres se servent pour répondre à leurs besoins aide à éviter les représentations stigmatisantes du handicap qui mettent l'accent sur les limitations. Bien qu’elles puissent survenir, l’expérience du handicap ne se limite pas à ces contraintes, dont la plupart sont causées par des barrières à l’accessibilité. Les monstres handicapés n'ont pas d'équipements ni de dispositifs d'assistance, mais leur existence implique qu’ils et elles disposent de moyens pour surmonter les principales barrières d'accessibilité dans leur vie.
Les recherches sont aussi importantes pour la représentation de dommages psychologiques. S’intéresser aux détails des traumatismes, du syndrome de stress post-traumatique et des maladies mentales permet une description plus neutre et plus précise des effets à long terme d'expériences bouleversantes. Pour les histoires centrées sur des événements horrifiants, on peut utiliser des outils supplémentaires pour éviter la stigmatisation, tout en mettant l’emphase sur l’impact de ces événements. Par exemple, on peut se servir des réactions universelles « combat, fuite ou paralysie » pour souligner les moments de stress, tandis que les états « nerveux- se », « fatigué-e », « en colère », « triste » et « accablé-e » peuvent être utilisés après un événement important pour montrer ses effets continus sur les personnages.
En plus d’être nuisible, le validisme crée des monstres éculés et prévisibles. Nous pouvons y remédier en apprenant à le repérer, en se débarrassant de l’essentialisme racial, en remplaçant nos monstres conscients par des Méchant-es, en changeant les traits validistes, en utilisant des faiblesses alternatives et en traitant le handicap de façon neutre. En nous impliquant plus dans les choix que nous faisons lorsque nous créons des monstre-sses, nous pouvons éliminer le validisme et créer des monstres nouveaux et vivants qui renforceront nos histoires.
Article original : Ridding Your Monsters Of Ableism
Sélection de commentaires
Jeppsson
Je dirais que ce n’est pas validiste de décrire des moments terrifiants qui « rendent les gens fous ». Les événements atroces PEUVENT vous ruiner mentalement, et cela PEUT aussi provoquer des psychoses. Et les personnes psychotiques existent *lève la main* (11). Ce n’est pas comme si, dans le monde réel, tous les problèmes mentaux étaient plutôt « normaux », comme la dépression ou l’anxiété, et que la psychose était un mythe validiste. Elle existe, et il n’y a pas de mal à la représenter dans la fiction, tant que c’est fait avec délicatesse, comme pour n’importe quelle autre maladie, problème ou handicap.
L'idée néfaste, c’est qu'une fois que tu es devenu fou, tu n’es plus une personne. Tu n’es plus vraiment humain. Tu as franchi la limite (peut-être pour toujours), et tu ne te rends plus compte de ce qui se passe autour de toi, puisque tu es fou ! Tu es peut-être enfermé dans un asile sans même le savoir, riant joyeusement dans une camisole de force, parce que tu es devenu fou et ne sais donc même pas où tu es !
La psychose PEUT faire que, dans une certaine mesure, on ne se rend plus compte de ce qui se passe autour de soi, de où on est, etc. Mais c’est très loin d’une inconscience totale de son environnement. L’idée que les personnes psychotiques ne puissent pas souffrir de mauvais traitements parce que, de toute façon, elles ne se rendent pas compte de ce qu’il se passe - est extrêmement problématique.
Bellis
Ouaip, tu as tout à fait raison, et je pense que c’est pour ça qu’il est important de penser à QUELLE maladie mentale (ou comorbidité) tu veux représenter, et le faire correctement et respectueusement. Le problème ne vient pas du fait d’avoir un personnage psychotique, mais des stéréotypes et de la déshumanisation, et du fait que « la folie » est souvent utilisée pour désigner une chose nébuleuse qui ne ressemble ni à la psychose ni à aucune vraie maladie mentale. C’est juste « n’importe quelle chose que l’auteur veut faire faire au personnage ». C’est comme dire qu’un Méchant est « psychotique » quand tu veux dire « mauvais et sans véritable motivation ».
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J’espère vraiment que les futur-es auteur-ices comprendront qu’il est possible de créer des supers monstres sans être validiste/raciste/etc. Je pense que beaucoup de gens préférerait lire l’histoire d’une atroce personne-insecte sans peau qui peut voler l’air de tes poumons plutôt qu’un énième monstre de type « ogre difforme ». Excellent article, 10/10.
P
Je suis d’accord avec une majorité de cet article, mais je n’exclurais pas de la fiction les monstres ou forces surnaturelles maléfiques avec des composantes de maladies mentales. La lutte de Frodon avec l’Anneau Unique le draine de son énergie, lui fait s’en prendre aux autres et l'empêche d’agir comme il le veut. Elle le pousse à éloigner ses amis et son réseau de soutien, et le traumatise. C'est une chose que beaucoup de personnes souffrant de maladies mentales reconnaîtront intiment, présentée sous la forme d’une allégorie formidable.
Beaucoup de ces clichés (particulièrement ceux liés à la catégorie « faible intelligence ») viennent d’anciens folklores et de créatures qui font partie d’un héritage culturel. Par exemple, les trolls ou les ogres se font duper par des héros rusés, donc la nécessité qu’ils soient physiquement intimidants (pour les enjeux de l’histoire) ET qu’ils soient suffisamment bêtes pour être trompés, crée un stéréotype validiste malencontreux dans une lecture moderne. Une solution pourrait être ironiquement un retour au vieux concept folklorique d’un monde rempli de créatures étranges qui ne sont pas humaines comme vous et moi mais tout de même douées d’intelligence et importantes pour l’endroit où elles vivent. Considérer les trolls et les ents du Seigneur des Anneaux comme des êtres surnaturels qui ne peuvent pas (et ne devraient pas) être vaincus par la violence mais par la raison – ou qui doivent être piégés lorsqu’ils se montrent injustes – permet quand même de les représenter non pas comme des stéréotypes validistes mais comme des symboles d’avidité ou de cruauté.
À la chambre des Ents, (At the Entmoot, Stephen Hickman, 1998)
Je ne pense pas non plus que l’idée de créatures qui soient « juste comme ça » soit nuisible en soi. Ainsi la plupart des hobbits dans l'œuvre de Tolkien sont comme ces créatures de contes de fées plus petites que le monde qu'elles doivent affronter. Bien qu’ils et elles doivent faire preuve d'intelligence et de courage pour accomplir leurs voyages, beaucoup aiment l'aventure malgré tout.
De même, les nains sont des êtres turbulents, aimant la viande et la bière, têtus, adorant l'exploitation minière et la construction ; et dont les femmes sont généralement non conformes aux normes de genre, quand elles n'ont pas carrément des caractéristiques intersexes comme des barbes (12). Pareil pour les elfes qui sont efféminés et dont les hommes sont non conformes aux normes de genre (13). Et beaucoup de personnages hobbits et nains ont une grande profondeur et sont émotionnellement humains. Je trouve mieux de ne pas les considérer comme « humains » dans le sens où ce serait des races d’humains différents, mais plutôt de les considérer comme des créatures de fiction pure conçues pour être au service d’une histoire et d’un monde merveilleux.
Beaucoup de gens se retrouvent dans les hobbits et les nains puisqu’ils sont dépeints comme aussi conscients que les humains, mais sont également différents. Je ne pense pas que ce soit un problème d’avoir des groupes de créatures qui sont « juste comme ça » tant qu’ils ne véhiculent pas de stéréotypes intolérants.
P
Oups j’ai oublié d’ajouter que beaucoup de personnes neuroatypiques (moi y compris) se retrouvent dans les changelins, les fées et les androïdes, qui pensent différemment de la « norme » et ne comprennent pas ces Règles Sociales Bizarres. Des personnages comme Penny wiki de RWBY, Data de Star Trek et Peridot [du dessin animé] Steven Universe.
Bryony
Tu viens de me donner une tonne d’idées pour les trolls : et si, puisqu’ils sont bien plus grands, ils vivaient le passage du temps de façon beaucoup plus lente ? Ils et elles auraient donc des réflexes plus lents et prendraient plus de temps pour tout faire, qu’il s’agisse de parler ou de comprendre qu’iels ont vu quelque chose. Ainsi, les autres espèces pourraient penser qu’iels sont moins intelligent-es sur la base de ces observations superficielles et ne pas avoir connaissance des activités distinguées des trolls comme la poésie, les casse-têtes, et les théories philosophiques sur la migration des papillons. Un peu comme la façon dont les ents parlent dans le Seigneur des Anneaux, mais perçu différemment. Peut-être se voient-ils même comme des gardiens du monde ? Tu penses avoir passé discrètement un troll, alors qu’en réalité il a réussi à cacher derrière lui un nid d’oiseaux menacés et vital à l’écosystème.
Peut-être que leur culture pourrait valoriser les temps d’attention longs et l’examen minutieux, plutôt que sur la vitesse ? Cela en partie parce qu’ils n’ont pas de prédateurs naturels dont ils doivent vite se défendre, mais aussi car la planification et la prévoyance leur ont permis de faire des progrès en agriculture et en sources d’énergie renouvelables, choses qui sont maintenant au cœur de leur société.
Cay Reet
Sir Terry Pratchett wiki (puissent le clic-clac [réseau de communication par sémaphores (NdT)] à jamais diffuser son nom) avait une approche intéressante des trolls dans Le Disque-monde wiki. À première vue, ils tombent dans la catégorie des « brutes idiotes », mais cet aperçu ne montre pas toute la vérité (comme souvent chez Pratchett). En effet, les trolls ont évolué dans des régions très froides et leurs cerveaux de silicium - ce sont des rochers vivants - sont donc optimisés pour ces températures. S’ils descendent dans des climats plus tempérés, leurs pensées ralentissent et ils paraissent stupides. Ce sont en fait les trolls intelligents qui quittent leur foyer pour chercher du travail dans les vallées, pas les moins futés.
D’ailleurs dans Le Guet des orfèvres wiki, un nain construit un casque refroidissant pour un troll, qui devient bien plus intelligent dès que son cerveau se retrouve au froid.
La Grande A’Tuin portant le Disque-monde (Great A'Tuin II, Paul Kidby, 2013)
Tony
Aussi, si une histoire implique de tromper un monstre moins intelligent, il vaudrait mieux d’en faire un animal d'intelligence équivalente (mais toujours moins importante que celle des humains) plutôt que d’en faire un humanoïde bas de plafond. Par exemple, une des épreuves pourrait être de distraire un chien de garde.
Cay Reet
Comme dans le mythe classique du sphinx, oui. Le sphinx n’est pas humain ou humanoïde, mais a la tête d’un humain, le corps d’un lion et un comportement bestial. Si iel (la version égyptienne est masculine, la version grecque, féminine) te soumet une énigme ou te bloque le passage, il n’y a pas de problème à ce qu’iel néglige une chose qui permette facilement de le-a tromper ou surpasser.
Jarosch
Je ne sais pas exactement où ça se place dans cette discussion, mais [le roman de Hard science-fiction] Vision aveugle wiki de Peter Watts part un peu… dans tous les sens sur le sujet.
C’est l’histoire d’un équipage de vaisseau spatial principalement composé de personnes présentant des degrés extrêmes de neuroatypie. D’un côté, l'auteur réussit à donner aux individus des personnalités allant au-delà de leur condition, et à montrer les différents aspects de ces dernières Elles présentent parfois des inconvénients, certes, mais elles rendent aussi les membres de l'équipe parfaits pour la mission. Qui de mieux pour un premier contact avec une intelligence alien que quelqu’un qui est déjà à moitié étranger dans son propre monde ?
Watts n’est pas à la hauteur sur d’autres points. Le plus flagrant étant le postulat (pas entièrement déraisonnable mais plutôt tiré par les cheveux) que le mouvement des militant-es de la neurodiversité (14) – nommé explicitement dans le texte si ma mémoire est bonne – aurait comme aboutissement logique de créer des sociopathes s’affichant clairement et fièrement comme tels, régnant en toute impunité et menant le monde à sa perte.
Il y a aussi des termes… désuets sur certains sujets.
D’autres personnes l’ont lu ?
Petar
Je l’ai lu (pas une lecture facile, mais des idées intrigantes).
Le livre donne vraiment une tournure très intéressante au concept de « race mauvaise » avec ses extraterrestres. Tu les connais déjà, mais je vais quand même expliquer pour celleux que ça intéresse.
L'intrigue de Vision aveugle est centrée sur une mission de premier contact avec une race d'extraterrestres récemment découverte à la limite du système solaire. Il s'avère que ces derniers sont tout à fait incapables de coexister pacifiquement avec les humains. Et ce n'est pas parce qu'ils sont barbares ou stupides. En fait, ils parviennent à être à la fois beaucoup plus intelligents et beaucoup plus bêtes que nous. Certes, ils sont excellents en science, technologie et résolution de problèmes, mais ils n'ont pas la conscience sensible la plus élémentaire. Celle que même un nouveau-né possède.
L’univers de Vision aveugle part du principe que, du point de vue de l'évolution, la conscience humaine s'est développée par pure coïncidence. La plupart des races intelligentes de l'univers n'en ont pas, car cette conscience vous pousse à faire des choses inutiles – comme créer de l'art – plutôt que de transmettre vos gènes à votre progéniture (comme le veut l'évolution). N'ayant pas de conscience d'eux-mêmes, ces extraterrestres considèrent tout signe de communication qu'ils ne peuvent pas comprendre comme une tentative de gaspiller leur temps et leurs ressources, et donc comme une action agressive. C'est pour ça qu'ils veulent nous tuer.
C'est vraiment une tournure intéressante du cliché de la « race/espèce mauvaise ». Les extraterrestres ne sont pas maléfiques parce qu'ils nous sont inférieurs, mais parce que les lois mêmes de l'univers les ont créés comme tels. Nous, les humain-es, sommes des erreurs de la nature. Comme on peut s'y attendre, c'est une histoire d'horreur cosmique très sombre.
Gwen
Il m’arrive de faire l’inverse du truc « espèces contre races » en ne les différenciant pas du tout. Par exemple, toutes les créatures viennent de la même espèce qui a été modifiée physiquement par un plan magique particulier. Donc même si leurs apparences sont différentes, presque tout le monde partage les mêmes perspectives sur la culture qu’elles habitent.
Les elfes ne pensent pas différemment (et j’ai tendance à raccourcir leur espérance de vie pour la rendre plus « normale ») mais leurs rêves sont si souvent envahis par les fées qu’iels ont développé des défenses (une résistance aux charmes et un recours à la méditation plutôt qu’au sommeil).
Quant à être un nain, c’est plus un métier qu’une espèce, car voyager à la surface, en dehors des zones protectrices de la mine, soumet leurs corps aux effets du plan élémentaire de la Terre. Et ainsi de suite ; même les humains ne sont pas standards - ils sont influencés par le royaume des ombres et ont plus de mal avec la magie. Ils peuvent plus facilement s’enliser dans les corvées et la routine que les autres races, et leurs rêves sont moins vifs et moins faciles à interpréter.
Mais en rendant la différence entre les « races » fantastique et cosmétique, plutôt que génétique, on facilite le multiculturalisme et ça autorise les cultures mauvaises - comme les Romains seraient vus par les Gaulois, ou les Vikings par les Irlandais, ou toute autre nation impérialiste à ceux qu'elle rencontrait. Si leurs elfes, orcs et nains combattent vos elfes, orcs et nains, cela met en évidence le fait que les différences sont culturelles plutôt que génétiques.
De plus, l’idée même que certaines espèces aient des bonus en Charisme/Intelligence/Sagesse me met un peu mal à l’aise. Je préfère leur donner des bonus en Force/Dextérité/Constitution et au lieu d’un bonus de sous-race, je leur donne des bonus culturels. Les races qui n’auraient pas de bonus en Force/Dextérité/Constitution ont deux +1 à n’importe quelle autre caractéristique. Mais chaque espèce peut avoir le même bonus culturel et ça rend la création de monde plus intéressante, notamment quand on voit comment différents groupes de différents lieux réagissent.
Cay Reet
Biologiquement, n’importe quels êtres capables de se reproduire l’un avec l’autre (et dont la descendance est fertile) forment une espèce (15). La race, en revanche, a été utilisée par le passé pour distinguer différentes apparences ou ethnies. Bien que le mot ne soit pas problématique en soi, la façon dont il est utilisé pour les humains le rend nocif dans ce contexte.
Par exemple, « chien » est une espèce mais « caniche » est une race. Un caniche peut se reproduire avec tous les autres chiens, mais on ne peut pas faire s’accoupler un caniche avec un chat et s’attendre à une descendance viable. Les chiens et les chats sont des espèces, les caniches et les rottweilers sont des races.
CAAAAAANICHES !
Gwen
(…) Le caniche apporte un point de vue très intéressant d’une autre manière. C’est une création d’une contrainte extérieure, tout comme les races de fantasy, j’imagine. Mais au lieu de croisements forcés pour obtenir des caractéristiques précises, c’est un effet magique - causé par la nature chaotique des plans – qui influence leur physique.
Mais l'idée que certaines différences biologiques peuvent vous rendre plus intelligent, plus sage ou plus charismatique est trop imprégnée d'eugénisme pour être acceptable. Les cultures peuvent certainement mettre l'accent sur des valeurs particulières, p.ex. de communication, ou enseigner à tous leurs enfants l'importance des compétences pratiques et de la conscience de leur environnement, mais ce n'est pas inné.
Un elfe est rapide, n’a besoin que d’une transe de 4 heures pour se reposer et résiste aux sortilèges. Rien qui n'implique quoi que ce soit en termes de tropes narratifs. Bien sûr, on peut interpréter qu'ils sont nés en sachant se servir d'un arc, qu'ils sont des maîtres archers sans avoir eu d’entraînement parce que leur cerveau de nourrisson a téléchargé ces connaissances lors de la fécondation, mais je ne pense pas que ce soit ce que les créateurices voulaient dire.
La culture a déjà plus sa place dans un bloc de caractéristiques. Est-ce que les hauts elfes, les elfes sylvains et les drows ont de telles différences biologiques qu’il est logique pour un bébé drow d’avoir une connaissance des poisons ? Mais s’il est élevé ailleurs ? Ce que je veux dire c’est que D&D fait de la culture et de la biologie des synonymes et je pense que c’est un peu dépassé.
Si vous utilisez l'idée du caniche, il est encore moins logique que ces elfes soient et restent isolés les uns des autres. Les caniches vivent dans les mêmes maisons que n'importe quel autre type de chiens. L'idée que les races ne constituent pas des cultures distinctes et isolées les unes des autres est importante. Ainsi, on peut définir les cultures autrement que comme « non humaines ».
C’est aussi plus intéressant de montrer les interactions entre différents types de personnes et différents aspects de chaque culture.
La culture sylvestre « naturelle » peut être plus que seulement « celle des elfes ». Ça peut être celle des humains, des gnomes, des orcs, des halfelins, peut-être même des drakkéides ou des aasimar. Ce n’est pas une culture liée à la nature parce que les elfes sont prédisposés biologiquement à l’aimer (ce qui n’a aucun sens dans aucun contexte), mais parce qu’elle est composée de personnes différentes qui vivent de cette façon depuis longtemps, ressentent le besoin de la protéger, se rebellent contre la culture urbaine ; ou parce qu’une créature féérique les y pousse. Mais toutes ces raisons sont mieux que « bah c’est des elfes ».
Jeppsson
Voici mon point de vue sur les « espèces mauvaises »…
J’utilise bien une « espèce maléfique » dans mes écrits, car tous les démons sont mauvais. Je pense que c’est acceptable si :
a) l’espèce n’est pas codée en tant que personnes non blanches, en situation de handicap, etc.
ET
b) elle est suffisamment différente des humains.
Pour le deuxième point, je pense que tant qu’une espèce est à la fois animale (elle mange, dort, se reproduit de façon sexuée, comme tous les animaux) et possède une forme de société, alors il s'agit d'humains sous un autre nom, même si on leur donne une apparence distincte, et peut-être quelques capacités améliorées. Et l'expression « toute l'espèce est maléfique » s'accompagne alors d'un lourd passé.
Si votre espèce mauvaise est si différente qu'elle n'est ni animale, ni n'a de sociétés, alors je pense que ce passé disparaît.
Cay Reet
Pour les démons au sens classique, vous êtes potentiellement dans une zone grise en termes d'espèces maléfiques. Traditionnellement, les démons ne sont pas des êtres normaux, mais l'incarnation physique d'esprits maléfiques, ce qui signifie qu'ils sont effectivement maléfiques par nature.
Cependant, si vos démons sont nés et ont une vie normale (comme par exemple les Démons de la série des Artemis Fowl wiki, qui sont l’une des huit familles de fées, en faire une « espèce mauvaise » ou une « race mauvaise » n’est pas une bonne idée.
Couverture du livre Colonie Perdue wiki (The Lost Colony), 5e tome d'Artemis Fowl et première apparition des Démons.
StyxD
Je trouve intéressant qu’on enfonce encore des portes ouvertes comme « ne pas rendre vos races essentiellement mauvaises, stupides, etc. » qui sont des évidences depuis aussi loin que je m'en souvienne. Bien sûr, D&D continue d'apporter de l'eau à ce moulin, puisqu’ils ne semblent pas prompts à rompre avec les parties cheloues de leur histoire. Et tout ça, malgré le fait que la plupart des gens de nos jours préfèrent jouer ces « races monstrueuses » plutôt que d’en massacrer des communautés entières sans culpabilité (ce que les races « toujours chaotiques mauvaises » étaient censées permettre).
Je ne suis pas sûr que changer le terme « race » par « espèce » marche toujours dans la fantasy. Le mot « espèce » a une définition très claire (comme Cay Reet l’a expliqué [sur les caniches plus haut]), et avec l’enthousiasme avec lequel les créateur-ices d’œuvres de fantasy font se reproduire leurs créatures entre elles, ça ne marche tout simplement pas. Genre, est-ce que les humains et les elfes « classiques » sont vraiment deux espèces différentes, avec autant de demi – et de quart – (et ainsi de suite) elfes dans tant d’histoires ? Dans D&D il y a même des demi-dragons (qui ne sont pas fatalement stériles pour autant que je sache), ce qui voudrait dire que… les humains et les dragons sont de la même espèce dans Les Royaumes oubliés (16)?
La définition scientifique d’une espèce perd rapidement son sens dans des situations comme celle-là. Je pense que le fait que le terme « race » soit socialement construit peut même être positif pour certains mondes de fantasy car l’auteurice peut simplement dire « ce sont les races telles que comprises par les personnes de ce monde fictif » et ne pas s’inquiéter de la façon biologique dont ces différences fonctionnent.
D’un autre côté, je comprends qu’utiliser « race » de cette manière dans la fantasy peut perpétuer l’idée fausse que c’est une distinction basée sur des différences tangibles et objectives. Donc je ne dis pas qu’on ne devrait rien changer ; je ne suis simplement pas convaincu que le terme « espèce » fonctionne pour la fantasy (c’est probablement très adapté à la SF) et je ne suis pas sûr de ce qu’on peut faire :(
Enfin bref, c’est un super article, je ne veux pas donner l’impression que je ne fais que me plaindre :p
Sharl
Je suis en train d’écrire une aventure dans laquelle les jeunes hommes les plus odieux et – les moins sûrs d’eux-mêmes - d’un clan d’orcs rejoignent aux Méchants, tandis que le reste du clan vient en aide aux PJ et aux habitants pour obliger leurs congénères à sortir la tête de leur postérieur. Rien n’implique « orc = mauvais », ça dit juste « être jeunes, en colère et se sentir brimés, amène parfois à faire de mauvais choix » (un peu comme dans la vraie vie).
Bellis
J’aime cet article ! Surtout parce que ça aborde la question « Que pense le reste de l’espèce/la culture/le groupe des membres mauvais ? ». Pour moi, c'est frustrant que ce soit aussi souvent ignoré, et je me réjouis toujours de voir ce sujet traité, comme dans Star Trek : Deep Space 9 qui présente un mouvement démocratique de résistance cardassienne.
Et vous avez même des explications réalistes aux comportements destructeurs ! Une autre chose qui manque aux histoires présentant des Races Mauvaises™...
Il serait intéressant de voir comment ce genre de choses interagit avec le racisme ou les stéréotypes qui peuvent exister dans le monde fictif. Par exemple certains orcs pourraient tout faire pour être doux et polis (peut-être au point de se laisser marcher dessus), afin d'éviter le stéréotype de l'orc agressif. D'autres l'adopteraient quant à eux pleinement parce qu'ils sont rebelles ou se rendent compte qu'ils ne pourraient pas y échapper de toutes façons. Mais cela nécessiterait un niveau certain de détail et de complexité pour cet aspect particulier de l'histoire et je comprends parfaitement que la plupart des histoires ne l'explorent pas (si même elles incluent du racisme dans leur monde).
Le Bibliothécaire orc (The Orcish Librarian) ! Fabuleuse carte de Magic The Gathering, illustrée par Phil Foglio (1995).
(1) NdT : Pour en apprendre plus sur l'édification du racisme, qui n’est pas « immémorial » mais bien une construction apparue à l’époque du Colonialisme pour justifier un système, regardez Une Histoire du racisme youtube, une vidéo d'Histoires Crépues. [Retour]
(2) NdT : Un questionnement qui surgit dès les premiers modules de Donjons & Dragons, cf. Les Orcs, la violence et le Mal ptgptb. [Retour]
(3) NdT : Nous proposons des traductions qui suggèrent des monstres effrayants qui dépassent les limites de la nature, Rendre les insectes effrayants et Effrayez-les. [Retour]
(4) NdT : Une première version du film wiki sort en 1981 et une seconde wiki en 2010. [Retour]
(5) NdT : Les « exercices d'empathie » sont utilisés régulièrement lors de campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux ou même dans l'animation avec les jeunes publics. Ils consistent à demander à une personne voyante de se bander les yeux et de vivre de cette manière pour un moment. Elle est ainsi censée expérimenter et comprendre la manière dont les personnes aveugles vivent sans la vue. [Retour]
(6) NdT : Le plus léger Et si les humanoïdes de la fantasy étaient des constructions sociales ? fait réaliser que les clichés des « races » fantasy permettent de les ranger dans des petites cases de notre imaginaire… [Retour]
(7) NdT : En anglais, le mot « race » est exclusivement réservé aux groupes humains et ne concerne pas les groupes animaux, contrairement au français. Dans notre langue, le terme est cependant d’un rang taxonomique informel et inférieur à celui d’« espèce » wiki. Pour une introduction simple et une discussion sur la nuance, nous vous recommandons de commencer par l’indispensable Espèces / Races / Cultures ptgptb. [Retour]
(8) NdT : En fantasy comme dans le monde réel, les « espèces » différentes peuvent se révéler fertiles. Par exemple chez les animaux, les tigrons et les ligres ; certaines mules/mulets (croisement d'ânes et de chevaux). Chez les humains, la descendance des Néandertaliens et des Sapiens. Dans les mondes imaginaires, celle des elfes et des humain-es. [Retour]
(9) NdT : Si les elfes sont en grande majorité codifiés en personnes blanches, les elfes noirs (drows wiki) font exception. À l’inverse des elfes blancs, iels étaient présentés initialement comme intrinsèquement maléfiques et occupaient exclusivement des rôles de Méchant-es, rappelant des stéréotypes racistes et stigmatisants. Depuis leur apparition en 1981, et grâce au succès des romans de R.A. Salvatore ayant pour héros Drizzt Do’Urden wiki, leur espèce s’est cependant peu à peu diversifiée. [Retour]
(10) NdT : Le Body Horror wiki est un genre horrifique proche du gore qui met en scène des transformations graphiques du corps humain psychologiquement perturbantes. [Retour]
(11) NdT : Nous aurions tendance à employer l'expression « personne souffrant de psychose » mais nous avons choisi de respecter les propos d'une personne concernée. [Retour]
(12) NdT : Une barbe sur une femme n’est pas nécessairement une caractéristique intersexe. [Retour]
(13) NdT : Précisons que le rapport aux normes de genre a toutefois lui aussi été utilisé pour appuyer les discours discriminants et notamment coloniaux. Dans ces derniers, les hommes africains, arabes ou asiatiques étaient représentés comme faibles (puisque vaincus) et donc féminisés. À l’inverse, les femmes africaines ont longtemps été décrites comme non civilisées, brutes et masculinisées.
Dans le cas qui nous intéresse (celui des nain-es et des elfes), on retrouve le stéréotype classiste qui voudrait qu’un groupe social civilisé délaisse son investissement du corps au profit de l’intellect et donc se féminise. Les nain-e sont rustres (et donc masculin-es) : iels aiment la bière et la viande et tous les membres de la communauté possèdent des traits physiques attribués à la virilité. Les elfes sont délicat-es, civilisé-es et réfléchi-es et habitent donc une masculinité de l’intellect : iels se féminisent physiquement.
Ainsi l’idée que tous les membres d’un groupe aient exactement le même rapport aux normes de genre peut aussi être vecteur de discours stigmatisants. [Retour]
(14) NdT : Le neurodiversity movement (en) est un mouvement militant qui a débuté au milieu des années 1990 et se bat pour le respect des droits et l'inclusivité pour toutes les personnes neurodivergentes. [Retour]
(15) NdT : La réalité biologique et taxonomique est bien plus complexe wiki. Cf NdT (8). [Retour]
(16) NdT : L’argument spéciste des demi-dragons est erroné, car il ne prend en compte qu’une partie du lore des Royaumes oubliés, et ne se concentre que sur la définition scientifique d’un terme sans prendre en compte son usage, ce qui est bien plus important d’un point de vue social. [Retour]

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