Tolkraft : du Défi 3 Fois Forgé à l'éDition
Peux-tu te re-présenter en quelques lignes ?
Oui, surtout qu’il y a eu un peu de changement depuis mes dernières interviews.
Donc bonjour, je suis Tolkraft, la 40aine, résidant sur Lyon, et participant régulier au 3FF. J’aime le cinéma, la cuisine et le JdR.
Depuis juillet 2023, plus qu’un hobby, le JdR est également devenu un métier pour moi : je bosse en freelance sur mon temps libre pour faire principalement de la mise en page, mais aussi du conseil, de l’adaptation, de la rédaction… pour mes quelques clients, dont le principal est aussi mon éditeur (dont je parle plus bas).
Et je suis désormais aussi un auteur publié : au moment où vous lirez ces lignes, mon jeu Tel Ulysse sera disponible en boutiques et en ligne.
Première étape : créer un jeu de rôle de 6666 signes max
SAMUSE – est un petit jeu sans prétention, où l’on joue des sortes de bénévoles de SOS-Amitié (d’où le nom de code PERNORD : PERe NOël est une ORDure). Tu n’avais pas de concept plus ambitieux dans tes réserves de projets ?
Je l’admets, SAMUSE - Service d’Assistance Mutuel d’Urgence pour les Sourires et l’Émerveillement est un petit jeu dont l’idée m’est venue sur le quai de la gare, dont j’ai rédigé la moitié à l’aller et que j’aurais pu boucler au retour (même si je l’ai fait quelques semaines plus tard, chez moi).
Je commence à être rodé au 3FF (c’est ma 5e participation) et j’ai pu constater qu’un « concept ambitieux », ce n’est pas forcément ce qui perdure le mieux au fil du Défi, car il faut qu’il plaise aux deux forgerons suivants.
Cette année, je n’avais pas de projet en réserve à jeter en pâture au Défi, j’en ai donc écrit un « pas ambitieux », mais avec une idée claire et nette : entraide et espoir.
En 2e étape il est devenu un jeu sur les civils pris au milieu d’une guerre…
Rien à voir, au point que nous les orgas nous sommes demandé si se différencier à ce point du thème initial était dans l’esprit du Défi, qui est quand même une création + ou - guidée par les thèmes choisis par l’auteur précédent…
Ton opinion là-dessus ?
C’est à mon sens totalement dans l’esprit du 3FF, c’est même la règle d’Or N°2 (et c’est vous qui l’avez fixée, pas moi ^^) :
« […] Tu peux TOUT chambouler du jeu que tu as récupéré, du moment que tu gardes CE QUE TU PENSES être les éléments fondamentaux du jeu. La « trahison » (le terme est trop péjoratif pour ce concours) est un principe du Défi. »
Même si j’utilise rarement cette règle (j’essaye de rester fidèle à au moins l’une des deux forges), je considère que le principal but des Forges 1 et 2, c’est de donner des idées au 3e forgeron. Et si ce sont des idées en réaction à ces deux premières forges, elles sont tout aussi valables que des idées qui iraient dans le même sens.
Je ne suis pas convaincu (mais bon tu es bienveillant, c’est bien). Y a quand même comme mots-clés dans l’esprit d’une création évolutive “gardez” et “éléments fondamentaux”; on se demande ce qui a été gardé...
Ah non, ce n’est pas du tout une réponse de complaisance de ma part. Moi, dans la Règle d’Or N°2, je lis surtout “La trahison est un principe du Défi”.
J’ai même envie de te répondre que je préfère quand les 2e forges sont très différentes des premières : ça fait d’autant plus d’idées potentiellement très originales pour créer une 3e forge qui sorte des sentiers battus !
Exemple : tu me donnes en 1ere forge un jeu ou l’on joue des gentils héros, avec une 2e forge qui développe le concept, sans le changer. Ben y’a de fortes chances que je ponde une 3e forge dans la même veine. Créer un jeu original à partir de ça, cela veut dire que tu as tes seules idées comme unique recours. Et on a beau tous être créatifs, on a souvent le syndrome de la page blanche quand on nous dit au débotté : “hé, vas-y, invente-moi un truc original, là tout de suite !”. Bref, une base de jeu lisse et homogène, ce n’est pas vraiment l’idéal pour faire de petites étincelles aptes à allumer une bonne idée. Or, tous les gamins qui ont joué avec des silex le savent : les étincelles viennent de la friction.
Si maintenant, tu me donnes la même première forge, mais une 2e forge qui a tout jeté pour te faire jouer des vilains méchants, immédiatement j’ai une idée qui fuse : je fais une 3e forge où tu joues à la fois les gentils ET les méchants ! C’est fun, original, avec de grosses possibilités de méta-jeu…
Mon exemple est bateau, mais même si les deux premières forges n’ont absolument rien à voir (un jeu sur la cuisine et un de petits poneys ? Une 1e forge sur l’urbex et la seconde sur les cartes de fidélité?) ben immédiatement, par association d’idées, tu en as une 3e qui germe plus facilement que si tu as juste “deux forges sur un jeu de télécommandes” (ça se voit que je prends pour exemple ce qui traine sur mon bureau ?)
Il est devenu Larmes, jeu narratif et dramatique des Ukrainiens ou des Palestiniens bombardés. Même si ton thème de départ est méconnaissable, quelle est ton opinion sur cette dernière version ?
Larmes (6e) Au pays de Samaah, la désolation est un quotidien.
Dans ce jeu de rôle sans MJ, vous incarnez des civils pris dans les horreurs de la guerre, entre des nationalistes brutaux et des rebelles abominables. Saurez-vous trouver de quoi survivre ?
Oxymore puis Dak ont fait du bon boulot, qui aboutit à un jeu sombre, puissant, éprouvant… C’est le complet opposé de mon concept initial, mais c’est ça la magie du 3FF : on ne sait jamais vers quoi va tendre notre idée de départ.
Va savoir : si j’avais proposé un jeu de guerre en première forge, il aurait peut-être débouché sur un jeu Feel-Good. Les variables sont nombreuses : qui est le forgeron qui reçoit ton jeu, son état d’esprit lorsqu’il travaille à sa propre version…
C’est cette sérendipité que j’aime dans le 3FF : parfois, les astres s’alignent pour produire de véritables pépites.
Vas-tu produire une nouvelle version de Samuse ?
Non, c’était juste une tentative de voir ce que donnerait au final une base de jeu qui ressemble assez peu à ce que je fais d’habitude (un jeu contemporain, réaliste, avec comme thèmes principaux l’espoir et l’entraide).
Je me demande d’ailleurs si l’année prochaine, je ne ferais pas l’inverse en 1e forge : proposer un jeu vraiment ignoble, qui effleure les pires instincts humains, pour voir ce qu’il devient. Peut-être qu’en réaction, on aura un jeu génial rempli de soleil et de bonne humeur.
Le 3FF, c’est un peu une expérience de sociologie en fait XD.
Deuxième étape : récupérer un JdR de première étape et en faire un de 11000 à 14500 signes
Comment as-tu perçu ACME, le jeu que tu as reçu pour l’étape 2 ?
Je l’ai perçu comme un challenge. Un jeu en 3 pages pour jouer des Toons, sur le principe c’est sympa… si ce n’est que le sujet a été traité exhaustivement dans le jeu Toon grog de Steve Jackson Games, en 1984. Si exhaustivement qu’à ma connaissance, aucun autre jeu ne s’est risqué sur ce thème (Ah si, après recherche, il y en a eu un autre, MadCap, c’est Toon avec le système d'Apocalypse World).
Qu’as-tu changé et pourquoi ?
J’ai cherché une idée pour emmener le jeu plus loin que « On joue des Toons ». Ma première idée était un jeu d’enquête à la Qui veut la peau de Roger Rabbit ? wiki, un film que j’adore, mais bon, ce n’était pas vraiment original.
Et puis, en tant qu’enfant des années 80, j’ai réalisé que j’avais assisté à la télé à une période charnière : le déclin des cartoons américains et l’émergence des animes japonais. J’ai alors imaginé que les Toons essayeraient de saborder la concurrence en allant pourrir les dessins animés étrangers, et j’ai écrit Les Toons font de la Résistance.
Les Toons contre les Japoniaiseries a continué sur la lancée de ta 2e étape… Quelles ont été les différences ?
Je t’avoue que si j’ai lu le jeu pour voir ce qu’il était devenu, je n’ai pas pris le temps de le décortiquer et de l’analyser.
J’ai ce rapport ambigu avec mes 2e forges : c’est un jeu que j’ai écrit, mais vu que je n’ai pas la main sur ce qu’il devient au final, j’ai du mal à considérer que c’est un jeu qui est de moi. Je fais juste de mon mieux pour proposer des idées de jeu sympa et des systèmes qui soient solides, afin de faciliter le travail du 3e forgeron s’il a envie de repartir de ma base.
Bref, j’évite de trop « m’attacher » à mes deuxièmes forges, sauf quand je ponds un concept qui me plait vraiment. Ça ne m’est arrivé qu’une fois, avec La Forest, que j’ai redéveloppé en jeu complet après le Défi.
Le jeu est arrivé 22e, que lui a-t-il manqué ?
Les Toons contre les Japoniaiseries Au début des années '90, les Toons organisent une résistance face au péril qui grignote leurs plages horaires et les mène droit vers la déprogrammation : les animes japonais.
Pour 2 à 4 PJ et une MJ.
Tu penses bien que si je pouvais savoir avec justesse ce genre de choses, je serais aussi connu que Gary Gygax et rédigerais cette interview depuis mon ile privée dans les Maldives. Ce n’est pas le cas XD.
Je pense néanmoins que le jeu de Goto Von Kern est desservi par son choix esthétique : c’est écrit gros, en gras, ce qui gomme une grande part de la structure et de la hiérarchie du texte, et le rend peu agréable à lire. En tout cas, c’est l’effet qu’il me fait.
Troisième étape : récupérer un JdR de 2e étape et le passer à 28000 signes max
Tu avais le choix entre développer La meute Argentée d’Allegas – une variation de loups-garous, et un jeu mixte jeu de plateau/JdR par Fabien C. situé dans les Andes.
Mes yeux ont fait le grand écart ! Là encore, on avait un bel exemple du genre de surprise que produit le 3FF : deux jeux aux antipodes. Et en plus, je n’avais d’atomes crochus avec aucune des deux propositions :
- J’ai joué une unique partie de Werewolf l’année dernière, un peu par hasard,
- Et le jeu de Fabien C. me semblait avoir une surcouche JdR bien trop mince à mon gout.
Qu’en as-tu fait ?
J’ai réfléchi a un moyen de combiner les deux jeux (j’aime essayer de coller tant que possible aux jeux que je reçois, c’est mon petit défi personnel).
- De la première forge, j’ai gardé l’idée de base : on joue des lycanthropes face à un envahisseur.
- De la deuxième, j’ai gardé le contexte méso-américain, mais l’ai déplacé des Incas aux Aztèques, qui me semblait mieux coller à la découverte des envahisseurs espagnols, et de la thérianthropie [transformation d’un humain en animal, et vice-versa], avec les fameux guerriers-jaguars et guerriers-aigles aztèques. Je les ai juste utilisés littéralement :)
Et puis tout le jeu de plateau qui constituait le cœur de la 2e forge, je me suis dit que je pourrai le réutiliser de façon « méta », pour décider du déroulement d’une campagne qui raconte la chute de l’empire aztèque.
Aztecalypse; un jeu de rôle et une campagne dynamique où vous incarnez des Aztèques métamorphes (guerriers-jaguars, guerriers-aigles, sorciers…) et tentez de retarder la chute de votre civilisation face à l’envahisseur espagnol, leurs maladies et leur Dieu à la croix.
Seize pions répartis sur 4 lignes de jeu, c’est autant de microscénarios répartis selon les 4 axes narratifs (la Maladie, les Espagnols, les Révoltes internes et le Christianisme) qui ont concouru à la fin des Aztèques. Chaque pion représente un petit scénario, et on joue ceux que l’unique pion doré (qui représente les PJ) a capturé : ça symbolise un peu la rencontre entre les PJ et ce bout d’histoire. Ça me permettait de proposer un cadre de jeu, des axes narratifs, mais de laisser la partie jouée sur le jeu de plateau dicter l’ordre et les événements de la campagne. Il est même possible d’éviter la chute de l’Empire si on joue (très) bien !
Je ne sais pas vraiment si ce mélange (un jeu de société « méta » qui gouverne la campagne de JdR) est une bonne idée ou pas, mais en tout cas, j’ai pris grand plaisir à concevoir tout ça, et c’est bien le principal, à mon avis, sur le 3FF.
Il est arrivé premier du classement parmi les pairs ! Quels ont été les retours des pairs ? Te voyais-tu gagner le Défi pour la 3e fois ?
Les retours des pairs ont été équitablement répartis, avec des notes allant de 12 à 18. Le jeu a surpris (et parfois déçu) avec sa proposition de campagne dynamique qu’on ne va jouer normalement qu’une seule fois. Si certains ont du mal à envisager le JdR comme autre chose qu’un loisir « infini » (c.-à-d. vous pouvez jouer des années avec le même JdR), ce n’est pas du tout mon cas, et encore moins dans le cadre du 3FF (jeux courts, gratuits et sous licence libre).
C’est l’endroit idéal pour écrire et tester de nouveaux formats de jeu, des trucs qui sortent des sentiers battus, et qui pourraient plaire et être repris par d’autres créateurs. On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise, d’avoir une idée de génie, mais ce qui est sûr, c’est que ça n’arrivera pas si l’on se contente de faire du JdR « à papa ».
Et puis il ne faut pas oublier qu’en 15 jours, je ne peux pas écrire un jeu complet comme Téocali ou Sapa Inca, qui ont demandé des années de travail à plusieurs auteurs.
Si je me voyais gagner cette année ? Je n’avais pas d’attentes. J’ai écrit le meilleur jeu que j’ai pu en 15 jours ; j’étais dans le quintet de tête donc je n’avais à priori pas trop merdé.
La suite, c’est en dehors de mes mains et entre celles du jury, qui en fonction de ses membres et de leur sensibilité, va être plus ou moins réceptif à un jeu, ou pas.
La preuve, c’est que de 1er dans le classement des participant.es, Aztecalypse se retrouve finalement 5e au classement du jury, et que c’est l’excellent jeu de Gulix, Les Exilés de Pso, qui fait le chemin inverse et l’emporte cette année.
Je ne m’en plains pas : j’avais eu le même genre de parcours en 2020 avec Tel Ulysse [5e au classement des pairs, le jury le fait gagner (NdlR)]
On peut affirmer, je pense, que chaque année, les 5-6 jeux en tête du classement sont tous des jeux « solides », complets et bien conçus. Je ne dis pas que les autres jeux créés lors du 3FF sont nuls, mais juste qu’ils sont probablement moins peaufinés sous tous leurs aspects. Et le classement final, c’est surtout une histoire de chance et d’adéquation avec les gouts des trois membres du jury.
As-tu eu des retours du jury ?
Et non, je n’ai eu aucun retour du jury. Je le regrette : tu sais que je milite pour le retour des fiches d’évaluation que le jury remplissait... Outre un processus plus transparent, ça faisait surtout 3 avis étayés en plus sur ton jeu et les points à améliorer.
Tout auteur indé de JdR le sait : avoir des retours détaillés (de la part de gens qui ne soient pas des amis ou des connaissances) sur un jeu, c’est la croix et la bannière. Et c’est dommage : un avis impartial de la part d’un inconnu, ça peut avoir une grande valeur.
Les retours t’aideront-ils à écrire une 4e version de ce jeu ?
Je ne suis pas sûr de développer Aztecalypse plus avant. Les propositions (narratives et mécaniques) du jeu sont très marquées : il n’y a rien que je fasse qui fera changer d’avis ceux à qui le jeu ne parle pas. Et ceux qui l’aiment ou sont curieux sauront sans doute développer les intrigues et microscénarios proposés bien mieux que moi (qui ne connait pas grand-chose à l’histoire méso-américaine).
Après, évidemment, plus je vois d’indices que le jeu plait ou intrigue (par exemple sur Le Fix, qui m’a fait hier l’honneur d’un « Gratuit du Lundi » surprise ; ou bien quand je vois (via leurs forums) que des parties sont organisées en club…), plus il y a de chances que je retourne un jour sur le jeu pour le retravailler.
Mais je laisse généralement un an ou deux s’écouler, histoire d’avoir un regard neuf dessus.
Ah ouais, alors on devrait avoir une nouvelle version de PérégriNation arrivé 2e au 3FF6, de Canuts ! , de Planétès - les migrants de l'Espace qui avait gagné le 3FF3 ? ;)
Alors je ne promets rien, mais il y’a des jeux sur lesquels je retravaillerai bien.
- Planétès, il y’a peu de chances. Avec quelques années d’expérience en plus et de recul, je trouve qu’il manque pas mal de trucs au jeu. Et puis j’ai développé Tel Ulysse sur la base de ce que j’envisageai pour Planétès (c’était ma première participation au 3FF, je n’avais pas osé tout casser pour tout refaire), donc ça ferait un peu redite. Et puis surtout, Les Exilés de Pso – le vainqueur de l’édition 2023 – est un jeu au thème proche, mais mieux conçu, mieux guidé, plus didactique que Planétès.
- Canuts ! - pareil, je n’y reviendrai pas. J’ai beaucoup aimé travailler dessus (près de 10 jours de recherches sur le Net et dans des témoignages d’époque pour reconstruire une chronologie détaillée des événements (car non, il n’a pas suffi de recopier Wikipédia, comme on me l’a écrit ^^)) , mais je ne suis pas sûr au final d’avoir écrit un bon jeu. L’équilibre entre réalité historique et liberté ludique est délicat à trouver, et j’ai principalement concentré mes efforts sur le côté historique. Bref, c’est un jeu qui a de la gueule, qui est instructif et plaisant à lire ; mais qui n’est pas ultra-fun à jouer à cause de ma volonté de coller au mieux à la réalité historique.
- PérégriNation, par contre, je le redévelopperai sans doute. Cet univers que j’ai inventé et qui mélange cyberpunk arabisant + superhéros m’a bien plu au final. Et puis ma 3e forge était vraiment un “prototype de gros jeu”, une sorte de preuve de concept, jouable, mais pour lequel j’avais encore pas mal d’idées et de choses à raconter. Le synopsis de campagne en 10 épisodes fourni en atteste. Et puis j’ai eu quelques retours positifs dessus, donc ça fait toujours plaisir. Donc je ne sais pas encore quand (1d6 ans ?), mais j’aimerai rebosser sur ce jeu.
Quatrième étape : continuer tout seul et même publier une nouvelle version d’un de tes jeux
Revenons sur l’odyssée (!) de ton JdR Tel Ulysse, qui avait gagné le Défi en 2020.
La première version est d’ailleurs téléchargeable. Ensuite tu l’as remanié pour une parution dans Casus… N’est ce pas un peu contre-intuitif de publier un jeu qui a été lu par les milliers de lecteurs de Casus ?
Non, je ne pense pas que ce soit contre-intuitif. Sur le lectorat de Casus Belli, je pense que ce sera bien si 50 % ont lu le jeu, et si 1 % l’a testé. Ça réduit tout de suite à peau de chagrin ^^
As-tu fait beaucoup de parties de test ? Permettent-elles d’améliorer le jeu et de relancer l’envie de son auteur ?
Non, pas tant que ça, 10-12 parties environ. Ce sont surtout les premières parties tests qui aident à voir les défauts, les trous dans la raquette, les trucs pas très clairs. Et c’est bien aussi d’oublier son jeu pendant quelques mois, et d’y retourner ensuite : ça te permet de voir si le jeu est facile à prendre en main pour quelqu’un qui le découvre, si les points de règles sont faciles à retrouver dans le texte…
Et ce qui me donne surtout envie d’améliorer un jeu du 3FF, c’est quand je découvre que d’autres personnes y jouent où l’on testé. Ça fait toujours plaisir de voir que ton petit jeu crée en 15 jours intéresse suffisamment des gens pour qu’ils prennent le temps de le tester !
Qu’apporte de plus cette version publiée ?
Cette nouvelle version a bien entendu été améliorée et augmentée.
- J’ai revu tout le didactisme du jeu. Les deux premières versions étaient écrites pour des rôlistes, celle-ci s’adresse à un public plus large.
- J’ai peaufiné les mécaniques : au fur et à mesure des playtests, on découvre des situations, des choix… qui nécessitent un petit point de règle par-ci par-là.
- J’ai rajouté une surcouche de narration au jeu, via des questions (à la « Pour la Reine ») qui permettent de développer et d’étoffer les personnages bien plus facilement qu’avant, surtout pour des rôlistes débutants. Faire du “rôleplay”, ce n’est pas inné. Répondre à une question (“qui est ton meilleur ami sur le navire, et pourquoi ?”) c’est plus évident, et ça permet d’amorcer le roleplay, en développant les personnages.
- J’ai rajouté des options : jouer une partie courte en 1 heure, jouer en campagne longue, et j’ai même bricolé un plateau de jeu virtuel qui permet de jouer gratuitement et en ligne avec 1 seul exemplaire du jeu. Idéal pour passer un bon moment en jouant avec vos amis qui sont loin de vous.
- J’ai rajouté une playlist de 90 minutes pour sonoriser les parties.
- Et j’ai refait (avec l’aide de mon éditeur) toute l’esthétique du jeu.
Voici une courte vidéo de présentation du jeu.
Le jeu est vendu combien ?
Le but des Fondations de l’Imaginaire - mon éditeur - c’est de démocratiser le Jeu de Rôle et de le faire découvrir en boutique à des publics qui aiment jouer, mais qui n’osent pas franchir le pas, car le JdR, c’est encore réputé complexe et cher (même si les choses évoluent depuis une dizaine d’années, et qu’il y a désormais des propositions de jeux autres que « le gros livre à couverture cartonnée de 300 pages à 60 balles »).
D’où une volonté de proposer des jeux accessibles (en termes de temps de lecture et de jeu), et financièrement : le jeu coute 9,90 €, pour un livret couleur de 54 pages au format A5.
Où est-il imprimé ? à combien d'exemplaires ?
À Pornic :D.
Je suis sérieux en plus.
Quand Jérôme a initié ce qui allait devenir Les Fondations de l’Imaginaire en traduisant et en publiant le JdR soloRonin, il ne l’a pas fait avec un objectif de rentabilité commerciale (du genre : Kickstarter pour le financement et impression en Chine). Non, il a fait local et écologique : il est allé chez un imprimeur proche de chez lui, et a choisi d’imprimer sur du papier recyclé.
Vu que la relation avec l’imprimeur est bonne, qu’ils bossent vite et bien, il n’y a pas de raison d’en changer.
Et pour l'autre question, bon, demander ses tirages à un éditeur, c'est comme demander son âge à une dame : ça ne se fait pas à priori ^^. Si le jeu est épuisé, c'est qu'il a bien marché, et il sera alors sans doute réimprimé ^^
Éditeur de JdR c’était ton rêve ? Est-ce la ruine financièrement ?
Ah bah pour le coup, sur cette version de Tel Ulysse, j’ai endossé tous les rôles (auteur, illustrateur, relecteur, maquettiste…), sauf celui d’éditeur.
Suite à une interview parue sur Le Fix en juin 2023, Les Fondations de l’Imaginaire m’ont contacté pour discuter de la possibilité de publier certaines de mes créations.
J’en ai profité pour leur proposer Tel Ulysse, et également mes services, afin de les aider à concrétiser leur envie de publier des jeux « atypiques » - souvent des jeux indépendants, courts, et des JdR solo ; qu’on trouve difficilement sur le marché à moins de faire l’effort d’aller les chercher (en convention, en impression à la demande, ou dans les rares boutiques qui en ont 2-3 exemplaires…)
C'est pour ça que je me suis mis à mon compte en tant qu’Entrepreneur Individuel : avec un vrai client, j’avais besoin d’un vrai statut légal. Mais bon, je fais ça uniquement les soirs et week-ends : j’ai toujours besoin de mon métier habituel pour payer les factures, car je suis très loin de pouvoir vivre du JdR.
Sur Tel Ulysse, je suis payé et gagnant financièrement : je n’y ai investi que du temps. Ma philosophie n’a pas changé par rapport à avant : ce que je gagne avec le JdR, je le réinvestis dans le JdR, à savoir principalement les illustrations pour Hardi [qui n’est pas un Nième MedFan (NdlR)] Cet apport financier me permet un petit coup d’accélérateur : je vais pouvoir acheter plusieurs illustrations en 2024, là où j’étais à 1 ou 2 par an avant.
Est-ce la ruine financièrement d’être éditeur ? Je ne pense pas (personne ne bosse avec pour but de se ruiner), et les nombreuses petites maisons d’édition qui sont apparues ces dernières années montrent qu’il y a moyen d’exister, mais il faut savoir qu’il y a de nombreux freins à la réussite.
- Il te faut un capital de départ (en propre, ou via foulancement) pour payer (selon les cas) les créateurs (auteurs, traducteurs, illustrateurs, relecteurs, correcteurs) et l’impression.
- Il te faut une solution de distribution : soit tu expédies tout toi-même (et faut payer les frais de port), soit tu trouves un distributeur (qui est intéressé par ton jeu et va prendre sa marge).
- Il te faut faire connaitre ton jeu, et si ça ne te coute pas forcément beaucoup d’argent (si tu ne fais pas de pub), ça te coute beaucoup de temps…
Bref, si être éditeur, ce n’est pas forcément la ruine, il faut surtout être conscient que ça ne fera sans doute pas ta fortune. Et quasiment tous les métiers du JdR en France sont des métiers-passions : il ne faut pas compter ses heures, et il ne faut pas espérer en toucher un SMIC horaire.
En tout cas c’est des efforts en temps. Est-ce que tu le regrettes ?
Oh oui, c’est du temps, du travail et des efforts. Ça fait 6 mois que je n’ai plus beaucoup de soirées ou de week-ends de libres.
Mais non, je ne regrette pas, c’est une super expérience et une vraie satisfaction que de mener des projets à bien, avec un livre vendu en boutique à la fin ; d’autant plus si c’est l’un des tiens.
Notation des pairs
Parmi les jeux que tu as notés, lesquels recommanderais-tu ?
C’est Bloody Saint Day qui m’a le plus convaincu parmi les quatre jeux que j’ai évalués cette année. Il est 7e au classement et propose de jouer un gang irlandais de manière efficace et convaincante, avec une poignée de PNJ illustrés et un cadre de jeu prêt-à-l’emploi. L’auteur a manqué d’un peu de temps pour peaufiner le tout, mais la base est solide et originale, je vous encourage à le tester.
Bloody Saint Day; Un jeu sans MJ pour 3 à 5 joueurs/joueuses.
Il va vous permettre de raconter et de mettre en scène les luttes de pouvoir entre différents membres d’un gang dans un Dublin fictionnel.
Tout ce dont vous avez besoin, c’est 10 sous-bocks, 54 cartes, papier, stylo et de la Guinness.
3FF conv
Tu ne participes pas à la 3FF-conv car tu n’aimes pas jouer en ligne… mais quel souvenir gardes-tu du debriefing ?
Oui, je ne suis pas un grand fan du jeu en distanciel. Avec juste les voix et un board Miro sous les yeux, j’ai du mal à rester concentré sur la partie, je me sens moins impliqué qu’autour d’une table… Ça va mieux quand je maitrise, mais j’ai rarement envie de maitriser mes jeux du 3FF tels quels : j’ai l’impression que ce ne sont que des versions pas finies et pas encore peaufinées de ce qu’ils pourraient être.
Le débriefing entre participants et orgas est toujours un plaisir par contre : ça permet d’échanger, de rigoler, d’avoir des anecdotes de l’envers du décor, et puis aussi de discuter pour faire évoluer le 3FF pour les années suivantes.
Le Défi
Quel bilan tires-tu de ta participation au Défi PTGPTB Trois Fois Forgé de cette année ?
Oh, comme d’habitude pour moi : un grand kif de 3*15 jours de création. Le 3FF met permet de faire exister des jeux qui n’auraient jamais vu le jour sans lui, donc je l’attends chaque année avec impatience. Je sais que ça ne va pas toujours être facile, que ce sera éprouvant sur la fin, mais c’est un plaisir renouvelé chaque année. J’ai hâte de découvrir les jeux surprenants sur lesquels je vais devoir bosser en 2024.
Participeras-tu au défi 2024 ?
Bien sûr. Tu crois que vous allez vous débarrasser de moi comme ça ?
J’ai même pris ma carte de membre de l’asso PTGPTB, histoire de vous aider à soutenir les frais d’hébergement du site web (bon, et peut-être aussi pour pouvoir mettre à l’ordre du jour de l’AG la question « À quand le retour des fiches de notation par le jury ? » XD).
Notez, chers lecteurs, que vous pouvez aussi soutenir PTGPTB.fr via un don libre !
Expression libre ?
Eh bien merci à tous les bénévoles de PTGPTB pour le boulot formidable que vous faites !
Merci à tous les participants et participantes du 3FF : vos idées et vos grains de folie font tout le sel de ce Défi.
Et puis merci à vous qui achèterez (pour vous ou pour offrir) Tel Ulysse.
C’est un excellent moyen de soutenir mon travail et mes créations, ça me permet de concrétiser mes autres projets (dont mon jeu Med-Fan Hardi), et vous aurez entre les mains un jeu qui était déjà très bon en 2020, et que j’ai tâché de rendre excellent : beau, accessible à des non-rôlistes dès 9 ans, dépaysant, fun et impliquant.
Web : www.dendrobat.fr
Portfolio : https://dendrobatprod.myportfolio.com
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