Modes de jeu cachés et création

Il y a, en gros, quatre façons pour un joueur de JdR d’interagir avec l’univers fictif.

  • En solo non structuré. Le joueur lit, imagine ou écrit sur son personnage ou le monde sans utiliser aucune structure prédéfinie.
  • En solo structuré. Le joueur utilise des mécanismes, soit écrits dans le jeu, soit définis de façon plus large, pour créer ou manipuler des personnages ou des aspects du monde sous son contrôle.
  • En groupe, non structuré. C’est en gros du jeu de rôle où l’on n’utilise aucune règle en dehors des contrats sociaux et créatifs implicites. Il s’agit de la part “parlée” du jeu de rôle [Le théâtre d’improvisation n’est quasiment composé que de cela (NdT)].
  • En groupe, structuré. Les joueurs interagissent avec l’univers via le système fourni, soit par le livre de règles, soit explicitement par le MJ ou les autres joueurs.

À l’évidence, les limites entre ces concepts peuvent être estompées. Si vous passez un coup de fil à votre MJ et lui demandez si votre perso peut avoir une moto, et retournez ensuite dessiner une image de cette dernière, vous entrez à peine dans l’interaction “En groupe, non structuré” et encore est-ce temporairement. De même, de nombreux JdR indies aiment brouiller les pistes entre le jeu structuré et le jeu non structuré (alors que d’autres jeux de rôles aiment rendre ces limites très explicites, parfois au point d’éliminer complètement le jeu non structuré en groupe). Mais ce sont tout de même des catégories utiles.

Suppléments solo pour L’Œil noir Suppléments solo pour L’Œil noir Suppléments solo pour L’Œil noir Suppléments solo pour L’Œil noir

Quelques exemples de scénarios “solo structurés” pour L’Œil noir

On a beaucoup parlé récemment des gens qui achètent des JdR mais n’y jouent jamais et des répercussions négatives que cela peut avoir sur les tendances de création de jeu. Il m’apparaît que puisqu’il y a quatre méthodes de base d’interaction, on pourrait dire qu’il serait mieux, en termes de création de JdR, de répartir le soin qu’on y porte équitablement entre les quatre. Cependant je pense que, peut-être sans même le savoir, beaucoup de concepts de JdR ont fait cela depuis le début. Je sais qu’une chose que j’ai adorée à propos des jeux Palladium [éditeurs de JdR "complexes" comme RIFTS grog ou Robotech grog (NdT)], une des choses qui m’ont amené au jeu de rôle, c’était leur attention constante pour le jeu solo structuré, au-delà même de la création de personnage. Les jeux de super-héros ont aussi tendance à se focaliser sur la création de personnage et cela, je me risquerais à dire, fait aussi en grande partie leur popularité (parce que, comme on peut le voir dans les comics, l’origine des héros/méchants est souvent plus agréable à lire que les histoires où le héros affronte le méchant).

Pour reformuler, les gens aiment les JdR de super-héros car ils offrent une double expérience : un jeu qu’ils peuvent jouer avec les autres et un jeu qu’ils peuvent jouer avec eux-mêmes. Je sais que j’ai acheté Mutants & Masterminds grog uniquement dans l’intention de m’amuser avec en solo, à la fois structuré et non structuré.

La création de JdR, pour des raisons à la fois commerciales et de plaisir ludique, est plutôt en phase avec cela. Cependant, quand je regarde les idées sur The Forge (1), je me demande ce qui pourrait être fait si cette attention [accordée à ces catégories] était rendue plus explicite. Pourrions-nous revenir à la création de JdR, comme à une époque, qui réponde complètement aux deux premières catégories, en incluant des modes de jeux solo (j’ai adoré l’aventure dont vous êtes le héros en introduction de Paranoïa grog, elle était géniale) ? Pourrions-nous concevoir des jeux qui oublient délibérément les deux dernières catégories [le JdR en groupe] et se focalisent presque complètement sur les deux premières ? Est-ce qu’un jeu de rôle qui ne se joue pas bien à plusieurs se vendrait ?

Ce que l’on dit souvent en matière de jeux vidéo, c’est que Space Invaders s’est nettement plus vendu que Pong car Pong demandait d’avoir des amis, et les joueurs de jeu sur ordinateur n’en ont généralement pas. Qu’est-ce que cela peut nous apprendre ? Est-ce que le prochain monstre du marché du JdR aura appris de World of Warcraft et des autres MMORPG (jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs), et supprimera enfin le blocage le plus terrible qu’ont la plupart des gens avec le jeu de rôle : l’horreur de trouver un groupe ?

J’aimerais bien voir ça.

Sélection de commentaires

Kinesys

Je crois que l’approche “solo structuré” est plutôt intéressante et j’aimerais qu’il y ait plus de manières de l’utiliser et de l’exploiter. Je pense que la plupart des rôlistes ont au moins une petite part d’écrivain frustré au fond d’eux, et on peut juger qui est le plus atteint en regardant dans les jeux de rôles en ligne par tchatte.

Si seulement quelque chose permettait d’aller plus loin que la rédaction de nouvelles (bluebooking(2) ou de journal de personnage… Un moyen qui permettrait au rôliste de jeter son personnage dans un défi, lancer quelques dés et peut-être trouver des moyens de s’amuser en s’éloignant de la dynamique de groupe. Mais il faudrait aussi le faire d’une manière qui leur permette de décrire comment leurs persos agissent et réagissent dans cet environnement.

Steve Darlington

Oui, la plupart des meilleurs exemples de ces “mode de jeu en solo structuré” sont exactement cela : des défis générés sur des tables aléatoires qui viennent ajouter de la matière à votre personnage. Bon sang, c’est pour ça que tout le monde aime la création de personnage à Traveller grog : parce que le perso pouvait mourir pendant cette phase et parce que cela impliquait une évaluation des risques (chaque réengagement impliquait un risque de blessure permanente ou de mort mais promettait de nouvelles compétences). C’était un jeu dans le jeu, et un jeu en soi.

Central Casting (3) de Paul Jacquay est un autre bon exemple.

BobMungovan

J’aime l’idée du solo non structuré, car c’est quelque chose que je pense faire souvent, mais je ne l’ai jamais catégorisé de cette manière. Vraiment, je pensais que ça ne faisait pas partie du jeu.

Je crois que cela se rapproche d’une de mes frustrations avec les univers et aventures du commerce. Typiquement, seul le MJ les lira et en apprendra beaucoup sur l’historique du monde ou des PNJ. De nombreuses aventures s’étendent sur les motivations d’un méchant qui n’a pas vraiment de possibilité de rédemption. C’est avant tout un obstacle, et donc à un certain niveau son historique ne sera jamais connu, sauf par le MJ. Il en va de même pour les historiques détaillés des lieux de l’aventure. Notamment lorsque cette histoire est censée être “perdue ou cachée”. Je juge souvent ces descriptions comme du gaspillage de mots, mais [ta classification] va me faire réfléchir à la question à nouveau.

Vers Modes de jeu cachés, la suite

Article original : Random Game Design Thoughts

(1) NdT : Site web et forum créé par Ron Edwards, pour encourager la création de JdR indie, dont plusieurs articles ont été traduits sur PTGPTB[Retour]

(2) NdT : Le livre bleu (bastion) permet d’enrichir le passé d’un personnage-joueur en coécrivant une histoire courte avec le MJ. [Retour]

(3) NdT : Aide de jeu générique entièrement consacrée à la création de l’historique de personnage. [Retour]

Note: 
Moyenne : 7.5 (2 votes)
Catégorie: 
Nom du site d'Origine: 
Traducteur: 

Pour aller plus loin…

Cet article est rassemblé avec d'autres articles sur le même thème, dans l'ebook PTGPTB n°17 -Écrire son jeu de rôle.

Share

Ajouter un commentaire

Mention légale importante

Nous vous encourageons à faire un lien vers cette page plutôt que de la copier ailleurs, car toute reproduction de texte qui dépasse la longueur raisonnable d’une citation (c’est-à-dire, en règle générale, un ou deux paragraphes) est strictement interdite. Si vous reproduisez une grande partie ou la totalité du texte de cette page sans l’autorisation écrite de PTGPTB (version française), et que vous diffusez ladite copie publiquement (sites Web, blogs, forums, imprimés, etc.), vous reconnaissez que vous commettez délibérément une violation des lois sur le droit d’auteur, c’est-à-dire un acte illégal passible de poursuites judiciaires.