Facteurs de motivation

Il était une fois

Il était une fois, il y a environ 25 ans, on m'a fait découvrir le jeu de rôle, et mes débuts ont été bien différents de la plupart de ceux que j'ai entendus jusqu'à présent.

Je n'ai pas été amené par la voie traditionnelle. Aucune âme charitable ne m'a imposé la lecture de Bilbo le Hobbit. Mes parents et mon frère ne m'ont pas traîné à un superbe festival médiéval, qui étaient de toutes façons très rares au milieu des années 70. Non, mon cheminement a été légèrement plus… contraint.

On était en 1976. Les États-Unis étaient en plein milieu du tumulte et du matraquage publicitaire excessif liés au bicentenaire. Les pattes d'eph' avaient disparu, mais les cheveux restaient encore assez longs. J'avais huit ans et l'école venait juste de s'achever. L'été était arrivé, et avec lui, d'interminables journées de glande avec les amis et la famille, très occupés à ne rien faire.

Un jour, j'étais à la maison de mon meilleur ami. Sean (mon ami) et moi étions en train de nous éclater à lancer des Hot Wheels du haut de l'escalier de sa cave dans une zone remplie de Micronautes et de personnages de Star Trek. Nous nous éclations à tenter de perforer le visage du capitaine Kirk avec des autos volantes quand Mitch entra.

Mitch était le frère aîné de Sean. C'était un raté comme nous, ayant sauté deux classes à l'école. Cependant, ayant 14 ans, Mitch était un bien plus grand raté que nous. La conversation se déroula à peu près ainsi…

Mitch : Salut les idiots ! Vous fichez quoi ?

Sean : Pas grand-chose. On essaie seulement de tuer Kirk.

Moi : Tu veux essayer ?

Mitch : Non. Je m'ennuie, mais pas à ce point là.

Sean : (hausse les épaules) Comme tu veux.

Mitch : J'ai un nouveau jeu. Je pense qu'on devrait y jouer.

Sean : Nan.

Moi : Merci quand même.

Mitch : Non. Je ne pense pas que vous ayez compris. Je pense vraiment qu'on devrait y jouer.

Sean : On a dit qu'on n'était pas intéressés.

Mitch : Vous allez y jouer avec moi ou je vous réduis tous les deux en bouillie.

Moi : (considérant Sean pendant un moment) D'accord, ça s'appelle comment ?

C'est exactement ça. On m'a forcé à jouer à Donjons & Dragons. Mais nous ne parlons pas ici d'AD&D. Je parle du premier D&D. Monsters and Treasure... Men and Magic Underworld & Wilderness Adventures [ces trois livrets inclus dans la toute première édition de D&D, la boîte rouge (NdT)]... Faucon-Gris... Blackmoor... La totale, quoi.

Mitch avait déjà lu la plupart des règles, c'est pourquoi il endossa naturellement le rôle de MJ. Comme seul Sean et moi participions, nous jouâmes chacun deux personnages que Mitch avait créé plus tôt. Sean joua un voleur hobbit et un prêtre humain, alors que j'avais un "homme d'armes" nain (ne me regardez pas comme ça, mesdames. ["homme d'armes" est sexiste, politiquement incorrect, bla-bla-bla… mais] c'est ainsi que les guerriers étaient appelés dans les règles originales) et un magicien humain.

Je me rappelle avoir alternativement regardé, fasciné, le dé étrange et avoir ouvert de grands yeux devant les feuilles remplies de chiffres devant moi. Ni l'un ni l'autre ne m'inspiraient confiance. C'est peut-être pour cela que je ne me rappelle plus les noms des personnages, mais cela n'importe que peu, car la partie dégénéra rapidement en Sean et moi essayant de nous entre-tuer. Mitch n'était pas content, mais à quoi s'attendait-il, bordel ? Nous n'avions que huit ans.

Quelques jours plus tard, Mitch nous demanda si nous voulions rejouer. Nous avons secoué nos têtes négativement. Puis, du coin de l'œil, Sean remarqua que Mitch serrait son poing.

Sean : Tout bien réfléchi, pourquoi pas ?

Moi : Euuhhhh… D'accord.

Cette partie fut un peu meilleure que la première. Mitch nous avait donné des copies des personnages que nous avions joués précédemment (puisqu'ils avaient si bien fonctionné la dernière fois), et nos personnages accomplirent vraiment le porte-monstre-trésor prévu, avec seulement un minimum de dégâts pour nous. De justesse toutefois, mon guerrier étant tombé dans une fosse piégée garnie de piques, et avait cassé sa pipe. Puis, nous avons été attaqués par une horde de kobolds vicieux (hé, on n'était qu'au niveau 1), et bien que nous réussîmes à les repousser à la pointe de l'épée, cela se fit aux dépens du prêtre.

L'apothéose vint juste après, quand Sean (le voleur) et moi (le magicien) avons commencé à nous blâmer mutuellement de l'avoir laissé tuer si rapidement. Les choses allaient éclater en un accès de colère pré-adolescente quand Sean inspira profondément et s'excusa. J'acceptai, et lorsque que mon magicien se retourna, le voleur le poignarda dans le dos.

Je lui ai fait la gueule pendant une semaine.

Tandis que l'été avançait, Mitch n'eut finalement plus besoin de nous menacer pour jouer, et à la fin de l'été, nous lui demandions de jouer quasiment toutes les heures. Mitch se fatigua rapidement de nos énervantes demandes, alors il donna à Sean des photocopies de ses livres, afin que nous puissions nous amuser tout seuls.

Ainsi, Sean a commencé à maîtriser et j'ai fini par jouer seul quatre personnages, parce que nous n'avions pas d'autre joueur. Inutile de dire que cela coupa court à tout conflit dans l'équipe. Mitch jouait avec nous de temps à autre, et je ne faisais alors que le suivre, parce qu'il est plus grand, et tout et tout. Pour finir, comme Sean commençait à en avoir marre et voulait jouer, j'ai commencé à maîtriser.

AD&D arriva bientôt, et nous nous sommes jetés sur les bouquins, et avons, en plus, essayé quelques autres jeux, comme Traveller, Gamma World, et Boot Hill [parmi les tout premiers JdR (NdT)]. Ils étaient tous immensément divertissants puisque nous laissions libre cours à notre imagination.

Les années passèrent, et quand Sean et moi entrâmes au lycée, nous avons mis de la distance entre nous. Nous jouions encore ensemble occasionnellement, mais il était fasciné par les jeux tels que Diplomacy et Statis-Pro Baseball [jeu de société sur le base-ball, avec cartes (NdT)] et était devenu un gros nul, alors que j'avais continué à jouer plus à AD&D, Top Secret et Star Frontiers, et à écouter [le groupe de new-wave déjanté des années 70-80] Devo.

Cela fait presque trois ans que je n'ai pas parlé avec Sean, bien que nous vivions dans la même région. Nous avons tous deux grandi, nous sommes chacun mariés, et au moins en ce qui me concerne, fait des enfants. Mon fils Marc a sept ans maintenant, et avec la sortie de D&D3, je lui ai fait connaître les merveilles du Jeu de rôles . Et tandis que je suis assis derrière mon écran de MJ, que je regarde Marc jeter les dés et que je lui décris les dernières aventures de son personnage - Hogarth Ironblade - je regarde parfois en arrière et me demande ce qui se serait passé si on ne m'avait pas énergiquement présenté ce hobby.

  • Aurais-je seulement découvert le JdR ?

  • Aurais-je rencontré tant de gens fantastiques et me serais-je fait tant d'amis ?

  • Aurais-je rencontré mon adorable femme (rôliste aussi) ?

  • Aurais-je été capable de partager quelque chose que je trouve si exceptionnel et libérateur dans le jeu de rôles avec un enfant qui a les yeux brillants d'émerveillement, et montre un enthousiasme infini avec son sourire étincelant ?

Probablement pas…

Merci Mitch. Tu peux me tabasser quand tu veux…

Article original : Once Upon A Time: Motivational Factors, PTGPTB n°19, août 2001


Pour aller plus loin… panneau-4C

Cet article est reproduit dans l'e-book n°25 de notre 20e anniversaire - Souvenirs, souvenirs - qui rassemble les moments de découverte du JdR par les Australiens de ptgptb.org

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