Une histoire de dés

kenzerco

Le magazine Knights of the Dinner Table présente

dés de toutes sortes

Alors, vous êtes-vous déjà demandé pourquoi on utilise des dés à 4 faces, 8 faces, 10 faces, 12 faces, et 20 faces dans le système de jeu de Donjons & Dragons ? Bon, peut-être pas, mais je vais quand même vous le dire.

Après tout, s’il y a une chose qui distingue les jeux de rôle des autres types de jeux, c’est bien l’utilisation de dés bizarres.

Dans les âges obscurs et reculés avant le jeu de rôle, je fis un voyage en Europe. Ou plutôt, mes parents m’emmenèrent avec eux, restreignant sérieusement mes possibilités de me balader comme bon m’aurait semblé. Bref.

Mon tour d’Europe s’est terminé à Londres, où j’ai visité une boutique de jeux près de Trafalgar Square qui s’appelait « The Tradition Shoppe » [une orthographe qui fait moyenâgeux (NdT)].

(Note : les dates et les lieux sont susceptibles d’être altérés par ma mauvaise mémoire. Je fais de mon mieux, faible et vieux que je suis.)

À l’étage se trouvait un petit espace de jeu. Les jeux de l’époque étaient uniquement à base de figurines militaires ; les jeux de plateaux étant alors rares en Angleterre. Parmi les livres d’Histoire militaire, les guides de peinture et les figurines, il y avait un petit pot contenant une poignée de dés à 20 faces, rouge et noir. Les nombres en creux n’étaient pas peints et - à en juger les défauts de ceux que j’ai toujours - pas si bien fabriqués.

Je n’ai aucune idée de l’endroit où on les fabriquait, et je n’arrive à me souvenir d’aucun jeu qui les aurait utilisés à l’époque. Leurs bons côtés : ils étaient très bon marché et fabriqués en plastique dur. J’en achetai trois paires. J’étais sûr qu’un tel attirail de générateurs de nombres aléatoires allait révolutionner les wargames de par chez moi, nous débarrassant des tableaux de détermination de pourcentage que nous utilisions avec les dés à 6 faces.

Raté !

À l’époque, les gens qui jouaient avec des figurines militaires étaient plutôt conservateurs. Les figurines importées de 25mm venaient tout récemment d’être acceptées, à contrecœur, par leur communauté. Et c’était uniquement parce qu’elles avaient beaucoup plus de variété que celles qui existaient aux États-Unis à l’époque [qui étaient de 20mm avant que les Anglais n’en fabriquent des plus grosses (NdT)].

Mes dés ont donc croupi, sortis seulement occasionnellement en tant qu’objet de curiosité lors d’une partie quelconque.

J’avais pensé à les intégrer à mon [wargame naval napoléonien] Don’t Give Up the Ship wiki (en), mais je n’ai pu trouver aucun fournisseur nulle part. Quiconque avait produit les dés en Angleterre avait disparu avec eux.couverture de Don't Give Up the Ship "Rules for the great age of sail"

Après Don’t Give Up the Ship, j’ai attaqué Blackmoor (l’ancêtre de D&D), et les dés à 20 faces ont refait surface. La magie - aspect extraordinaire et ésotérique - exigeait des dés étranges.

Les premiers joueurs les ont accueillis volontiers (alors que c’était les mêmes qui les avaient rejetés pour les wargames avec figurines plus sérieux). Qu’il n’y en ait que 3 paires n’était pas un problème.

En gros, on avait l’impression d’être cinglés et que personne en dehors du groupe de la cave de mes parents ne jouerait jamais à ce truc de fantasy. On continuait parce qu’on s’amusait  tellement avec Blackmoor. Puis, notre groupe jumeau de Lake Geneva fut lui aussi exposé à ce jeu. Une copie de Blackmoor et une paire de D20 plus tard, ce qui devait devenir Donjons & Dragons était né.

OK, donc D&D allait être publié. On avait besoin d’un fournisseur pour les D20. Les gars de Lake Geneva en trouvèrent un sur la côte Ouest.

C’était une petite entreprise de jouets éducatifs qui vendait des lots de dés pour apprendre les formes [des solides de Platon (NdT)]. Chaque lot avait un dé à 4 faces (jaune), un dé à 6 faces (rose), un dé à 8 faces (vert fluo), un dé à 12 faces (bleu clair), et un dé à 20 faces (blanc, numéroté de 1 à 10).

Personne ne s'est douté de la vitesse à laquelle les D20, fabriqués en plastique mou, allaient s’user.

J’en ai un qui peut rouler un bon moment et redémarrer dès qu’on souffle dessus, mais c’est un autre problème.

Le prix n’était pas bien méchant, et l’entreprise pouvait fournir à Tactical Studies Rules [l’ancien nom de TSR, Inc wiki (NdT)] les 500 lots de dés qui seraient nécessaires au premier lancement estimé de D&D.

C’est Gary Gygax qui a trouvé le nom du jeu, tandis que ceux de nos campagnes respectives ont été repris pour les deux premiers suppléments de règles.

Mais je m’emballe un peu. Les règles n’étaient pas encore finies quand un problème surgit. Devait-on ouvrir les lots et ne prendre que les dés à 6 et 20 faces ? (Les autres auraient été donnés à une école du coin).

Eh bien, on s’est rendu compte en s’y mettant, de la quantité de travail que cela représenterait, sans même parler du gâchis de dés.

La réponse ?

Ajouter des règles utilisant les dés à 4, 6, 8, et 12 faces, en plus du D20.

Les sachets de dés ne furent donc ouverts que pour retirer l’adresse du fabricant de jouets et ainsi mieux garder le monopole sur les dés.

Quand TSR lança son troisième tirage (5000 exemplaires !), l’entreprise de jouets éducatifs ne put plus couvrir la demande.

Un commercial de TSR partit alors en Asie pour trouver une entreprise chinoise qui voudrait bien produire les dés dont nous avions besoin, toujours en plastique mou. Cette fois, tous les dés étaient blancs.

Après tout, quel est le souci avec le blanc ? Si vous vouliez jouer au JdR, c’était avec ces dés.

(Il me semble que c’est Henri Ford qui a dit « le client peut avoir une Ford T de la couleur de son choix, tant qu’elle est noire ».)

C’est Lou Zocchi wiki (en) qui a rendu disponibles les premiers dés hors TSR. Et il en a même proposé de couleurs différentes ! Il y avait dès lors un arc-en-ciel de dés, disponibles en différentes tailles, pour satisfaire l’appétit des rôlistes. En plus, ils étaient faits en plastique dur, capable de résister à des heures de jeu. À partir de là, Lou peut raconter l’Histoire des dés mieux que moi.

Et moi ? Eh bien, j’ai essayé d’obtenir au moins un dé de chaque taille, forme et couleur pour mon bocal (ou plutôt, mes bocaux) de dés, mais en vain.

J’en ai un bon assortiment, mais je n’arrive jamais à me souvenir de ceux que je n’ai pas, ou que j’ai perdus, ou donnés aux enfants (soupir). MAIS ! J’ai toujours trois des dés originaux londoniens. Et bien qu’ils soient en semi-retraite maintenant, tous les trois ont toujours les arêtes aussi nettes qu’il y a 30 ans.

Note de l’éditeur : Dave a écrit l’article ci-dessus en 1994, et il fut publié à l’origine dans le numéro 34 du magazine Knights of the Dinner Table. Cependant, puisque ce numéro est épuisé depuis presque 10 ans, la plupart de nos lecteurs et lectrices ne l’ont probablement jamais lu. Nous nous sommes dit qu’il serait approprié de le remettre ici à nouveau dans notre numéro 150 (en) (téléchargeable gratuitement).

Article original : Dice Story

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