Jouer avec empathie

Meek Barbarian

Il y a quelque temps, j'ai tweeté quelques réflexions sur D&D et le fait de jouer avec empathie ; j'ai décidé que le concept méritait un article complet sur ce blog. Tout d'abord, définissons le terme « empathie » tel qu’il sera utilisé dans cet article. J'utilise l'empathie non seulement dans le sens assez standard de « comprendre les émotions et les expériences de quelqu'un d'autre », mais aussi comme la capacité à s’imaginer être à sa place.

« Jouer avec empathie » signifie que vous comprenez les expériences des autres. Mais les « autres » dans D&D, ce ne sont pas que les autres joueurs et joueuses ; ces autres peuvent aussi être les divers PNJ rencontrés. Et parfois un MJ ou un joueur aura du mal à ressentir de l'empathie pour une situation donnée (généralement à cause d'un manque de familiarité avec cette situation), mais cela ne doit pas nous empêcher d'essayer.

Voyons comment nous pouvons faire preuve d'empathie en tant que joueur, joueuse, et Meneur/Meneuse de Jeu.

L'empathie, ça en jette!

L'empathie : Ça en jette !

Jouer avec empathie en tant que joueur ou joueuse

En tant que joueur et joueuse, votre empathie doit se concentrer sur votre personnage et sur les autres joueurs.euses. Selon la dynamique de votre groupe et votre style de jeu, l'un peut être plus important que l'autre. Si vous ne savez pas quoi faire, préférez une attitude plus empathique envers les autres personnes autour de la table.

Jouer avec empathie vous aide à comprendre votre propre personnage

Pour être honnête, vous le faites probablement déjà sans vous en rendre compte.

Vous jouez le barbare Garm, un peu idiot et loin d'être sage, dont l'enfance passée en cage et les mauvais traitements reçus l'amènent à entrer dans une rage féroce dès que quelqu'un frappe une femme ou utilise des esclaves. Lorsque vous pensez à ce que Garm ferait, vous essayez de comprendre la situation de Garm puis d'agir en conséquence dans le jeu.

Que dirait Garm à un aubergiste qui maltraite ses serveuses ? Vous décidez que Garm pourrait aller trop loin en menaçant l'aubergiste.

Pourquoi, en tant que joueuse, avez-vous pris cette décision ? Vous avez peut-être pensé que Garm se mettrait en colère à cause de l'environnement dans lequel il a grandi ; de plus, ses bas scores d'Intelligence et de Sagesse s'expriment souvent d'une manière qui conduit à de mauvaises interactions sociales.

C'est exactement ce qu'est l'empathie dans le Jeu de Rôle :

  • comprendre les émotions et les situations des autres,
  • essayer de se mettre dans ces mêmes situations,
  • puis prendre des décisions selon ce que vous pensez que Garm aurait fait.

L’empathie et une réflexion originale peuvent conduire à de grands moments d'appropriation de l'histoire (en).

Une exception importante est à signaler ici : les actions motivées par votre empathie doivent respecter la "loi de Wheaton" [« Ne te comporte pas comme un trouduc » (NdT)]. Si vous pensez que votre personnage serait capable d’une action qui causerait du tort à d'autres personnages ou joueurs ou joueuses, trouvez une autre idée. Il est normal qu'il y ait des tensions entre les PJ (cela peut donner lieu à une belle histoire !). Mais se servir de « C'est ce que mon personnage ferait (en) » pour voler les autres PJ, les gêner en combat, faire des plans pour gâcher leur plaisir de jouer, etc. - c'est juste naze.

Jouer avec empathie permet de nouer des liens plus étroits avec les autres participant.es (et leurs personnages).

Bien sûr, l'empathie sert principalement à établir des relations avec des personnes du monde réel. Et qui de mieux que vos camarades de tablée ? Comprendre les autres est un excellent premier pas vers une évolution de la relation, de camarades de jeu à ami.es. Et si vous comprenez l'autre personne, vous serez peut-être en mesure d'anticiper ses besoins et ses actions, et de mettre en place des combos géniales.

Enfin, lorsque son personnage fait quelque chose qui empêche la réalisation d'un de vos plans, vous pouvez comprendre pourquoi il ou elle a fait agir ainsi son personnage.

Si l'ensemble du groupe joue avec empathie, il y a moins de disputes.

Des tensions entre joueurs apparaissent régulièrement lorsqu'on joue à D&D (ou tout autre JdR). Qu'il s'agisse

  • d'enfreindre la loi de Wheaton ;
  • que les participants aient des attentes différentes de la partie ;
  • que la partie ne les satisfasse pas ;
  • ou qu'iels aient des personnalités conflictuelles...

...la plupart des joueurs et des joueuses ont déjà vécu une partie où quelque chose a mal tourné.

Mais jouer avec empathie peut aider à réduire ces problèmes ! Si John veut jouer une campagne basée sur la narration et l'intrigue et que Mary veut se concentrer davantage sur le combat, un MJ penchant pour l'un ou l'autre peut involontairement causer des frictions.

Organiser une "session zéro" [une séance où l'on se présente, exprime ce que l'on attend de la campagne, parle de sa manière de jouer et de ses limites (NdT)] aide beaucoup à résoudre ce problème ; mais même en dehors de ça, l'empathie peut aider. Ces deux personnes comprennent (et apprécient) qu'il y a plus dans la partie que ce qu'elles veulent, menant à un compromis où aucune des deux n'obtient exactement ce qu'elle veut, mais chacune comprend qu'elle obtient une bonne quantité de ce qu'elle aime. Ce qui les mène aussi à se rendre compte que - même si leur satisfaction n'est pas totale - celle des autres peut l'être. Le Jeu de Rôle un jeu d'équipe, après tout.

De plus, l'empathie entre les joueur.euses peut grandement contribuer à résoudre les problèmes liés aux personnes qui monopolisent le devant de la scène. Si vous vous souciez de ce que pensent les autres parce que vous vous mettez à leur place, vous savez qu'attendre longtemps votre tour de parole n'est pas agréable, et vous serez plus enclin à laisser les autres profiter équitablement de leur moment de gloire.

Jouer avec empathie en tant que MJ

En tant que MJ, jouer avec empathie vous sera encore plus bénéfique qu'aux joueuses. Vous interpréterez plus de personnages que n'importe qui. Vous interagirez aussi toujours avec les joueurs.euses bien plus souvent. Et puis, tout simplement, c'est souvent le ou la MJ qui a la parole, pour ainsi dire.

L'empathie vous permet de comprendre ce que veulent vos joueurs

Nous en avons parlé plus tôt en évoquant nos joueurs fictifs John et Mary, et les mêmes points s'appliquent ici, mais du point de vue opposé.

Au lieu de laisser Mary et John trouver un compromis qui leur conviendra, c'est à vous de réaliser qu'un compromis est nécessaire, et la seule façon d'y parvenir est de comprendre ce que veulent vos joueurs et joueuses.

Il y a deux façons de procéder. La première est simple : demandez-leur ce qu'ils et elles veulent, de préférence pendant une session zéro.

La seconde est celle où l'empathie (et la perception) entre en jeu. Lorsque vous remarquez des moments où les joueur.euses s’investissent le plus, trouvez ce qui leur plaît.

  • Ils ont un moment fort d'interprétation de leur personnage ? Prévoyez plus de moments pour les laisser briller.
  • Ils s'esclaffent lors d’une scène burlesque ? Ils veulent peut-être en avoir plus !

Cela ne sera probablement pas aussi évident lors des premières séances, mais au fur et à mesure que vous apprendrez à connaître les joueurs (et leurs personnages), cela devrait devenir plus évident.

L'empathie permet d'arbitrer les conflits entre les joueurs

Lorsque deux joueur.euses ou plus se disputent, c'est à vous, MJ, de mettre votre casquette d'arbitre. Ça peut être un moment désagréable de la partie, mais l'empathie peut l'atténuer dans une certaine mesure.

Comme pour la compréhension de vos joueurs, vous pouvez à la fois leur demander pourquoi ils sont fachés, et les observer. Ensuite, allez plus loin et réfléchissez vraiment ; mettez-vous à la place du premier joueur fâché, puis de l'autre, en leur accordant à chacun son dû.

  • Si John est énervé par le fait que le perso de Mary ait obtenu deux objets magiques d'affilée, cherchez à savoir quel est le cœur du problème. Est-il vraiment faché parce que ce PJ a gagné deux objets magiques ? John est peut-être contrarié que son PJ n'en ait reçu aucun ; ou de ne pas avoir eu l'un des deux objets, car l'un - ou l'autre - aurait aidé son personnage.
  • Vérifiez ensuite si le perso de Mary a vraiment besoin de ces deux objets ; peut-être est-ce dû à un caprice des jets de dés, ou peut-être est-ce simplement qu'elle l'a empoché par hasard en pillant un cadavre. Il se peut que Mary ne veuille pas de l'objet ou ne sache pas que John le voulait. Quelle que soit la situation, comprendre les deux joueurs est le moyen le plus simple de la résoudre.

L'empathie vous aide à vous mettre dans la peau d'un Personnage Non-Joueur

Tout comme les joueurs peuvent utiliser l'empathie pour comprendre ce qui fait réagir leurs personnages, un.e MJ doit gérer ses PNJ de la même manière. J'ai du mal avec ça, car cela se produit souvent sous l'impulsion du moment. Pourtant, jouer avec empathie vos PNJ permet de guider vos choix même pendant un moment improvisé.

L'empathie envers soi-même aide à pardonner les erreurs commises

La plupart des MJ ont fait des erreurs. Des petites et des grandes. J'ai lu des histoires sur Facebook et Reddit narrant un mauvais jugement ou une mauvaise compréhension des règles menant à la mort de personnages !

L'une des façons d'apprendre, cependant, est de tirer parti des erreurs – les nôtres et celles des autres. Et le secret du pardon est de se rappeler que nous en faisons tous. La compréhension – et l'empathie – nous permettent de réaliser que nous n'étions pas malveillant.es et que nous méritons l'absolution.

Bien que les avantages que l'on retire d'une attitude empathique varient d'une personne à l'autre, tout le monde en tirera probablement un certain bénéfice. Comme pour beaucoup d'autres conseils, cela dépend (en) des personnes concernées.

Article original : Playing With Empathy in D&D

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