Validisme dans les JdR : créer un panel varié de personnages

Note : cet article est le quatrième de la série « Validisme dans les JdR ». Retrouvez les précédents articles de cette série :
  1. Les systèmes de santé mentale
  2. Les monstres validistes
  3. Les règles de handicaps limitantes

Quand je mène une partie ou j’écris une histoire, je veux créer un panel varié de personnages. Avec tant de types d’oppression et d’identités à prendre en compte, ça demande un peu de réflexion et de détermination.

Vouloir réfléchir à tous les types d’oppression d’un coup est impossible. Ce que je fais alors : je liste mes personnages et je passe en revue individuellement chaque type de représentation, en faisant les changements qui s’imposent.

Cet article est la liste des questions que je me pose au moment où j’analyse mes personnages. J’ai rendu cette liste exhaustive pour qu’elle serve à plusieurs types de projets. Quelques questions ne sont donc pas applicables à certains projets. De plus, il n’est pas toujours possible d’inclure tous les types de représentations dans un même projet, surtout sur les projets qui ne comptent que peu de personnages. Ce qui compte est de choisir délibérément les personnages inclus et de remarquer les directions que vous prenez d’un projet à l’autre.

Merci également de garder à l’esprit que le média utilisé (texte, images, etc.) décidera de quelles identités seront faciles à dépeindre et lesquelles demanderont plus d’efforts (surtout pour les personnages secondaires). Quand des identités sont difficiles à décrire, il est important de résister à la tentation de se rabattre sur les stéréotypes. 

Représenter les personnages femmes et hommes

  • Combien y a-t-il…
    • de femmes ?
    • d’hommes ?
  • Des stéréotypes sont-ils présents dans les descriptions de ces hommes et femmes ?
  • Combien de ces hommes et femmes sont non-conformes à leur genre ? (par ex. des hommes féminins et des femmes masculines)
  • Y a-t-il des hommes et femmes qui endossent des rôles sociaux non-traditionnels ? (par ex. des hommes qui occupent des rôles d’éducation et de soin et des femmes qui occupent des rôles de protection.)

Représenter les personnages transgenres et non-binaires

Si vous souhaitez plus d’informations sur comment représenter des personnages transgenres et non-binaires, jetez un œil à la série d’articles [anglophones] Gender and the Gaming Table par M. Grant.

  • Combien de personnages sont…
    • transgenres ?
    • non-binaires ?
  • Certains de ces personnages transgenres et non-binaires sont-ils racisés (1)?
  • Évitez-vous les stéréotypes dans les descriptions de ces personnages transgenres et non-binaires ?

 Représenter la diversité des morphologies

  • Avez-vous utilisé une palette complète des types de corps pour les personnages…
    • féminins ?
    • masculins ?
    • trans et non-binaires ?
  • Combien de personnages gros sont décrits comme attirants ? Certains des personnages ronds sont-ils décrits comme repoussants ?
  • La diversité des morphologies est-elle proposée autant pour les personnages blancs que racisés ?

Représenter les orientations romantiques et sexuelles marginalisées

J’utilise l’expression « personnages aux orientations romantiques et sexuelles marginalisées » comme un concept global regroupant les personnages homosexuels, lesbiens, bisexuels, pansexuels, queers, en questionnement, non-monogames, polyamoureux, asexuels et a-romantiques.

  • Combien y a-t-il de personnages ayant des orientations sexuelles et romantiques marginalisées ?
  • Combien sont-ils par rapport aux personnages ayant une orientation privilégiée par la majorité ? Notez que si vous ne définissez pas, ou pas clairement, les orientations d’un personnage, il sera interprété comme ayant une orientation sexuelle et romantique dans les normes.
  • Combien des personnages aux orientations marginalisées sont racisés ?
  • Y a-t-il des personnages asexuels ou a-romantiques ?
  • Y a-t-il des structures familiales non-traditionnelles ?
  • Y a-t-il des personnages non-monogames, polyamoureux ou d’autres formes de relations non-privilégiées ?

Représenter les appartenances ethniques

Je recommande fortement l’article May I Play Another Race? (en) par James Mendez Hodes pour plus de détails sur le sujet. De plus, si vous êtes blanc occidental et travaillez sur des projets publiés [qui s'adresseront donc à une audience dans toute sa diversité (NdT)], je vous recommande vivement de faire appel à des personnes racisées en tant que consultant.es, si possible .

  • Combien de personnages sont racisés ?
  • Certains de ces personnages tombent-ils dans des stéréotypes raciaux ?
  • L’un des groupes (humain ou non-humain) de votre histoire reprend-il des stéréotypes culturels ? (par ex. un peuple tribal stéréotypé)
  • Toutes les grandes sociétés de votre histoire sont-elles décrites avec la même profondeur et complexité ? Certaines sont-elles présentées comme meilleures ou pires que d’autres ?
  • Les êtres non-humains, surtout les humanoïdes, reprennent souvent les codes de tel ou tel groupe racial mythcreants. Même des non-humains très significativement différents des humains peuvent être représentés avec des marqueurs culturels, comme les vêtements ou la façon de parler.
    • Si vos histoires comportent des êtres non-humains soumis à ces codes raciaux, y a-t-il des humains et des non-humains racisés ?
    • Combien en comparaison aux humains et non-humains blancs ? Gardez à l’esprit que certains peuples non-humains, tels les orcs et les elfes noirs, vont de pair avec une histoire de représentation raciste qui affectera la façon de les interpréter.

Représenter les handicaps

Si vous voulez plus de détails sur les préjugés validistes à éviter, vous pouvez lire la série d’articles Tropes of the week (en) [ou l’article Cinq représentations courantes et nuisibles du handicap ptgptb]. Aussi, si vous êtes valide, neurotypique et que vous parlez de handicap dans un projet publié, je vous recommande d’engager une personne spécialiste, consultante dans le domaine des handicaps. Voici une listemythcreants de consultant.es [anglophones] spécialistes du handicap et de sujets « geeks ».

  • Combien de personnages ont un handicap ?
  • Y a-t-il plus d’un handicap représenté ? Par ex. combien de personnages en situation de handicap ont des handicaps physiques, des maladies chroniques ou un esprit neuroatypique ?
  • Y a-t-il au moins un personnage avec un handicap physique ou une maladie chronique qui soit présenté comme physiquement compétent ?
  • Combien de personnages handicapés sont racisés ?
  • Si certains des personnages handicapés sont des méchants, leur handicap est-il utilisé comme la cause de leur cruauté ou comme un outil pour les rendre plus inquiétants et menaçants ?

Représenter les classes sociales

  • Y a-t-il des personnages de classes sociales variées ? Si non, des personnages avec peu de revenus et de la classe ouvrière sont-ils représentés ?
  • Les personnages à faible revenu, de la classe ouvrière ou de professions domestiques sont-ils montrés comme des personnages à part entière ? Par ex. y a-t-il des personnages uniquement dépeints comme servant loyalement les autres ?
  • Comptez le nombre de personnages représentés dans chaque classe sociale de façon positive et négative. Les personnages nés de familles possédant richesses, statut social et pouvoir sont-ils dépeints de façon plus positive (plus méritants, plus compétents ou plus dignes d’intérêt) que ceux nés de familles sans richesse, statut social ou pouvoir ?

Représenter l’intergénérationnalité

  • Représentez-vous une gamme d’âges variée ?
  • Y a-t-il des jeunes ? Si oui, leur représentation est-elle stéréotypée ?
  • Y a-t-il des personnes âgées ? Si oui, leur représentation est-elle stéréotypée ?

Représenter la diversité de cultes

  • Si des religions sont présentes, y a-t-il une diversité de croyances religieuses et de traditions ?
  • Y a-t-il des religions présentées comme plus ou moins valables que les autres ?
  • Les religions ou croyances marginalisées (par ex. aux États-Unis, tout ce qui n’est pas le christianisme) sont-elles dépeintes de manière négative ?

Représenter l’intersectionnalité

J’ai essayé d’intégrer dans cette liste quelques questions abordant des intersectionnalités mais c’est si important que je voulais aussi y consacrer une section dédiée.

  • Combien de personnages ont au moins deux identités marginalisées ?
    • Qu’est-ce que ça donne comparativement au nombre de personnages qui n’ont qu’une seule identité marginalisée ?
    • Et avec ceux qui n’ont que des identités privilégiées ?
  • Les personnages ayant plusieurs identités marginalisées ont-ils autant de liberté d’action que les privilégiés ?
  • Les personnages ayant plusieurs identités marginalisées ont-ils droit à la même importance sociale et au même pouvoir que les plus privilégiés ? Gardez à l’esprit que le contexte joue grandement dans cette question : pour les histoires centrées sur l’oppression, ce n’est pas forcément un problème d’avoir un déséquilibre de pouvoir tant que c’est traité avec soin.

Représenter d’autres identités

Voici d’autres traits de caractères, identités et expériences qu’il peut être bon de représenter.

  • Statut d’immigrant ou d’immigrante : si l’immigration est présente dans le cadre du jeu, y a-t-il des personnages non-privilégiés avec un statut d’immigrant ? Si oui, sont-ils représentés avec respect ?
  • Minorités linguistiques : y a-t-il des personnages qui ne parlent pas la langue locale dominante ? Qui ont cette langue locale dominante comme deuxième langue ? Y a-t-il des personnages qui parlent une langue stigmatisée ou avec un accent dévalorisé ? Si oui à l’une de ces questions, ces personnages sont-ils représentés de manière respectueuse ?
  • Personnages intersexes : y a-t-il un ou plusieurs personnages intersexes ? Notez que les personnages intersexes sont souvent regroupés sous l’étiquette LGBTQIA+, mais toutes les personnes intersexes ne s’y identifient pas. Il est important de garder à l’esprit qu’être intersexe est différent d’être queer ou trans.

Article original : Adressing Ableism: Creating a Diverse Cast of Characters


(1) NdT : La militante antiraciste Mélusine donne cette définition de « racisé » : « Le mot “racisé” permet de nommer [un] groupe social fondé non pas sur une couleur de peau ou une supposée appartenance ethnique, mais sur le partage de l’expérience sociale qu’est le racisme. Est racisée une personne susceptible d’être assignée à une catégorie raciale, c’est-à-dire perçue comme appartenant à un groupe altérisé, distinct du groupe majoritaire. » [Retour]

(2) NdT : il ne s'agit pas d'être "woke" pour être "woke", mais simplement d'éviter d'écrire des idioties. Par exemple si vous mettez en scène des Asiatiques et que ce que vous (d)écrivez est un ramassis de stéréotypes, non seulement vous vous prendrez des volées de bois vert - justifiées - et des mauvaises critiques, mais vous y perdrez en intérêt, réalisme et en idées d'intrigues. Il y a un éditeur qui a fini par envoyer au pilon son supplément sur les Indiens d'Amérique parce qu'il était caricatural, ignorant et faux. Ensuite l'éditeur a fait appel à des consultants Natifs, et cela a amélioré la qualité de ses produits, leur réputation, et leurs ventes. [Retour]

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