Salut les gars, vous devez être le groupe !
© 1999 Jonny Nexus
Guide pour parachuter de nouveaux personnages dans un scénario en cours
Imaginez la scène.
À l’aurore, sur la pente d’une montagne surplombant une vallée enneigée, un groupe d’apprentis aventuriers se prépare à explorer une grotte secrète, en quête de gloire, d’un trésor et d’une richesse au-delà de leurs rêves les plus fous. Avec précautions, le cœur battant la chamade, ils pénètrent dans les ténèbres.
À l’intérieur, une ombre bouge. Un rat, ses moustaches se rebroussent tandis qu’il se tourne vers le groupe. Un des aventuriers s’élance et crie : “Ressens le feu purificateur, maudit rejeton de Satan !” Une minuscule boule de feu bleuâtre jaillit du bout de ses doigts et frappe de plein fouet le rat qui se met à glapir.
À présent irrité, il se rapproche du groupe. Un guerrier en cotte de mailles s’avance à sa rencontre, lève son pied armuré en hurlant : “Crève, saloperie, crève !” et le piétine frénétiquement jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une flaque mêlant indistinctement la chair et le sang sur le sol de la grotte.
Le guerrier rejoint le groupe et fait face au magicien :
“C’était nul ton sort. Qu’est-ce que t’as d’autre ?
– Euh… Rien. Je n’ai que celui-là.
– Mais tu peux le relancer, pas vrai ?”
Le magicien se dandine et détourne le regard, embarrassé.
“Pas avant demain. Je dois l’apprendre à nouveau.”
Le guerrier retourne voir les autres aventuriers, laissant le magicien à son désarroi. Ils discutent un moment, puis il revient.
“Écoute Dongar, dit-il au magicien, moi et les autres on a discuté et on ne pense pas que ça vaut le coup que tu restes avec nous. Enfin, je veux dire que sans ton sort t’es qu’un poids mort. On devra te supporter toute la journée, sans compter la nuit, avant que tu aies la moindre utilité pour nous.
– Que veux-tu dire ?” bredouille Dongar.
“Eh bien, nous avons considéré qu’on pouvait se débarrasser de toi maintenant qu’il est encore temps de trouver un remplaçant en pleine possession de ses sorts.
– Mais vous êtes au milieu de nulle part, bordel !” hurle Dongar, terrifié, argumentant pour sauver sa peau. “Où allez-vous donc trouver un putain de magicien ?
– Bof il y en aura un qui se pointera”, réplique le guerrier en tirant son épée de son fourreau. “Il y en a toujours un.”
Il y en a un dans chaque groupe
Il y en a un dans chaque groupe. Keith le Kamikase. Dan Vœudemort. L’homme capable de casser sa pipe dans une cellule capitonnée. Vous jouez ce scénario depuis trois séances où leurs personnages sont au milieu de nulle part, et il tombe dans le piège, chute de la falaise ou va questionner le dragon “juste pour connaître ses intentions !”.
Le joueur va-t-il réagir en homme, hausser les épaules, ramasser ses dés, ses crayons et quitter l’assemblée en prenant sur lui ? Va-t-il rester à l’écart pour les quelques parties à venir jusqu’à ce que le scénario soit fini et que les autres personnages soient revenus en ville ?
En un mot: non. Il veut créer un nouveau personnage et revenir de plus belle. Mais comment diable allez-vous l’intégrer à la partie ?
Voyons les méthodes traditionnelles
La cellule de prison
C’est probablement la méthode la plus classique. Elle est intéressante lors d’une situation similaire à celle décrite au début de cet article, où le groupe a exécuté le magicien avec l’assurance que le joueur peut tout simplement tirer un nouveau (et efficace) magicien que vous vous débrouillerez pour insérer dans le groupe.
Lentement et prudemment, les aventuriers avancent dans le sombre tunnel. Derrière eux gît le corps de Dungar, dépouillé de tous ses biens (les barbares étaient particulièrement excités par le livre de sorts qui ferait selon eux un excellent papier hygiénique).
Le tunnel tourne et se retourne jusqu’à ce qu’il aboutisse à une large caverne. Mais juste avant, étrangement situé dans une paroi, à un emplacement où il ne devrait pas y en avoir se trouve :
Une porte.
Le guerrier fait un pas en arrière et enfonce la porte. À l’intérieur, un homme est enchaîné.
“Qui es-tu ?” aboie le guerrier.
“Je suis Gardon, sorcier de premier niveau et…
– Bon, on va pas y passer la nuit !” l’interrompt le guerrier. “Tu as un sort mémorisé ?
– Euh… oui.
– Alors tu es des nôtres ! Libérez-le, les gars.”
Il vous connaissait, tout simplement !
Un des moyens de résoudre le problème est de l’ignorer, d’utiliser les connaissances du joueur, quitte à trahir le réalisme sans vergogne, et espérer que les autres joueurs laisseront faire sans se plaindre.
Un MJ de ma connaissance, avec la complicité du nouveau joueur, a poussé cette méthode à l’extrême.
Nous, le groupe de personnages-joueurs, étions dans une gigantesque aire routière du Midwest, entourés par un millier d’hommes et de femmes, tous habillés et équipés en motards. Nous étions – aussi – habillés et équipés en motards.
Le nouveau personnage du joueur ne nous avait jamais vus, et n’avait aucune idée de notre apparence. La conversation débuta à peu près comme suit :
Joueur : Je vais vers eux et dis : “Salut, les gars, vous devez être le groupe !”
MJ : Ok, les gars. Il vient vers vous et s’assoit à votre table.
Les autres joueurs : [bafouillant] Quoi ?
Si vous cherchez une méthode rapide d’insertion, sans trop de conséquences sur votre scénario de base et que vous êtes prêt à faire quelques entorses à la vraisemblance de votre campagne, alors c’est sans doute la meilleure approche.
Il était comme… là
(Qui diable es-tu de toute façon ?)
Voici une autre méthode qui a été utilisée dans mon groupe. Elle a moins d’impact sur le réalisme de la campagne que la précédente, mais est plus dure à mettre en place et nécessite un peu plus de subtilité.
La campagne était un jeu de type cyberpunk. Elle s’était étalée sur quelques mois lors d’une partie précédente, et nous étions parvenus à une partie où il s’agissait d’insérer mon personnage nouvellement créé.
L’astuce du MJ fut de lancer l’intrigue sous forme de “On commence à la moitié de l’action, puis on retourne au début.” Il le fit de manière si vive en fait, que personne ne se demanda vraiment comment mon personnage était apparu. Nous avions un rendez-vous dans un bar avec le commanditaire, il nous a offert un boulot (illégal), nous l’avons accepté et nous sommes rapidement retrouvés au cœur de l’intrigue.
Plus tard, alors que le scénario était fini, quelqu’un demanda : “Comment se fait-il que le personnage de Johnny était avec nous au fait ?” Finalement, l’explication la plus pertinente que nous avons alors été capable de formuler fut :
Le groupe s’est rassemblé dans un bar pour voir le commanditaire qui comptait leur offrir un boulot quelconque. L’autre gars (moi) a rappliqué et s’est joint à leur table. Chacun a pensé qu’il devait être l’ami d’un autre. Quand il est arrivé, le commanditaire a naturellement pensé qu’il faisait partie du groupe.
C’est tout le charme de cette technique. Si vous pouvez maintenir votre personnage assez longtemps dans le jeu sans que les autres ne se posent de questions, lorsqu’ils le font, il est trop tard pour revenir en arrière. Ils n’ont plus qu’à faire avec et essayer de recoller les morceaux du mieux qu’ils peuvent.
Observons maintenant de nouvelles méthodes
Le Frère Jumeau
Voici une méthode empruntée aux soap operas, et qui peut servir pour remplacer un personnage décédé. C’est très simple, le nouveau personnage est le frère jumeau du précédent.
Grâce à cette méthode, il est inutile d’interrompre le jeu pendant deux heures pour créer un nouveau personnage. Il suffit de gommer le nom en haut de la feuille de personnage et c’est parti !
Cela ne résout pas tous les problèmes d’insertion de personnage, mais permet d’en introduire un nouveau facilement.
“Jack… Ce n’est pas possible. Tu es mort !
– Non, je ne suis pas Jack, je suis… Jim.”
À cet instant, vous pouvez décider que ceux qui étaient les meilleurs amis de Jack soient ceux de Jim, sans passer par une phase de mise en confiance. Si Jim a de la chance, il devrait même récupérer la voiture, la maison du défunt et sa femme par-dessus le marché.
Note : En tant que joueur, c’est la meilleure option puisqu’elle vous permet de récupérer intégralement votre ancien équipement.
Voici un PNJ que j’avais créé auparavant
(Je parie que vous pensiez que j’étais juste un chat / chien / poubelle)
Il est toujours de bon aloi de garder quelques PNJ en plus sous la main pour fournir quelques PJ prétirés. C’est une méthode rapide et facile, bien qu’elle puisse encore une fois contrevenir au réalisme de la partie, considérant qu’un PNJ qui a suivi le groupe sans dire un mot pendant trois ans se met soudainement à beugler des ordres et à peser de tout son poids dans l’intrigue en cours.
Si vous voulez faire preuve d’un peu plus de subtilité, vous pouvez garder le PNJ sous un déguisement. Le vieux chien galeux qui suit le groupe avec ses puces peut se révéler être une sorte de magicien ou un projet expérimental classé top secret.
Et finalement, si vous n’y arrivez vraiment pas…
L’Ultime Option (L’Effet Lazare)
Vous êtes le MJ, bon sang ! Les balles peuvent manquer leurs cibles, les épées peuvent s’accrocher aux arbres. Vous mourez, mais ensuite, vous allez mieux. Si vous ne voulez pas vous casser le cul avec un nouveau personnage, gardez l’ancien en vie.
“Donc si j’ai bien compris. L’avion est en flammes et mon parachute a pris feu. Je ne veux pas mourir brûlé vif donc je saute. Je fais une chute de SIX MILLEMÈTRES sans parachute, et là, je m’amortis dans des sapins touffus, les traverse, pour atterrir dans une congère et apparemment les seuls dégâts sont une cheville tordue ?”
Et si un joueur souligne que ma description est un peu invraisemblable, je lui fais juste remarquer que c’est effectivement arrivé (1) à un mitrailleur anglais durant la Seconde Guerre mondiale qui a sauté de son bombardier Lancaster en flammes à 6000 mètres et sans parachute.
Et s’est foulé la cheville.
Article original : Hi You Guys Must Be The Party!
Pour aller plus loin…
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