Exploser les goulots d'étranglement
© 2012 The Chatty DM
Dans mon dernier article en, j'ai expliqué comment la MJ devait s'assurer que toutes les rencontres avaient un rôle à jouer dans l'histoire globale. J'ai soutenu que tous les types de joueurs devraient trouver des éléments qu'ils apprécient dans chaque scène. En passant, j'ai mentionné qu'il était primordial d'éviter les goulots d'étranglement dans votre aventure et j'ai promis de revenir sur le sujet plus tard.
Nous y voilà.
Un goulot d'étranglement se produit dans une aventure lorsqu'il est indispensable - pour faire avancer l'histoire - de suivre un plan d'action précis ou de réussir une tâche donnée. Tout MJ ayant un tant soit peu d'expérience a connu des moments inconfortables liés à de tels goulots d'étranglement. Je me souviens de situations où les PJ ont cafouillé pour trouver des indices cruciaux, ou se sont retrouvés bloqués par une porte qu’ils n'arrivaient pas à déverrouiller.
Assez ironiquement, à l'époque de la version de D&D3.x, mes joueurs étaient devenus de foutus ingénieurs des mines lorsqu'il s'agissait de négocier des portes fermées [dans des souterrains].
Les goulots d'étranglement stoppent les parties et provoquent souvent des frustrations autour de la table. Dans cet article et les suivants, je vais classifier ces goulots d'étranglement et je donnerai des conseils pour y remédier.
Tests de compétences
Les jeux basés sur le système D20 et leurs successeurs sont dotés de tests de compétences binaires. Les PJ atteignent, ou pas, un seuil déterminé. Cela se traduit généralement par la réussite ou l'échec de la tâche à accomplir.
Un test de compétence de type goulot d'étranglement doit absolument être réussi, sinon l'aventure s'arrête.
Par exemple : une pièce où les joueurs doivent penser à fouiller pour avoir une chance de trouver une clé magique perdue. La clé en question ouvre un coffre-fort inviolable qui est le seul moyen d'accéder au MacGuffin des Chagrins (TM), l'objet principal de la quête des PJ.
Si les joueurs ne déclarent pas la fouille, ou s’ils ratent le test de compétence de leur perso, la clé reste cachée et l'aventure s'arrête.
Dans une telle situation, la MJ a deux choix :
- Elle peut autoriser les relances jusqu'à ce que la clé soit trouvée, ce qui retire tout intérêt narratif aux jets précédents.
- Ou alors, elle devra faire une entorse à la règle et dire au joueur qui a obtenu le meilleur résultat : « tu as trouvé la clé ».
Dans les deux cas, le défi perd toute son importance et devient un jet de dés ennuyeux.
Certains tests ne sont pas de véritables goulots d'étranglement, mais peuvent fonctionner comme tels en raison d'un manque d'informations communiquées aux joueurs.
Par exemple, lorsqu'il s'agit d'une porte verrouillée et piégée, bloquant la suite du donjon, un échec peut les arrêter net et faire traîner la scène jusqu'à ce qu'ils trouvent une porte secrète dont ils n'avaient absolument aucune idée et qui les mènerait au même endroit.
C'est grâce à de tels exemples que mes joueurs de l’époque 3.5 sont devenus les champions du cassage de charnières et du perçage de murs.
L'approche élémentaire
Selon moi, pour résoudre ces problèmes, il suffit d’adapter ce qui a été planifié avant la partie et de corriger tous les types de goulots d'étranglement.
- Assurez-vous qu'ils ne se produisent pas. Débarrassez-vous des tests de compétence « réussite obligatoire », en supposant que les PJ s'en sortiront.
- Mettez la foutue clé magique du coffre inviolable dans les poches du boss hobgobelin au lieu de la cacher.
Vous avez des tests de recherche, d'escalade et de diplomatie qui bloquent le chemin ? Faites-les voler en éclats !
Je ne dis pas qu'il faut faire de l'aventure une promenade de santé, bien au contraire ! Je propose d’éliminer les obstacles qui bloquent l'aventure.
Les tests de compétences peuvent être pertinents, surtout pour « débloquer » du contenu bonus.
Par exemple : et si un test d'escalade permettait à un personnage de trouver une Rune de Désenvoûtement (TM) sur la corniche ? Cette pierre pourrait être utilisée pour bannir le serviteur démoniaque que le Méchant (TM) utilise pour garder son sanctuaire.
Ainsi, réussir ce test d'escalade rend l'aventure plus facile, mais ne pas le réussir permet aux joueurs de gérer les choses à l'ancienne.
La méthode de Chatty GM
Aussi appelée « mouseburning ptgptb allégé »
Pourquoi ne pas accepter les goulots d'étranglement au lieu de les éliminer ? Et si nous prenions les obstacles binaires et les transformions en « étapes délicates » à la place !
Faisons en sorte que la réussite soit impressionnante et que l'échec le soit encore plus. Comment faire ?
- Tout d'abord, lorsqu'un test d’obstacle-goulot se présente, demandez à un joueur de prendre l'initiative du jet de dé et informez-le/la qu'une réussite partielle est prévue.
- Prévenez le groupe que ça vous importe peu s’ils réussissent ou non cette tâche, mais que vous êtes très intéressé par la quantité d'ennuis qu'ils pourraient avoir s'ils la ratent.
Cela peut nécessiter un peu plus de travail en coulisses, mais le jeu en vaut la chandelle.
- Tout d'abord, décidez du type d'ennuis qu'un jet raté entraînerait pour le(s) personnage(s).
- Attention à ne pas retomber dans le modèle binaire.
Par exemple, disons qu'un groupe d'aventuriers doit traverser une fosse de trois mètres de large remplie de serpents venimeux.
- Je demanderais à un PJ volontaire de sauter par-dessus en emmenant une corde pour permettre au reste du groupe de traverser en toute sécurité après.
- Je donnerais des bonus de compétence pour toute idée ingénieuse proposée par le groupe pour faciliter le saut.
- Une fois que tous les modificateurs ont été déterminés, je procède généralement comme suit :
Chatty : D'accord, tu dois faire au moins XX aux dés. Si tu réussis, tu pourras décrire comment tu as fait ce saut. Si tu échoues, tu sortiras de la fosse mais il t'arrivera quelque chose de très grave.
Joueur : Par exemple, je vais me fouler la cheville en arrivant de l’autre côté ?
Chatty : Quelque chose comme ça. Tu te lances ou tu veux chercher une autre solution ?
(Plan diabolique de Chatty en cas d’échec : Le PJ manque de peu le saut mais se rattrape sur le bord opposé à la dernière seconde, les jambes pendant au-dessus des vipères très agacées. Elles ont droit à un round de surprise pour mordre les jambes du héros avant qu'il n'ait une chance de s'en sortir).
Et bim ! Le goulot d'étranglement devient un défi important plutôt qu'un obstacle binaire.
Si cette approche vous intrigue et que vous êtes prêt à aller plus loin, j'ai écrit l'année dernière un article qui traite des contrôles de compétences et de l'échec (je l'ai appelé Mouseburning ptgptb). Essayez-le !
Et vous, comment gérez-vous dans vos parties les goulots d'étranglement, qu’ils soient imprévus ou provenant d’une publication du commerce ?
Article original : Zen and the Art of Dungeon Mastering #6: Smash that Bottleneck
Sélection de commentaires
Chattyo Pharynx
Quand j'ai vu des tests de compétences pour la première fois, ma première idée a été d'éliminer leur nature binaire et de prévoir plusieurs résultats possibles.
J’envisage généralement les résultats les plus faibles du pire personnage et les meilleurs résultats du meilleur personnage. Cela me donne un panel de situations à prévoir.
Souvent, il y aura un succès partiel, ou un succès avec un coût (1). À l'autre extrémité, j'ai généralement un « bonus » pour « l’expert », rendant sa compétence plus importante.
TheSheDM
La plupart de mes tests de compétence sont comme ça. L'exception à la règle est seulement quand je précise le contraire.
Les meilleurs joueurs rendent ce style d'échec dramatique et intéressant.
Les joueurs mesquins écrivent des effets négatifs minimes et la MJ doit alors intervenir et élaborer [des conséquences intéressantes (2)] si ce n'est pas suffisant.
Exemple : l’échec du saut par-dessus une fosse. Le joueur décrit que son perso a atterri de l'autre côté mais qu'il a perdu sa dague « préférée » (sachant qu'il en a 6 autres dans son sac et qu'il ne s'en soucie pas vraiment). La MJ peut aller plus loin : disons que la dague atterrit sur une plaque de pression, libérant des rats enragés dans le couloir ! Tant que les attentes sont justes.
VenerableDM
Voilà un conseil à donner à tous les MJ actuels ou en devenir ! Il est vrai que l'on veut tous que les PJ méritent leurs récompenses, mais les goulots d'étranglement peuvent faire capoter la dynamique d’une scène bien ficelée.
Je te remercie d'avoir apporté des solutions faciles à comprendre dans ces articles. Dieu que ce blog aurait fait pour moi il y a tant d'années. Merci Chatty.
(1) NdT : Le succès avec un coût équivaut au « oui, mais » de notre série oui/et/mais/non. La réussite avec un bonus est un « oui, et », l’échec avec conséquence est un « non, et » [Retour]
(2) NdT : Dans le même ordre d’idées, Apprenez à expliquer les échecs ptgptb de Ben Robbins suggère de rendre flamboyants les échecs des joueurs plutôt que de les passer sous silence. [Retour]
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Commentaires
JDR et Rôliste (non vérifié)
mar, 29/10/2024 - 13:55
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Quel article plein de bon sens
Bravo Chatty DM ! Tu as réussi à mettre des mots sur un sentiment que je ressentais en ce moment sur les scénarios de pré-campagne de Knight.
Le goulot d'étranglement qui bloquait parfois les parties ou qui demandait des tests inutiles car de toute façon il faut réussir pour aller de l'avant.
J'utilisais déjà une partie de la méthode "Mouseburning" mais ton exemple est tellement parlant.
Franchement bravo pour l'article, c'est une petite merveille.
J'essayerai de le citer dans un de mes futurs articles que je ferais sur les tests en JdR, car il y a vraiment du bon sens expliqué clairement :)
Phil (non vérifié)
mar, 29/10/2024 - 21:16
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Oh merci, c'est gentil !
Oh merci, c'est gentil !
Je suis content de voir qu'un article écrit il y a plus de 12 ans puisse encore faire mouche.
Depuis ce temps, le movement "Fail Forward" a fait beaucoup de chemin, y compris dans les plus gros JdR nord-américains - comme D&D et Pathfinder. L'idée qu'un jet - surtout de type "goulot d'étranglement" - ne peut plus échouer, mais potentiellement réussir de façon catastrophique pour le PJ, reste un des principles fondamentaux qui dirige ma façon de mener une session.
Merci encore!
(P.S. Mais quelle étrange expérience de commenter sur mes propres écrits en français! Merci à PTGPTB pour les traductions au fil des années.)
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