Tout le monde veut être le maître du monde – 1re partie
© 2005 Robert Griffin
Signs & Portents, le magazine de Mongoose Publishing
présente :
Considérations pour la création d’un méchant mémorable
Les héros… On compose légendes et chansons en leur honneur et la majorité des campagnes en font les alter ego chéris et imaginaires des joueurs. Ils vont du “scélérat au cœur d’or” jusqu’à “l’inébranlable forteresse de pureté et de bonté” mais sont pour l’essentiel au cœur de toute campagne de fantasy. Ils en sont le nerf, le noyau dur autour duquel les histoires gravitent et un des éléments clefs de la campagne. Sans eux, l’histoire ne serait rien ; en fait, on pourrait dire que sans les héros l’histoire ne pourrait même pas exister. Ils sont l’alpha et l’oméga de l’histoire.
La plupart des joueurs le savent et c’est ce qui les fait revenir encore et encore. L’idée qu’ils puissent être le soleil autour duquel tourne le monde imaginaire soigneusement détaillé du maître de jeu est particulièrement attrayante. Elle flatte leur part de vanité, leur désir d’évasion et ils viennent en redemander semaine après semaine.
Pourtant, dans les profondeurs du cœur de tout maître de jeu repose une vérité plus sombre, une motivation bien plus sinistre qui le pousse à raconter ses histoires. Elles ne concernent en rien les héros : ce sont des histoires de méchants.
Certes, les héros gagnent. Ils ont la gloire, l’or et les femmes mais à la fin de la campagne, l’histoire a toujours été celle du méchant. La plupart des maîtres de jeu tentent de ne pas laisser leurs joueurs découvrir la vérité, mais ces derniers le savent. Depuis le début, le récit était celui du méchant. Après tout, c’est lui qui mène l’histoire ; il propulse l’intrigue et sert de référent moral auquel se mesurent les héros. Sans sa vilenie les héros seraient désœuvrés et ne quitteraient même pas l’auberge. Ils resteraient assis à se remplir du cru local sans rien faire. C’est le méchant qui leur donne un but et les maintient actifs.
Considérez le fait que dans la plupart des campagnes, les joueurs comptent sur les amorces d’intrigue générées par leurs méchants pour les motiver, les guider dans la bonne direction et leur servir de source du mal qu’ils doivent vaincre. Sans un méchant minutieusement préparé et détaillé, débordant de complots et de basses méchancetés, que serait le héros moyen ? Il serait juste un autre homme du peuple avec une épée et un rêve.
Créer un méchant, ses hommes de main, ses alliés et ses fidèles subordonné(e)s est l’aspect le plus essentiel de la création d’une campagne pour le maître de jeu. Le méchant est le reflet sombre des héros. Il est leur antithèse, leur ennemi le plus intimidant et le plus implacable.
Il est celui qui donne un sens à leurs actes. Sans un méchant digne de ce nom, les héros ne peuvent pas atteindre les vrais sommets de l’héroïsme, sans sa noirceur, ils ne peuvent pas briller. C’est pour cela que la préparation du méchant doit être mûrement réfléchie. Tout joueur attend de son maître de jeu qu’il fasse de son personnage un héros. Sans un méchant vraiment satisfaisant contre lequel partir en croisade, la campagne peut sembler creuse, les menaces superficielles, et les héros rien de moins que des caricatures de papier défaisant des hommes de paille.
En préparant ces antagonistes-clés pour le joueur, le maître de jeu doit établir quatre éléments pour créer son méchant : ses objectifs, sa motivation, ses méthodes et sa personnalité. Une fois ces points définis, tout autre choix nécessaire pour développer son méchant en herbe se fera de lui-même. D’où la nécessité d’accorder une attention particulière à ces quatre points. Si les fondements du méchant sont précaires, celui-ci ne pourra offrir un contraste valable aux joueurs et ne sera rien de plus qu’un énième PNJ sans visage. Certes, un de ceux avec une importante récompense en XP à la fin, mais certainement pas l’adversaire mémorable qu’il mérite d’être.
1re partie : ses objectifs – Que voulez-vous conquérir aujourd’hui ?
La première et sans doute la plus importante étape dans la création d’un nouveau méchant est de déterminer ses objectifs. Cela va aider à établir tout ce qui le concerne par la suite. Il y a peu de choses que le maître de jeu a besoin de décider alors qu’il définit les objectifs moteurs de son grand méchant : le niveau de puissance des objectifs en question et le type d’objectifs qu’il a l’intention de poursuivre.
Niveau de puissance
Le niveau du groupe devrait aider à déterminer l’envergure de leur ennemi. Envoyer les personnages-joueurs fraîchement sortis de leur village affronter les méchants qui veulent conquérir le monde est le meilleur moyen de les tuer rapidement.
Au début, les personnages devraient avoir affaire à des méchants de niveau faible ou moyen, comme le sont les hommes de main de méchants plus grands et plus terribles. Ce faisant, leurs objectifs devraient être ciblés et suffisamment petits pour que les personnages aient une chance d’interférer de façon significative. L’idéal est que les personnages interagissent avec un panel de méchants de bas étage qui, s’ils ne travaillent pas pour votre grand méchant, sont du moins manipulés par lui.
Rappelez-vous : tant que le niveau du groupe est faible, le grand méchant devrait à peine avoir conscience de son existence même.
À mesure qu’ils progresseront, ils attireront de plus en plus son attention tandis qu’il déjoueront encore et encore les diverses manigances de son grand projet. Dans le même ordre d’idées, rappelez-vous qu’à bas niveaux, les joueurs ne devraient découvrir que des activités mineures du grand méchant.
Par exemple : le grand méchant a besoin de détourner un chargement à destination d’un lointain royaume et a engagé des maraudeurs pour s’en occuper. Il a commencé par échauffer une horde de gobelins environnante dans le but de distraire la milice locale, ou bien il a engagé un groupe rival d’aventuriers pour acquérir un objet que les personnages-joueurs (PJ) recherchent. Ce sont là des petits riens qu’un groupe de faible niveau peut prendre en main et, dans un premier temps, il ne devrait pas y avoir de relation apparente avec un quelconque dessein supérieur.
Avec le temps, les liens entre les objectifs de faible, moyen et haut niveau du grand méchant devraient devenir plus évidents alors que les PJ commencent à se faire une idée de son véritable objectif.
Cela ne signifie pas qu’au bout du compte les maîtres de jeu doivent simplifier les objectifs du grand méchant, seulement les échelonner de manière à créer des défis adaptés aux PJ. Pendant que les PJ contrarieront la réalisation des plus petits objectifs, ces derniers vont constituer la base des objectifs plus vastes et plus essentiels du plan ultime du grand méchant.
Cela permet aux personnages de passer du statut “d’illustres inconnus” à celui de “menaces potentielles”, en passant par “petites nuisances”, pour enfin culminer comme “ennemis légitimes du grand méchant”. Qui plus est, dévoiler progressivement les plans du grand méchant à travers l’utilisation d’objectifs graduels permet aux joueurs de commencer à sentir qu’ils ont un sérieux impact sur le grand méchant.
Phase Un : Collecte de ressources et manœuvres
[Au système d20,] dans les niveaux 1 à 5, le grand méchant devrait se concentrer sur l’étape “collecte de ressources” ou sur l’étape “manœuvres stratégiques” de son plan ultime. C’est pendant ces niveaux-là que le grand méchant a commencé à préparer le terrain pour son objectif final en acquérant des fonds, en mettant ses serviteurs en position, en agitant les monstres du coin ou en semant la dissension au sein de la population locale. Pour l’heure, toutes ces choses sembleront insignifiantes, mais rétrospectivement elles devraient s’affirmer comme les premiers symptômes d’un problème plus large.
Ces petits objectifs donneront le temps aux personnages-joueurs d’amasser les points d’expérience nécessaires pour s’en sortir faces aux objectifs de niveau moyen du grand méchant. Il est facile d’insérer d’autres aventures indépendantes du grand méchant et c’est recommandé au cours de la campagne. En raison du caractère banal de ces étapes, il est tout à fait acceptable d’ajouter librement quelques objectifs qui sont faciles pour les personnages-joueurs dans le but de créer des liens avec les événements qui devront exister dans la phase suivante. Souvenez-vous que cette phase n’est rien d’autre qu’une mise en bouche pour le gros des objectifs de la phase suivante.
Phase Deux : Consolidation
Du niveau 6 au niveau 12, le grand méchant commence la phase de “consolidation” de ses plans. C’est là qu’il cherche à utiliser les ressources acquises durant la première série d’objectifs pour commencer à évoluer vers la prochaine et, il l’espère, dernière étape de son grand plan, la phase “d’exécution”. Au cours de la phase de consolidation, le grand méchant continue très probablement à acquérir des ressources et à implanter espions et serviteurs aux endroits stratégiques, mais à plus large échelle.
S’il prenait d’assaut les caravanes d’armes pour équiper ses troupes lors de la première phase de son plan, il commence désormais à planifier des attaques sur des cibles plus importantes, tels que des armureries, des laboratoires d’alchimie pour concocter du feu grégeois, des mines naines pour le mithril et ainsi de suite. Il devrait également commencer à esquisser des objectifs plus directs qui contribueront au succès de son plan général. Assassinats, escarmouches à la frontière et hommes de main envoyés en quête d’artefacts sont tous appropriés pour de tels niveaux.
Ces objectifs de niveau moyen devraient servir à constituer des maillons plus évidents d’une grande chaîne de vilenie pour ainsi suggérer un dessein plus large et une seule intelligence derrière les événements. C’est au cours de cette phase que les actions des personnages-joueurs doivent commencer à être remarquées par le méchant. Jusqu’à maintenant, ils avaient légèrement déréglé son planning, nécessitant de faire venir du matériel et de la main-d’œuvre depuis d’autres endroits, ou avaient dénoncé publiquement des pions de bas niveau qui pouvaient être aisément remplacés.
Maintenant ils ont commencé à endommager les éléments d‘objectifs nécessaires à l’accomplissement de son plan ultime. En toute vraisemblance, ils ont suffisamment attiré son attention pour passer vers un sous-ensemble de l’objectif “consolidation” : la “suppression d’obstacles”.
Phase 2.5 : Suppression d’obstacles
La suppression d’obstacles devrait relever des niveaux 13 à 16. C’est au cours de cette période que le méchant commence à envoyer sa garde personnelle pour s’en prendre aux personnes et aux lieux qui entravent directement ses objectifs.
Cela ne signifie pas que les personnages-joueurs n’ont pas eu d’altercation avec certains de ses plus puissants hommes de main dans le passé. En toute vraisemblance, le groupe et les serviteurs ont déjà eu des accrocs auparavant. Il est même encore plus probable que les sous-fifres aient averti le grand méchant que les personnages-joueurs pourraient devenir un problème par la suite et que leurs avertissements n’aient pas étés écoutés jusqu’à présent. C’est le moment où toute l’inquiétude, l’irritation et la haine que ces méchants de niveau moyen ont accumulées envers les personnages sont sur le point d’éclater.
C’est l’heure où le méchant lâche la bride de ses hommes et que ces derniers foncent alors droit sur les personnages.
À ce stade, les personnages ont vraisemblablement dû contrecarrer des opérations ou des missions placées directement sous la responsabilité des plus proches lieutenants du grand méchant, qui attendent leur vengeance tout en rongeant leur frein.
À ces niveaux, le maître de jeu devrait mettre au clair, au cas où les joueurs ne s’en seraient pas encore aperçus, qu’il y a une tête pensante à l’œuvre derrière tout ça, et que ces méchants de niveau faible ou moyen travaillent pour elle. Ce sont les niveaux où les méchants commencent à riposter, en traquant les contacts des personnages, leurs alliés, leur famille et leurs amis puis en les menaçant, les enlevant, en somme en leur pourrissant la vie. Ils tentent d’éliminer les personnages-joueurs ou de les mettre hors d’état de nuire avant la phase cruciale “d’exécution”. C’est également pendant cette étape que le méchant commence à essayer d’éliminer des PNJ de haut niveau, qui constituent tout autant une menace pour ses plans. Leurs morts peuvent servir d’avertissement pour les personnages. Les enjeux sont montés d’un ou deux crans et le méchant en a assez de prendre leurs agissements avec le sourire.
Après quelques niveaux à menacer leurs vies, nuire à leur réputation et toute autre vacherie que le méchant peut imaginer, les personnages-joueurs vont commencer à faire tout leur possible pour rassembler un maximum d’informations sur le méchant, ses hommes et son organisation dans son ensemble. C’est la phase où une véritable rivalité s’est créée entre les personnages et les hommes de main, dont le niveau et les capacités devraient commencer à être comparables à celui des personnages-joueurs.
Tout au long de cette sous-phase, les éléments de la phase de “consolidation” se poursuivent et, au fur et à mesure que les personnages commencent à déranger les plans du maître, les tentatives pour les éliminer s’accroîtront de même, jusqu’à l’avant-dernière phase, “l’exécution finale”.
Phase Trois : Exécution finale
Voici le Saint Graal des objectifs du grand méchant. Ce sont les dernières marches vers l’accomplissement de tous ses désirs et volontés. C’est à la réalisation de ces ultimes objectifs que le grand méchant consacrera le plus d’énergie, de temps et de ressources. S’il échoue, tout ce pour quoi il aura œuvré s’effondrera autour de lui avec violence.
C’est là que le méchant mettra ses armées en marche, libèrera le puissant sortilège de chaos et de destruction ou marchera hardiment jusqu’aux cieux pour défier les dieux eux-mêmes. Classiquement, les personnages-joueurs sont tout ce qui le sépare de la victoire. Généralement, les personnages-joueurs tournent autour des niveaux 17 à 18, de telle sorte qu’ils sont capables d’affronter directement les menaces les plus actives que le grand méchant déploie. Il y a moins de petits objectifs au cours de cette phase que dans les précédentes, mais ceux-là sont vitaux pour la réalisation ultime du coup final du grand méchant.
Pour autant, je ne recommande généralement pas d’interférer directement avec le libre arbitre des joueurs à n’importe quel moment au cours de la partie – cela gâche leur plaisir. Cela pourrait leur donner l’impression qu’ils n’ont pas de prise sur la partie et pourrait conduire à un éclatement du groupe. N’empêche, ce qui est en train de se jouer est d’importance. S’il vous reste encore des objectifs moindres avant le dernier et ultime objectif, la “fin de partie”, je vous recommande de n’en faire jouer qu’un ou deux et de les enchaîner à un rythme élevé. Après tout, les joueurs devraient s’élancer dans la dernière ligne droite et finalement, lorsqu’ils viendront à triompher de la dernière étape nécessaire à la fin de partie, soyez sûr qu’ils feront tout exploser.
Je suis sérieux. Si les joueurs ont réussi à arriver aussi loin et qu’ils n’ont pas complètement détruit les plans du grand méchant alors ils méritent un grand final approprié. Un combat à mort, au corps à corps, avec le grand méchant. Ils sont sur ses traces depuis le début de la campagne et la bataille doit être épique.
Plus important encore, cette ultime bataille doit en mettre plein les yeux. Voir les PJ lui régler son compte juste avant la fin de partie est tout, sauf une apothéose. C’est son ultime instant de triomphe avant sa chute inévitable. Laissez-le faire son discours mégalomane, assis dans son haut fauteuil rembourré de cuir, caresser son chat et asséner du fond du cœur “Préparez-vous à mourir, M. Bond.”. Après tout, il est sur le point de perdre de manière monumentale ; laissez-lui son quart d’heure de gloire. Qui plus est, échouer si près du but ne fera qu’accentuer le désir des joueurs de le voir tomber comme il convient à une enflure pareille.
Cette phase doit contenir les préparations de dernière minute, le retrait du personnel-clé des points stratégiques, se retranchant jusqu’au repaire dans un volcan ou tout ce qui vous semble approprié que votre grand méchant trouve à faire à ce moment de victoire. Enfin arrive la fin de partie.
Phase Quatre : Fin de partie
C’est le moment où le maître de jeu voit si tout son dur labeur a payé, parce que vient l’affrontement final. Ici les PJ doivent faire face au grand méchant avec le sentiment que cette fois, c’est eux ou lui, sans évasion de dernière minute possible, sans sous-fifre pour venir le sauver au dernier moment. C’est la fin de tout.
La campagne tout entière a mené à cet instant. Le méchant est au seuil de la victoire totale. Ses armées sont en marche. Le Golem enchanté de la mort qui tue est gorgé de puissance et il se prépare à effacer le royaume de la carte. Il goûte déjà à la victoire et alors, il n’a plus qu’un seul but : son ultime objectif, l’achèvement total de son plan. C’est le grand objectif, celui qui justifie tous les autres jusqu’à ce point de la campagne. Si tout est clair, les joueurs doivent faire le lien entre les premiers moments de la campagne à cet instant et ils savent que c’est la fin. C’est tout ou rien et la récompense doit être à la hauteur des efforts et du prix payé pour arriver ici.
L’objectif final du grand méchant lors de la conclusion de partie doit refléter la campagne jusqu’à cet instant et être construit sur les objectifs qui le précèdent. S’il volait des armes dans la première phase, engageait des mercenaires, entraînait des troupes et commençait les escarmouches de frontière dans la deuxième phase, essayait de tuer les PJ et les grands généraux à travers tout le pays dans la phase 2.5 et commençait sa marche sur le royaume, massacrant tout sur le passage de sa toute puissante armée, en phase trois, l’objectif de fin de partie ne devrait être rien de moins que la conquête totale et l’asservissement de toutes les terres connues.
Un vrai grand méchant mémorable ne tue pas une personne – il en tue des milliers. Il ne conquiert pas une ville, il conquiert le pays. Il ne détruit pas le sanctuaire des dieux, il défait les dieux eux-mêmes et la seule chose dans le royaume connu qui puisse le stopper, ce sont les persnnages des joueurs rassemblés autour de la table de jeu.
Maintenant que nous avons évoqué le niveau de puissance des objectifs du grand méchant, on doit dire quelques mots sur l’objectif en lui-même et, plus important encore, sur le type d’objectif dont il s’agit. Il y a de nombreuses possibilités et chacune permet de créer un nouveau méchant différent du précédent. En déterminant le type d’objectifs que le méchant poursuit, vous aidez à déterminer à la fois sa méthode et sa motivation, et commencez tout autant à vous poser quelques questions concernant sa personnalité.
Types d’objectifs
De fait, tout objectif de grand méchant appartient à l’une des quatre catégories suivantes : l’acquisition de puissance, l’acquisition de richesses, la conquête et la destruction. Chacune possède des similarités et la plupart d’entre elles se recoupent mais dans l’ensemble des cas, l’une passe avant les autres et constitue les bases de l’ultime objectif du grand méchant.
Afin de bien prendre en main les motivations, les méthodes et la personnalité du grand méchant, son objectif primordial doit être examiné avec précaution car il est dans une relation symbiotique avec les éléments que le maître de jeu devra déterminer plus tard. En examinant individuellement chacun d’entre eux, le maître de jeu peut apprendre beaucoup à propos de son méchant, tout en permettant de déterminer à quoi les objectifs en bas de l’échelle doivent ressembler, pour se raccorder à l’objectif de fin de partie.
Acquisition de puissance – Le Démiurge
Cet objectif de grand méchant correspond à une soif inextinguible de pouvoir temporel sous une forme ou une autre, que ce soit d’ordre magique, physique ou politique. L’archimage qui désire devenir la plus puissante source de magie des arcanes des royaumes est un exemple classique de méchant poursuivant cet objectif. Gardez à l’esprit que cet objectif diffère de celui de conquête en vertu du fait que le méchant recherche la puissance comme une fin en soi et non comme un moyen de conquête.
Utiliser son pouvoir pour régner et dominer ne l’intéresse pas. Il ne désire rien de moins que le pouvoir et la maîtrise absolue dans un certain domaine. S’il est possible au méchant d’avoir pour objectifs secondaires la conquête et la destruction, sa première préoccupation devrait toujours être l’accumulation d’une puissance de plus en plus grande. L’objectif d’acquisition de richesses peut également se superposer, typiquement comme un moyen dans ses efforts incessants pour consolider son pouvoir toujours croissant.
Le méchant avec un objectif d’acquisition de pouvoir peut aller du magicien lunatique et solitaire jusqu’au guerrier charismatique et ces deux classes de personnage sont faites pour un tel but. Les sorciers malfaisants ont également tendance à préférer cet objectif car il favorise considérablement leurs aptitudes naturelles. Les rôdeurs, les bardes et les clercs maléfiques sont généralement moins attirés par la puissance en elle-même à moins que cela ne coïncide avec leurs éventuelles croyances religieuses. Le caractère absolu de la puissance pure attire aussi les moines maléfiques par son manque de moralité, et par le fait que cet objectif ne demande pas au grand méchant de faire quoi que ce soit d’autre de son pouvoir que de l’amasser. Au bout du compte, tout ce dont votre méchant a besoin, c’est de son désir de puissance. Théoriquement, n’importe quelle classe peut être ajustée pour s’accorder à cet objectif dans les bonnes circonstances.
Un des aspects les plus importants qu’il convient de se rappeler à propos de cet objectif est qu’il est compatible avec une large gamme de concepts.
La puissance physique n’est que la plus évidente. Puissance magique, puissance divine, puissance politique et puissance sociale sont des cibles tout aussi légitimes pour le Démiurge.
Acquisition de richesse – Le Pirate
Voilà l’archétype de l’objectif du maître voleur. La richesse au-delà de tout rêve d’avarice est la marque de fabrique de cet objectif. Or, bijoux, artefacts et terres ne font aucune différence tant qu’ils permettent au grand méchant d’arrondir ses fins de mois.
Par bien des façons, le grand méchant à la poursuite de l’opulence partage des traits communs avec le Démiurge. Il est rare qu’il compte faire quelque chose des richesses qu’il convoite. Il veut, et ce qu’il veut, il essaye de se l’approprier sans autre raison que celle de pouvoir dire qu’il le possède. Les conquêtes ne l’intéressent que rarement, excepté pour le gain matériel qu’il en retire, et la destruction est souvent un objectif complètement à l’opposé de sa mentalité. Ce grand méchant est un expert en acquisition. Il veut être l’homme le plus riche de toute la contrée et il utilisera n’importe quelle ressource dont il dispose pour accumuler encore plus de richesses.
L’acquisition de richesses est une seconde nature chez les voleurs. Ainsi, le chef des guildes de voleurs avec son imposant réseau d’escrocs, de maîtres chanteurs, de pickpockets et de cambrioleurs, qu’il dirige par son avidité, est un bon exemple de grand méchant de cet ordre. Les guerriers malfaisants pillant et dépouillant des villages pour ensuite passer à la prochaine ville la nuit suivante, les clercs mauvais filoutant la dîme de leurs ordres et les magiciens fous qui plongent la campagne dans la terreur afin d’extorquer une rançon mensuelle à ses dirigeants sont des exemples de méchants en quête de richesse.
L’avidité est un élément suffisamment répandu chez les grands méchants. Pour un Pirate, c’est le trait de caractère le plus marqué et le plus mis en valeur et tous les moyens sont bons si cela rapporte. La richesse matérielle est la plus commune des convoitises pour le Pirate mais avec son désir d’acquérir s’ouvre tout un champ de possibilités. L’élément clé est que le méchant convoite quelque chose et aspire à être l’unique possesseur de celle-ci. Cela peut être n’importe quoi : depuis le savoir, les hommes ou un objet spécifique, jusqu’à la vraie fortune, les bijoux et les trésors. Tout est ajustable pour convenir à l’objectif du Pirate.
Conquête – Le Conquérant
L’objectif de conquête est le plus commun des objectifs des méchants de fantasy. Par-delà la richesse ou la puissance, la plupart des méchants de fantasy veulent conquérir le monde. C’est un objectif aussi vieux que le genre et c’est celui avec lequel les joueurs sont le plus familiers. Le Conquérant est le plus à même d’avoir des éléments de tous les autres objectifs sous son objectif premier de conquête. Il a également le potentiel pour représenter la plus grande menace pour le plus grand nombre, juste après le Destructeur. Tout ce que veut vraiment le Conquérant, c’est voir les seigneurs des terres et les nations s’agenouiller devant son trône : c’est la finalité de son objectif. Ses motivations pour la conquête sont ce qui distinguera un Conquérant d’un autre et seront traitées en détail plus loin.
Désormais, le maître de jeu doit déterminer l’envergure de la conquête de son grand méchant et commencer à planifier en conséquence. Un grand méchant avec l’envie de conquérir une région n’a pas besoin d’être aussi préparé qu’un grand méchant qui projette de conquérir la planète, les plans ou le multivers !
Pratiquement n’importe quelle classe peut se trouver dans les rangs des Conquérants mais les guerriers sont les plus courants. Les magiciens, avec un bon réseau de soutien physique et une armée à leur disposition sont également fréquents. Même les classes qui sembleraient les moins adaptées à la vie d’un conquérant peuvent aisément rentrer dans le moule. Un barde qui cherche à saper un roi par le complot et les dissensions politiques afin d’intenter un coup d’État et de se placer lui-même sur le trône est un exemple parfait d’un Conquérant qui choisit d’utiliser la ruse plutôt que la seule force des armes afin de réaliser ses projets de conquête.
À l’instar du Démiurge et du Pirate, l’objectif du Conquérant peut s’accommoder de différentes approches. Un grand méchant peut très bien être à la recherche d’une conquête physique, spirituelle, politique ou idéologique, et si les chefs de guerre à la tête d’une gigantesque armée sont les plus communément associés à cet objectif, ils ne sont pas les seuls.
Destruction – Le Destructeur
Peu de méchants sont aussi redoutables que le Destructeur. Il laisse une vilaine cicatrice à travers la campagne et ce, où qu’il aille. Il ne recherche rien d’autre que l’annihilation totale de toute chose et de tout être autour de lui. Comme le Conquérant, le Destructeur tend à se déplacer avec de grandes armées à moins qu’il ne possède lui-même le pouvoir d’atteindre le niveau de destruction qu’il désire. Il tend également à poursuivre des objectifs mineurs moins diversifiés. Il ne recherche pas le profit matériel et n’a aucun intérêt pour la conquête. Il ne cherche rien d’autre que l’anéantissement absolu de tout ce qu’il voit.
L’acquisition de puissance est un outil de plus que le Destructeur utilise pour dévaster son environnement. En tant que tel, c’est le seul autre objectif à se confondre avec son appétit pour la destruction.
Cela ne signifie pas que le Destructeur est toujours une grossière machine à tuer sans cervelle. Un chef de guerre barbare assoiffé de sang voulant purger le pays, ou un magicien intelligent et calculateur qui cherche à liquider la famille royale sont deux bons exemples de Destructeurs. L’élément le plus important est son désir de réduire à néant sa cible. Celle-ci peut être aussi précise ou démesurée que le maître de jeu l’estime appropriée pour sa campagne.
Dans le cas d’un Destructeur nihiliste, les classes martiales sont les exemples les plus évidents. Les grands méchants guerriers et barbares gravitent souvent autour de l’objectif du Destructeur qui leur permet de donner libre cours à leurs aptitudes innées pour la dévastation. Sorciers et magiciens font aussi d’excellents destructeurs avec leur capacité à faire appel à des pouvoirs magiques immenses et dévastateurs. Rôdeurs et clercs maléfiques peuvent faire d’excellents destructeurs concentrés sur une cible unique. Avec son habileté à pister et à traquer sa proie, un rôdeur malfaisant est idéal pour un grand méchant qui se consacre à la destruction d’un peuple ou d’une organisation. Un clerc maléfique dont le dogme dicte l’annihilation d’une autre église constitue également une formidable menace.
À l’instar des autres objectifs présentés, l’objectif de destruction peut aisément s’adapter au type de grand méchant que le maître de jeu cherche à créer. Le résultat final est la destruction totale d’une race, d’une idéologie, d’une organisation voire quelque chose d’aussi ciblé que la destruction d’une classe d’aventurier. Tout cela convient au paradigme du Destructeur.
Article original : Everybody Wants to Rule the World (p. 52 de Signs & Portents n°29)
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