Six points à retenir quand on écrit un GN
© 2014 Steve Darlington
En 2009, j’ai écrit un GN Warhammer pour la GenCon australienne (il était freeform [JdR ou GN allégé en règles (NdT)], même s’il avait quelques règles simples), intitulé Sunset Claws. Vous pouvez télécharger le fichier zip ici (en) avec tous les documents pour l’organiser vous-même. Les participants continuent de l’encenser comme le meilleur GN auquel ils aient jamais joué ; je l’ai organisé deux fois depuis et on me demande de l’organiser de nouveau lors d’une autre convention locale. J’ai récemment entendu dire qu’il avait été traduit en français [Nous n’avons pas trouvé de lien. Lecteur, si tu le sais… (NdT)] et joué à la Convention des Croisades d’Unnor à Lille. Tout ça m’a incité à commencer à travailler sur une suite et en le faisant, j’ai essayé d’identifier les raisons pour lesquelles je pense que le dernier GN que j’ai organisé a été si réussi.
1. Donnez quelque chose à faire à chacun
Socialiser n’est pas la chose la plus facile à faire, plus particulièrement quand on sort tout juste d’une partie de quatre heures [du wargame avec figurines] Warmachine, lessivé, et qu’on ne connaît personne autour de soi. Les GN reposent pourtant sur l’accumulation d’interactions sociales. Il faut fluidifier tout cela. Les costumes ajoutent à l’ambiance, tout comme le décor, mais les gens socialisent plus facilement quand ils ont quelque chose à faire. Boire et manger sont deux exemples basiques. J’avais aussi installé une partie de Pass the Pigs [un jeu de dés comparable au Yams (NdT)] en arrière-plan. C’était un petit plus, mais ça a aidé. Il y avait aussi un personnage qui faisait un discours, donc tout le monde devait se rassembler et écouter. Penser à de bonnes choses pour cet exemple est compliqué par contre, donc si vous avez des idées ou des exemples personnels, mettez-les dans les commentaires !
2. Donnez-leur des sujets de conversation
De nouveau, socialiser est difficile à faire, et donner aux gens des sujets de conversation est une bonne façon de briser la glace. C’est pourquoi le conseil 1 est de leur donner des choses à faire bien sûr, mais à part ça, tout le monde devrait aussi avoir des supers sujets plein la tête. Ce ne doit pas être seulement une énième soirée, ni même le paroxysme de la saison ; la pièce devrait bourdonner des rumeurs de l’époque et des scandales qui circulent dehors. Dans Sunset Claws, nous avions le championnat annuel de Pass the Pigs, un tueur en série parmi les clients de la taverne, un justicier masqué semant du désordre et une gigantesque armée de morts-vivants massée hors de la ville, attendant de tuer tout le monde à l’aube. Oh, et tout le monde adorait jaser sur l’hôtesse parce que l’endroit ressemblait au Café américain de Rick du film Casablanca wiki, et la rumeur disait qu’elle connaissait un moyen d’échapper à l’armée des morts. Personne n’avait de mal à trouver un sujet de conversation.
3. Donnez-leur des objectifs communs
Les GN dépendent beaucoup des secrets, ce qui implique inévitablement de limiter la vision d’ensemble. Vous savez ce que vous faites, mais vous n’avez aucune idée de ce que font les autres, et le résultat c’est que vous ratez une bonne partie de l’intrigue. Oui, vous vous doutez que le Mouron rouge wiki [un héros de romans anglo-saxons, sorte d’espion chargé de sauver des aristocrates français lors de la Révolution française] mijote quelque chose et que d’autres ont l’ordre de l’arrêter mais ça n’a pas tellement de répercussions pour vous.
Dans Sunset Claws, avec l’armée dehors et le tueur en série en cavale, tout le monde avait une idée de ce que la plupart des gens faisaient à la taverne cette nuit-là, et presque tout le monde y était impliqué. Dans la suite, une bataille vient de se terminer et tout le monde veut que l’Histoire se souvienne que ce sont eux qui l’ont gagné, ce qui donne l’impression que la partie est une course et que tout le monde collabore pour franchir la ligne d’arrivée. Cela implique les joueurs entre eux et avec l’arc narratif global. Trouver des alliés devient plus facile car tout le monde en a besoin et veut la même chose. Et vous ne pouvez rien faire sans alliés, ce qui nous amène à :
4. Donnez à chacun une idée de qui pourraient être ses alliés et ses ennemis
Tout le monde sait que les personnages ont besoin de beaucoup d’objectifs à atteindre pour que les joueurs restent occupés mais trop de GN dégénèrent, et les joueurs se retrouvent à tenter désespérément de deviner qui – s’il y a même quelqu’un – pourrait bien savoir de quel côté ils sont, sans parler d’être du même bord. On finit par faire confiance à quelqu’un au hasard, en espérant que cela n’impliquera qu’une trahison modérée.
On ne peut pas dire aux joueurs d’emblée qui est du même côté qu’eux, sous peine d’être ennuyeux (en effet, personne ne devrait être complètement du côté de qui que ce soit !) mais il faudrait donner à chacun un aide-mémoire. “Voici les gens en qui vous savez que vous pouvez avoir confiance (c’est du moins ce que les orgas vous disent), voici les gens qui sont probablement remontés contre vous, et voici les gens qui, d’après vos meilleures informations, seront capables de vous aider ou prédisposés à le faire.”
Nombre de GN donnent des objectifs aux joueurs sans aucun indice sur la façon de les accomplir. Je pense que les joueurs aiment qu’on leur esquisse un chemin pour leur indiquer comment y arriver.
5. Donnez à chacun une raison de parler à tous les autres, et une idée de comment on devrait se parler
Nos GN sont souvent constitués de gens qui se regrouperaient ensemble naturellement et qui en excluraient d’autres, mais cela conduit à un très mauvais jeu et fait abstraction de la réalité. En général, quand les GN commencent, tout le monde reste planté là bras ballants et l’identité du joueur à côté de soi est complètement aléatoire. Parfois, on peut avoir un supérieur ou un allié à aller trouver mais ce joueur pourrait être arrivé en retard, ou être encore en train de discuter avec son pote, ou un million d’autres choses.
Le type qui vous fixe du regard à ce moment-là est un étranger. Il faut trouver un sujet de discussion. Vous avez la motivation pour parler des rumeurs de l’époque et des scandales et vous avez les objectifs communs. Il pourrait être un allié potentiel. Il pourrait être un ennemi. Il n’est peut-être aucun des deux. Mais quel qu’il soit, votre feuille de personnage doit vous dire qui il est et ce que vous pensez de lui, ainsi que la façon dont il pourrait être connecté à vos propres plans, même de la façon la plus ténue. Peut-être que vous avez quelque chose en commun ou que vous partagez un ennemi. Peut-être que vous haïssez/respectez/craignez/aimez/êtes facilement séduit par des gens de sa classe/sa profession/son ethnie/son sexe. Une bonne feuille de personnage vous dira tout ça. Vous ne devriez trouver personne inintéressant.
6. Donnez de la personnalité à toute chose
S’il y a bien une chose sur laquelle les joueurs ne cessent de me complimenter, c’est à quel point leur feuille de personnage leur a fait voir les choses du point de vue de leur personnage.
Comme je le disais dans le point n°5, la feuille de personnage devrait vous donner suffisamment d’informations sur qui vous êtes et comment vous percevez les autres, pour que vous sachiez comment réagir face à chacun. Toutes ces informations devraient être données par le biais du personnage.
Parfois, l’orga veut s’adresser directement au joueur, hors jeu, pour lui donner des instructions sur comment jouer quelque chose ou sur la fonction du personnage-joueur dans le récit, mais quand c’est possible, il faut éviter ça et parler avec la voix de son personnage. L’auteur veut dire au joueur que ce que son personnage pense est vrai, parce que bien sûr le perso le croit. Le choix de niveau de langue et de style fournit les lunettes colorées à travers lesquelles il voit le monde et non seulement cela aide le joueur à rester dans son personnage, mais en plus cela aide l’orga à écrire des interactions intéressantes.
L’orga n’écrit pas “Ta relation avec ton mari est un échec donc tu as une liaison” mais “Ton mari t’ignore et tu vaux plus que ça, donc tu cherches un nouvel amant, un que tu mérites”. Et sur la feuille de personnage du mari, on lit “Tu aimes ta femme plus que tout et tu ne trouves pas les mots pour le lui dire, mais au fond de toi, tu sais qu’elle le sait, ou du moins tu l’espères vraiment.” Les deux personnages ont la même information (leur mariage est en danger) et ils partagent un même enjeu… mais les deux fonctionnent dans des univers complètement différents avec des vérités complètement différentes.
Pour moi, c’est cela l’essence des GN mais aussi de la création de scénario hors GN, ou du moins la manière dont je le fais. Tout le monde partage des objectifs et des enjeux, mais chacun voit ces éléments communs complètement différemment. C’est de là que vient la friction.
Article original : Six Things to Remember When Writing a LARP
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