la vérité sur les femmes rôlistes
Winterhawk's Virtual Magespace présente
Savez-vous ce qui me perturbe vraiment ? La couverture du supplément Les Chiens de guerre pour Shadowrun.
Vous savez, le bouquin sur les mercenaires. Si vous l’avez sous la main, jetez-y un œil. Vous ne remarquez rien ?
Alors… On a une équipe de sept runners, qui comprend : un Troll avec une grosse hache, un mage qui ressemble à Paul Newman. Un Orc. Un mec, un Amérindien, avec un flingue. Un Nain. Un autre gars. Et…
Cette fille. À mon avis, elle est idiote. Qui d’autre irait se battre avec une robe rouge qui tient à peine ? Oh, et cette casquette de baseball est sûrement pare-balles, sans doute?
Regardez les autres membres de l’équipe. Tous les autres – par coïncidence – sont des mecs. Ils portent tous des vêtements noirs, blindés. Même le mage semble tout droit sorti d’un numéro spécial d’Armures Magazine. Donc que fout cette femme dans une robe quasi-inexistante au beau milieu du chemin ? Une cible mouvante ?
Ne me répondez pas, c’est pas la peine. Je connais déjà la réponse. Et elle est sacrément déprimante, si vous voulez mon avis.
De temps en temps, je tombe sur un article sur le net concernant les femmes rôlistes. Le classique : comment se comporter avec elles, ce qu’elles recherchent, etc. Ce genre d’article m’ennuie souvent, car [en tant que femme rôliste] je n’aime pas être traitée différemment.
Il y a plus d’hommes rôlistes que de femmes rôlistes, soit. Pendant un bon moment je n’ai pu dire pourquoi. Beaucoup de femmes aiment raconter des histoires et faire du roleplay, autant (voire plus) que beaucoup d’hommes. Il y a sûrement assez de JdR différents pour satisfaire les goûts les plus éclectiques. Pourtant, je ne comprends toujours pas pourquoi il n’y a pas plus de femmes rôlistes, même si j’ai élaboré quelques théories.
La première raison est que le JdR est souvent étiqueté comme “un truc de mecs”. Cela m’ennuie beaucoup, autant que le fait que l’informatique ait également été étiquetée comme “un truc de mec”. Bizarrement, on a inculqué, consciemment ou inconsciemment l’idée que le JdR était pour les garçons. À beaucoup de filles (enfants ou adolescentes). C’est marrant de voir comme la plupart des choses cool finissent par être cataloguées comme activités masculines.
Malheureusement, il y a peu de filles qui peuvent outrepasser la pression sociale au collège ou au lycée pour commencer le JdR, tout comme il y a peu de garçons qui oseraient inviter une fille à une partie (à moins que bien sûr la fille ne commence sa propre table, ou que le garçon s’intéresse à la fille pour une raison autre que le JdR). Pourtant, la quasi-totalité des femmes rôlistes que j’ai rencontrées partageaient des traits de caractère communs : intelligence, esprit d’indépendance, créativité, et très peu d’intérêt pour “la façon dont les choses devraient être”. Quelque part, les rôlistes femmes doivent être dans le vrai.
Beaucoup d’hommes n’ont jamais vraiment eu affaire à une femme rôliste, et ne savent pas vraiment s’y prendre s’ils en rencontrent une. Malheureusement, la plupart des hommes ont eu leur unique contact avec une rôliste via le “syndrome de la petite amie” : l’un des joueurs amène sa petite amie à une partie (parfois contre son gré, parfois à sa demande) pour lui faire découvrir le JdR. Ces femmes, généralement, s’ennuient à mourir, et ne s’en cachent pas. J’insiste sur le fait que je suis bien consciente qu’il est possible que des petites amies ou compagnes soient entrées dans la “famille” du JdR de cette façon, mais je n’en ai pas connues personnellement. Toutes les femmes rôlistes que je connais jouent parce qu’elles le veulent, pas parce qu’elles sont en ce moment en couple avec un autre joueur.
Quoi qu’il en soit, que se passe-t-il lorsqu’un groupe de joueurs masculins, peu habitué à avoir des femmes à table, se retrouve avec une joueuse ? Celles-ci jouent le plus souvent des personnages féminins. On se retrouve donc avec une PJ femme au milieu d’un groupe de PJ mecs. Qu’arrive-t-il ?
Sans vouloir généraliser, je dirais que j’ai vu assez souvent le cas pour supposer que ce n’est pas inhabituel : le personnage féminin est traité différemment. La plupart du temps, elle attire l’attention. Beaucoup d’attention. Dans les groupes polis, elle est traitée avec respect, mais d’une manière ou d’une autre, son sexe prime. Qu’elle soit un samouraï des rues vétéran avec deux ans d’expérience chez les forces spéciales Wildcats de la nation sioux, ou un mage de combat capable de griller le cerveau des gens d’un geste de la main.
Dans les groupes moins polis (ou moins mûrs), elle supporte tout un tas de désagréments, des commentaires douteux (généralement adressés au personnage, pas à la joueuse), jusqu’aux personnages masculins voulant la “protéger”, en passant par des trames scénaristiques que je ne décrirai pas, qui impliquent toutes sortes de menaces contre son “honneur” (si vous voyez ce que je veux dire).
Une fois de plus, cela n’arrive pas tout le temps, mais cela peut se produire, d’après de ce que je lis sur le net et ce que j’entends d’autres joueurs. Et c’est fâcheux.
Franchement, je n’ai jamais vécu ce genre de choses personnellement, et c’est probablement lié à deux choses. Tout d’abord, je ne supporte absolument pas ce genre de commentaires. Ensuite, je joue toujours des personnages masculins. D’une part, je trouve que cela évite beaucoup de ces complications. D’autre part, j’ai découvert que jouer un perso masculin permet d’éviter nombre de ces embêtements et je préfère en fait jouer un perso masculin. Mais une femme rôliste ne devrait pas se sentir obligée de faire comme moi pour se faire respecter au sein d’un groupe composé de joueurs masculins.
Si je peux me permettre de donner quelques conseils spontanés (ne vous sentez pas obligés, vous pouvez aussi passer aux paragraphes suivants, ça ne me gêne pas) aux joueurs masculins qui souhaitent encourager des joueuses à les rejoindre, ou des amies à découvrir le jeu de rôle – voici quelques suggestions :
1) Si la femme n’a jamais joué avant, je suggère un jeu qui n’est pas sexuellement connoté, comme Shadowrun ou [le JdR de super-héros] Champions, plutôt qu’un JdR intrinsèquement sexiste comme AD&D. Je ne dis pas ça méchamment pour AD&D, car c’est un jeu que j’aime et auquel je joue. Simplement, il faut bien l’admettre : ce qui est médiéval peut être sacrément sexiste, même au sein du groupe de joueurs le plus égalitaire.
2) Comment les femmes rôlistes veulent-elles être traitées ? Voilà le Grand Secret de l’Univers : ELLES VEULENT ÊTRE TRAITÉES COMME N’IMPORTE QUI D’AUTRE ! Plus sérieusement : à moins que la femme ne soit là pour trouver un petit ami, elle est juste là pour jouer. Ce qui veut dire que vous ne devez pas faire toute une affaire de sa féminité. Traitez-la simplement comme les autres. Ne l’ignorez pas, et ne la privilégiez pas.
3) La règle numéro 2 vaut aussi pour les personnages. N’essayez pas de vous mettre en couple avec son personnage, sauf si l’initiative vient de sa part. À moins que cela ne la gêne pas, essayez de réduire le côté “super macho” de votre personnage, en particulier si elle débute le JdR. Ne changez pas fondamentalement de personnalité, mais évitez de faire que Beauf le Barbare se vante bruyamment de ses prouesses sexuelles simplement parce qu’elle est dans la même pièce.
4) C’est ma bête noire, mais comme c’est ma chronique, je le rajoute quand même parce que je suis sûre que je ne suis pas la seule : si elle joue un personnage masculin, ne dites pas “elle” à propos de son PJ. Vous êtes des rôlistes, non ? C’est difficile de s’immerger dans cette réalité partagée si quelqu’un ne cesse de dire “elle” en parlant de l’Éventreur, le samouraï des rues ultra-chromé qui ressemble au petit frère musclé d’Arnold Schwarzenegger.
J’ai eu beaucoup de chance de ne jamais rencontrer ce genre d’attitudes dans les groupes avec lesquels j’ai joué. Je les ai constatées, mais je ne les ai jamais vécues personnellement. Les femmes rôlistes que j’ai connues à l’université avaient toutes une forte volonté (deux d’entre elles étaient MJ, et une autre aurait frappé sur la tête de n’importe qui aurait osé la traiter de façon sexiste avec son épée [de kendo] shinai). Les femmes rôlistes que j’ai rencontrées sur Internet semblaient partager les mêmes qualités. Il est possible que ces qualités soient communes à celles qui apprécient assez le JdR pour s’y engager d’elles-mêmes. Mais souvenez-vous, pour la plupart des femmes, c’est un peu le parcours du combattant que de vouloir essayer une activité traditionnellement considérée comme “un truc de mecs”. À tous ceux qui souhaitent initier des amies au monde du JdR, j’espère que vous réussirez. Notre loisir a besoin de plus de joueuses, créatrices de JdR, et MJ.
Et d’artistes. Une artiste féminine aurait dessiné cette femme sur la couverture de Chiens de Guerre avec la même armure que les autres.
Ou alors elle aurait rajouté un chippendale sur la couverture pour décorer aussi.
article original : female gamers
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Commentaires
chrys (non vérifié)
sam, 23/06/2018 - 20:00
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Je traite mes joueurs et joueuses sur un pied d'égalité
Je traite mes joueurs et joueuses sur un pied d'égalité. Pour de vrai.
Càd qu'à ma table, je "punis" les joueurs qui font des allusions salaces ou qui veulent toujours sacrifier d'une manière ou d'une autre leur compagne de route. Je les punis en leur donnant moins de points d'expérience ou en les privant d'un objet qu'ils auraient dû avoir.
La plupart des articles que j'ai pu lire parle d'une proportion : 1 rôliste sur 5 est une rôliste. C'est confirmé dans les différents groupes que j'ai pu fonder.
Après on peut aussi créer un jeu de rôle où il n'y a que des femmes dans l'univers de ce jeu !
Ou alors, en tant que MJ, on peut aussi mettre en place un scénar où les personnages masculins sont moins forts (dans tous les sens du terme), où ce sont eux qui doivent se faire sauver par les femmes du groupe, ou alors où ce sont eux qui se font toujours prendre à partie, menacer, insulter...
C'est une inversion de situation, qui permettrait de tordre le cou à pas mal de stéréotypes ou de préjugés. Je pense que si on implémente ça dans un scénario, une campagne ou un jeu, ça risque de faire réfléchir les rôlistes.
Sigismond (non vérifié)
lun, 18/05/2020 - 08:34
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les yeux au plafond
Quand j'ai lu le cinquième paragraphe, j'ai levé les yeux au plafond...
Ripley et Sarah Connor (celle de Terminator 2 pour être précis) sont des femmes fortes, non pas parce que les hommes les entourant sont rabaissés, mais tout simplement parce qu'elles en ont bavé et que ces épreuves les ont rendues plus déterminées. Et elles ne perdent pas pour autant leur féminité.
Maintenant, c'est la tendance inverse : on met en avant les personnages féminins en rabaissant, ridiculisant les personnages masculins. Non seulement c'est pathétique mais c'est également contre-productif : quand le féminisme est mal traité, quel que soit le support (cinéma, jeu de rôle, etc.) cela ne fait qu'exacerber les tensions et les haines irraisonnées au lieu de prôner le respect entre l'homme et la femme.
Pal' (non vérifié)
lun, 02/07/2018 - 11:20
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intégrer des femmes dans des univers sexistes
C'est une question que je me posais justemment récemment : comment intégrer des femmes dans des univers sexistes. Je parle ici au sens d'univers interne du jeu, pas du comportement des joueurs ; là c'est plus simple, si t'es con, tu sors. Car si un·e joueu·r·se veut interpréter une femme noble dans une société médiévale, elle n'aura le plus souvent pas les mêmes droits, devoirs et considérations que son homologue masculin. Peut-on dire pour autant que "son genre prime" ?
Prenons un exemple, un·e joueu·r·se à une table de Pendragon veut absoluement jouer une chevalière. En tant que MJ, je dirais clairement aux joueurs que l'on a deux solutions : 1. On fait comme si de rien n'était et on considère que le fait est accepté par tout le monde pour qu'elle puisse avoir exactement le même traitement que ses homologue masculin… mais dans ce cas là il·elle aurait aussi bien pu jouer un homme. 2. "Son genre prime" est une partie des intrigues impliqueront une remise en cause de son statut parce qu'elle est une femme.
Personnellement, la deuxième option me parait plus à la fois plus naturelle et plus riche narrativement. Sinon on se replonge dans l'excellent Les Dames du lac de M.Z. Bradley, et chaque joueur interprétera successivement un chevalier faisant son job de chevalier et une dame faisant son job de dame (donc si on reste dans Pendragon : chirurgie / éducation des futurs chevaliers / administration du domaine, etc.). En fait, ça parait même mille fois mieux.
Maya (non vérifié)
ven, 13/07/2018 - 10:58
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cet article me parle
Merci pour cet article, il me parle. C'est vrai que j'ai depuis toujours évité de jouer des rôles de femmes. Mais, après l'avoir remarqué et aussi constaté la gêne que cela m'inspirait, je me suis lancée. J'ai choisi une femme.
Bon, elle a 350 ans et elle est gouvernante. J'ai choisi une femme "pas sexy" pour ne pas trop sauter dans l'eau froide. Mais c'est fou ce que cela m'apprend sur mes propres mécanismes. C'est en fait la raison pour laquelle j'aime la fantasy, car on peut essayer autre chose socialement. L'article part du principe que toute femme serait sexy et appétissante bien que dans la vie réelle ce n'est pas du tout le cas. Je ne veux pas dire que la plupart des femmes ne seraient pas attractives, je veux dire qu'on n'est pas toutes des mannequins. Si moi je portais cette robe rouge comme sur l'image, ce serait ... intéressant. Et ce qui est écrit sur une femme qui dessinerait un Chippendale au milieu des héros - cela me plaît. Cela me plaît et me donne envie de poser la question: Pourquoi pas introduire un indicateur pour savoir si le charactère est sexy ou pas? Chez les héros masculins ce serait très intéressant et aussi réaliste. Un orc plus sexy qu'un rocher normal? Un elfe sans charme? Un nain casanova (vu chez Terry Pratchett)? Un humain ... riche et hideux? Et la fille humaine: juste sympa.
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