Toute toute première fois, Interview de Fabien C.

Une interview de finaliste 3FF6

Un gourou ? Non, c'est Fabien CFabien, peux-tu te présenter en quelques lignes ?

Fabien Clémenti, la quarantaine sérieusement entamée, Marseillais. Mes passions tournent autour de l’écriture pour tout média (nouvelles, scénarios, jeux), de l’imaginaire et du jeu. D’où la création de JdR qui correspond à tout ça !

Première étape : un jeu de rôle de 6 500 signes

  1. Quelles étaient tes objectifs lors de l’écriture de ton jeu de l’étape 1 ?

Ce qui me plait le plus dans le game-design reste le système de jeu. Mon objectif fut donc de créer d’un système original et induisant une façon de jouer différente. Le concept étant de jouer un groupe de mercenaires devant collaborer mais dont les échecs pouvaient les conduire à s’entredéchirer. Car quand les choses tournaient mal, n’importe qui du groupe pouvait en payer les conséquences. Toutefois, j’ai viré pas mal de petites règles dont le système de rancœur et de loyauté à cause de signage dépassé, et cet aspect .

Là-dessus j’ai fixé comme principe d’univers le genre « dark-fantasy post-apocalyptique » pour laisser un maximum de place (et de travail ^^) aux forgeurs suivants. La suite montrera que ce n’est peut-être pas la meilleure approche…

  1. Ton opinion sur ce qu’il est devenu ?

C’est la fin du monde ! Peu importe vraiment comment cela s’est passé. 
Dans Raid Mort, vous créerez ensemble un univers de dark fantasy post-apocalyptique. Puis vous créerez des personnages de mercenaires, que vous mènerez à travers des missions commandos périlleuses appelées Raids. 

Le système a changé du tout au tout et l’univers n’a pas décollé très loin du point initial. Le nouveau système de jeu avait une logique narrative très sympathique cependant il n’était pas corrélé à l’univers. L’ensemble manquait de parti-pris et de personnalité. Avec le recul, un concept fort et clivant aurait mieux valu, car finalement la contrainte inspire souvent plus qu’une trop grande liberté.

  1. Quel accueil la dernière version a-t-elle reçu ?

Elle a fini dernière du classement !

J’ai lu les notations, pertinentes, et j’encourage le 3e forgeur se remettre à l’ouvrage. Car en le remodelant sur un format plus court, il est tout à fait possible de faire de Raid Mort un jeu nerveux et rapide qui tourne bien.

 

Deuxième étape : un jeu de rôle de 13 500 signes

  1. Comment as-tu perçu le jeu que tu as reçu pour l’étape 2 ?

SECUception (CPAMDON-1) était un jeu fini. Et un sacré délire qui plus est : l’émergence des grandes avancées sociales d’après-guerre en France, dont la sécurité sociale, grâce à des inceptions nocturnes (des rêves qui influent sur la personnalité du rêveur) sous forme de dungeon crawler (!).

Le thème et le principe même du jeu me semblaient trop personnels et aboutis pour que je le pousse plus loin. Pourtant j’aimais beaucoup l’idée des inceptions qui conduiraient à des améliorations sociales, et le principe d’une heure max avant de sortir du rêve. Mais comment reprendre ces éléments tout en restant cohérent ?

  1. Qu’as-tu changé et pourquoi ?

J’ai retourné le jeu comme une chaussette, tout en gardant son corpus : des inceptions pour améliorer la civilisation. Quitte à mettre de la fantasy autant y aller dans la magie foutraque et les mondes parallèles. Donc on y joue des créatures non-humaines d’un univers médiéval-fantastique qui rééduquent leurs belliqueux leaders en envoyant leurs esprits dans des humains exemplaires, à des moments clef de notre histoire. Et quand cela tourne mal, les joueurs s’incarnent eux aussi dans des humains et ont une heure pour tirer les marrons du feu.

J’ai fatalement changé la mécanique en utilisant une logique d’avantage / désavantage pour émuler le grand écart de jouer un orc plutôt enclin à foncer dans le tas incarné dans le corps de la dame de compagnie de la reine Victoria. J’ai aussi modifié le système en passant d’une résolution d’actions à une résolution de situations, en utilisant le système de Apocalypse World (Powered by the Apocalyse).

Enfin, j’ai adopté un style rédactionnel humoristique, pour rappeler les délires de la première forge et pour marquer le côté décalé du jeu.

  1. Ton opinion sur ce qu’il est devenu en 3e étape, et l’accueil que ce jeu a reçu ?

feuille de personnage de Conception

Conceptions vous permet de jouer une Incarnation, l’avatar d’une notion constituant l’Univers et bien décidée à faire son trou dans un monde d’intrigants, quitte à mettre le boxon dans la société humaine. Un jeu branque et baroque !

L’auteur de la 3e Forge a avoué sur le fil Discord que le décalage entre les 2 premières forges l’avait conduit à faire table rase pour ne trahir ni l’une ni l’autre des versions. Il a donc rebâti un jeu en gardant le concept d’incarnation de corps par des entités divines, et a adopté un ton plus sérieux. Un choix courageux mais logique. Le jeu a atteint la zone médiane du classement ce qui est déjà un résultat honorable.

 

Troisième étape : un jeu de rôle de 27500 signes

  1. Quelle fut ta réaction en recevant, le jeu que tu devais développer pour être jugé ?

La 2e forge présentait une Venise hors du temps où les humains ne sont que des serviteurs d’êtres féériques. J’ai trouvé le thème et l’idée plaisante, avec suffisamment de trous et d’imprécisions pour que je puisse me l’approprier. Il y avait surtout, une continuité entre la 1er et la 2e forge, ce qui m’a encouragé à ramer dans le même sens que mes prédécesseurs. En ramant plus fort, car justement c’était le finish et il fallait tout donner !

  1. Qu’en as-tu fait ?

Couverture (costume vénition de toute beauté) et intro de Faerinissima

Faerenissima est un jeu de rôle dans un monde à la croisée entre une Venise alternative dans un carnaval perpétuel et un univers Steampunk régenté par le petit-peuple féerique. Au service d’un Daeva impitoyable, vous avez décidé de vous révolter et de trouver une sortie à cet enfer labyrinthique.

Niveau cadre de jeu, tout ou presque était déjà là : les maîtres aux motivations mystérieuses, les bals et banquets dont on peut ne pas revenir, le vice sous-jacent qui gangrène cette société. J’ai poussé les niveaux pour aller encore plus dans le sordide et l’inconfortable : sadisme, cannibalisme, torture psychologique, inégalités sociales, contrôle des esclaves par promotion de chef. Et j’ai plongé l’ensemble dans des ténèbres perpétuelles. Le tout enfoui sous cette Venise de faste et de beauté inégale, de plaisirs et de souffrances mêlés.

J’ai aussi clarifié l’esthétique, par le choix d’illustrations photo et d’une sémantique propre à l’univers vénitien.

les pages de gauche de Faerinissima ont de très belles photos

Bien que les noteurs soulignent le fond ("Les secrets à découvrir"),
la mise en page de Fabien C évoque les livres de beaux-arts !

Je me suis également basé sur l’adage "l’habit fait le moine" qui me semblait parfaitement coller à une société de paraître. D’où la scission de la société entre les "cuirs", les besogneux souffrant pour le bon plaisir des "velours", en reprenant l’idée que les grandes familles Daeva , les maîtres des humains, ont des noms de matériaux textiles. De même les noms des "costumes" (archétypes) reprennent des accessoires emblématiques du carnaval vénitien.

Le système de jeu initial reposait sur de la résolution d’actions et les cartes géraient l’aléatoire comme aurait pu le faire les dés. Or, l’intérêt des cartes est justement de pouvoir les conserver, les échanger, les cacher. Et les cartes offrent des choix tactiques : miser haut ou au contraire défausser une carte faible quitte à perdre une manche pour reprendre l’avantage sur la suivante. D’un autre côté je voulais un système de jeu résolvant des situations tout en gérant les conséquences narratives façon Powered by the Apocalyse. Donc avec 3 issues [oui, oui mais, non – NdlR]. Le Blackjack proposant également 3 issues (sous 21 / 21 / au-delà de 21)  ; il s’est imposé comme système, avec l’intérêt d’être connu et facile à apprendre.

De même, je souhaitai jouer en émergence scénaristique (le scénario se construit en réaction aux actions des joueurs). Donc exit les scénarios scriptés, bien que cela puisse refroidir nombre de MJ non familiers avec l’improvisation. Et quitte à sortir un paquet de cartes, autant le rentabiliser. J’ai donc modélisé la création de la trame scénaristique via un tirage de cartes.

Enfin, j’ai comblé le plus grand manque des forges précédentes : donner un objectif fort aux joueurs. Car jouer les boniches de maîtres pervers et cruels va un temps ; il fallait des perspectives plus positives pour leurs personnages. Une aide d’abord avec  le personnage énigmatique du Valet Noir, qui s’oppose ouvertement aux Daevas . Puis un plan de libération et d’évasion, qui est intégré à la fiche du personnage. Et au final, ce plan est la campagne du jeu, démarrant de leurs premières rebellions jusqu’à leur affranchissement et leur fuite.

Fort de tout cela, j’ai fait le choix de créer des livrets intégrant des capacités d’influer sur le jeu - propres à chaque profil. Ceci pour accompagner les joueurs dans la prise en main du jeu et de renforcer encore un peu plus l’esthétique.

Il est parti en finale, quels ont été les retours des pairs et du jury ?

Les retours ont été très positifs, parfois dithyrambiques. Cela fait plaisir, et impressionne à la fois. J’avais l’espoir d’un bon résultat ; la partie de test avait été concluante et les joueurs avaient bien accroché.

Les notations sont très importantes pour moi ; je les attendais impatiemment pour pouvoir relire et améliorer le jeu. En effet, la contrainte de temps m’a conduit à limiter la personnalisation des archétypes et la limite de signes m’a privé d’exemples. Je compte donc sortir une version augmentée et affinée. J’ai eu plus d’éloges que de critiques, mais ils sont aussi utiles à la réécriture, car ce qui plait, il ne faut surtout pas y toucher ! J’ai quand même du taf suite aux retours de mes quatre noteurs, dont j’ai apprécié le regard critique et bienveillant.

NdlR : Faerenissima est arrivé 3e ex-aequo

 

Notation des pairs

Parmi les jeux que tu as notés, lesquels recommanderais-tu ?

Clair-obscur, qui a raté de peu le podium. Ambiance sombre, lutte clandestine contre l’oppression, univers émergeant inspirant. Sa rédaction est d’une fluidité impressionnante, la lecture est facile bien que le système ait besoin de quelques éclaircissements et d’exemples. Je ne suis pas client du "Tous MJ" en JdR dont les systèmes ne m’ont jamais convaincu à l’exception du récent Space Bounty Blues). Mais ce jeu m’a donné envie, et je l’ai mis en bonne place dans ma playlist !

 

La Reine et l’Éclipse, qui a l’énorme potentiel ludique d’un Lady BlackBird pour autant que les auteurs se remettent à l’ouvrage et le perfectionne. C’est avec intérêt que je playtesterai une version retravaillée.

 

Le Défi

Quel bilan tires-tu de ta participation au défi PTGPTB Trois Fois Forgé de cette année ?

Que c’était une bonne première fois, malgré le peu de temps que j’ai pu consacrer à chaque étape. Sur le plan créatif, j’ai accouché de 3 jeux très satisfaisants en termes de ratio qualité / temps de travail. Les contraintes de signage, combinées aux idées des forges précédentes forment un cocktail inspirant et motivant.

Participeras-tu au défi 2022 ?

Absolument ! Ce mode de création me convient parfaitement et casse ma routine créatrice en secouant ce qu’il me reste de neurones. Je compte même en faire la promotion pour faire venir d’autres auteurs en herbe, car le nombre et la diversité d’horizons font la richesse.

Je continue le développement de Faërénissima au point qu'on est plus sur une v2 que sur une simple rallonge de signes  (avec moultes parties au compteur). Il y a eu de grosses avancées et notamment une campagne à 4 en présentiel que je pense finir d'ici fin mai 2022. Histoire de finir une fois le jeu et voir si cela tient d'un bout à l'autre. Je le verserai bien sûr aux archives du 3FF6

Expression libre ?

Je ne saurai qu’insister sur la nécessité de playtester faire une partie test (ou au moins crashtester) de votre création. Cela prend certes quelques heures mais les retours feront passer un cap en qualité et en compréhension à votre œuvre.

NdlR : Playtest ; crashtest ?

Le playtest (partie de test) est une partie complète, joué en situation réelle de A à Z.

Le crashtest (test de débogage ?] se concentre sur une partie isolée du système (le combat, la création de perso, l’équilibrage) dont on cherche à tester les limites et les défauts.

Concernant les choix rédactionnels (et éditoriaux), privilégiez le fond et assurez-vous que votre message soit compris. Notamment la féminisation de certains termes et l’écriture épicène et/ou inclusive, trop souvent utilisés à tort et à travers. Nos jeux sont faits pour s’amuser mais ils passent également des messages. Alors pesons chaque mot que nous écrivons.

Bons jeux et bonne création à tous !

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Commentaires

J'ai hâte de voir la V2 de Færenissima, tant la version du 3FF6 était intéressante et originale !

Bravo. 

Auteur : 
Tolkraft

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