Conversation : cette drogue qu’est l’imagination
© 2018 Ron Edwards avec la participation de Alan Barclay
Peinture : Chinese Dragon par Kazuya Akimoto Art Museum (2007)
Dans les commentaires du séminaire Monday Lab : Distribution and Globalism Adept Play, Alan Barclay raconte qu’il est tombé sur des photocopies pirates de Dungeons & Dragons de la GenCon de 1974 [il parle précisément de photocopies sur papier thermique – celui des fax – des 3 livrets de la première impression de 1000 exemplaires pour cette GenCon. Alan signale cependant qu’il pensait possible de les acheter par correspondance (NdT)]
« Je me souviens à quel point le jeu m’a transporté. Je me fichais des règles, l’important pour moi c’était simplement l’expérience de l’interaction avec le monde imaginaire que j’avais créé dans ma tête. Mon premier essai fut comme prendre de la drogue pour la première fois, et j’essayais toujours de revenir à cette première sensation. C’est marrant de voir que, par la suite, j’ai tellement été pris par le bidouillage du système de création de personnage de Chivalry & Sorcery grog (plus tard avec le bricolage des pouvoirs du Hero system grog), ce qui n’a rien avoir avec ce qui m‘excitait vraiment dans le JdR. »
Cette remarque a retenu mon attention parce qu’elle relie deux thématiques :
- La transition de la première édition de Champions au Hero System de la 4e édition de Champions.
- Et aussi qu’elle pointe vers une des interminables batailles idéologiques du JdR ; s’agit-il de pouvoir imaginer sans entrave, ou de modéliser le contenu imaginé, en utilisant les mathématiques ?
Je n’ai jamais pensé que cette dichotomie était convaincante. Plus tard, on a nommé cette divergence « jeu de rôle ou jeu de rouler les dés » (role vs. Roll) mais il ne s’agit que d’une partie de la différentiation. Quand j’ai commencé à parler de mon concept d’intentions LNS ptgptb, les gens ont tojut de suite cru que je parlais de ça. C’est aussi pourquoi ils ne pouvaient pas réconcilier mon texte Le système est important ptgptb et le concept de ne pas modéliser consciemment le contenu imaginé. C’est pour cela que mon admiration pour Champions est très souvent interprétée comme de la nostalgie.
J’ai donc répondu :
« Ce serait super de pouvoir discuter de ton expérience sur cette transition entre « la drogue d’imaginer des Dragons » et « Mince, comment je vais pouvoir optimiser ces points de création » surtout dans le contexte de la Society for Creative Anachronism (wiki en) [association de reconstitution et d’études des cultures médiévales. Gary Gygax l’adorait (NdT)] puis de Champions. Envoie-moi un email via le formulaire de contact sur mon site et on organise ça. »
J’espère que vous apprécierez la vidéo, n’hésitez pas à laisser des commentaires. Un grand merci à Alan, c’était super de te rencontrer après (environ 18) années d’échanges et de réflexions en ligne.
PS : le titre de la vidéo n’a aucun rapport avec le groupe de rock : je ne le connaissais pas avant de chercher des images sur internet.
NdT : nos sous-titres en français seront un jour disponibles dans les paramètres de la vidéo.
NdlR : Traduction de la retranscription par nos soins
Ron Edwards (R.E) : J’ai utilisé la phrase « la drogue d’imaginer des Dragons » contre « bricoler avec les points » pour décrire ton problème. Il m’a semblé que tu en parlais d’une manière assez autocritique, comme si tu t’étais retrouvé pris au piège et que tu avais perdu quelque chose. J’aimerais que tu m’en parles un peu plus avant qu’on entre dans le vif du sujet.
Alan Barclay (A.B) : Je pense que pendant ma première expérience de JdR, j’avais très peu conscience des règles. Je devais avoir 14 ou 15 ans et je me souviens juste que le MJ décrivait quelque chose et je l’imaginais et le voyais comme si c’était juste devant moi ou sur la table. J’étais complètement immergé dans le jeu comme si c’était réel, attendant d’être dirigé : je ne pensais pas aux points ni à la stratégie ni à quel genre de créature c’était. C’était juste la créature avec laquelle j’interagissais.
Le truc marrant fut mon premier réflexe : j’ai d’abord essayé de communiquer avec elle, mais il s’est révélé que ce n’était pas une créature avec qui on discute.
R.E : Oui, oui je vois !
A.B : J’y ai mis toute mon imagination et puis, comme je m’engageais dans le JdR, je pense que je voulais recréer cette expérience mais… comme je l’ai compris avec Chivalery and Sorcery, [les auteurs de JdR] s’appuyaient beaucoup sur les mathématiques à l’époque. Il y eut beaucoup de choses à préparer avant de jouer, notamment la création de personnage, concevoir des trucs… Je crois que c’est à partir de ce moment que je me suis senti perdu avec tout ces points [de budget], parce que j’ai récupéré le système de jeu de Champions et l’ai transposé à Fantasy Hero grog.
R.E : On passait énormément de temps à comprendre comment ça fonctionnait, comment telle chose va avec ci ou ça puis « Oh mince il me reste encore 5 points que j’avais pas vu. Bon j’y retourne… » (1). Crois-moi, je l’ai vécu et ça m’arrive encore de bien des façons, donc je vois bien ce que tu veux dire.
A.B : Je suis devenu MJ très tôt donc, quand je me suis mis au Hero System je mettais des points partout et pour tout.
R.E : C’est certain, c’est un aspect intéressant de Champions et sur lequel j’aimerais insister maintenant. Précisément : dans la première édition de Champions, pleins de trucs ne s’achetaient pas avec des points : par exemple, être millionnaire ne s’achète pas avec des points. La quatrième édition est devenue comme GURPS, et du coup tout, absolument tout, le statut social, devait être acheté avec des points. Si tu n’as pas dépensé de points pour l’avoir tu ne l’as pas. C’était comme ça. J’irais même jusqu’à dire que l’équipe qui travaillait sur Champions a été séduite par cette dynamique dès qu’ils ont commencé à dire « Super, le Hero System » !
Pour clarifier, nous sommes ici en train de parler de quelque chose de fondamental : est-ce que le monde (à savoir ce que l’on imagine et qui a une identité propre dans le jeu) est construit avec des points, ou pas ? J’irais même jusqu’à dire que ce point de vue est perfectionné, au point qu’il est impossible de le changer ou de l’améliorer avec [le JdR concurrent] DC Heroes.
A.B : Je ne connais pas bien ce jeu.
R.E : Hé bien figure-toi qu’il existe une table universelle qui contient tous les paramètres possibles convertis en points. Et ces points sont connectés au bonus des jets de dés donc c’est incroyablement clair. Exemple, un ballon de foot, BAM, tu le trouves sur cette table et c’est bon. Ce que j’essaie de dire ici c’est que la première édition de Champions n’avait pas ça, et du coup la question est : comment faire fonctionner les choses qui ne sont pas comptées en points, quand elles impliquent des activités très très concrètes en jeu ?
Ce n’est pas juste pour faire joli, ni pour l’ambiance, c’est important mais ce n’est pas représenté en termes de points. Je me suis beaucoup débattu avec ça, et j’ai croulé dessous... J’ai eu pas mal de chance quand j’ai été fan de GURPS, on a essayé de jouer dans la cité de Cynosure, qui est une de ces cités inter-dimensionnelles dans les comics. Je ne sais pas si tu connais, c’est dans Grimjack et on jouait avec l’auteur de la BD. On était vraiment à fond, on se disait « ce système peut »… écoute Allan… « TOUT FAIRE ». Les points, tu comprend, ce système avec les points peut.tout.faire… du moment que ‘tout’ est exactement semblable [aux autres jeux]. J’en viens à la leçon que j’ai apprise de cette partie est qu’il fallait mettre cet idéal de côté. Tout ça m’a fait réfléchir : finalement à quoi ça sert vraiment de dépenser des points ? À quoi servent tous ces calculs ?
Bon, avant qu’on entre dans le vif du sujet, et parce que j’ai envie de parler de quelque chose mais que je ne veux pas parler tout le temps : il s’en est passé du temps depuis [ta période « points » en] 1986. Qu’est ce qui tu as aimé depuis?
A.B : Je me suis rendu compte que, quand je maitrisais Fantasy Hero dans les années 1985/86, j’ai réalisé que ce que je faisais principalement c’était surtout répondre à ce que faisaient les joueurs et créant – en étant pas du tout dirigiste -, mais je créais des choses. J’avais l’impression de mal faire parce que j’improvisais complètement les séances : par exemple, en balançant des trucs comme des monstres inventés sur le moment, juste pour que personnages aient des trucs à faire.
Et pourtant en même temps j’étais vraiment fasciné par l’idée mise en avant par Champions et Hero que les points permettaient de définir l’univers. Je ressentais une sorte de dissonance [entre cette idée et ma façon de mener], ça fait aussi partie de ma personnalité… j’aime beaucoup mettre en place des procédures, écrire et comprendre. Et donc il me semblait que si je ne « procédurais » pas tout ce qui était important, tout ce qui avait un impact sur la partie, alors il y avait un problème avec ma façon de faire.
R.E : On peut facilement tomber dans ce piège. Je me suis aussi pris la tête précisément sur ça et une de mes conclusions se résumait à être dans le rejet : « J’en ai marre des chiffres et des chiffres, les calculs sont l’incarnation du Mal, c’est nul. Je veux pouvoir tomber amoureux d’un jeu comme quand j’avais 14 ans, je veux imaginer des choses, je veux vivre la joie et l’insouciance de l’enfance, je veux qu’on me rende mon innocence. » Si seulement on ne pouvait faire que ça et faire des trucs classes en improvisant, en échangeant et surtout en jouant.
Ce qui est intéressant ici c’est que quand on parle de jouer, dans ce sens c’est une bonne chose ; comprends-moi bien, on se rassemble pour jouer et je parle de jouer dans un sens très positif. Ce n’est pas quelque chose que j’ai envie d’oublier mais on peut devenir trop romantique et affirmer qu’il y avait quelque chose de magique, de mystique et d’innocent dans ces parties jusqu’au moment où ces putains de chiffres sont arrivés et ont tout foutu en l’air. Pour clarifier : ce point de vue, cette dichotomie, je ne vais pas en parler. Je vais déblatérer sur un autre sujet.
A.B : J’aimerais ajouter quelque chose. Tu sais que je suis un psychiatre : j’ai lu dans plusieurs livres l’importance de jouer, à quel point c’est important pour les êtres humains. Cela nous permet d’accéder à des parties de notre cerveau qui nous aident à apprendre en toute sécurité.
R.E : Je suis totalement d’accord avec toi, je pense que c’est très important de ne pas perdre l’aspect « amusant » du JdR. Et même si je pense que le terme « jouer un rôle », est un terme historique et éloigné de ce que nous sommes en train de faire, c’est un terme historique et on s’est retrouvé collé avec. Sans vouloir trop pousser l’emphase ni déconstruire le terme roleplay ; si on devait se pencher dessus je mettrais la priorité sur le « jouer » plutôt que sur le « rôle ».
A.B : Ce que je suis en train de comprendre c’est que toute la structure que les jeux nous donnent, est un espace où le chaos se produit, et on joue dans le chaos.
R.E : Exactement ! C’est ce qui est amusant quand on joue à des JdR avec beaucoup de règles comme ceux dont nous parlons ici. On en vient à se demander « bon, est-ce que ces règles fichent en l’air la partie ou comment alors jouer avec ces règles ? ». On est capable de jouer avec des jouets compliqués, avec des jeux compliqués aussi. Je déteste les termes « jouets » et « jeux ». Ne nous attardons pas sur ce qu’ils veulent dire et utilisons plutôt les termes « procédures », ou « instruments », « mécanismes »…
Voilà où je veux en venir : j’ai découvert, grâce à la création de personnages dans Champions (spécialement les méchants), que si je les créais de manière à ce qu’ils soient sur le point de faire quelque chose ; il suffit de regarder les points que j’ai réparti dans les désavantages, les pouvoirs, etc., toutes les choses qui interagissent entre elles et se croisent… Dès que tu as préparé tout ça et que tu as lancé le personnage, il suffit de regarder la fiche pour se dire « Wahou, je sais exactement ce que cette personne va et doit faire ».
A.B : L’énergie qui les pousse à l’action…
R.E : Oui. Ce n’est pas surprenant que ce soient les méchants qui m’aient appris ça, plutôt que les héros. Parce que faire partie d’une communauté de fans combiné un certain apprentissage du JdR, nous ont appris à réaliser des portraits lors de la création de personnage ; des reproductions statiques, pas ce qui les poussent à agir. Enfin, après avoir passé des années à créer des méchants à Champions, à créer des héros, après avoir joué les deux, avoir été MJ et joueur, j’ai finalement compris : si on se contente de faire le portrait d’un personnage avec nos 250 points, il va juste rester assis là.
Même si c’est un portrait d’un personnage très dérivé de Iron Man ou de Guardian dans La Division Alpha wiki (2) (qui était d’ailleurs le préféré de tout le monde… à la fin des années 80, tout les groupes [de PJ Super-Héros] avaient un Guardian). Bref, même si le personnage était dynamique dans les comics, le portrait qu’on en faisait ne l’était pas, et surtout si les points avaient été attribués de manière à bien figer les choses. Je regardais le personnage en me disant « ah oui je vois pourquoi ça ne fonctionne pas ». Pour parler d’autres jeux que tu connais sans doute, j’avais testé les jeux de White Wolf au début des années 90 et je me suis rendu compte que les personnages n’étaient pas supposés évoluer.
Si tu regardes maintenant les textes de l’époque tu peux te rendre compte qu’ils ont essayé de cacher le système de progression. Il fait deux pages et ils l’ont placé à un endroit pas pratique comme s’ils n’avaient pas vraiment envie d’en faire un, mais qu’ils étaient obligés de l’ajouter dans le livre. Et c’est facile de comprendre pourquoi : parce que tous les attributs, compétences, petites choses qu’on a choisi, qui forment un personnage et que si on le modifie un peu, c’est foutu.
A.B : Tu dois te souvenir que j’ai posté un personnage issu de Champions : Thunder.
R.E : Oui et j’ai vraiment bien aimé ce perso.
A.B : Je l’ai un peu bidouillé au début et puis tout d’un coup - je crois que j’en ai parlé sur le forum - j’ai eu ce moment où j’ai trouvé qu’elle aimait faire du vélo, et tout un tas de choses sur sa vie personnelle se sont mis en place sous mes yeux. J’avais l’impression qu’il y avait une tension magnétique entre là où elle se trouve maintenant et où…
R.E : Qu’est ce qui va se passer avec son mari ? Et ce n’est pas juste « Oh mince la personne que je poursuis se pointe, c’est mon mari et on va se tourner autour » tu vois le genre de discussions auquel se livrent les ex. Non, en fait on est assez intéressé de savoir si cette relation peut fonctionner ou s’ils doivent rompre et changer ; ou peut-être qu’il y a quelque chose qu’on trouve important dans cette relation. On ne le saura pas tant qu’on ne les aura pas vu jouer ensemble, on veut savoir en tout cas. C’est à ce moment que le joueur et le MJ peuvent se retrouver dans une étrange communauté de pensée où ils se disent « Wow, j’aime vraiment bien le mari en fait, je peux comprendre pourquoi ils ne s’entendent pas, leur histoire est compliquée. Je joue mon personnage en accord avec cette histoire mais, en tant que public, j’ai hâte d’assister à une autre scène avec ces deux persos, je suis impatient de le voir survenir à nouveau. »
A.B : Exactement ! J’ai relu les vieilles BD de Spiderman/Peter Parker. C’est tellement tout ce dans quoi il s’empêtre quand il est au lycée. Je saute des pages, juste pour trouver des passages à propos de sa vie personnelle…
R.E : On dirait que les gens ont oublié l’époque où [Stan] Lee écrivait ces histoires. Ils les oublient vraiment, et pour tout le monde c’est : l’origine de Spiderman, puis il y a Green Goblin et ensuite c’est au tour de la mort de Stacey (3) mais en fait les 100 premiers numéros ne parlent pas de ça.
A.B : Les dialogues sont maladroits et descriptifs mais pourtant il y a cette gentillesse derrière ça...
R.E : Carrément ! Je pense que le Flash est un personnage beaucoup plus positif que ce que pensent les gens. Il agit vraiment comme un connard dans les premières BD et après on se rend compte qu’ils [Le Flash et Spiderman] ne se comprennent pas. Bon, là où je voulais en venir.
Une dernière anecdote à propos d’un JdR : fin des années 90, et nous jouons à Legends of the 5 Rings. La dernière étape de la création d’un personnage, c’était de répondre à 25 questions variés en tant que personnage. 25 ! C’est aussi après toute la répartition des points.
Donc j’ai répondu aux questions, et chacune était « définitive ». Je me suis dit qu’aucune question ne permettait de montrer ce que le personnage allait faire. Aucune question ne montrait la contradiction entre tel aspect du personnage et tel autre. Aucune. C’était plat, comme si le personnage était terminé – « as-tu fini ton perso ? » - « oui je l’ai fini » - c’était trop littéralement ça. J’ai dit « ça suffit » - c’est de là que vient le « Kicker » [Le moteur des PJ de Sorcerer lors de la création. En général, une phrase qui vient bouleverser la vie du personnage et qui va le faire agir Exemple : « Ma mentor me demande de tuer mon mari » (NdT)].
A.B : Donc tu parles des questions qui poussent les joueuses à répondre à des questions du genre « ouais ça m’est arrivé par le passé » mais à présent la situation est résolue au fond.
R.E : Exactement - ou du genre « quelle est sa relation avec son père ? » On peut répondre à cette question et injecter quelque chose d’imprévisible mais ce n’est pas dynamique. Bon. Revenons en arrière : est-ce que la complexité des chiffres dans des systèmes comme Chivalry and sorcery ou dans le Hero system ou - mon préféré - la première édition de Champions ruine le JdR ?
J’ai découvert l’élément-clé. Ce n’était pas la complexité des chiffres et des calculs : il y avait des aspects des chiffres qui nous plaisaient et qui nous entraînaient vers quelque chose. Un gars à l’époque de The Forge a écrit qu’il avait toujours pensé que les Jeux de Rôles étaient « un résumé quantitatif pour un genre [d’histoires] ». Rends-toi compte. C’est un vieil ami maintenant, il faisait des réflexions ; je ne veux pas le lui reprocher, mais je me souviens qu’un frisson d’horreur m’a parcouru en le lisant. Je me disais « mais c’est terrible »
Personnellement, je suis un gars qui aime les systèmes de jeu, les chiffres, les caractéristiques et créer des personnages, et tout ! Mais ce n’est qu’après que je me suis rendu compte que ce qui me plaisait vraiment c’était le dynamisme, ce qui peut pousser. Et j’ai aussi découvert que je dois vraiment être très tolérant pour les jeux qui sont moins orientés vers les chiffres.
Je me souviens vers la fin des années 90 tout le monde jouait [au JdR minimaliste] The Window en et d’autres jeux du même type qui se résumaient à « ok, fais une liste de 10 trucs sur ton personnage et on joue ! » sans entrer dans les détails de les décrire et c’est cool franchement ce type de jeu. Mais c’est à ce moment-là que je regarde les chiffres et je me dis « Ok mais à quel moment est-ce que les chiffres ont de l’importance dans ce jeu ? » je me penche sur les chiffres et sur la dynamique du système de jeu : en quoi ils contribuent à l’imprévisibilité du jeu et à son système de résolution. Leur capacité à résoudre momentanément l’imprévisible.
R.E : Je parle trop vite. Le premier problème c’est faire le portrait d’un personnage juste pour faire un portrait. Ça veut dire que : tout le monde s’assoit autour de la table sans bouger, et leurs personnages sont comme des petits cailloux que le MJ déplace de scène en scène. Tout le monde réalise très vite que c’est aussi amusant que de jouer au football américain avec une serpillière au lieu d’un ballon ovale. On peut le faire, vraiment, on est capable de suivre toutes les règles et de jouer mais on sait très bien que ce qu’on utilise comme objet n’est pas très rigolo.
A.B : Donc en fait tu parles de quelque chose comme dans Chivalry and Sorcery : quand je créée un personnage genre un homme d’armes qui part à l’aventure, comme à l’époque on faisait beaucoup de donjons. Mais en fait c’est comme la classe de Guerrier dans les premières éditions de D&D : c’est juste un personnage, un portrait.
R.E : C’est ça ! Même si la description est incroyablement détaillée, même si tu lances les dés pour déterminer la couleur de ses yeux, pour savoir de combien de pièces d’argent est sa solde, etc. Cela ne change rien. Pour moi ce qui est vraiment important, c’est qu’on reconnaisse que les chiffres eux-mêmes ne sont pas nos ennemis.
A.B : Totalement d’accord avec toi. C’est ce dont tu parles dans la version alpha du document à propos des mécanismes de jeux qiui sont juste des mécanismes qui produisent des effets : par exemple, on n’a pas besoin de payer [en points] pour que Tony Stark soit riche ou qu’il possède son entreprise. C’est ce qui m’a fait dire « Il a mis le doigt sur le problème que j’avais. ». J’ai toujours essayé de tout mettre dans l’une ou l’autre catégorie. Et quand tu dis : « on a seulement besoin de quantifier les aspects quantitatifs d’un jeu. »
R.E : Et les choses qui ne sont pas quantifiées sont toujours réelles et importantes, et elles interagissent quand même avec les choses qui ont été achetées avec les points. C’est vraiment ce que je recherche. Merci d’avoir pris le temps de décortiquer tout ça avec moi.
Article original : Seminar: Crack the ‘Magine Dragon
(1) NdT : Pour en savoir plus sur les bidouillages possibles avec les points de création de perso dans Champions, rendez-vous à la section La monnaie d’échange entre les trois composantes des personnages du chapitre 4 du LNS ptgptb [Retour]
(2) NdT : La Division Alpha (Alpha Flight en VO), est un groupe de super-héros canadiens de chez Marvel. Le personnage de Guardian wiki, a été créé comme équivalent canadien à Captain America. Son costume blanc et rouge représente le drapeau du Canada. [Retour]
(3) NdT : Ron Edwards cite ici les grands évènements les plus connus des BD Spiderman, on n’espère que ça ne vous divulgâche rien ! Sinon, ne vous inquiétez pas, il se passe apparemment beaucoup d’autres choses dans les histoires de Spiderman… [Retour]
Pour aller plus loin…
- Vous aimez les chiffres ? Voici un article à propos de l’approche de la création de personnage par achat (à base de points) : Points négatifs
- Quand on parle de quantifier des personnages, on pense aussi aux points de vie… Voici un article court résumant l’Histoire des Points de vie
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