Évitez ces débats rôlistes stériles

Il est des débats classiques dans le milieu du jeu de rôle qui fleurissent sur tous les blogs et forums dédiés, et qui pointent même leur nez durant certains séminaires de conventions. Ils sont aussi originaux qu’une arnaque nigériane wiki et à peu près aussi vains, c’est pourquoi je les appelle des « débats-spam ». En espérant que cela suffira à les conjurer ou les exorciser loin de Gnome Stew [et de PTGPTB, NdT], je vais vous exposer 5 débats stériles, avec à chaque fois leurs origines et des manières d’éviter ou de désamorcer les querelles. J’ai bon espoir qu’en les traitant ainsi ils ne réapparaîtront jamais sur ce site qui pourra alors rester un lieu de discussions plus éclairées sur le jeu de rôle.

Dispute 5 : « Dans la vraie vie ça ne se passerait pas comme ça ! »

Schtrumpf à Lunettes

Celui-là est si évident qu’on peut se demander pourquoi il persiste à réapparaître encore et encore. On l’entend généralement quand quelqu’un estime qu’une règle ne traite pas une situation particulière de façon suffisamment réaliste. Un exemple récent évoquait le fait que dans D&D un personnage avec plus de 10 points de vie peut tomber de son cheval (ce qui dans la réalité est très dangereux) sans grand risque de se blesser : la mécanique ne retranscrirait pas assez bien la dangerosité d’une telle chute. D’un point de vue objectif, c’est vrai : avec 10 points de vie ou plus, tomber de votre monture ne vous infligera pas suffisamment de dégâts pour mettre votre vie en péril. Mais il s’agit d’un compromis mécanique permettant ne pas se transformer en un tas d’os et de viscères fumantes au moindre coup de griffe de dragon.

Il est en vérité rare que les règles d’un jeu de rôle soient assez réalistes ou complexes pour émuler toutes les situations imaginables. La plupart sont conçues pour des aventures pleines d’action dans lesquelles tomber d’un cheval est moins périlleux que se retrouver pris dans le souffle d’un dragon rouge. Les mécaniques de jeu cherchent souvent à ménager un équilibre entre réalisme et divertissement, et une partie très réaliste a de bonnes chances de crouler sous les règles et de ne pas être très amusante.

Il n’y a pas de véritable manière de se sortir de ce débat, mis à part en acceptant le fait que les règles ont leurs style et limites propres et ne sont donc pas de parfaites représentations du monde réel. Si votre groupe trouve un système trop irréaliste, changez-en. Si vous trouvez que les fusillades de d20 Modern grog ne sont pas suffisamment mortelles, jetez un œil sur quelque chose comme la première édition de Conspiracy X grog. Vous finirez bien par trouver le modèle qui convient à votre groupe.

Dispute 4 : « Oui oui, mon perso est orphelin, célibataire et sans attache. »

The Punisher

C’est ce qui arrive quand quelqu’un a créé un personnage dont l’historique ne laisse aucune possibilité d’exploitation au MJ. Il peut y avoir plusieurs raisons à cela : un manque d’imagination, d’intérêt, ou la crainte que le MJ lui fasse subir quelque chose pendant la partie. Partons du principe que vos joueurs et joueuses possèdent une imagination normale et que vous avez réussi à créer et entretenir leur intérêt pour votre campagne. Reste la peur que vous vous en preniez à l’un des proches du personnages et le mettiez en péril pour forcer ce dernier à venir à la rescousse.

Évidemment que c’est ce que vous allez faire. Ne pas vous emparer de l’historique d’un personnage pour en tirer une bonne histoire reviendrait à manquer à tous vos devoirs de MJ, même si cela se traduit par un être aimé suspendu au-dessus de la gueule d’un dragon rouge. Le truc, c’est d’être clair sur le fait que l’historique des personnages servira à créer des histoires plus intéressantes, pas à assouvir vos pulsions sadiques.

D’un autre côté, joueurs, c’est à vous qu’il revient de fournir au MJ des détails intéressants et exploitables sur votre personnage (1). Comme avec le système de croyances de The Burning Wheel grog, les PNJ et relations que vous créez sont une manière de dire « Hé, voilà des détails sympas sur moi que j’aimerais bien creuser ». Votre époux(se) pourrait par exemple s’opposer farouchement à votre carrière d’aventurier, ce qui génère des tensions à chaque fois que vous partez pour une quête. Plutôt qu’un(e) ami(e) proche sans histoire, inventez-lui une addiction quelconque, ou une obsession pour la princesse du royaume. Développez les axes qui vous intéressent et poussez le MJ à vous les faire jouer.

Dispute 3 : « Je ne me comporte pas comme un enfoiré, je joue juste mon personnage ! »

Cartman, de South Park

Si celle-ci ressemble à la dispute précédente, elle est en réalité bien distincte et beaucoup plus gênante. Le joueur choisit dans ce cas de perturber la partie et de justifier sa conduite par les traits de son personnage. C’est ni plus ni moins qu’un problème de contrat social. Soit le MJ a permis au joueur de créer un concept de personnage perturbateur sans le remettre en cause, soit le joueur à décidé de changer son concept initial… pour en faire un enfoiré. Quoi qu’il en soit, en tant que MJ c’est à vous d’intervenir et de mettre un terme aux actions du joueur/PJ avant que les choses ne s’enveniment autour de votre table.

Pour éviter ce problème, définissez clairement quels types de PJ, quels alignements et quel degré de conflit inter-personnages vous autorisez dans votre campagne. Il s’agit d’une décision de groupe qui doit être unanime, ou cela finira par ressurgir durant vos parties. Vous n’avez peut-être pas envie de gérer un groupe Chaotique Mauvais, ou alors vous ne voulez pas que le Roublard vole ses camarades entre les Rencontres ; énoncez-le dans votre contrat social et vous n’aurez plus à vous en inquiéter par la suite. Et si cela se produit malgré tout, vous n’aurez qu’à vous y référer pour recadrer le ou la coupable.

Argument 2 : « Ce n’est pas ce qui est écrit dans les règles ! »

image de stock d'un professeur tenant un immense volume

Que dire à ce sujet qui n’ait pas déjà été évoqué un nombre incalculable de fois ? Sur certains forums (je ne citerai pas de nom, mais vous vous reconnaîtrez) ce débat génère inlassablement des suites de messages incendiaires interminables. Il apparaît quand les règles du jeu ne couvrent pas l’application particulière d’un sort, d’une compétence, etc., ce qui oblige le MJ à trancher arbitrairement. Cela va souvent à l’encontre du joueur concerné, ce qui met le feu aux poudres. La discussion s’envenime et se termine généralement par un bras de fer entre les deux parties. L’amusement s’est évaporé, et il ne reste que rancœur et égos meurtris.

Toutes ces querelles reposent sur deux concepts différents : respecter les règles à la lettre ou s’adapter en respectant leur esprit. Un ouvrage de jeu de rôle est un objet fini. Il y a des limites au nombre de règles que l’on peut inclure dans ses pages. Des points précis sont coupés au montage. Un bon jeu de rôle possède un système, central et limpide, qui permet au MJ de prendre des décisions raisonnables en cas de manque de précision. Que ce point de règle existe ou pas, il ou elle doit devenir le Juge Suprême autour de la table, en interprétant les règles pour gérer tout ce qui n’y figure pas.

Le véritable point de départ de ce débat, c’est que certaines personnes pensent que si une règle n’est pas écrite noir sur blanc dans le livre, c’est qu’elle n’existe pas. Le fait que le MJ prenne des décisions les gêne, et elles les contestent tout, ouvrage à l’appui, en prétextant que le Meneur n’a pas à inventer ses propres règles. J’appelle ces individus des Fondamentalistes des Règles, et je pense que l’Histoire nous a appris que le fondamentalisme n’a jamais vraiment amélioré quoi que ce soit, bien au contraire.

À moins que le Fondamentaliste comprenne miraculeusement que c’est le MJ qui a le dernier mot au niveau des règles de sa campagne, il n’y a pas de solution miracle pour se sortir d’un tel débat. Cela ne veut pas dire que les joueurs.euses n’ont pas voix au chapitre, juste que la responsabilité et la capacité d’interpréter la manière dont les règles s’appliquent reviennent au bout du compte au MJ. Tant que c’est fait de manière cohérente, équitable et sans arrière-pensée, cela ne devrait pas fournir de grain à moudre au Fondamentaliste des Règles.

Dispute 1 : « Le résultat des dés est sacré ! »

dé façon "apparition divine"

Ce débat est si clivant que même en l’écrivant j’hésite à l’évoquer. Je l’ai déjà vu transformer un sympathique et agréable séminaire de MJ à la GenCon en une querelle virulente en moins de cinq minutes. Le MJ doit-il jeter les dés devant les joueurs ou derrière son écran, et est-il autorisé à « truquer » le résultat pour le bénéfice de l’histoire ? Chaque groupe a sa propre opinion. Personnellement je préfère cacher les résultats de mes jets de dés et les trafiquer de temps à autre pour les besoins du récit. Mais je comprends néanmoins mes frères et mes sœurs adeptes de la transparence.

Pour que vous puissiez éviter ce débat à l’avenir, en voici les deux problèmes sous-jacents : la confiance que placent les joueurs dans le MJ, et l’importance relative qu’il y a entre jouer à un jeu et raconter une histoire.

Commençons par la confiance. Si votre groupe ne fait pas confiance à son MJ, il mettra son impartialité en doute. Si c’est vraiment le souci, il y a sans doute des problèmes plus graves qui relèvent plus de son style de maîtrise, par exemple d’une mentalité MJ contre joueurs ptgptb.... Les problèmes de confiance sont difficiles à résoudre, mais avec un contrat social adapté et de la bonne volonté, vous pourrez finir par accepter le fait que le MJ lance les dés derrière son écran. Ce ne sera pas facile, mais c’est faisable.

Le second problème, qui à mon sens est bien plus répandu, a plus à voir avec ce qui compte vraiment pour le groupe : jouer au jeu tel qu’il a été conçu, ou raconter une histoire captivante (2) .

Si le plus important est de jouer, vous pouvez lancer les dés ouvertement, comme si vous jouiez au Monopoly. Et si le jet du MJ conduit à une éradication totale du groupe, qu’il en soit ainsi, c’est le jeu.

Si c’est l’histoire qui prime, le MJ a besoin d’un peu de marge de manœuvre pour interpréter et prendre quelques libertés avec ses résultats. Vous n’avez sans doute pas envie que le combat d’ouverture contre des kobolds anéantisse votre groupe, et vous allez donc transformer ce succès critique en attaque contre le Roublard en une attaque ratée.

Un bon moyen d’éviter toute contestation est d’en parler clairement dans votre contrat social. Discutez ensemble de ce qui est important durant vos parties, puis mettez-vous d’accord, et tout se passera bien. Peu importe comment les autres groupes le gèrent, du moment que le vôtre accepte vos décisions.

Et voilà… 5 des pires débats de jeu de rôle, énoncés, traités et désamorcés. Nous pouvons donc désormais nous consacrer à ce superbe nouveau blog, sans avoir à nous soucier de les voir pointer leur vilain museau. Si vous avez été confronté.e à d’autres débats, partagez-les et nous pourrons peut-être les disséquer aussi.

Article original : Don’t Fall For These RPG Arguments


(1) NdT : les joueurs et les joueuses ont des devoirs aussi… L’article complémentaire 11 manières d'être un.e meilleur.e joueur.euse de jeu de rôle ptgptb les expose. [Retour]

(2) NdT : ne dirait-on pas les préférences LNS  ptgptb du Big Model ? Les identifier permettra de savoir si les participants privilégient le simulation ou la narration. [Retour]

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