La Loi et l'Ordre dans les Mondes Imaginaires – 1re Partie : Les sources de la Loi
© 1999 Mark J. Young
Comment les origines des lois qui définissent nos sociétés, quelles soient fictives ou réelles
Toutes les cultures qui ont été étudiées jusqu’à aujourd’hui ont eu une certaine forme de loi et de gouvernement. Ce n’était pas forcément plus que “c’est le chef qui décide”, mais chaque fois qu’au moins deux êtres intelligents ont essayé de vivre en commun, il y a eu des règles pour organiser leurs relations : le droit.
La plupart d’entre nous mènent leurs parties de jeu de rôle sans beaucoup de considération pour les lois et les gouvernements qui constituent la toile de fond de leur mondes. Nous pouvons jouer pendant des années sans autre préoccupation que “Il y a un agent de police au coin de la rue” ou “Cela est illégal ici”. Ensuite, tout à coup, les personnages se retrouvent impliqués dans une situation qui fait intervenir dans la partie l’ensemble des pouvoirs légaux, et nous, en tant que meneurs, découvrons que nous n’avons aucune idée du fonctionnement du système légal; pire, nous prenons souvent des décisions qui sont illogiques ou qui, si nous les poussons plus loin, entraînent des résultats complètement incompatibles avec le monde que nous avons à l’esprit.
Une partie du défi posé au meneur est que les joueurs sont indépendants et peuvent faire tout ce qu’ils désirent. Mais peuvent-ils faire ou changer les lois ? Ont-il le droit de les faire respecter, et comment ? De quelle façon ? Passeront-ils outre et, dans ce cas, quelles seront les conséquences ? Aucun meneur n’est jamais préparé à toutes les actions de ses joueurs. Que votre monde possède un système légal et politique hautement développé, ou que vous ayez simplement mentionné quelque PNJ ayant un titre qui ait l’air officiel, certains joueurs feront inévitablement quelque chose qui vous obligera à faire des pieds et des mains pour combler ces lacunes.
Cet article est le premier d’une série qui comblera ces manques, examinera comment les lois peuvent être établies, quelle est leur efficacité, et comment elles sont appliquées. Dans cet exposé, nous considérerons les droits individuels, les preuves à charge, les différents types de preuves et les applications des peines. Nous essaierons de les associer à différents milieux pour voir comment ils fonctionnent et comment ils affectent les cultures et les sociétés dans lesquelles ils sont utilisés. Mais nous commencerons par comprendre comment les lois apparaissent.
Dans les cultures les plus simples, un patriarche (ou une “matriarche”) prend des décisions basées sur les traditions de la tribu ou du groupe. Souvent, ces décisions sont prises en concertation avec d’autres guerriers, chefs ou anciens familiers avec l’histoire du groupe. Cette histoire devient la forme de droit la plus simple, la jurisprudence : nous faisons les choses comme nos pères l’ont fait, comme elles ont toujours été faites. Lorsqu’une nouvelle situation se présente, alors le chef doit la juger à la lumière du passé et établir une nouvelle règle.
Ce système fonctionne bien dans les mondes qui évoluent peu ; si le monde reste inchangé sur plusieurs générations, de nouvelles règles pour de nouvelles situations sont inutiles. Cela procure une certaine forme de continuité dans laquelle nous savons à quoi nous attendre : si ce qui arrive aujourd’hui est arrivé hier, la loi le traitera de la même façon. Mais dans les mondes en évolution ou en expansion, le besoin d’avoir des lois qui suivent le rythme des problèmes de société rend ce système très peu commode. La jurisprudence fait encore partie de notre système, mais on la trouve dans des recueils de décisions des procès précédents et elle est débattue entre des avocats hautement diplômés qui poursuivent des recherches approfondies, arguant que ce qui est arrivé aujourd’hui est très semblable à ce qui est arrivé dans une autre affaire vieille de trente ans, mais différent d’une affaire datant de l’année dernière (1). Le simple système du conseil des anciens de la tribu est ainsi devenu le système des tribunaux de notre complexe monde moderne et a créé une profession entière chargée de garder trace de ce qui a été décidé par le passé et de comment cela s’applique au présent.
Souvenez-vous-en : si vous extrapolez le “simple système tribal” du passé à une communauté importante ou complexe, vous créez inévitablement une puissante caste de juges et d’avocats. Quel que soit le contexte historique, même s’il est aussi protoplasmique qu’une “simple peuplade nomade installée dans une cité fortifiée pour se protéger”, il y aura toujours des experts en loi désireux d’utiliser leur connaissance des décisions passées pour défendre les personnages – pour un juste salaire, bien sûr. Des personnages qui s’opposeraient à de telles personnes pourraient avoir beaucoup d’ennuis.
Mais le concept de chef prit un cours différent dans les temps anciens, menant aux monarchies et aux empires. Alors, le chef dirigeait plus qu’une tribu : il dirigeait des nations et les commandait comme il le souhaitait, sans le soutien de conseils ni d’anciens, ni de l’histoire passée.
Mais qu’en était-il réellement ? Il est dit que Nabuchodonosor fut le dernier empereur à vraiment posséder le pouvoir absolu sur tout le monde civilisé connu. Il pouvait promulguer une loi au petit déjeuner et en changer après le déjeuner. Mais le pouvoir impérial absolu disparut avec lui et fut remplacé par le règne de la loi des Mèdes et des Perses. Ils se demandèrent ce qui, de l’empereur ou de la loi, était le plus important. Et la réponse fut : la loi.
Darius le Mède pouvait passer toutes les lois qu’il désirait ; mais une fois qu’il l’avait déclarée, elle était irrévocable et lui-même y était soumis. Cela soulève un des points les plus cruciaux du droit. Y a-t-il une seule loi pour tous ou différentes lois pour différentes personnes ? L’empereur est-il au-dessus de la loi ou lui est-il soumis ? Les saxons doivent-ils être traités d’égal à égal avec leurs conquérants normands ? Les citoyens romains sont-ils mieux ou moins bien traités que les sujets romains, les soldats romains ou les sénateurs romains ?
Des PJ particulièrement puissants ou riches peuvent avoir des problèmes avec ce concept : ce n’est pas parce que les gens vous ont nommé roi parce que vous avez tué le dragon que vous pouvez faire tout ce que vous voulez.
Notre réponse moderne serait que chacun doit être traité avec équité, et que cela signifie exactement ce que cela veut dire. Mais une brève lecture de l’histoire nous montre qu’il n’en a pas toujours été ainsi, et qu’il est possible qu’il n’en soit pas toujours ainsi. Nous sommes parvenus aujourd’hui à l’égalité grâce à l’homogénéité – tout le monde est traité de la même façon. Mais à une autre époque, l’égalité était obtenue en équilibrant les droits et les responsabilités : ceux qui contribuaient le plus à la société en retiraient le plus.
L’Europe féodale en est un bon exemple. Le pays entier ainsi que toutes les personnes et toutes les choses qui y résident sont la propriété du roi ; il est la seule personne qui ait des droits. Il est aussi chargé de la plus grande des responsabilités : il se préoccupe du bien-être de chacun sur ses terres, se doit de les sécuriser et de veiller à leurs besoins. Il doit défendre le pays et pourvoir aux besoins de son peuple, par le commerce ou par la conquête. Et il doit édicter des lois qui permettent de régler les disputes entre ses sujets.
Pour honorer ses obligations, le roi crée la noblesse. Ce sont généralement des guerriers compétents et, au niveau le plus simple, l’accord ne revient pas à beaucoup plus que “Vous combattrez dans mon armée lorsque je ferai appel à vous et en retour, je vous prête une partie de ma terre et les gens qui y résident”. Ainsi la noblesse reçoit-elle une partie des responsabilités qui incombent en définitive au roi, mais obtient quelques privilèges en contrepartie, y compris le pouvoir d’édicter certaines lois. La hiérarchie des titres de noblesse nous montre que certains ont reçu de plus grandes responsabilités en même temps que des bénéfices plus importants. Les personnages possédant un titre devraient avoir une bonne idée à la fois des avantages et des responsabilités qui l’accompagnent.
En dessous du noble se trouve le paysan, qui a aussi des droits et des responsabilités. Il est autorisé à vivre sur la terre et à s’en nourrir ; mais il doit produire de la nourriture et en donner une partie à la noblesse. Il bénéficie de la protection de son seigneur, mais doit obéir à la loi sur laquelle il n’a aucun contrôle ; et ils doit participer à la défense de cette terre s’il y est appelé. En dessous de lui se trouve le mendiant, qui n’a aucun droit mais dont on n’attend rien.
Il est également important de savoir comment on change de classe sociale. Comment un personnage passe-t-il de serf à faiseur de lois ? Dans l’Orient antique, la réponse simple était qu’il ne pouvait pas.
Oh, vous pouviez bien sûr être condamné à devenir un paria, mais vous ne pouviez pas grimper l’échelle sociale. De tels systèmes de “castes” rigides tendent à scléroser la société – vous pouvez fabriquer un outil plus performant, ou une meilleure arme, mais cela ne vous rendra pas riche, ni ne vous rendra la vie plus facile. Vous pouvez risquer votre vie pour sauver votre village ou votre pays, mais une fois que vous avez été remercié, vous pouvez retourner aux champs. Il n’y a aucune incitation pour faire plus ou mieux que les autres, aucune récompense tangible pour l’effort, ce qui encourage difficilement à partir à l’aventure. Les personnages qui cherchent la richesse et le pouvoir dans ce monde seront rapidement écrasés par ceux qui le possèdent.
Les joueurs peuvent avoir beaucoup de mal à jouer correctement leur rôle dans une société inégale ou injuste, et parfois le besoin d’avoir un univers de jeu équitable est une préoccupation plus importante.
Mais la plupart des systèmes permettent aux classes les plus basses de progresser. Aujourd’hui, la plupart des pays confèrent la nationalité à toute personne née sur leur sol, aux enfants des citoyens, ainsi qu’à ceux qui peuvent passer un test et prêtent serment (bien qu’il y ait quelques différences : aux États-Unis, un citoyen naturalisé ne peut pas devenir président, mais a tous les autres droits).
Les Romains permettaient aux riches d’acheter leur citoyenneté, sur la base selon laquelle ceux qui ont des intérêts dans le système lui seront loyaux ; ils accordaient également la citoyenneté aux villes et aux provinces qui se soumettaient pacifiquement et sans condition à la loi de Rome. Les systèmes féodaux permettaient à ceux qui faisaient preuve de qualités guerrières et de loyauté de progresser au travers de la hiérarchie militaire vers des postes civils. Plus tard, les titres de noblesse furent conférés aux inventeurs, aux explorateurs ou aux savants qui avaient ouvert de nouvelles perspectives, mis au point de nouvelles technologies ou offert de nouvelles opportunités pour la croissance et l’expansion politique, économique ou commerciale.
Si les personnages cherchent à progresser dans leur monde, vous devez vous demander quelles sont les valeurs de ce monde. Ce sont les critères auxquels ils devront répondre. Les Mongols et les envahisseurs barbares récompensaient celui qui se saisissait du plus gros butin. Les Vikings et les autres guerriers fondateurs d’empires guerriers nommaient chefs ceux qui conquéraient des terres. Les empires coloniaux européens anoblissaient ceux qui découvraient, exploraient et soumettaient de nouveaux territoires, mais également ceux qui, grâce à leurs recherches ou leurs inventions, les facilitaient. Les premières démocraties représentatives récompensaient l’intelligence et la connaissance ; d’aucuns argueront que leurs descendants modernes sont guidés par le charisme et l’argent. Ceux qui incarnent le mieux les valeurs d’un peuple seront portés au sommet et décideront des nouvelles lois.
Si vous avez un système monarchique, vous devez vous demander pourquoi le roi est le dirigeant. Dans la plupart des empires, c’est un droit du plus fort – le plus puissant guerrier de la nation la plus puissante dirigera en fin compte le monde. En Égypte, cela vint d’une réalité économique : durant une famine, le pharaon échangea la nourriture qu’il avait stockée contre toute la terre arable d’Égypte ; par la suite, sa famille (ou ses conquérants) en furent propriétaires, et le louaient au peuple. Tardivement dans la culture romaine, puis européenne, le concept de monarchie de droit divin fit son apparition : le roi était désigné par un dieu (ou à Rome, il fut plusieurs fois lui-même un dieu) et se dotait ainsi d’une autorité incontestée. Bien que cela fût vrai en Israël où les premiers rois étaient désignés par les prophètes, il apparaît que dans la plupart des nations la justification divine était ajoutée dans un deuxième temps, après que des événements militaires ou économiques les avaient portés au pouvoir.
C’est important car le roi qui règne en tant que combattant le plus puissant est sous bien des aspects le “roi de la colline”, et un PJ pourrait bien mettre en jeu son autorité grâce à ses seules compétences guerrières ; le roi qui détient sa position par sa richesse pourrait très bien la perdre (au jeu ?) ; mais celui qui est désigné par un dieu ne peut être déposé que si le peuple se retourne contre son dieu ou si les dirigeants religieux lui retirent leur soutien.
Avoir un Roi qui est également un Dieu peut aussi résoudre tous les problèmes délicats de théologie comparative, car la parole divine sort alors directement de la bouche du roi. Aussi l’Église pourrait-elle encourager cette idée.
Au début du XIIIe siècle en Angleterre, les nobles se firent donner des droits spécifiques. Il est intéressant de noter que ces droits n’étaient pas beaucoup plus que les droits qu’ils avaient toujours eus, mais rendus permanents par la “Magna Carta” [la Grande Charte, datant de 1215, réunissant les lois constitutionnelles du pays]. Cela nous amène à la théorie de John Locke selon laquelle la société n’est pas basée sur le droit divin des rois mais sur un contrat social : les lois font force car nous, en tant que pays, acceptons de vivre sous ces lois ; les peuples avaient des droits car ils étaient des peuples, et le pouvoir de l’État ne venait pas du roi vers le peuple, mais du peuple vers le roi. Tout à coup les parlements étaient nés.
Le concept du parlement est fondé sur le principe que le peuple doit se gouverner lui-même sur la base d’un accord mutuel (théorie du contrat social). Certains, dont Jefferson, croyaient en une théorie du “marché des idées” : que la Raison dicterait la seule meilleure réponse à tous les problèmes, et si des hommes raisonnables avaient l’opportunité de discuter de leurs problèmes, ils trouveraient immanquablement cette meilleure réponse.
Mais on découvrit rapidement que les populations ne pouvaient déterminer efficacement leurs propres lois. La démocratie représentative reconnaît que même si tous les citoyens pouvaient se réunir le samedi après-midi pour discuter de la politique du pays, il est fort peu probable que quoi que ce soit soit décidé dans une grande nation. Ainsi quelques-uns sont-ils choisis pour prendre les décisions à la place du plus grand nombre et encore moins – l’exécutif – pour mettre en œuvre, faire respecter et appliquer ces décisions.
Dans les systèmes purement parlementaires, ceux qui légifèrent exécutent et jugent également –c’est-à-dire que les législateurs nomment aussi ceux qui les font respecter et ceux qui décideront de la signification de ces lois [ce sont les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire (NdT)]. Ces systèmes sont très flexibles ; un groupe (un parti) qui a une nouvelle idée et prend le contrôle de la législature peut très rapidement réécrire une bonne partie du système légal. Ainsi, les pays parlementaires traverseront parfois des périodes de réformes drastiques lorsque des membres idéalistes gagnent le soutien la population, pour voir ces réformes abrogées aussi rapidement par des factions conservatrices quand les citoyens se fatiguent des changements. Dans un tel pays, un personnage pourrait soudainement être avisé que la possession de son cheval, de sa voiture, de son arme ou la pratique de sa profession sont devenues illégales (“N’avez-vous pas entendu les nouvelles / lu les proclamations / lu votre courrier ?”) pour être amnistié un mois plus tard quand un autre parti prend le pouvoir et change à nouveau les lois.
Dans les pays relativement stables, cela fonctionne avec souplesse et se réduit graduellement à un système bipartite. Un parti sera plus important que les autres et aura le plus de pouvoir ; les autres réaliseront finalement qu’ils ne peuvent gagner séparément, mais comme ils s’opposent tous à la politique du parti régnant, ils formeront une coalition basée sur un accord sur quelques questions importantes et pourront ainsi prendre le pouvoir.
Dans les pays moins stables, aucun parti ne peut prendre le contrôle de la législature et des coalitions se forment lorsque les plus grands partis promettent aux plus petits d’appliquer certaines de leurs idées en échange de leur soutien. Mais les gouvernements de coalition se désagrègent rapidement, car ils dépendent souvent des votes de personnes aux idéologies diverses et variées. Dès qu’un groupe se sent lésé, une nouvelle coalition peut se former sur la base de nouveaux compromis.
Des branches indépendantes (c’est la “séparation des pouvoirs”) du gouvernement stabilisent le système, mais rendent aussi les changements plus difficiles. Les États-Unis requièrent que deux groupes législatifs séparés (avec des membres très différents) [le Sénat et la Chambre des Représentants (NdT)] votent chaque loi ; que l’exécutif donne également son accord (mais un nombre suffisant de législateurs peuvent le forcer à accepter s’il ne le souhaite pas), et encore la loi peut-elle être invalidée par les Cours la première fois (ou la dernière) qu’elle est appliquée.
Les gouvernements constitutionnels peuvent aussi avoir mis en place des lois qui s’appliquent à eux-mêmes, limites qu’ils ne peuvent franchir. Aux États-Unis encore, certains aspects de la loi ne peuvent être modifiés par le gouvernement fédéral car ils sont du domaine de compétence des États ; ceux-ci ayant des droits protégés par la Constitution, tout comme les individus.
Votre empereur galactique peut être un dirigeant puissant, mais vous devez savoir quels sont les domaines de la loi qui sont entièrement entre les mains des gouverneurs planétaires et quels sont ceux qu’il peut appliquer dans tout l’univers – surtout si vos PJ voyagent beaucoup de planète en planète.
Nous avons largement ignoré de merveilleuses complications. Dans les mondes où une Église est approuvée par l’État (où l'État par cette Église), il peut y avoir une branche indépendante du droit ecclésiastique qui couvre chaque chose, de l’hérésie doctrinale à la turpitude morale, en passant par la dîme obligatoire. Mais cela n’en altère pas les principes ; cela indique simplement qu’il existe des systèmes légaux qui coexistent et qui peuvent parfois entrer en conflit (et qu’un personnage astucieux pourra faire jouer l’un contre l’autre). La tradition (jurisprudence) d’une telle loi peut être plus ancienne et moins flexible, mais sera toujours interprétée et appliquée dans le présent, comme toute autre loi.
Dans les mondes qui ont des systèmes duaux ou multiples, leurs domaines de juridiction peuvent se chevaucher – L’Assemblée Pan Galactique peut étendre son autorité sur une douzaine de royaumes, y compris quelques-uns dans l’Empire Acturien ; mais d’autres secteurs peuvent être dirigés par l’Église Catholique Universaliste et d’autres encore par la Vénération des Anciens Réformée.
Et il pourrait y avoir d’autres systèmes légaux qui coexistent, avec une large juridiction sur des sujets limités (2). Une organisation commerciale ou une association de travailleurs, comme une guilde, pourrait devenir si puissante qu’elle régulerait les échanges internationaux et les contrats. Une force de maintien de la paix indépendante, respectée pour son rôle de défense du monde civilisé contre le chaos extérieur (comme The Border Guard, la “Garde des Frontières”), pourrait évoluer en un tribunal qui règle les contentieux entre nations, mais pas leurs affaires intérieures. Tout cela pouvant rendre la vie très intéressante aux PJ.
Nous avons vu comment, dans le passé et au présent, les lois ont été édictées par les hommes – les anciens ou les guerriers, les rois ou les prêtres, ou les élus. Seront-elles un jour écrites par les ordinateurs ? Jefferson aurait pu le penser, car il estimait qu’il y aurait toujours une seule réponse rationnelle à un problème. Mais nous avons appris que la loi est bien plus basée sur des valeurs que sur la raison. Nous créons des lois pour protéger ce qui nous est cher. Oui, les ordinateurs pourront un jour aider à faire des lois, et même les appliquer et les faire respecter.
Mais tandis que la justice pourrait être rendue par des machines impartiales, la loi ne pourra jamais être impartiale. Elle porte intrinsèquement sur ce que la nation croit, valorise, admire et protège, et ce sont des inclinations qui sont vitales à l’établissement du droit. La loi est le meilleur reflet de ce qui est important pour nous, que nous soyons hommes, elfes ou andromédiens. Quel que soit le la manière dont elle s’élabore, elle émane de et définit les fondements de notre civilisation.
Article original : Law & Enforcement in Imaginary Realms: Part I: The Source of Law
(1) NdT : Souvent, dans les pays anglo-saxons – les pays de “Common Law” – la jurisprudence fait office de loi et est invoquée comme fondement juridique. Le système juridique repose sur ces fameux “précédents”. C’est le contraire en France où tout est législatif et où l’on n’utilise les arrêts (les décisions de justice) que pour illustrer un texte ou conforter une position. [Retour]
(2) NdT : Fading Suns (grog) de Holistic Design adopte cette approche, avec une noblesse, des guildes, des ordres ecclésiastiques ainsi que des extraterrestres dont les juridictions sont toutes en concurrence. [Retour]
Pour aller plus loin…
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Commentaires
Sparfell (non vérifié)
ven, 30/12/2022 - 14:10
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Loi dans les sociétés acéphales
Je me permets juste d'intervenir sur ce qui concerne les sociétés "les plus simples" citées dans cet article.
L'erreur est commune, je ne fais qu'une correction à la lumière de mes études (je suis étudiant en préhistoire et j'ai travaillé en anthropologie), mais rien de grave. Je pense simplement qu'avoir une meilleure vision des systèmes claniques peut apporter quelque chose au jeu.
Déjà, il faut savoir que les chefferies sont rares chez les sociétés de chasseurs-cueilleurs. En fait, il y a deux types de société de chasse-collecte :
Il faut noter que la majorité des chasseurs-collecteurs modernes sont nomades ; Pygmées, Sans, aborigènes d'Australie (ce qui regroupe beaucoup de peuples, on parle d'un continent entier, pas d'un peuple unifié), Inuits, Yamomamis, Guaranis... Et je ne parle que de ceux qui existent encore actuellement, ou existaient jusqu'à récemment (la distinction étant difficile à faire à cause de l'acculturation occidentale, qui est un autre débat).
Bref, pour faire simple, malgré quelques exemples de sociétés de chasse-collecte ayant recours au stockage (Jômon, Kwakiutl), et ayant une dynamique à part, c'est plutôt avec l'apparition de l'agriculture et de l'élevage que l'on verra apparaître des chefferies.
Je me suis beaucoup penché sur le sujet, et je me base notamment sur l'ouvrage "Justice et Guerre en Australie aborigène", de Christophe Darmangeat ; c'est ce que j'emploie pour Würm, mais je pense que tout rôliste peut en tirer parti, ne serait-ce que lorsqu'il faut mettre en scène une énième "tribu barbare".
BREF.
Qui décide ? Il y a plusieurs cas possibles. Généralement, ça sera soit une démocratie, soit réservé à un petit cercle de décideurs (les anciens, les anciennes, les chamanes, les femmes, les chasseurs...).
Cependant, s'il n'y a pas de pouvoir, il y a du prestige et de l'influence qui viennent bouleverser tout ça ; il faudra donc souvent y ajouter les dépositaires des procédés magico-religieux (les "chamanes"), les chasseurs ou collecteurs (ça regroupe le piégeage, la chasse de petite gibier, le charognage, la récolte de miel, la pêche et la pêche à pied, c'est donc plus large que juste "la cueillette") les plus reconnus, et toute personne ayant réussi à accumuler du prestige (être le "fils de" peut éventuellement aider, mais cela reste trop relatif pour parler de titres héréditaires). Un gardien des traditions peut bien sûr exister.
Mais parler de patriarche reste inexact, la notion de patriarche est très freudienne et (surprise) ne correspond pas à la réalité. Un gardien des traditions aura certes une grande influence, mais il servira surtout de bible vivante et de gardien des lois, menant éventuellement des rites (un peu comme un prêtre, là où le "chamane" aura plutôt pour rôle d'intercéder directement auprès du monde invisible, ce qui ne l'exclut pas des rites mais rend son rôle différent).
Il faut le voir avant tout comme un mentat de Dune, ayant mémorisé toutes les lois et acquérant bien sûr par là même une grande influence. Ca ne lui garantit pas le pouvoir, mais les jeux d'influence restent très intéressants à exploiter en jeu je pense.
Bien, maintenant qu'il est établi qu'il n'y a pas de chefferies, mais plutôt un système d'influences imbriquées et différant selon la communauté précise, comment se déroulent les relations entre communautés ?
Encore une fois, ça dépend. L'ouvrage que j'ai cité a un gros avantage, c'est que l'Australie est un continent, avec plusieurs peuples. Donc même si certaines façon de régler un litige ne peuvent exister que dans ce cadre précis, d'autres pratiques sont directement liées au fait que deux communautés soient totalement étrangères entre elles. Globalement, la règle de base, imparfaite mais ayant l'avantage d'être comprise par tous, est "oeil pour oeil, dent pour dent".
Un membre d'une communauté en tue un autre ? On tue un membre de la communauté accusée en réparation.
Comme on fait ? En théorie, les deux communautés concernées se rassemblent, les décideurs discutent de la démarche à suivre, et on conclut. La puissance respective (soit directe, soit obtenue par un jeu d'alliance) des deux communautés va dicter le degré de punition de la communauté accusée.
Si cette dernière est puissante, un meurtre en réparation peut se transformer en un duel, une épreuve risquée, ou une mutilation. Si au contraire elle est faible, et les accusateurs puissants, la punition deviendra le meurtre de plusieurs personnes par exemple.
Quand les deux communautés partagent des lois communes, d'autres règles vont pouvoir intervenir ; nous avons cité le duel, il peut aussi y avoir des duels collectifs (des sortes de batailles lors desquelles chacun règles ses comptes), des epreuves (une personne équipée d'un bouclier se fait tirer dessus par X nombre de sagaies - avec des propulseurs, sinon c'est pas drôle - au risque de mourir mais ayant une chance de n'être "que" blessé ou de survivre), etc.
C'est aussi dans ce contexte qu'interviennent les jeux d'alliances, qui peuvent beaucoup ressembler à un système féodal par pas mal d'aspects, en beaucoup plus horizontal. Une communauté faible peut ainsi être dotée de puissants alliés qu'on ne veut pas se mettre à dos.
Lorsqu'une communauté considère que le procès est injuste, deux solutions : la vendetta, ou la sorcellerie.
Si on a cité des batailles, ce sont surtout des duels collectifs qui n'existent que parce qu'ils sont codifiés (ces "batailles" sont donc probablement liées à des cultures aborigènes, bien qu'elles puissent apparaître dans d'autres endroits du monde et restent une source d'inspiration).
Pour des chasseurs-collecteurs nomades, le plus logique hors codification reste encore le recours à la vendetta. Le "oeil-pour-oeil, dent-pour-dent" est la règle de base, mais une communauté très belliqueuse pourra chercher à aller plus loin, et surtout elle court le risque de voir l'autre communauté répliquer, ce qui fait que ça peut s'embourber pour longtemps.
Si pour une raison ou pour une autre, une communauté ne part pas au combat (parce qu'elle est trop faible par rapport à ses ennemis, parce qu'elle a migré pour ne plus subir les embuscades ennemies), elle peut tout à fait employer la sorcellerie pour se venger. L'ironie de la chose est qu'à l'inverse, en Australie aborigène, les communautés voient souvent les accidents comme des conséquences de la sorcellerie. Ainsi, dans leur univers mental, cela s'auto-justifie ; une communauté ennemie a probablement déjà fait de la sorcellerie, puis un accident survient par hasard, mais c'est tout de même à la communauté ennemie qu'on attribue le forfait (systématiquement un peu à tort, mais parfois un peu à raison).
Un exemple lors d'une partie de Würm [TW : enfants, torture et meurtre] :
mes PJ, des enfants néandertaliens, ont été attaqué par des enfants d'un autre clan, ennemi, dont une délégation était présente à un rassemblement des clans. En se défendant, ils ont tué un enfant du clan ennemi.
Les adultes sont intervenus, ont remarqué le meurtre. Les décideurs de plusieurs clans se sont rassemblés, arbitrés par un troisième clan (celui qui avait organisé le rassemblement clanique, mais qui en réalité est allié aux PJ). La sentence aurait dû être la mise à mort d'un enfant ; le clan des PJ étant en position de puissance (grâce à leurs alliés), la peine a été réduite à la mutilation d'une main, divisée en quatre personnes impliquées, ce qui signifie la mutilation d'un doigt par personnage.
Je rassure, oui, les joueurs étaient consentants pour ce type de jeu, même si c'était clairement un moment de RP intense.
Le fait d'évoquer ce passage plutôt qu'un autre est simplement dû au fait que je n'ai que peu d'autres exemples de cas où j'ai autant appliquée le système de justice inspiré des aborigènes d'Australie.
Enfin bref. Pas de patriarche, pas de chefferie, mais des démocraties ou des conseils d'une partie de la communauté, faussés par un système d'influence, et avec un agencement tribal rendant le tout très complexe.
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