Comment organiser un GN de manière efficiente
© 2022 Juhana Petterson
Cet article fut précédemment publié dans Engines of Desire, un ouvrage regroupant des articles de Juhana Pettersson sur le GN. Il est disponible ici (en).
Lorsque je me suis lancé dans l’organisation de GN, il n’y avait qu’une seule façon de faire. Dans le cadre de cet article, j’appellerai ceci le « modèle des Heures Infinies ». Dans les GN suivant ce modèle, une énorme quantité de travail est accomplie par une équipe assez nombreuse de volontaires mus par leur passion. Les organisateurs cherchent avant tout à rendre le GN aussi incroyable que possible par l'emploi massif de trois ingrédients : le travail, le travail et encore le travail. Tout le monde est motivé par le désir de créer autant de trucs cool qu’humainement possible.
Dans de telles productions, l’ambition est reine. Certains des plus grands GN de la tradition Nordique ont été organisés ainsi. Si l’on comptait les heures de travail et que l’on calculait le coût total si tout le monde était payé, on atteindrait des sommes astronomiques. C’est pour cela que les GN créés selon cette méthode placent souvent la barre très haut en matière de qualité.
Des Heures Infinies peuvent permettre de créer de grandes choses, mais elles ont aussi un coût. Quand on suit ce modèle, le burn-out n’est pas loin. Les orgas ne dorment pas. Le stress s’accumule et pousse les gens à complètement abandonner le milieu du GN plutôt que d’avoir à subir à nouveau un tel calvaire.
J’ai moi-même organisé des GN comme ça. Quasiment tous les organisateurs expérimentés de GN nordiques l’ont fait.
Le but de cet article est de proposer une autre méthode de production. Je l’appelle la production efficiente de GN [qui utilise les ressources disponibles de manière optimale (NdT)]. En quoi est-elle efficiente ?
Il ne s’agit pas d’économiser de l’argent. Il s’agit plutôt de mettre au point une méthode permettant de minimiser le stress des orgas et de maximiser l’efficacité de chaque heure de travail. Le but d’un travail plus efficient est de laisser davantage de place au repos, au sommeil et aux loisirs. L’objectif est que les organisateurs soient heureux et emplis d’énergie à la fin du GN, et pas au bout du rouleau.
On peut créer des super GN en suivant le modèle des Heures Infinies, et de très mauvais GN en suivant le modèle efficient, et vice-versa. La qualité des GN que vous organiserez dépendra de votre vision créative et de votre écriture, pas de votre choix de modèle de production. Nous nous préoccupons ici du bien-être des organisateurs du GN, et pas de la qualité de celui-ci. C’est une toute autre discussion.
Travail
Il y a trois façons principales d’organiser le travail nécessaire à la production d’un GN. C’est peut-être contre-intuitif, mais on peut exiger beaucoup plus de travail de la part des gens si personne n’est payé. Souvent les gens exigent même beaucoup plus de travail d’eux-mêmes. Si on paye une partie ou toute l’équipe, des questions d’équité et de répartition de la charge de travail commencent à apparaître, car le projet entre dans le domaine du travail professionnel et rémunéré.
La méthode la plus traditionnelle pour l’organisation de GN nordique repose sur une équipe entièrement composée de bénévoles. Les équipes entièrement bénévoles comprennent souvent un grand nombre de membres, car ces projets génèrent un grand enthousiasme. Les chefs de projet travaillent souvent très dur pendant de longues périodes, s’occupant de détails pratiques ainsi que de la coordination d’équipe. Il n’est pas rare de voir des gens abandonner en cours de route à cause du stress et se faire remplacer par d’autres volontaires. Cela peut arriver à tous les niveaux de l’équipe.
Dans le modèle semi-bénévole, certains organisateurs sont payés, alors que d’autres sont bénévoles. C’est la méthode la plus courante dans les GN les plus professionnels. L’entreprise Participation Design Agency (en) [dont l’auteur est membre (NdT)], organisatrice de GN tels que Baphomet (1) ou Inside Hamlet electro-gn, a mené plusieurs productions de cette manière. J’ai aussi suivi ce modèle pour organiser des GN tels que Enlightenment in Blood (2) et Tuhannen viilon kuolema (Mort par Milles Coupures).
Un détail de Death of a Thousand Cuts [Mort par Mille Coupures], créé selon la méthode décrite dans cet article. Photo par Tuomas Puikkonen sur Flickr. CC BY-NC 2.0.
Normalement, selon un modèle semi-bénévole, sont payés :
- les organisateurs qui travaillent sur le GN pendant une longue période,
- ainsi que les participants ayant des compétences spécialisées, qui ne sont pas disponibles en tant que bénévoles.
Les bénévoles sont utilisés principalement durant le GN lui-même. C’est un modèle similaire à celui qui est largement utilisé par les festivals de musique ou de cinéma dans de nombreux pays.
La difficulté liée à une production semi-bénévole consiste à s’assurer que tous les participants se sentent traités équitablement. Ceux qui sont payés doivent assumer les responsabilités et le stress, tandis que les bénévoles doivent participer à des tâches intéressantes et significatives. Cela signifie qu’il est bien plus dur de justifier de faire peser sur les volontaires le genre de charge de travail extrême que l’on trouve souvent dans les productions purement bénévoles.
Et enfin, dans un modèle professionnel, tous les organisateurs sont payés. C’est très difficile à mettre en place, étant donné la réalité des GN nordiques créés sur-mesure, car même les plus grandes productions ont des budgets très limités. Cela changera peut-être si le financement de GN par l’État ou les fondations culturelles devient plus fréquent.
Si l’on suit un modèle professionnel, les ressources disponibles en termes de main-d’œuvre et de temps de travail sont réduites. Puisque l’on paye les gens pour leur travail, et que ce travail nécessite une rémunération équitable, la quantité de travail effectué par chacun doit être raisonnable. Toute augmentation du temps de travail se répercutera sur le budget, qui est toujours limité.
Un riche personnage dans une galerie d’art, dans Death By a Thousand Cuts. Photo par Tuomas Puikkonen sur Flickr. CC BY-NC 2.0.
Retour sur investissement
Un choix de conception est efficient s’il créé un maximum de jeu intéressant au sein du GN avec un minimum de travail de la part des organisateurs. Cette idée peut être comprise au sens large : un bel accessoire vu par tous les participants, contribuant fortement à leur investissement dans l’univers de jeu, est tout aussi bien qu’une super innovation dans la création des personnages qui permet de pousser les joueurs vers de nouveaux sommets de spontanéité avec moitié moins de texte à écrire. Ce qu’il faut retenir, c’est que la plupart des choix faits lors de la production suivent un calcul basique de retour sur investissement. Ou si ce n’est en termes d’argent, en termes de temps de travail et de stress.
Le processus de production d’un GN doit commencer par une analyse du concept, en se plaçant du point de vue de l’efficience. Le concept central du GN vous parait-il réalisable en suivant le modèle décrit dans cet article ? Il est important de noter qu’il est parfaitement possible que la réponse soit négative. Certaines idées de GN peuvent être réalisées avec efficience, d’autres non. Certains GN ne pourraient pas exister sans le modèle d’Heures Infinies. Par exemple, si le concept repose sur un grand nombre d’expériences individuelles, complètement distinctes et sur-mesure pour chaque joueur ou joueuse, il est probablement impossible de le réaliser selon le modèle efficient.
Maximiser l’efficience des heures de travail des organisateurs permet d’organiser de grands GN avec des petites équipes. C’est surtout utile pour les orgas souhaitant faire du GN leur métier tout en obtenant une rémunération horaire décente. Il n’y a que deux façons d’obtenir une rémunération équitable en tant qu’organisateur professionnel : être payé plus, ou travailler moins. Les contraintes économiques du GN limitant souvent le budget, il est logique de limiter le nombre d’heures travaillées.
Spécialisation
« Dans notre GN, tout le monde touche un peu à tout. »
C’est de loin la pire façon d’organiser un GN.
Chaque organisateur a des ressources qui sont dépensées à des vitesses différentes : temps, énergie mentale, stress. Le temps est la ressource qui est la plus facile à mesurer et répartir, mais épuiser votre capital d’énergie mentale ou accumuler trop de stress mène au burnout et à des problèmes de santé mentale à long-terme.
Je préfère fortement un modèle d’organisation où chacun a un poste clairement défini car cela permet de gérer le stress plus facilement. Si chacun touche à tout, chacun est aussi responsable de tout. Chacun doit stresser à propos de tout.
Au contraire, dans une équipe composée d’organisateurs spécialisés, chacun n’est responsable que de son domaine. Si tout le monde est nourri, le cuisinier peut se détendre et n’a pas à se demander si les ateliers se déroulent correctement. Si l’on fait ainsi, chacun n’a à se soucier que du travail qu’il contrôle et comprend.
Une équipe d’organisateurs.trices spécialisé.es n’est viable qu’avec l’aide de coordinateurs dont le travail consiste à s’assurer que chacun fait sa part de travail. Il s’agit souvent des rôles de productrice, directeur artistique, entre autres appellations similaires. Idéalement, les coordinateurs.trices délèguent au lieu de faire le travail eux-mêmes.
Dans des circonstances idéales, une organisatrice de GN dispose d’une autonomie importante pour s’occuper de ses propres domaines de responsabilités, tout en faisant confiance aux autres membres de l’équipe pour faire leur part de travail. Les coordinateurs s’occupent des problèmes de répartition des tâches. Cela permet une gestion efficace du stress, car le nombre de sujets pouvant en entraîner est limité.
Death By a Thousand Cuts était une simulation de la société de classe finlandaise à l’ombre de la catastrophe climatique. Photo par Tuomas Puikkonen sur Flickr. CC BY-NC 2.0.
Pensée Systémique
Une organisation de GN efficiente implique une pensée systémique wiki [dans le sens de « voir le tout comme un ensemble coordonné, un système » (NdT)]. Idéalement, il ne faut pas penser le GN du point de vue de chaque personnage-joueur. Il vaut mieux créer des systèmes d’interaction permettant les genres d’expériences désirées pour le plus grand nombre de personnages possible. Si une idée ne profite qu’à une poignée de personnages, elle doit être abandonnée.
Il y a plusieurs tactiques que vous pouvez mettre en place pour vous assurer de penser de manière systémique :
Toujours penser les personnages en termes de groupes, et pas d’individus
Vous pouvez établir une taille minimale de groupe, par exemple six pour un petit GN, ou dix pour un plus gros, pour vous assurer que vous ne commencez pas à vous perdre dans la création de contenu individuel.
Recycler
Vous pouvez ré-utiliser la même idée encore et encore, tant que les mêmes joueurs n’en feront pas plusieurs fois l'expérience. Mettons que votre GN ait trois sociétés secrètes. Dans la fiction elles sont différentes, mais aucun personnage ne fait partie de plus d’une. Cela signifie que vous pouvez utiliser le même rituel pour les trois. Cela peut rendre la fiction incohérente d’un point de vue global, mais ce n’est pas comme ça que les joueurs font l’expérience d’un GN. Le chaos et la co-création propres au GN donneront une texture différente à chaque société, même si elles sont identiques sur le papier.
Créer des moteurs d’interactions, pas des intrigues
Une intrigue est une suite d’événements créée de toutes pièces. Cela demande beaucoup de travail, et ce n’est donc pas approprié à la conception efficiente du GN. Un moteur d’interactions est un mécanisme permettant de créer de l’action. Un simple moteur bien conçu peut créer énormément de contenu jouable au sein du GN, libérant ainsi les organisateurs de l’obligation d’avoir à écrire tout leur contenu à la main.
J’ai appris cette méthode en travaillant avec Bjarke Pedersen (3). Dans le GN Baphomet, il y a un collier. Quand vous vous le portez, vous êtes le dieu Baphomet et les autres doivent réagir à votre présence en suivant des règles d’interaction spécifiques. Le collier traverse le GN, arboré par différentes personnes, créant du jeu. C’est très simple, mais ça créé une grande variété d’interactions.
Donner du pouvoir aux joueurs.
Cela ne veut pas dire déléguer une partie de l’organisation aux joueurs et aux joueuses. Il s’agit plutôt de donner aux joueurs.euses autant de pouvoir créatif que possible afin qu’iels puissent interagir avec votre création de manière robuste et active. Cela signifie que tout le contenu que vous créez parvient naturellement à plus de gens, qui l’utilisent de manière plus approfondie. Deux choix de conception qui encouragent ceci sont la transparence, et une fiction solide qui ne s’effondre pas dès que les joueurs commencent à improviser.
Une fois que l’on réfléchit à l’ensemble du GN en tant que système, il est plus facile de choisir quels éléments supprimer, lesquels copier et répéter, et lesquels doivent être créés « à la main ».
La pensée systémique a l’avantage supplémentaire d’aider à repérer les angles morts de votre GN. Par exemple, imaginons que vous créez un GN sur le thème de l’amour. Si vous créez les expériences de personnage individuellement, il est possible de perdre de vue l’objectif et créer par erreur un personnage qui n’est pas connecté au thème de l’amour. La conception à l’échelle du système permet d’éviter ce genre d’erreurs car l’amour est déjà présent dans le système [à travers les règles et mécanismes (NdT)].
Nous avons construit une station de radio en direct pour Death By a Thousand Cuts, appellée Murder Radio. Photo par Tuomas Puikkonen sur Flickr. CC BY-NC 2.0.
Touche personnelle
Tout contenu nécessitant un entretien individuel entre une organisatrice et un joueur doit être supprimé si possible. Idéalement, un organisateur ne devrait s’occuper des joueuses et des personnages qu’en tant que groupe, et pas individuellement, pendant les phases préparatoires de la production d’un GN. Cela change au cours du GN -même, quand il devient important de s’occuper des besoins individuels afin que chacun puisse avoir une bonne expérience.
Par exemple, un processus de création de personnage durant lequel un joueur crée son personnage avec l’aide d’une organisatrice est inacceptable car cela nécessite que l’organisatrice créé du contenu personnalisé pour ce joueur. Cela demande énormément de travail, et c’est donc très inefficient. Par contraste, une création de personnage faite lors d’ateliers animés par les orgas est acceptable car un.e seule orga peut s’occuper d’un grand groupe de participants.
Les joueurs.euses sollicitent le plus les organisateurs.trices entre l’inscription et le début du GN. Selon mon expérience, 95% des questions et autres requêtes demandant l’attention des organisateurs.trices viennent de 5% des joueurs. Pour décourager cette consommation de temps, la meilleure solution que j’ai trouvée consiste à s’assurer que tou.tes les participant.es comprennent bien la vision artistique et la fiction du GN, afin qu’ielles soient assez confiants pour faire leurs propres choix sans avoir besoin de consulter un orga.
Gardez à l’esprit que comme pour tous les conseils présentés dans cet article, il y a toujours des exceptions. Selon mon expérience, travailler avec des participants handicapés afin qu’ils aient une bonne expérience est une utilisation sensée du temps d’un organisateur, même pour une seule personne.
Écriture
Le nombre de mots écrits pour un GN n’est jamais, jamais un signe de qualité. Rajouter du texte n’améliorera pas le GN.
Le contraire est même vrai. Les joueurs et les joueuses sont des êtres humains, et pour cette raison iels ont des capacités cognitives limitées. Leur capacité à retenir des informations à partir d’un texte est limitée par leur nature humaine. Cela signifie que l’objectif de l’écriture de GN est de communiquer autant d’informations que possible avec un minimum de mots. Les informations doivent être claires, concises et immédiatement compréhensibles. Si l’on fait ainsi, les joueurs comprennent tout rapidement et les organisateurs.trices évitent d’avoir à produire un volume de texte inutile (4).
Personnellement, l’utilisation de Larpweaver (5), un outil informatique de gestion de personnages, a révolutionné mon processus d’écriture, car il permet de créer des personnages complexes tout en réduisant le volume de texte nécessaire. Néanmoins, Larpweaver nécessite aussi une approche non-classique de la création des persos, qui ne plaira pas forcément à tout le monde.
Parmi les autres méthodes permettant de réduire la quantité de travail d’écriture, on peut trouver les ateliers de création de personnage, où le travail est confié aux joueurs.euses, ou les concepts de GN qui ne sont pas trop basés sur les personnages et qui ne nécessitent donc pas de longs textes liés à ceux-ci.
Selon mon expérience, la transparence permet d’éliminer une partie du travail qui est liée à l’écriture sans en faire complètement partie. Par exemple, l’envoi des fiches de personnages, une tâche normalement très pénible, peut être éliminé en balançant toutes les fiches de personnage dans un dossier Google Drive auquel tou.tes les joueurs.euses ont accès.
Un décor portable utilisé dans Death By a Thousand Cuts. Photo par Tuomas Puikkonen sur Flickr. CC BY-NC 2.0.
Production Physique
Quand on parle de l’efficience de la production physique d’un GN, notez qu’il ne s’agit pas de lésiner sur la qualité ou le confort. Il s’agit plutôt d’attribuer des ressources efficacement afin qu’un nombre maximum de joueurs et de joueuses profite de chaque élément.
Utiliser des lieux, accessoires et infrastructures existants est probablement la méthode de production physique la plus efficiente. Si vous trouvez le château parfait pour votre école de magie, vous n’aurez pas besoin de passer plein de temps à le décorer. Tout ce dont vous avez besoin est déjà là. C’est un des domaines où le concept du GN doit correspondre aux réalités de la production. C’est quelque chose que l’on entend souvent les organisateurs de GN dire : « J'ai trouvé un décor super ! Maintenant il faut juste que j’écrive un GN pour aller avec. » Ça c’est de la production efficiente !
L’efficience encourage les concepts relativement homogènes, où tous les participants ont des expériences similaires, ou un petit nombre d’expériences distinctes. En termes de production physique, cela implique de se concentrer sur les accessoires et la scénographie des grandes scènes et des grands groupes. Un hall central joliment décoré, de grands accessoires visibles et un éclairage spectaculaire sont de bons exemples d’efficience.
Dans le GN finlandais Proteus, l’équipe de production a construit une simulation de combat dans un hangar pour avions : un décor spectaculaire, avec fumée, lumière, voitures et armes à feu. L’histoire du jeu était telle que tous les joueurs ont fait l’expérience de ce décor par petits groupes. La simulation était une instance répétée (6). En faisant ainsi, un décor qui avait demandé beaucoup de travail bénéficiait à un maximum de participant.es.
Il y a des circonstances où il est logique de faire un effort en termes de production physique, même si cela ne concerne qu’un petit nombre de joueurs. L’efficience n’est pas un absolu. Un bon exemple concerne les restrictions alimentaires des joueurs.euses. Ça peut prendre du temps de s’assurer qu’ils ont accès à des aliments qui leur conviennent, mais c’est nécessaire à l’accessibilité du GN.
Airbnb est une super plateforme pour trouver des décors à la décoration intéressante pour des GNs urbains. Photo par Tuomas Puikkonen sur Flickr. CC BY-NC 2.0.
Abandonnez vos coups de cœur
Imaginez ce scenario : la nuit précédant le GN, le directeur artistique n’a dormi qu’une heure car il a passé sa nuit à sculpter un accessoire cool à la main.
Ne faites jamais ça. À moins que le succès ou l’échec du GN ne dépende de la tâche en question, il vaut mieux abandonner des éléments qui nécessiteraient de sacrifier du sommeil immédiatement avant le GN. Les orgas bien reposé.es font du meilleur travail.
Il est important d’abandonner vos coups de cœur à chaque étape d’élaboration du GN, mais particulièrement lors des dernières phases de production, quand les tensions de vos ressources apparaissent clairement. Et souvenez-vous, le sommeil et le stress sont des ressources. Vous devriez vous assurer que l’équipe soit bien reposée et efficace durant le GN ; et cela nécessite parfois de supprimer des trucs cools à la dernière minute.
Selon mon expérience, le truc cool en question est souvent une solution technologique qui serait vraiment super si elle marchait. Au bout d’un moment, vous devrez décider de vous en passer au lieu de gaspiller des ressources dans une chasse au bug qui ne mènera nulle part. En fait, les solutions technologiques déjà disponibles sur le marché sont quasiment toujours préférables aux prototypes uniques, car elles sont plus fiables.
Les joueurs.euses ne seront pas déçu.es par l’absence d’éléments dont ils n’ont jamais entendu parler. Si vous ne leur avez jamais annoncé qu’il y aurait un vaisseau spatial à taille réelle dans le hall d’entrée, iels ne seront pas déçu.es si ce décor n’a jamais été fini.
Sacrifices
On perd certaines choses en recherchant l’efficience. Une grande partie de l’organisation des GN est motivée par un amour du détail, des super accessoires et des PJ intéressants et uniques. Si vous poussez la méthode efficiente à l’extrême, de telles choses n’ont pas leur place. Vous ne créez que ce dont vous avez besoin, rien de plus.
Personnellement, je ne suis jamais allé jusque-là. Une fois que la machine de production tourne efficacement, on peut parfois trouver le temps d’ajouter quelques petits détails, des petits clins d'œil sympas qui ne seront vus que par une poignée de joueurs. Ce qui importe est de les créer avec votre trop plein d’énergie, pas en prenant sur votre bien-être.
Quand on parle de production de GN efficient, une critique courante des idées présentées ici consiste à dire que l’efficience enlève tout ce qui est amusant dans l’organisation de GN. Si l’on organise un GN avec une équipe de volontaires, c’est un facteur à garder à l’esprit : pourquoi ces gens vous aident-ils ? Idéalement, vous pouvez organiser le travail de façon à ce qu’iels puissent travailler sur les éléments auxquels iels tiennent, tout en leur enlevant les éléments qui les intéressent moins.
Heureusement, si vous vous débrouillez bien, le GN n’en sera que meilleur, car les gens sont en général au sommet de leur créativité quand ils travaillent sur un projet auquel ils croient. En tant que coordinateur.trice, vous devrez parfois supprimer l’un de vos éléments préférés afin qu’un.e bénévole puisse travailler sur un des siens.
Death By a Thousand Cuts se finit sur un meurtre. Photo par Tuomas Puikkonen sur Flickr. CC BY-NC 2.0.
Durabilité
J’espère qu’à long terme, l’organisation efficiente de GN permettra de créer une communauté GNiste durable, que les gens ne quitteront pas pour cause de surmenage. Au lieu de cela, j’espère que les gens pourront continuer à organiser des GN pendant de nombreuses années. De la même manière, ce modèle permet à certains d’entre nous d’organiser des GN de manière professionnelle, offrant au public plus de GN à jouer.
On pourrait remplacer le mot efficience par celui de durabilité [sur le long terme (NdT)]. Le but est qu’à la fin du processus d’organisation, les organisateurs et organisatrices se sentent bien, peut-être un peu fatigué.es, mais quasiment prêt.es à tout recommencer. De cette manière, l’expérience s’accumule au sein de la communauté, de grands projets voient le jour, et les gens prennent du plaisir à travailler sur des GN.
Peut-être même assez de plaisir pour que durant la fête de fin de projet, ils commencent déjà à discuter du prochain !
Article original : Basics of Efficient Larp Production
(1) NdT : un GN Nordique en où les joueurs incarnaient les membres d’une secte mystique au début du 20e siècle. [Retour]
(2) NdT : un GN se déroulant dans l’univers de Vampire : la Mascarade, organisé officiellement par White Wolf, joué simultanément dans dix lieux de Berlin. Voir l’article de Nordic Larp en à ce sujet. [Retour]
(3) NdT : photographe, créateur et directeur artistique de GN danois. Parmi les GN déjà cités, Petersen a notamment participé à Inside Hamlet et Baphomet. [Retour]
(4) NdT : pour une méthode d’écriture de personnage venue du GN Nordique, lire Une bonne description de personnage ptgptb. [Retour]
(5) NdT : Larpweaver n’est plus disponible, mais il existe plusieurs plateformes alternatives, comme larpwriter. [Retour]
(6) NdT : une instance est une scène impliquant un groupe des joueurs.euses séparé du reste de l’univers de jeu. Elle peut être utilisée pour représenter un flashback, un rêve, ou simplement une scène se déroulant dans un autre lieu que le reste du GN. [Retour]
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Commentaires
Skimy (non vérifié)
sam, 17/12/2022 - 15:09
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"Travail" et des notions de maltraitance
Merci à Juhana Pettersson pour ce travail d'écriture (et à la traduction) qui est une base plus que nécessaire que je vais m’empresser de faire lire à toutes nouvelles (et moins nouvelles) personnes qui se lancent dans l’aventure passionnante de l’orga de GN.
Mais j’aimerai souligner que je ne suis pas d’accord avec le chapitre « Travail ».
J’approuve cette proposition des 3 catégories (bénévoles semi-bénévoles et professionnelles) mais pas ce qu’elles impliqueraient.
Pettersson nous dit que : « C’est peut-être contre-intuitif, mais on peut exiger beaucoup plus de travail de la part des gens si personne n’est payé. » car « Souvent les gens exigent même beaucoup plus de travail d’eux-mêmes. » Mais je pense que c’est un problème de partir du postulat que :
Aussi je pense que les « questions d’équité et de répartition de la charge de travail commencent à apparaître » seront le lot communs des organisations qui n’ont pas travaillé sur ce sujet en amont (bénévoles ou professionnelles). Et que dans tous les cas « la quantité de travail effectué par chacun doit être raisonnable. Toute augmentation du temps de travail se répercutera sur le budget, qui est toujours limité. » Au même titre que les ressources (dont humaines) qui sont toujours limité.
La maltraitance (même auto-infligée) est une réalité dans le monde professionel et dans le monde associatif. Faire attention à ses co-orgas devraient être une base de l'organisation d'un projet.
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