Introduction aux contrats sociaux

Les contrats sociaux. Le concept n’est pas nouveau pour les jeux de rôles, ni pour le formidable lectorat de Gnome Stew. Bien que la plupart d’entre nous connaissent le concept, il est bon d’en discuter régulièrement. J’espère que cet article tracera les contours des contrats sociaux et orientera les gens vers des sources qui parlent du sujet bien plus en profondeur. Un contour et une paraphrase, si vous voulez. Allons à l’essentiel et commençons donc ce cours de Contrat Social pour les Nuls.

Concept

Dans leur forme la plus simple, les contrats sociaux sont des accords implicites entre des groupes de personnes. Ce sont des règles tacites que nous acceptons de suivre dans certains groupes. Dans le domaine du jeu de rôle, on peut considérer comme contrat social toute chose implicite concernant la partie qui est évoquée par les joueurs et les joueuses. Les sujets peuvent être n’importe lesquels, concerner la situation de jeu, la partie en elle-même ou encore ce qui se passe au sein du groupe en dehors des parties. En s’asseyant à une table pour jouer à un jeu donné, tout le monde accepte de jouer selon les mêmes règles, et selon les paramètres déterminés par celles-ci. C’est un contrat social.

Pourquoi les contrats sociaux sont importants

Quels avantages peut-on tirer de la définition ou de la discussion des éléments du contrat social dans votre groupe ? Cela peut vous aider à structurer vos parties et définir exactement ce que chacun en attend.

  • Quelle part de la narration devrait être laissée aux joueureuses ?
  • Quels sont les genres de thèmes que le Meneur ou la Meneuse de Jeu souhaite aborder ?
  • Qu’est-ce que les joueureuses trouveraient chouette d’inclure ?

Définir ces éléments peut mettre tout le monde sur la même longueur d’onde. On n’est pas obligé d’écrire formellement les articles du contrat social, mais il est bon de les mentionner pour qu’ils puissent être discutés en groupe.

Quelques exemples de sujets de contrat social :

  • Utilisons-nous des règles maisons ?
  • Où et quand jouons-nous ?
  • Quel est le thème, l’ambiance ou le ton de la campagne ?
  • Quel genre de choses aimeraient faire les joueureuses dans la partie ?
  • Chacun ramène-t-il sa propre nourriture ou on partage ?
  • D'où ils viennent (de ce que j’en sais) :

Le premier endroit où j’ai vu parler de contrat social en lien avec le jeu était dans un article bankuei de Chris Chinn, un théoricien du jeu incroyablement talentueux. Cela dit, les premières discussions sur le concept et les théories des contrats sociaux, en lien avec le jeu, (probablement) eurent lieu sur les forums de The Forge. D’après Ron Edwards, l’une des personnes les plus impliquées dans ces discussions, beaucoup de gens en parlaient, mais les posts originaux ne sont plus disponibles et il est donc impossible de rendre crédit à tout le monde (1).

Même si je sais que le concept de contrat social a été mentionné de nombreuses autres fois dans les médias, dont chez Gnome Stew :

C’est une notion que chaque rôliste devrait connaître.

Alors, est-ce que votre groupe utilise actuellement des contrats sociaux ? Comment votre définition diffère-t-elle de la mienne ou d’autres ? Qu’ajouteriez-vous à la discussion sur les contrats sociaux, ou sous quel nouvel angle pensez-vous qu’ils devraient être vus ?

Article original : A Reminder About Social Contracts

Sélection de commentaires

Swordgleam

Mon groupe présente ça sous la forme de buts. “Je veux mener une campagne sombre.” “J’essaie d’impliquer davantage ton personnage dans le scénario.” “J’aimerais qu’on puisse jouer une semaine sur deux.” On n’a jamais de “contrat social” à proprement parler, mais ça nous arrive de discuter de la direction que prend la campagne et des éléments qu’elle devrait avoir ou pas. Je ne suis pas sûr que râler en boucle sur la personne qui est toujours en retard compte comme “une discussion du contrat social”.

Deadlytoque

On met toujours en place des contrats sociaux (pas forcément ouvertement) pour nos parties. Mon groupe préfère les campagnes à court et moyen terme (pour moi « court » veut dire moins de 10 séances, et « moyen » veut dire moins de 20) et il y a donc beaucoup de discussions avant le début d’une campagne pour en définir les paramètres.

Les termes sont notre “paquet standard” de règles maison, et la détermination de l’ambiance et du ton. Par exemple, dans D&D, ce sera souvent “Je veux que tous les personnages viennent de Tel Endroit et aient Tel Lien”. Dans les jeux du Monde des Ténèbres, on a quelques ajustements de règle simples (des armes à feu plus léthales…) et dans une future campagne d’Exterminateur que je compte maîtriser, je vais faire quelques changements de plus.

Un problème qu’on a souvent et qui peut être résolu par des “contrats sociaux” plus explicites est celui des personnages complètement hors-sujet. Il y a il y un noyau dur de joueurs dans mon cercle social, qui jouent ensemble à Vampire (La Mascarade et Requiem) depuis presque 10 ans, donc on a parfois des présupposés sur l’univers et l’ambiance qu’on ne partage pas explicitement aux joueurs et joueuses qui découvrent le jeu ; ce qui peut causer de la discorde lorsque ces personnes franchissent les limites invisibles.

Je n’y connais pas grand-chose à l’emploi du concept de contrats sociaux dans le JdR, mais employer un terme aussi établi dans la théorie politique m’agace un peu, parce que, dans ce contexte, sa définition n’est vraiment pas claire (ex : Rousseau vs. Locke vs. Le Léviathan de Hobbes). J’espère que le terme est plus solide dans les cercles rolistes.

NdT: Frontispice du Leviathan wiki (1651) ouvrage de Thomas Hobbes,
où apparait le terme Contral Social pour la première fois.
Toute ressemblance avec un MJ régnant sur son univers...

Scott Martin

Les contrats sociaux tacites (ou dont on ne parle pas directement) sont délicats mais si vous tolerez les erreurs, il est assez facile d’acclimater tout le monde sans longs discours ou jargon juridique.

Pour moi, les aspects purement sociaux, hors-jeu, sont les éléments du contrat social les plus critiques et ceux qui ont le moins de chances d’être explicites pour des néophytes. Quelques éléments que John n’a pas mentionnés incluent :

  • Comment on décide des gens qui composent le groupe ? Qui a le droit d’inviter de nouvelles personnes ?
  • Qui est responsable de la commande de la nourriture ? Comment on paye ? Est-ce qu’on peut ne pas participer (par exemple en amenant sa propre nourriture) ?
  • Peut-on critiquer les autres joueuses ou le/la MJ ? Est-ce qu’on le fait en bandes, on se plaint directement au MJ, ou on balance ça à la table ?
  • Est-ce qu’on s’offre des cadeaux de noël ou d’anniversaire ? On fait ça pendant une partie ou à côté ? On ramène quelque chose pour tout le monde ou juste pour nos potes ?

Kurt “Telas” Schneider

Hé bien... Par où commencer ?

Je n’aime pas non plus le terme “contrat social”, mais c’est celui qu’on a. (Je préfère “charte de partie” mais bon...)

Règles du jeu :

  • À quel jeu joue-t-on, à quelle version, avec quelles règles maison ?
  • Quels livres de base et suppléments sont autorisés ?
  • Combien de temps peut-on passer à discuter en groupe avant de prendre une décision ? Qui prend les décisions finales ?
  • On joue dans quel genre (précisément) ? À quel niveau de puissance ?
  • À quel point les personnages-joueurs sont-ils “spéciaux” ? Quel est le niveau de léthalité de la campagne ?
  • L’univers est-il “riche” ou “pauvre” ? Y aura-t-il plus d’approximations ou de réalisme ?

Règles de parties :

  • La nourriture, la boisson et “le reste”.
  • Les distractions et leurs limites.
  • Les heures d’arrivée et de départ, et leur rigidité.
  • Les limites aux discussions “hors personnage”.
  • Qu’est-ce qui se passe avec votre personnage quand vous ratez une partie ?
  • Combien de personnes peuvent être absentes avant qu’on annule ?
  • On joue chez qui, et cette personne a-t-elle des préférences ?
  • Quel est l’autorité du ou de la MJ (s’iel en a) ?

Règles de groupe :

  • Qui joue ? Qui peut inviter de nouvelles personnes ?
  • Qui décide au final de qui peut nous rejoindre ou non ? (2)
  • Comment on gère les joueureuses problématiques ?
  • Comment on fait en cas de distribution inégale du travail et des récompenses ?

Quand vous parlez de ce genre de choses, définissez vos termes. “High fantasy” peut vouloir dire n’importe quoi, comme “Pulp” ou “sombre et sale”.

BryanB

Je pense que j’ai une règle primordiale qui m’a été particulièrement utile tout le long de mon implication dans la communauté rôliste. Elle me vient de l’exemple que m’ont donné mes parents et je leur en suis particulièrement reconnaissant.

« Traitez tout le monde de la façon dont vous voudriez que l’on vous traite. »

Les règles de base et les “contrats” sociaux sont des aspects importants de la formation d’un groupe de jeu, c’est certain ; mais je me suis rendu compte que ma règle numéro un m’a plus servie dans mes expériences rôlistes (et autres relations) que n’importe quelle autre.

Donc si je peux le dire simplement, ma règle essentielle numéro un est : “Ne soyez pas des connards. Traitez les autres avec respect. Ne tolérez aucun irrespect envers quiconque autour de la table. Résolvez les problèmes personnels loin de la table de jeu – essayer de les résoudre au cours de la partie est une grosse erreur. Rappelez-vous qu’on fait ça pour nous AMUSER.

La deuxième règle est la communication. Le groupe se retrouve rapidement dans une impasse si tout le monde n’a pas une idée de ce à quoi iels veulent jouer, et comment. Gardez ces lignes de communications ouvertes. Il y a beaucoup d’autres articles sur Gnome Stew qui parlent de ce genre de choses.

Patrick Benson

Je fais aussi partie de ceux qui n’aiment pas le terme “contrat social” et je préfère l’appeler la charte du groupe, comme Telas l’a mentionné plus tôt. Pour moi, un contrat traite de conditions et d’attentes, ce qui est important ; mais avec un groupe de jeu ce qui m’intéresse plus c’est de savoir où le groupe se dirige en tant qu’entité solidaire. C’est pourquoi j’utilise le mot charte, parce que ça vise à déterminer les objectifs et la façon de les atteindre, et ce n’est pas un accord figé dans le marbre.

Peu importe comment vous l’appelez, à la fin de chaque séance, essayez d’avoir des retours sur ce qui marche ou pas. Traitez votre charte, - contrat, qu’importe - comme un accord vivant, à régulièrement mettre à jour. Comme d’autres l’ont dit, la communication est la clé d’un bon groupe de jeu.

John Arcadian

J’ai toujours été surpris d’entendre cette réticence envers l’emploi du terme contrat social. Je sais que le concept est bien reçu, mais le terme est presque universellement critiqué. D’une certaine façon, ça peut avoir du sens. Un contrat paraît limitant et contraignant, ce qui est vrai en un sens.

@ Scott Martin : Je n’ai jamais été vraiment sûr d’où placer la limite sur ce que j’inclus dans le contrat social. Tu as tout à fait raison de dire que ces sujets peuvent faire partie du contrat social, mais pour moi ils semblent faire partie d’un autre contrat qui régit la façon dont les joueurs et joueuses interagissent entre elles en tant qu’amie-s. Ils ne concernent pas vraiment la partie à proprement parler, mais la structure du groupe.

Tu as tout à fait raison de dire que ces sujets sont difficiles à appréhender pour de nouvelles personnes. Comme Deadlytoque l’a mentionné en parlant de son groupe de Vampire, cela peut être très dur de se trouver dans cette position et de devoir faire l’effort de comprendre et s’adapter à l’ambiance. Les membres de mon groupe de Vampire ont joué ensemble une grande partie de leurs vies et c’est moi le nouveau-venu. Après environ un an et demi à jouer avec iels je commence tout juste à m’adapter à leur Monde des ténèbres.

@ Kurt “Telas” Schneider : Bien vu d’inviter à définir ses termes. Je sais que pour moi, la High Fantasy est presque du Steampunk avec de la magie, alors que quelqu’un d’autre dans mon groupe l’interprète très différemment

@ BryanB : C’est absolument la règle pour la vie.

@ Patrick Benson : Tu as raison, les retours et la communication sont incroyablement importants. Je sais que les fois où on a utilisé des contrats sociaux plus rigides, on les a modifiés en fonction des retours. Souvent on suit le contrat social implicite, à la nuance près que le-a MJ a le dernier mot en cas de problème. Ensuite, on lui remonte nos retours pour qu’il ou elle puisse les utiliser pour ajuster ses décisions.

(1) NdT : On retrouve cependant la synthèse des discussions sur le contrat social dans la 6e partie du Big Model ptgptb. [Retour]

(2) NdT : Le conseil n°5 de Je n’arrive pas à trouver des joueurs ! ptgptb recommande des « entretiens d’embauche » [Retour]

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