Planifier et ajuster
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présente
Quelques astuces pour rendre les scénars plus captivants
Ma dernière partie de D&D s’est terminée par la victoire sur Tantine Mengybone (en), la guenaude des ronciers d’élite, cause de tant de soucis aux PJ depuis un bail. Un de mes joueurs a regardé le carnage sur la carte. “C’était tendu du slip pendant un moment, là. Sincèrement, je me suis demandé si on allait gagner.”
En vérité, moi aussi. Ou, au moins, c’est ce qui m’inquiétait la semaine précédente.
La vérité, c’est que mes joueurs ont l’air de croire que j’ai le don incroyable de jauger exactement ce qu’ils peuvent subir pour leur donner l’impression que tout est perdu… mais pas au point de les submerger totalement. Et, c’est vrai, j’ai un certain talent pour ça, mais c’est en partie parce que j’ai appris quand ajuster mes plans, quand ajouter secrètement un bonus et quand faire faire une action stupide à un monstre. Et j’aimerais partager avec vous ce que j’ai appris. En espérant que ça vous permettra de rendre les batailles de vos parties encore plus intenses… Le genre de batailles que les joueurs ont l’impression d’avoir remportées d’un cheveu.
Organisation minutieuse
Il n’est pas surprenant que la première chose que je fais lorsque j’organise une aventure, c’est de considérer les combats que j’estime probables. Bien que mes parties ne soient pas intrinsèquement orientées combat, ces derniers ajoutent une tension dramatique à l’aventure et permettent aux joueurs de se vanter de leurs talents tactiques. Regardons les choses en face… Les combats sont funs s’ils sont trépidants donc autant leur accorder toute mon attention dans la préparation du scénar.
Comme je l’ai dit dans de précédents articles, je reprends les concepts des rencontres basiques de la 4e edition de D&D, je m’assure autant que possible de la présence d’un rebondissement ou d’un mécanisme intéressant dans tous les combats et je choisis les monstres qui seront chouettes et intéressants à combattre. Une fois ce cadre posé, je peux penser aux monstres qui en auront après des personnages particuliers, ou qui entreprendront des actions spéciales.
- Un garde gobelin fuira-t-il le combat pour sonner l’alarme ?
- Puisque l’ours-hibou a tellement de put*** de points de vie, vais-je le lâcher dans une sorte de folie meurtrière provoquant des attaques d’opportunité (offrant ainsi la possibilité aux PJ de pouvoir utiliser leurs pouvoirs spéciaux ?)
- Y a-t-il des morceaux de dialogue ou des manies des persos que je veux inclure ?
Je prends des notes en même temps que j’organise. Mais je me tiens également prêt à tout balancer par la fenêtre. Autant je veux des combats trépidants et intéressants, autant je veux aussi que l’intrigue progresse. Je ne suis pas fan des combats bouche-trous. Je veux qu’ils servent de lien entre le monde et les PJ ou qu’ils fassent progresser l’intrigue. Et si l’abandon d’une idée que j’avais me permet de favoriser ces objectifs, alors je suis prêt à le faire. Je pourrai toujours utiliser cette idée dans une autre trame narrative, plus tard. La clé pour continuer d’avancer, c’est la flexibilité.
Augmenter les mises de départ
Parfois, quand une aventure progresse, je me rends compte que les Personnages-Joueurs se baladent dans des rencontres que j’imaginais difficiles. Peut-être ai-je sous-estimé l’efficacité de leurs attaques ou de leur coopération dans un affrontement donné, ou peut-être est-ce la faute des dés.
Eh bien, ce qui est bien quand on joue avec un MJ humain (contrairement à un ordinateur), c’est que le MJ peut faire des ajustements à la volée en décidant de changer la difficulté de la situation. Cela peut vraiment faire la différence entre un combat mémorable et un combat qui ne sera qu’un chiffre de XP en plus.
Une des choses les plus tristes qui soient arrivées dans mes parties, fut la prompte défaite du Dragon Rouge Colossal que j’avais balancé à mes joueurs vers la fin de ma campagne D&D 3.5. En trois tours, avec un sort d’Implosion lancé par le prêtre et un 1 sur le jet de sauvegarde du dragon. Ça a enlevé tout le piment du combat, je peux vous le dire. Heureusement, la 4e édition n’a pas ce genre d’attaque de “mort instantanée” des précédentes éditions. Mais c’est quand même triste de voir un monstre censé inspirer effroi et terreur tomber sous des attaques éclairs.
Ceci dit, piper les dés n’est pas non plus trop mon truc. Il m’arrive quelquefois, malgré tout, de donner à un monstre un “coup de pouce”. Leurs attaques touchent toutes mon veilleur ogre ? Eh bien, dès qu’il saigne, je pourrais bien booster ses défenses. Mes joueurs savent que certains monstres possèdent des pouvoirs spéciaux lorsqu’ils sont en péril, donc ce n’est pas vraiment tiré par les cheveux. Ça ne ruine pas la partie mais permet de conserver un monstre important plus longtemps dans le combat, et de lui donner (ainsi qu’aux Personnages-Joueurs) l’occasion de se la péter avec toutes ses (leurs) super capacités.
Parmi les ajustements improvisés, j’ajoute aussi les renforts, soit d’autres monstres du même type arrivant de couloirs dégagés ou même des ”créatures invoquées” ou des “morts-vivants revenus à la vie”. Cela marche mieux si vous avez déjà quelque chose qui colle dans vos notes, comme le fait de donner à un nécromancien la capacité de créer des zombies sur une action simple. De cette façon, si vous n’en avez jamais besoin, vous pouvez l’ignorer, mais en cas de nécessité, vous pouvez l’amener en jeu.
Il est important de souligner que, quand je fais vraiment entrer en jeu ce genre de chose, je donne aux joueurs la possibilité de s’en débarrasser. Si le nécromancien invoque des zombies à chaque tour et que les joueurs tuent le nécromancien, alors plus aucun zombie n’entre en jeu. Tantine Mengybone pouvait se soigner en volant l’énergie de son prisonnier incarné féerique (archfey). Une fois que les joueurs s’en sont aperçus, ils ont réparti leurs efforts entre la mêlée et mener un défi de compétence pour libérer l’incarné féerique. Une fois ce dernier libéré, ils ont pu rapidement inverser le cours du combat et défaire leur ennemi. Mais jusqu’à ce moment-là, c’était, comme dit précédemment, tendu du slip.
Baisser d’un ton
Parfois, malgré une bonne organisation, une bonne gestion des ressources et une bonne interprétation, le destin semble s’acharner sur le groupe de PJ là où ça fait mal. Le plus souvent, la poisse gagne les dés et les choses prennent une mauvaise tournure. Dans de telles situations, j’essaie de trouver des moyens d’aider les joueurs. Je déciderai peut-être de ne pas jeter les dés pour recharger un pouvoir spécifique pendant ce tour-là. Ou peut-être que je rendrai les monstres un peu plus présomptueux. Ils sont en train de l’emporter, non ? Pourquoi ne pas délibérément ignorer la marque du paladin (1) ? Ils ont des points de vie d’avance et ils peuvent se vanter de pouvoir encaisser.
Si j’avais prévu des renforts, peut-être déciderai-je de ne pas les faire entrer en jeu, ou favoriserai-je les joueurs pour qu’ils les empêchent d’arriver. Le nécromancien doit peut-être faire un jet d’Arcanes pour invoquer ses zombies, auquel cas le sorcier d’un des joueurs peut tenter de le contrer avec un autre jet d’Arcanes.
Parfois, ce ne sont pas les joueurs ou les dés qui posent problème… mais vous. J’ai compris ça récemment car, même si j’avais rétrogradé quelques monstres d’élite à normal, leur feuille mentionnait toujours des dommages d’élite. Les joueurs cramaient donc leurs ressources de soins beaucoup plus que nécessaire, ce qui les mettait en situation de faiblesse face à un ennemi particulièrement coriace et encore frais.
Dans un cas comme celui-ci, je trouve un moyen de donner aux PJ une façon inattendue de se soigner ou de régénérer leurs capacités. Peut-être une potion de soins traîne-t-elle sur la table de l’alchimiste, ou bien un cercle magique leur permet-til de s’attirer les faveurs des dieux lors d’un combat dans un lieu sacré ? Ce n’était pas prévu au départ, mais ça permet de rattraper l’erreur précédente.
Application – un exemple concret
Le combat final avec Tantine Mengybone était prêt. À côté de la guenaude des ronciers d’élite, je plaçai trois golems d’os que j’avais dégradé d’élite à normal, pour représenter le fait que c’étaient de simples constructs d’os et non des golems finalisés. J’ai aussi ajouté une bête éclipsante que Tantine appelle “Fluffy”. C’était un combat difficile mais équilibré pour un groupe de six PJ de niveau 8.
En plein combat, j’ai réalisé que les golems d’os infligeaient beaucoup trop de dégâts. Même si j’avais correctement baissé leurs points de vie et leurs défenses, leurs dommages étaient restés au niveau élite. Mais je ne l’avais pas remarqué jusqu’à ce que je touche les PJ avec certaines attaques des golems. Je me suis dit “Ça m’a l’air bien fort” et j’ai réalisé ensuite mon erreur.
Par chance, la session s’est terminée en plein combat, avec tous les monstres abattus sauf Tantine Mengybone, mais les PJ dans une mauvaise passe… Ils avaient dépensé presque tous leurs pouvoirs de rencontre ou quotidiens, et plusieurs PJ manquaient de récupérations ou n’en avaient plus qu’une. Si on avait continué, j’aurais effacé le groupe à cause de mon erreur.
Entre deux sessions, je me suis demandé comment je pouvais remédier à ça. Je voulais faire de Tantine Mengybone un ennemi inoubliable, donc je ne voulais pas lui enlever de sa puissance. Je lui avais donné un pouvoir de guérison sous la forme d’une ponction d’énergie de l’incarné féerique qu’elle retenait prisonnier. Même si je ne voulais pas lui enlever ça (les PJ détestent au plus haut point les ennemis qui peuvent se soigner), je voulais donner aux joueurs quelque chose dont ils puissent aussi tirer bénéfice.
J’ai étendu le défi de compétence pour libérer l’incarné féerique. À partir de là, s’ils faisaient un succès critique pour certaines compétences, l’incarné féerique captif les aiderait. Je les ai autorisés à choisir entre donner deux récupérations aux membres du groupe, utiliser une récupération, ou régénérer un pouvoir de rencontre. Cela octroyait une récompense concrète à ceux qui choisissaient de sortir du combat pour aller aider l’incarné féerique, et donnait aux PJ un moyen de rester dans la course, même si leur adversaire restait en forme.
Comme je ne voulais pas que tous les PJ s’embarquent dans le défi de compétence et le torchent en deux tours, j’ai donné à Tantine une nouvelle attaque, moins destructrice que les précédentes, mais qui effaçerait une de leurs réussites. Le combat est donc plus devenu une situation de va-et-vient qu’une confrontation classique.
Pour terminer, j’ai déterminé les conditions d’une fuite de Tantine. Les PJ auraient de nombreuses occasions de la rattraper mais je savais que cette capacité changerait la configuration tactique du combat.
Le combat a donc suivi le rythme suivant. Les PJ se sont lancés contre Tantine Mengybone et ont découvert qu’elle pouvait se guérir grâce à sa connexion avec l’incarné féerique. À ce stade, la moitié d’entre eux se sont retirés du combat pour libérer l’incarné féerique en entamant le défi de compétence, pendant que l’autre moitié occupait Tantine. Leur Contrôleur fut particulièrement utile dans cette situation car il utilisait ses pouvoirs pour la forcer à rester à l’écart du défi de compétence.
Une fois le défi de compétence terminé, on est passé à un “tous sur Tantine Mengybone”, jusqu’à ce qu’elle atteigne les conditions de fuite. Elle a utilisé un pouvoir pour se retirer du combat et a commencé à fuir en forçant les joueurs à changer de tactique pour l’attraper et la maintenir en place pour ensuite en venir à bout. Quand tout a été fini, les joueurs ont laissé échapper un soupir de soulagement et ont reconnu qu’ils n’avaient pas été certains de gagner.
À votre tour
Est-ce que vous avez des conseils avérés et éprouvés pour rendre un combat intense mais pas impossible ? Faites-vous des ajustements à la volée ou bien laissez-vous les dés faire le boulot ? Est-ce que vous pensez que je suis à côté de la plaque en gérant ce genre de situation comme je le fais ? Faites-le-nous savoir.
Commentaire de Vhex
Bon article. Ça m’a souvent tracassé de savoir comment équilibrer les combats pour mes joueurs. Je ne veux pas que chaque rencontre soit une épreuve, mais je ne veux pas non plus que ce soit une promenade de santé. Je fais les mêmes choses que toi pour que ça reste intéressant.
Un bon point en particulier, c’est de faire progresser l’histoire à chaque combat. J’ai joué (et maîtrisé) des tas de parties où un enchaînement de combats ressemblait juste à de la progression tactique de donjon (dungeon crawl) et l’esprit vire rapidement au “on nettoie tout ça”. Je fais donc en sorte qu’il y ait des éléments d’intrigue.
J’aime aussi beaucoup l’idée que chaque combat est différent et que chacun a un mécanisme que les deux camps peuvent utiliser si les conditions le permettent.
Une des choses les plus dures, je trouve, c’est de faire faire des trucs stupides aux monstres. Ce n’est vraiment pas aussi facile que ça en a l’air. J’essaie de planifier à l’avance la “personnalité” de mes monstres afin de savoir lesquels ignoreront une cible et lesquels seront suffisamment malins pour prendre à revers le lanceur de sort. De la sorte, la façon dont ils jouent en combat correspond à la personnalité que je leur ai imaginée. Je peux amplifier cela au besoin si le groupe de PJ est dans une mauvaise passe.
Pour aller plus loin avec PTGPTB
D&D4 c’est encore les donjonneux qui en parlent le mieux ptgptb : un JdR centré sur les combats ?
Article original : Plan & Adjust – GGG Shares Some Tips for Making Adventures More Hair-Raising
(1) NdT : L'aptitude Défi divin du paladin lui permet de marquer une cible. Cette dernière subit un malus et des dégâts si son attaque ne vise pas le paladin. [Retour]
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