La Vie continue

L’une des choses les plus agréables que les gens aient pu dire de mes différentes campagnes de jeu de rôle, c’est qu’elles donnent l’impression d’être des lieux réels dont les joueurs ont un aperçu toutes les semaines (ou presque). Ils sont impatients de visiter les endroits qu’ils aiment. Ils sourient ou se renfrognent vraiment quand certains PNJ réapparaissent et ils cherchent toujours à connaître les nouvelles ou les rumeurs de régions éloignées.

En un sens, c’est absurde, bien sûr. Mon monde ne continue pas vraiment à vivre quand les joueurs n’y jouent pas. Mais j’ai réussi à créer l’illusion d’un monde qui change et qui évolue, par une série d’astuces que j’ai apprises au fil des ans.

J’ai pensé partager certaines de ces tuyaux avec vous, mes chers lecteurs. Ce sont des astuces pour faire en sorte que vos joueurs ressentent que, contrairement à un monde qui se fige quand ils n’y sont pas, le monde continue de vivre sans eux.

1. Les rumeurs des pays lointains

À l’époque de la 1re édition de D&D, nous avions le premier supplément Oriental Adventures. Même si cela ne m’intéressait pas vraiment de mener une campagne dans une Asie de fantasy, il y avait quelque chose qui me fascinait et dont je fis un usage considérable. Il y avait à l’intérieur une table d’événements aléatoires pour chaque région de votre monde de campagne. On pouvait s’en servir pour enrichir les histoires, aider le meneur quand les personnages cherchent à connaître les nouvelles d’ailleurs, etc. J’ai totalement adopté ce concept, en développant de grands calendriers d’événements pour toutes les régions de mon monde de campagne, et tout noté dans un carnet qui ressemblait plus ou moins à la feuille de calcul d’une base de données.

Bien que je ne me sente plus obligé de faire une tonne de jets de dés sur les tables aléatoires, je réfléchis en revanche sur ce qu’il se passe dans les parties du monde qui sont relativement proches de celles où se trouvent mes personnages et de celles où ils ont des chances de se trouver. Puis, quand les personnages-joueurs rencontrent des voyageurs sur la route ou écoutent les rumeurs dans une taverne, je peux parler des rumeurs, même en faisant se contredire les voyageurs. “J’ai entendu dire que les orques sont en train de se rassembler dans le sud suite à une insulte des barbares des terres du sud”. “Eh bien, moi j’ai entendu qu’ils cherchent quelque chose là-bas et que l’insulte n’est qu’une excuse”.

Dans le modèle Sandbox with Benefits que j’ai décrit dans mes précédents articles, la machine à créer des rumeurs est un outil formidable pour moi. Je peux lancer des bribes qui pourraient être des histoires, et voir lesquelles intéressent les joueurs. Au tout début de ma campagne, les personnages-joueurs ont entendu des rumeurs : une guerre avec les orques couvait dans le sud. Quelques mois plus tard, ils ont suivi ces rumeurs et la guerre orque est à présent l’intrigue principale.

2. Changer les rôles

Dans la vie réelle, les gens ne restent pas figés. Les relations changent. Des personnes trouvent un nouveau travail, des gens partent, d’autres meurent et d’autres naissent. Si vos PNJ restent figés dans le jeu, alors ils ressembleront davantage à des PNJ de jeux vidéo, toujours là à attendre que les PJ viennent les voir et leur parler, sans aucune vie propre.

Je suis un grand fan de la série de MMO Ultima, j’ai joué à tous les jeux de cette série. Dans Ultima 1.4, les PNJ restent figés, sans aucun mouvement. Ils ne sont littéralement là que pour que les PJ viennent leur parler. Dans Ultima 5, ils ont ajouté une petite touche qui faisait une grande différence. On a donné aux PNJ un parcours et des lieux selon l’heure de la journée. Un PNJ pouvait dormir la nuit, rendre visite à son mari en prison le matin, tenir un magasin pendant la journée, se rendre à la taverne pour le dîner, rendre à nouveau visite à son mari, puis rentrer et dormir.

Ce petit élément a représenté un saut remarquable dans la réalité de Britannia [l’univers d'Ultima (NdT)] pour moi. Les gens me sont soudain apparus tellement plus réels parce qu’ils ne restaient pas seulement dans un même lieu à m’attendre. Ils semblaient avoir leur propre vie et j’imaginais qu’elle continuait une fois que je quittais la ville.

Les PNJ de votre campagne devraient être perçus ainsi. Quand les PJ ont quitté une ville un moment, je réfléchis un peu sur ce qui pourrait s’y passer après leur départ. Ai-je fait allusion au cordonnier qui avait des tendres sentiments pour la serveuse ? Je pourrais impliquer ces personnages d’une manière plus évidente la prochaine fois que les PJ reviendront, et les rendre plus clairement intimes ou je pourrai choisir une voie totalement différente et faire en sorte que la serveuse flirte avec le forgeron sous les yeux du cordonnier meurtri. Peut-être que les PJ interviendront et inciteront le cordonnier à être courageux, ou qu’ils le pousseront à trouver une autre femme. Ces détails sont-ils importants ? Pas vraiment, mais ils rendront les choses bien plus réalistes.

3. Le temps ou pas le temps…

C’est amusant… Il y a quelque chose dans notre culture de si élémentaire et de si présent que le simple fait d’en parler est presque devenu le mot d’ordre dans une conversation banale. Mais malgré cela, c’est plutôt rare de l’entendre mentionné dans un jeu de rôle, à moins que ce ne soit pour illustrer des conditions extrêmes. Je veux bien sûr parler du temps qu’il fait.

Même s’il est plaisant de situer un beau combat pendant un orage ou de parler d’un blizzard aveuglant, ce sont des extrêmes. C’est simple ; presque tous les jours, la météo est normale, mais c’est bien de savoir si la météo est normale ou pas.

Je me sers d’un générateur de climat aléatoire pour prendre quelques notes sur le temps qu’il fait dans la région que traversent les PJ (1) . Bien que je ne décrive pas continuellement à mes joueurs le temps à chaque moment de la journée, je dis des choses comme : “Votre voyage d’une semaine se fait principalement sous un ciel couvert, ponctué par des averses occasionnelles. Il fait exceptionnellement chaud pour cette période de l’année”. Une fois de plus, ce n’est pas un détail crucial. C’est peu de choses mais ça renforce la réalité du monde du jeu.

3bis. Économiquement raisonnable

Je ne vais pas vous suggérer que vous devriez être informé des subtilités d’une économie mondiale, mais ça ne fait pas de mal d’en connaître les grandes lignes. Je ne connais pas les tenants et les aboutissants de l’offre et de la demande de mon monde, mais je peux vous dire que les nains de Kurdenheim échangent le charbon avec les halflings du Dalenshire, contre du poivre des marais qu’on trouve le long de certaines rivières qu’on appelle la Route du Poivre.

Non seulement un petit détail comme celui-ci rend le lieu plus réaliste mais il met aussi en valeur un vivier d’histoires possibles. S’il survient une mauvaise année pour le poivre des marais, alors les halflings pourront connaître un hiver rigoureux. Cela pourrait déboucher sur toutes sortes d’histoires, où les PJ tenteront d’aider leurs amis halflings, ou bien les halflings se déplaceront vers le sud le long de leurs rivières, ce qui les amène à entrer en conflit avec les yuan-ti qui vivent dans les bayous.

Pour conclure

Cela ne requiert pas un effort considérable d’ajouter quelques éléments qui peuvent faire la différence pour que votre monde de campagne paraisse réel. S’il semble être un monde avec des éléments du monde réel comme : une économie, un climat, un calendrier, une histoire et des gens qui vivent et vieillissent, alors vos joueurs l’apprécieront pour ce qu’il est, et pas seulement pour un tableau vivant qui attend qu’ils y entrent et vivent une aventure.

À votre tour

Pensez-vous que j’aille trop loin dans ce que j’ai fait pour rendre ma campagne vivante ? Avez-vous vos propres astuces pour donner vie à votre monde de campagne vivant ? Faites-nous part de vos commentaires.

Sélection de commentaires

Commentaire de Jason

J’aime les petits détails comme ça, et tente également de les inclure dans mes parties. J’aime aussi ajouter un peu de “rencontres” aléatoires à l’occasion, comme la découverte d’un puits à souhaits, juste pour faire grandir un peu [le monde].

En ce qui concerne le climat, je le tire au hasard, mais quelques mois de jeu en avance. J’essaye de tenir le groupe informé du temps chaque jour, et lors de ma dernière session, j’ai remarqué que certains joueurs aimaient beaucoup ça, et que d’autres s’en foutaient royalement, trouvant que c’était une information totalement inutile (même si cela ne prend que 5 secondes à communiquer).

Commentaire de Xaov

Je suppose que cela marche mieux avec des campagnes à plus “petite échelle”, mais la continuité peut marcher. Je mène une campagne dans le Monde des Ténèbres depuis 5 ans. Sauf exception, aucun des personnages entrés dans ma campagne n’en est sorti.

Parfois quand j’ai des joueurs qui jouent plusieurs campagnes dans ce monde, leurs personnages rencontrent leur ancien perso. Cette continuité leur a permis d’avoir une base sur laquelle s’appuyer.

Parfois ils ont adoré mes PNJ mineurs, donc mes joueurs ont lié certains des aspects de leur PJ à ces PNJ. En plus cela me donne une quantité d’idées à exploiter.

Article original : Life Goes On – Three Tips to Make Your Campaign World Seem to Live

(1) NdT : PTG vous en propose un avec 2d6 : les dés météos  [Retour]

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