Parler le jargon donjonnesque
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présente
Termes et concepts du passé de D&D, que vous ignorez peut-être
J’ai eu une conversation amusante avec un de mes joueurs la nuit dernière. Pour lui, D&D commence et finit avec la 4e édition ; il n’a jamais joué avec une version antérieure. Je ne me souviens pas comment la conversation a commencé, mais j’ai mentionné quelque chose à propos de mes espoirs pour D&D Next [le nom de travail de Donjons & Dragons 5e édition (NdT)]… et en particulier sur les “facteurs de vitesse”. Si jamais ils faisaient leur retour, j’espérai que ce serait un paquet de règles dingues que je pourrais ignorer.
Il haussa les sourcils. “C’est quoi est un facteur de vitesse ?”
En deux temps trois mouvements, nous sortions les vieux bouquins de D&D des étagères, exhibant des tableaux, et parlant de choses comme les limites des niveaux selon la race, les jets de sauvegarde contre la pétrification et la métamorphose, et le Grand Maître de fleurs (1).
Il me sourit. “Je pense que tu tiens le sujet de ton prochain article de GeeksDreamGirl. Il faut que tu éduques les gens comme moi, parce que c’est vraiment sympa de découvrir tout ça”.
Alors on y va. Cet article portera sur quelques phrases, concepts et terminologies du passé de D&D que vous pourriez n’avoir jamais abordés, si vous avez découvert ce jeu en commençant par la 4e édition… ou même par la 3e. Et pour ceux qui connaissent D&D depuis le début, peut-être le lirez-vous avec un sourire nostalgique, ou direz-vous “Hé, ces jets de Choc Métabolique [jet de résistance aux traumatismes, complémentaire aux jets de sauvegarde (NdT)] étaient vraiment un attrape-couillon !”
Le Facteur de Vitesse
Il me semble juste de commencer avec la partie qui m’inspire le plus. Il était une fois, chers lecteurs, un temps où il n’était visiblement pas assez “réaliste” de simplement lancer un dé et d’ajouter un modificateur de Dextérité pour voir qui agissait en premier. En fait, si je me souviens bien, la Dextérité n’avait rien à voir avec votre rapidité durant le combat. Au lieu de cela, ce que vous faisiez déterminait à quelle vitesse vous le faisiez.
Chaque arme, sort, et certaines actions avaient un facteur de vitesse. Lorsque vous aviez lancé votre d6 d’initiative pour votre groupe (oui, c’est la vérité… un seul d6 pour l’ensemble du groupe), et que vous rencontriez des monstres, vous deviez utiliser les facteurs de vitesse pour déterminer qui faisait quoi et dans quel ordre. Quelqu’un avec une dague frappait plus vite que quelqu’un avec une épée longue. Quelqu’un avec une épée longue frappait plus vite que quelqu’un avec un fléau, et ainsi de suite.
La deuxième édition a ramené le jet de dé [d’initiative] pour chaque camp à un d10 et a ajouté également une règle optionnelle. Avec cette règle – pour avoir des initiatives individualisées plus réalistes – vous ajoutiez le facteur de vitesse de votre arme ou sort à votre jet d’initiative, ainsi que les modificateurs comme la taille, si vous aviez un sort de Hâte sur vous, et ainsi de suite. Le MJ égrenait ensuite les différents segments du combat [À AD&D, un round dure 1 minute décomposée en 6 segments de 10 secondes (NdT)], en calculant qui devait agir et dans quel ordre. Donc, vous pouviez avoir des personnages agissant à des segments différents, tout comme le MJ décompte l’initiative aujourd’hui. Le problème était que, si vous changiez d’armes ou lanciez un sort différent, ça changeait tout. Donc il y avait souvent de nouveaux jets d’initiative à chaque round du combat.
Vous pensez toujours que vos combats prennent du temps maintenant ? Ouais c’est ça…
D&D Immortal Rules
Vous savez probablement que D&D fut autrefois appelé Règles Avancées de Donjons & Dragons ou Advanced Dungeons & Dragons ou AD&D. Il y avait une raison à cela. Quand D&D subit son premier lifting majeur, quittant les petits fascicules tout fragiles pour aller vers les premiers formats à couverture rigide, on s’inquiéta de ce que le nouveau jeu serait trop difficile à appréhender par ceux qui y joueraient pour la première fois. [TSR] décida donc qu’il y aurait un Donjons & Dragons, vendu dans une boîte de jeu, et les Règles Avancées de Donjons & Dragons (ou AD&D), auquel les joueurs passeraient ensuite.
Ce fut très apprécié, mais il y avait quelques défauts, et pour des raisons assez mystérieuses. Sur certains aspects les deux systèmes de règles n’étaient en fait pas en accord. Par exemple, dans D&D, si vous ne portiez pas d’armure et n’aviez aucun bonus ou malus de Dextérité, votre Classe d’Armure était de 9. Dans AD&D, elle était de 10. Pas une grande différence, mais un peu bizarre, vous l’admettrez.
Le coffret original “de base” de D&D ne proposait seulement que les niveaux 1 à 3, et les gens avaient l’air de vouloir continuer plus loin.
Un peu plus tard, cependant, quelque chose d’étrange se produisit. Après la réédition du Basic D&D, TSR publia un coffret Expert. On suivait le même système de règles que la version Basic, mais on allait jusqu’au niveau 14. Donc maintenant… attendez… qu’est-ce qui est le mieux, Expert ou Avancé ? Pour aggraver cette étrangeté, ils ont continué avec les Règles Compagnon D&D (niveaux 15-25), puis Master Rules D&D (niveaux 26-36), et Immortal Rules … des règles pour des personnages qui se sont littéralement transcendés vers l’Immortalité et sont devenus des dieux.
Alors maintenant, qu’est-ce qui est le mieux ? Un jeu qui ne limite pas vos niveaux, comme AD&D, ou un jeu dont l’apogée vous permet de devenir un dieu, comme Immortal Rules D&D ? Je jouais à AD&D, mais mon ami Joe aimait Immortal Rules. Nous avions l’habitude de débattre sans fin de ce sujet, alors même que nous jouions aux parties de l’un ou de l’autre. D’une certaine manière, c’était la première guerre des éditions de D&D !
Ironiquement, dans la 3e et la 4e édition, on dirait que la boucle est bouclée. Le style Épique permet aux Personnages-Joueurs d’atteindre des pouvoirs divins, tout en maintenant les niveaux.
TACØ
Ok, c’est la tarte à la crème de D&D… Vous en avez probablement déjà entendu parler mais ne savez absolument pas de quoi ça parle. Permettez à votre serviteur GGG de vous l’expliquer.
Dans le D&D originel et AD&D 1re édition, vous deviez consulter un tableau pour trouver quel était le chiffre qui vous permettrait de toucher une Classe d’Armure donnée. Parce que la CA commençait à 10 et descendait en s’améliorant (une CA de -3 était vraiment très bonne !), vous consultiez un tableau basé sur votre classe et votre niveau, lanciez les dés de votre attaque, et, en fonction du résultat, étiez capable d’annoncer au MJ quelle CA vous touchiez… Oui enfin, vous auriez pu le faire si toutes les tables de combat ne figuraient pas dans le Guide du Maître. En fait, le MJ devait entendre votre résultat, puis regarder le tableau et voir si vous aviez touché ou non le monstre.
Heureusement, tout ceci fut l’objet d’une révolution avec la 2e édition et le concept du TACØ [“taco” en jargon, THACØ en anglais (to hit armor class zero), NdT]. Vous aviez un nombre, calculé en fonction de vos classe(s) et niveau(x), ainsi que par des facteurs comme votre bonus de Force ou de Dextérité, si vous utilisiez une épée magique, et ainsi de suite. Et c’est ce nombre qui vous permettait de toucher une classe d’armure (CA) de 0. Vous pouviez ensuite lancer un d20, regarder votre TACØ, et déduire quelle CA votre résultat au dé vous permettait de toucher. Par exemple, si votre TACØ est de 19, et que vous obtenez un 17, alors vous savez que vous n’avez pas obtenu un score assez élevé pour toucher une CA de 0, mais que vous pouvez toucher une CA de 2. Mec, tout cela devenait tellement plus facile pour ce pauvre MD !
Heu. Sérieusement. Heu.
Que vous aimiez la 3e édition, Pathfinder, la 4e édition, ou n’importe quoi, inclinez-vous avec respect en marque de gratitude, pour les concepts de Classe d’Armure qui correspondent vraiment au seuil à atteindre pour toucher, et qui sont ascendants au lieu d’être descendants. Ce sont des choses que je tiens pour acquises aujourd’hui, et je ne peux pas m’empêcher de ricaner tristement quand je repense à la façon dont TSR s’accrochait si fermement à ses vaches sacrées. Heureusement que Wizards of the Coast nous a proposé un beau barbecue de vaches sacrées avec l’avènement de la 3e édition.
Langages d’alignement, druidique et argot des voleurs
Je ne peux pas résister à l’envie d’amener ce sujet, tellement ce n’est pas possible que cela ait pu exister. Contre toute logique, il a été décidé qu’il y aurait des langues pour chaque alignement… des langages secrets que tout le monde du même alignement partageait. Donc, si vous étiez Chaotique Bon, vous pouviez lâcher quelques mots dans votre langage secret et, si quelqu’un vous comprenait, vous saviez qu’il était réglo.
Bien sûr… sauf s’il appartenait à cette collusion de langages d’alignement d’attrape-merde : les Assassins. L’Assassin, à partir d’un certain niveau, pouvait apprendre les langues de tous les autres alignements. C’est une honte, réellement, puisque les Assassins sont exactement le genre de personnes que vous tentez de filtrer en lâchant quelques mots dans la langue de votre alignement.
En plus de votre alignement, un autre facteur pouvait déterminer si vous connaissiez un autre langage ultra-secret : votre classe ! Certaines classes avaient leurs propres langages secrets, en particulier les Druides et les Voleurs (précurseur de la classe des Roublards). Les Druides parlaient le druidique, assez naturellement, sans doute pour empêcher les gens de connaître leurs incroyables recettes de bières. Et les Voleurs parlaient l‘argot des Voleurs, sans doute pour pouvoir planifier leurs opérations en public.
Ça me rappelle un article paru dans Dragon Magazine (wiki), il y a de nombreuses années, où il y avait une petite section détachable, et qui se pliait pour donner un lexique d’un argot de Voleurs. J’ai beaucoup aimé, et l’ai utilisé avec le Voleur dans mon groupe, le faisant chercher hâtivement le sens des mots. C’était très drôle.
La Magie vancienne
Ah, la magie vancienne, la raison principale qui faisait que les groupes d’aventuriers de D&D avaient “une journée de travail de 5 minutes”. Il y a encore des éléments de magie vancienne dans le D&D d’aujourd’hui… En fait, tous les personnages de D&D4 doivent un petit quelque chose à la magie vancienne.
Jack Vance [1916-2013], écrivain de science-fiction et de fantasy, a écrit une série de romans que l’on appelle ‟le cycle de la Terre Mourante” [Dying Earth]. Dans ces livres, les magiciens doivent mémoriser des sorts de leurs grimoires au début de chaque journée. Quand ils jettent ces sorts, le sort s’efface automatiquement de leurs esprits, les obligeant à re-mémoriser leurs sorts le lendemain.
Cela vous semble familier, hein ? Ouais. Les pouvoirs quotidiens.
À l’origine, tous les sorts de clerc, de magicien, de druide, et ainsi de suite, n’avaient le droit qu’à un seul lancement. Quand ce sort était lancé, il ne pouvait plus l’être jusqu’au lendemain [Si vous vouliez lancer un même sort plusieurs fois, vous deviez l'apprendre plusieurs fois (NdT)]. Cela signifiait que, chaque matin, un sorcier ou un prêtre devaient écumer les listes de sorts de leurs grimoires (ou la liste des sorts accordés par leur divinité), et décider lesquels ils allaient mémoriser (ou recevoir en priant) pour la journée. À des niveaux moyens, ce n’était pas un problème, mais aux petits ou très hauts niveaux, cela entraînait pas mal de bizarreries.
Dans les tous premiers temps de D&D, un Magicien de niveau 1… euh… un Lanceur de sort (2)… était capable de mémoriser un sort. Sérieusement. Un seul sort de 1er niveau pour toute la journée. Cela signifie littéralement qu’à chaque combat, le lanceur de sort devait décider si c’était ce combat-ci où il jetterait son sort de Projectile magique qui provoquait immanquablement 1d4 +1 points de dégâts sur une cible unique. En outre, ses tables de combat étaient les pires de tous les personnages, de sorte que ses options – en dehors de ce sort – étaient principalement de rester à l’arrière et ne pas se faire tuer, ou de charger dans la mêlée, faire une unique attaque avec son bâton, pour ensuite se faire tuer par un kobold armé de son petit gourdin, car rappelons-le, un lanceur de sort de niveau 1 n’avait qu’1d4 Points de Vie.
Donc ce qui se passait dans la plupart des cas, c’est que le groupe de PJ se ruait sur l’ennemi dans la pièce, balançait tous ses sorts, et ensuite se reposait. Les personnages avaient exploré une pièce, mais ils n’allaient pas plus loin, parce que maintenant le lanceur de sort devenait complètement inutile et qu’ils étaient probablement encore blessés (puisque le clerc n’avait sans doute qu’un ou deux sorts de soins… Au moins eux ils avaient des sorts en bonus s’ils avaient une grande Sagesse).
À hauts niveaux, le problème était que, même si les probabilités d’avoir besoin de jeter un sort de niveau 1 étaient assez faibles – puisqu’ils avaient accès à des sorts de niveau 9 – ils avaient quand même besoin de choisir lesquels ils devaient mémoriser. Et tout le monde devait attendre qu’ils aient fini de choisir quels sorts ils allaient prendre. Et cela pouvait dépasser littéralement des douzaines de sorts. Un magicien niveau 29 devait choisir entre 59 sorts, et un clerc de niveau 29 en connaissait au moins 61, et probablement plus grâce à une Sagesse élevée. Et ceci, même si selon toute probabilité ils n’utiliseraient que les quelques sorts de plus haut niveau qui en valaient vraiment le coup (3).
Cela a perduré jusqu’à la 3e édition et n’a disparu que grâce aux concepts de pouvoirs “quotidiens”, “de rencontre” et “à volonté” de chaque classe (4). Alors ; chacun faisait ses choix à chaque passage de niveau, et se débrouillait avec ce qu’il avait jusqu’au prochain passage de niveau.
J’espère vraiment que le système de magie de D&D Next gardera la structure quotidien/rencontre/à volonté. Je n’ai pas envie de revenir aux temps anciens.
En conclusion
Ce regard en arrière nostalgique est aussi un regard anxieux vers l’avenir. Il y a des vaches sacrées de D&D qui resteront, je l’espère, bel et bien à l’abattoir, ou, au moins, optionnelles. Je suis sûr qu’il y a des gens qui aiment le réalisme des facteurs de vitesse, mais je ne suis pas l’un d’eux. Je suis sûr que certaines personnes aimeraient revenir à la magie vancienne, mais après avoir joué une campagne jusqu’au niveau 20, je peux dire que je suis content des changements de la 4e édition. Et même si je préférerais un retour au temps des 9 alignements, il y a encore plus de règles que je suis heureux de voir croupir dans leurs cryptes.
À votre tour
Quel est votre règle oubliée ou votre vieux terme préféré ? Pensez-vous qu’il y a une place dans D&D Next pour le TACØ ? Suis-je à côté de la plaque concernant la magie vancienne ? Dites-nous ce que vous en pensez.
Article original : Speaking the Cant
(1) NdT : Le mythique mais non moins difficile (dernier) niveau 17 de la classe Moine du Manuel des joueurs d’AD&D ! [Retour]
(2) NdT : Dans la VO de D&D1, il n’y a pas de magicien (wizard), mais des lanceurs de sorts (Magic-User, lit. Pratiquant de la Magie). [Retour]
(3) NdT : À opposer à la 4e édition, où un Mage de niveau 30 connaît 17 sorts, comme nous explique D&D4, c’est encore les donjonneux qui en parlent le mieux ptgptb, article complémentaire de celui-ci pour constater le chemin parcouru. [Retour]
(4) NdT : À D&D4, les pouvoirs des PJ sont définis par leur fréquence. Certains peuvent être lancés aussi souvent que souhaités (à volonté), d’autres une seule fois par rencontre (rencontre) – donc à chaque combat – et d’autres une seule fois par jour (quotidien). [Retour]
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Commentaires
Hugues (non vérifié)
dim, 19/02/2023 - 21:12
Permalien
La Magie de D&D
La Magie de D&D inspirée par la magie Vancienne limite les pouvoirs des Mages et des Elfes et c'est pas si mal... J'ai déjà joué un magicien de Niveau 10 : sans l'oubli quotidien des Sorts, j'aurais eu un pouvoir bien trop grand pour rendre l'aventure palpitante.
Les Magiciens ont des chances de survie réduites au départ, mais une fois atteint les hauts niveaux ils sont redoutables, même avec la limite des Sorts. Contrairement aux Guerriers, aux Nains, aux Elfes, qui sont des classes opérationnelles dès le début - combattantes, des PV de base corrects - les Mages et les Voleurs sont des classes qui nécessitent de l'expérience pour être efficaces, et ils visent l'établissement d'une Guilde ; il faut de la patience, c'est une autre conception du PJ.
Pour les combats, j'avoue laisser de côté pas mal de subtilités des règles officielles (je joue avec la version de 1981). Ah tiens, en passant : les dégâts variables selon les armes, c'était une règle optionnelle à l'époque... à la base, toutes les armes font 1D6 de dégâts.
Pour la guerre AD&D / D&D : avant la version Basic/Expert/Compagnon/Master/Immortels de 5 boîtes, il y a eu l'édition Basic/Expert, ma préférée, qui est faite de règles exprimées simplement comme un guide allant à l'essentiel.
Et encore merci pour l'article.
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