Explosion de planètes !

Des années 1920 à Star Wars, la Force a toujours été avec le Space Opera.

NdT : l’article est ancien, il est intéressant aussi de penser à toutes les évolutions qu’a connues le genre space opera depuis cette époque
  • Sauf exception, les liens que nous avons rajoutés pointent vers Wikipedia

George Lucas n’a pas créé La Guerre des étoiles.

Du moins il ne l’a pas fait tout seul. Quand il raconte son histoire d’il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, Lucas prend des éléments d’il y a bien longtemps (1928) et pas plus lointains que les magazines de science-fiction « pulp ». Les sabres laser ? Ils proviennent de Weird Tales, dans un numéro de 1933. Han Solo ? On le rencontre sous d’autres noms dans des dizaines de nouvelles plus ou moins longues des années 1950. L’Étoile de la mort, la Force, et beaucoup d’autres d’idées viennent tout droit d’histoires écrites par Doc Smith, Edmond Hamilton, Leigh Brackett et autres maîtres de cette forme extravagante de SF : le space opera.

Le domaine du space opera est le royaume des vaisseaux spatiaux gigantesques, des guerres galactiques colossales et des aventures à l’échelle de toute la galaxie - de Flash Gordon [alias Guy l’Éclair (NdT)] et Buck Rogers - à l’Enterprise [de Star Trek] et à la série télé Battlestar Galactica. Là où la science-fiction « sérieuse » réfléchit à la technologie et à son impact sur la société, le space opera traite avec enthousiasme de scintillantes explosions d’énergie et de leur impact sur des champs de force impénétrables.

  • Des inventeurs héroïques,
  • des pirates mauvais jusqu’à la moelle ;
  • des capitaines de vaisseau bagarreurs
  • des extraterrestres incompréhensiblement cruels ;
  • des hommes de l’espace impulsifs, hantés par des visions de princesses extraterrestres ;

…ces explorateurs sont au centre d’épopées opposant le bien contre le mal qui secouent la Galaxie.

Si les personnages de space opera sont le Capitaine Kirk et Luke Skywalker, la forme elle-même est plus celle de la comédie de Rodney Dangerfield (1).

En 1941, l’écrivain de SF - et célèbre fan du genre - Wilson Tucker parle de ces

« fables pour vaisseaux spatiaux bricolés, grinçants, puants et usés jusqu’à la corde ».

Généralisant à partir des feuilletons radiophoniques surnommés « soap operas » [à cause des fabricants de savons qui sponsorisaient ces interminables histoires] et des westerns surnommés « horse operas », Tucker invente le terme « space opera » — en tant qu’insulte. Encore aujourd’hui, alors que les passionnés de SF, bercés par ces histoires qu’ils ont aimées, grandissent et développent des goûts plus sophistiqués, ils parlent du space opera avec dédain. Ils diront que « ce n’est pas de la vraie science-fiction », avec une moue méprisante.

Peut-être pas. Mais le space opera est la source, l’ancien soleil autour duquel orbitent les nombreux mondes de la SF. Et aujourd’hui, avec plus de force que jamais, il suscite toujours un véritable émerveillement.

« Doc »

Le space opera tel qu’on l’entend de nos jours naît en 1928, lorsque E.E. « Doc » Smith ouvre en grand les portes d’un univers.

Edward Elmer Smith naquit en 1890 à Sheboygan dans le Wisconsin et grandit dans la campagne de l’Idaho. Sa jeunesse se déroula pendant l’âge d’or des inventions américaines, lorsque des légendes comme Edison et Marconi faisaient rêver les enfants avec de merveilleuses machines qui transformeraient le monde.

Tandis que Smith avançait vers l’âge adulte et travaillait comme mineur, électricien puis géomètre, les astronomes commençaient à comprendre que l’univers était gigantesque. En 1924, Edwin Hubble (d’après qui la NASA nomma son célèbre télescope spatial) prouva que certaines zones floues de notre ciel étaient des galaxies comme la nôtre, à des milliards d’années-lumière de distance.

Après des diplômes en ingénierie chimique (1914) et en chimie alimentaire (1919), Smith mena une carrière de chimiste en science des aliments, spécialisé dans les pâtes à donuts. En parallèle, il écrivit une histoire intitulée La Curée des astres (The Skylark of Space) : l’histoire du premier croiseur interstellaire.

Et boum ! Ça y était, d’un coup : le super-scientifique héroïque (Richard Seaton) ; son invention révolutionnaire (l’énergie « intra-atomique ») ; le vaisseau qu’il a bricolé dans son arrière-cour ; sa timide fiancée (la belle et talentueuse Dorothy Vaneman) ; le brillant et cruel Méchant (Marc « Blackie » DuQuesne) ; et un saut dans un tout nouvel espace d’aventures.

La Curée des astres fut un des premiers romans à élargir l’échelle — ou plutôt,

L’*É*C*H*E*L*L*E !!!

Bon Dieu, l’espace est gigantesque ! Wow, ce vaisseau est vraiment rapide ! C’était presque la seule vraie force d’E.E. Smith. Ses personnages n’ont aucune envergure ; leur argot insolent est énervant ; la science y est idiote ; les comportements provinciaux et datés ; les intrigues amoureuses totalement ringardes : incapable d’écrire une scène d’amour crédible, Smith demanda à la femme d’un ami, Mme Lee Hawkins Garby, de l’aider avec l’intrigue amoureuse dans La Curée - avec un piètre résultat.

Mais si vous êtes à la recherche d’immensité, d’échelles titanesques et d’énergies cataclysmiques, E.E. Smith vous le donne à mille pour cent.

Jusqu’alors, la science-fiction n’avait qu’occasionnellement approché les voyages interplanétaires. Jules Verne et d’autres auteurs du XIXsiècle avaient écrit des histoires sur des voyages spatiaux, et une série allemande d’aventures pour les garçons, Capitaine Mors et le Pirate de l’Air, sautait à travers tout le Système solaire chaque semaine de 1908 à 1911.

extrait de La ligue des Gentlemen extraordinaires

Référence à cette œuvre (dont l'auteur reste inconnu) dans La Ligue des Gentlemen Extraordinaires tome 1

Mais La Curée des astres marque l’arrivée d’une dimension mythique dans la science-fiction. Dans les mythes de l’Antiquité, chaque montagne est la plus haute, chaque monstre est le plus terrifiant, chaque héros est le plus puissant. Dans La Curée et les livres qui suivent, Smith adapte cette idée de gouffres spatiaux sans fin, de vaisseaux à la vitesse inégalable, d’infâmes races extraterrestres d’une férocité terrifiante. Il établit le space opera dans ce que John Clute décrit comme :

« son lieu de prédilection : le foutu univers dans sa totalité ».

Comme toutes les grandes idées, elle semble évidente maintenant — elle fut vivement rejetée à cette époque. Smith, qui avait écrit La Curée entre 1915 et 1920, fit le tour de tous les magazines jusqu’en 1928, quand Hugo Gernsback accepta finalement de publier le roman en plusieurs parties dans [le magazine pulp] Amazing Stories . Dès sa parution, Smith — sous le nom de « E.E Smith, Ph.D. » - « Doc » Smith devint instantanément une célébrité parmi le public réduit mais fervent de ce nouveau genre qu’était la science-fiction.

Fulgur (Lensman Serie)

Avec Skylark Three (non traduit, Amazing, 1930) et Skylark of Valeron (non traduit, Astouding Stories, 1934-1935), Smith continua de gravir son échelle mythique sans limites. Là où l’on allait auparavant vers de nouvelles étoiles, on allait désormais vers de nouvelles galaxies avec autant d’exubérance, et l’on éradiquait des civilisations monstrueuses au nom de la Paix universelle.

Cependant, les livres ont un côté mal construit, un manque de cohésion. Notre héros, Richard Seaton, est bon, courageux et brillant, mais c’est un indépendant. Smith comprit qu’une bonne power fantasy [fantasme de puissance (NdT)] donnerait au lecteur non seulement un pouvoir illimité, mais aussi l’autorité pour l’utiliser. Cela vint avec son œuvre suivante, le sommet de sa carrière : le Cycle du Fulgur.

Il y a sept livres dans cette série, mais sa séquence principale, le cœur qui fascina les lecteurs de Astounding Science-Fiction pendant douze ans, comprend quatre livres conçus comme un gigantesque roman de 400 000 mots : Patrouille galactique (1937-1938), Le Fulgur gris (1939-1940), Le Surfulgur (1941-1942) et Les Enfants du joyau (1947-1948).

Si vous vous rendez dans la maison de retraite la plus proche et réveillez un vieux fan de SF, il parlera encore avec passion de ces premiers livres du Cycle de Fulgur. Imaginez : vous lisez Patrouille galactique et voyez le jeune Patrouilleur Kim Kinnison - aidé par son Fulgur de poignet qui donne des pouvoirs surhumains à chaque Patrouilleur - combattre le sournois Helmuth de Kalonia. Puis le Fulgur Gris révèle que Helmuth est un subalterne, petit voyou des Eichs, un peuple bien plus puissant et méchant de la planète Jarnevon.

Pour battre les Eichs, Kinnison doit être sélectionné pour devenir Fulgur Gris. Le Surfulgur révèle à son tour que les Eichs ne sont en fait qu’un peuple de marionnettes, contrôlées par depuis le début par l’empire Thrale-Onlonien. Pour vaincre l’empire, Kinnison, son amour Clarissa MacDougal et quelques autres Fulgurs gris de races différentes et étranges doivent atteindre le prochain niveau de pouvoir.

À ce moment-là, ils en sont à jeter des planètes comme si c’étaient des billes, des ennemis meurent par millions, l’immensité cosmique vous grise en tous sens, et alors, oui alors, arrive Les Enfants du Joyau.

Surprise ! Non seulement les Thrale-Onloniens sont contrôlés par les pernicieux Ploors, mais Kim et Clarissa sont la dernière étape d’un programme vieux de plusieurs millions d’années de reproduction contrôlée par les invisibles et bienveillants créateurs de la Civilisation, les Arisiens. Les cinq enfants de Kinnison - pardon : les Enfants - l’apogée de l’évolution humaine, avancent en exterminant les Ploors et leurs maîtres cachés, les Eddoriens, balayant ainsi le Mal de l’univers.

Le Cycle du Fulgur a très mal vieilli. Il est mal écrit. Les personnages sont une caricature. Les livres sont presque introuvables de nos jours. Si vous les lisez en tant qu’adulte, vous vous ennuierez (l’adaptation animée japonaise, Galactic Patrol Lensman [1984-85], est un peu meilleure).

Mais Doc Smith est la preuve vivante du vieux dicton :

« L’Âge d’Or de la science-fiction est douze ans ».

Le lire avec les yeux d’un enfant, de la manière dont les vieux fans de SF l’ont fait, c’est percevoir soudainement, encore et encore, de nouveaux horizons sans aucunes limites. Les fans de SF appellent ça « le sens de l’émerveillement ».

Les successeurs

La popularité de Smith suscita de nombreuses imitations :

  • Les récits de la Patrouille interstellaire (1928-1929) de Edmond Hamilton, rassemblés en 1965 sous le nom de Crashing Suns [non traduit],
  • puis les textes de John W. Campbell : The Black Star Passes (non traduit, 1930), Invaders from the Infinite (non traduit, 1932) et La Machine suprême (1934) ;
  • ceux de La Légion de l’espace (1934) de Jack Williamson, encore considéré comme un classique ;
  • The Cosmic Engineers (non traduit, 1939) de Clifford D. Simak

Les titres seuls montrent comment les années 1930 présentent une sorte de course à l’armement, comme les écrivains essayèrent de se surpasser mutuellement avec des espaces encore plus grands et des armes toujours plus puissantes. La course continua jusqu’à ce que le Cycle du Fulgur les surpasse tous.

Cependant, cette course à l’armement a, de par sa nature même, une limite. Une fois que vous avez balayé tout le mal de l’univers, que faire ensuite ? Dans le cas de Smith, sa réputation considérable s’est lentement érodée, et la fin de sa carrière n’apporta rien de notable. Le space opera de la fin des années 1940, ayant atteint le plafond cosmique, retourna vers une échelle plus humaine.

Dans Planet Stories et Thrilling Wonder Stories, la femme de Hamilton - Leigh Brackett - publia de nombreuses histoires colorées de voyageurs de l’espace mélancoliques et frappés par le destin. La plupart du temps, un de ces voyageurs commence l’histoire en broyant du noir dans une taverne enfumée sur Vénus ou Mars, son regard hanté, sa peau « bronzée par la lumière de tant de soleils ». Saisissant une ultime chance désespérée de voir juste encore une fois la belle extraterrestre exotique dont l’amour lui a ruiné sa vie, il se lance dans une histoire remplie d’héroïsme, d’événements mystérieux et (les trois quarts du temps) une fin heureuse. Brackett créait des romances de l’espace — pas des histoires d’amour, mais des romances dans l’ancien sens du terme en anglais : des épopées pleines d’émerveillement. Si vous cherchez les ancêtres de Han Solo, il ne faut pas chercher plus loin.

À la fin de sa vie, Brackett retourna vers ses racines pour écrire une première ébauche du script de l’Empire contre-attaque.

Brackett apporta les premières touches de sensualité au space opera, mais il n’y en a pas le moindre soupçon dans les productions commerciales « pour la jeunesse » de Robert Heinlein ; douze solides romans publiés entre 1947 et 1958, qui agrandirent la communauté de fans de SF plus que toute autre œuvre avant Star Trek. Un jour, Heinlein décrivit la manière dont il écrivait ses romans pour la jeunesse :

« écrivez le meilleur roman de science-fiction que vous pouvez, puis enlevez-en le sexe ».

Dans chacun de ces romans énergiques et pleins d’imagination, un adolescent raisonnable du futur part à l’aventure et, ce faisant, devient adulte. Les romans ne se suivent pas, mais l’action gagne en ampleur roman après roman, du premier au dernier : Rocket Ship Galileo (non traduit, 1947) met en scène un vaisseau bricolé qui vole vers la Lune ; Le Jeune Homme et l’Espace (1958) est empli de bonnes idées, de personnages intéressants, d’humour, et fait de la Terre un membre d’une fédération galactique multi-espèces. On peut lire La Planète rouge, L’Enfant tombé des étoiles ou Citoyen de la Galaxie pour avoir une idée des classiques du space opera des années 1950.

Medias

Les idées du space opera finirent par sortir des magazines pulp pour se propager dans le monde entier.

Nous avons vu que 1928 fut l’année de la première apparition de La Curée des astres de Smith dans Amazing Stories. Ce magazine contenait aussi une série de Philip Francis Nowlan, qui inspira une bande dessinée qui perdurera de 1929 à 1967, écrite par Nowlan pour l’homme d’affaires John Flint Dille. Dans cette bande dessinée, un lieutenant de l’armée de l’air se retrouve accidentellement propulsé cinq siècles dans le futur, où il découvre des cités sous dôme, des harnais antigravité et les États-Unis à la merci des Mongols rouges. Avec Wima Deering, il combat sur terre, sous les mers et dans l’espace contre le méchant Killer Kane. Le lieutenant s’appelle — vous l’aurez deviné — Anthony « Buck » Rogers.

Buck Rogers comics 10 cents

Buck Rogers, dont les bandes dessinées rendirent l’âme il y a des décennies, survit  d’une certaine manière, dans le milieu du jeu de rôle. La fondation de la famille Dille possède les droits de Buck Rogers, et une petite-fille de John Dille - Lorraine Williams -, présida TSR, l’éditeur de Donjons & Dragons. [Sous sa direction,] TSR tenta à maintes reprises de promouvoir et vendre un jeu de rôles sur Buck et continuera jusqu’au 25siècle et au-delà (2).

Buck Rogers au 25siècle a engendré Flash Gordon, et tous deux ont donné naissance à des feuilletons du samedi matin dans les années 1930 avec comme acteur star Larry « Buster » Crabbe . C’est tout ce que vous pouviez trouver (si cela vous importait) comme films de space opera. Du moins jusqu’au classique Planète interdite de MGM en 1956, une adaptation brillante de La Tempête  de Shakespeare, sur un monde lointain avec d’anciens artefacts extraterrestres qui invoquent les monstres invisibles du subconscient.

Planète interdite fut une influence-clé de la meilleure série de space opera alors réalisée, la première série Star Trek (1966-1969). Un autre précurseur de James T. Kirk est le capitaine Horatio Hornblower, héros tourmenté d’une douzaine de romans d’aventures napoléoniennes en haute mer (1937-1967) écrits par C. S. Forester . La proposition initiale de Gene Roddenberry, producteur de Star Trek, décrivait cette série comme « Hornblower dans l’espace ».

Pris dans un sens plus strict, un space opera à la Hornblower est mieux représenté par la série des 23 romans Rim World de A. Bertram Chandler, publiés entre 1967 et 1984. Ces aventures très bien exécutées du commodore John Grimes dans la flotte spatiale aux franges de la galaxie s’inspirent de la longue carrière de Chandler dans la marine marchande (3) .

De temps à autre, Star Trek évoquait des échelles colossales, comme dans les premiers épisodes Où l’homme dépasse l’homme et Fausses Manœuvres . Mais le plus souvent, on se rendait sur la planète de la semaine, ou bien on avait droit à un combat tendu de type sous-marin (Zone de terreur). Néanmoins, la navigation superluminique facile de l’Enterprise, ainsi que ses téléporteurs, étaient du pur space opera, au sens où ils ne servaient pas d’exemples sérieux d’extrapolation scientifique, mais de moyens pour faire accélérer le récit.

Limité par son budget et la technologie des effets spéciaux d’alors, Star Trek n’a pas pu se pavaner avec des aspects de space opera avant que les six [premiers] films (1979-1991) dépeignent de manière convaincante des batailles entre gigantesques croiseurs interstellaires. Pendant dix ans après l’arrêt de la première série, on n’a pas pu tourner de tels films.

On a du mal à le croire maintenant, mais durant des décennies, Hollywood ne s’intéressait pas au space opera. Les producteurs pensaient — faites bien attention — ils pensaient que ce n’était pas commercial. Il ne fallut qu’un film pour changer cette vision.

George Lucas

La partie la plus facile de n’importe quel article sur le space opera est de parler des films à succès de George Lucas, La Guerre des étoiles (1977), L’Empire contre-attaque (1980), et Le Retour du Jedi (1983). Les lecteurs connaissent déjà les films ; personne n’a besoin d’explications. Cette trilogie est le space opera de notre époque.

Cependant, les lecteurs ne savent peut-être pas à quel point La Guerre des étoiles « emprunte » à ses sources.

  • L’intrigue du garçon de ferme qui réussit vient du roman pour la jeunesse de Heinlein, Pommiers dans le ciel (1950) ; des contes des Frères Grimm et de beaucoup d’autres histoires.
  • Feu Frank Herbert disait avoir rassemblé avec ses avocats une longue liste d’importantes similarités entre son célèbre roman Dune (1964) et la Guerre des étoiles, en commençant par Tatooine, planète désertique présentant une ressemblance évidente avec l’Arrakis de Dune. Mais personne n’alla jamais en justice.
  • Doc Smith fit exploser beaucoup de planètes, et il mentionne la Force dans les romans de Skylark, quoique sous un jour moins magique que dans La guerre des étoiles.
  • Les sabres laser viennent de Kaldar, Planet of Antares, une nouvelle de Hamilton parue dans Weird Tales :

« Au premier abord, cette épée ressemblait simplement à une longue rapière de métal. Mais Stuart Merrick [le héros] découvrit que lorsqu’il resserrait son emprise sur le manche, cela enclenchait un mécanisme qui libérait une force gigantesque dans la lame depuis la poignée, la faisant briller. Il comprit aussi que quand cette lame brillante entrait en contact avec quoi que ce soit, elle l’annihilait instantanément. Il apprit que cette arme était nommée une épée laser ».

Et ainsi de suite (4). En 1977, les fans acclamèrent la manière dont La Guerre des étoiles montrait tout cela en action, vivant et familier. Au vu de ses origines, cette réaction était appropriée.

Qu’est-ce qui était nouveau dans La Guerre des étoiles ? À part ses aspects visuels très marquants, le film adopte l’ampleur mythique du space opera et lui ajoute une texture mythique. Lucas raconte une histoire tout droit sortie d’un mythe — devenir adulte, le conflit rituel contre son père et l’acceptation de celui-ci — le mythe du héros tel qu’il est analysé par Joseph Campbell dans le Héros aux Mille Visages (1949).

Les anciens space operas, d’une ampleur énorme, mais manquant d’une dimension humaine, n’ont jamais atteint une audience au-delà des fans de la science-fiction. Star Wars a trouvé le grand public grâce à une histoire plus universelle que n’importe quelle épopée de Doc Smith couvrant l’univers entier.

L’influence de La Guerre des étoiles a été, comme Smith aurait pu l’écrire, « incalculablement » et « indescriptiblement » immense. Le film a transformé la production cinématographique, lancé la révolution perpétuelle des effets spéciaux, fait de la vente de produits dérivés un business considérable, etc. Vous le saviez déjà.

[la première trilogie] des films Star Wars a rapporté plus d’un milliard de dollars et fait couler autant de litres d’encre, mais vous avez déjà lu tout ça. En ce qui nous concerne, tout ce qu’on a besoin de répéter est que La Guerre des étoiles, avec sa vision saisissante et sa dimension humaine, a revitalisé le space opera et l’a rendu plus populaire que jamais.

De nos jours

Les space operas modernes continuent de remplir les rayons « livres » des supermarchés. Les séries telles Alliance-Union de la romancière aux multiples talents C. J. Cherryh vont parfois de la hard SF à une forme compliquée de space opera, comme avec Volte-face (1989). Jerry Pournelle, David Drake, Janet Morris, Lois McMaster Bujold, David Feintuch - et d’autres encore - produisent des romans de SF militaire qui pimentent leur carnage avec des questions d’honneur et de chevalerie. Le romancier écossais Iain M. Banks écrit du space opera grandiose, destiné à couper le souffle, des livres comme Une forme de guerre (1987) remplis de vaisseaux galactiques gargantuesques, d’extraterrestres bizarres et d’habitats orbitaux incroyablement grands.

Sur nos écrans, qu’ils soient grands ou petits, La Guerre des étoiles est maintenant autant copié qu’il a copié ses prédécesseurs. Chaque nouveau film qui se passe dans l’espace essaie de dépasser ses effets spéciaux, même la nouvelle édition de La Guerre des étoiles elle-même, que Lucasfilm sort [en 1997] pour les 20 ans du film. À la télévision, des séries comme Babylon 5 et Space : Above and Beyond créent des univers qui inspireront les prochains gourous du space opera. Tout semble parti pour devenir de mieux en mieux et de plus en plus grand. C’est ça, le Space Opera.

Article original : Exploding Worlds

Addendum à la biographie de l'auteur (1996) : Allen Varney a à son actif un seul space opera : Galactic Challenge, une des quatre livres dont vous êtes le héros de TSR.


(1) NdT : R. Dangerfield est célèbre pour ses bon mots et ses réparties d’une phrase. Si cela évoque les répliques de Han Solo… [Retour]

(2) NdT : du moins TSR aurait continué si l’éditeur, proche de la faillite, n'avait été vendu par Williams à Wizards of the Coast en 1997. D’après cette fiche Wikipedia (en), TSR publia un jeu de plateau « Buck Rogers », un jeu de rôles dont les règles étaient inspirées de AD&D2 (urk !) avec plus d’une douzaine de suppléments, des comics, 11 romans et BD. Chaque publication ramenant des droits d’auteurs à la Fondation Dille.

Toutefois, le JdR Buck Rogers se vendait mal, et Jim Ward - vice-président des services créatifs de TSR - aurait déclaré à l'occasion d'une nouvelle édition en 1993 "On va continuer à en publier jusqu'à ce que vous l'achetiez" (Source : L'Empire de l'imaginaire) [Retour]

(3) NdT : encore plus récemment, la série de romans de David Weber autour de Honor Harrington a une filiation encore plus évidente avec les « guerres maritimes » d’Hornblower, parfois à un niveau de décalque absurde (ainsi les vaisseaux spatiaux voguent sur des vagues hyperspatiales...). [Retour]

(4) NdT : on remarque aussi de grandes similitudes entre le vaisseau de Valérian et Laureline de 1967 – bande dessinée de space opera s’il en est – et le Faucon Millenium… [Retour]

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Commentaires

Le succès de Star Wars et de Star Trek ne découle pas de l'invention de nouveaux concepts de SF, ce qui n'est pas forcément une garantie de succès. 

Dans le cas de la première trilogie de Star Wars, il s'agit:

- de l'esthétique à la fois plus baroque et crédible que celles des films antérieurs,

- d'une ambiance inspirée des films de guerre que les spectateurs avaient vu dans leur jeunesse (notamment 633 Squadron de Walter Grauman et The War Lover de Philip Leacock),

- du mélange réussi des codes du Western et des films de Cape et d'Épée,

- de l'habilité avec laquelle Georges Lucas met en scène le mal et la perversion dans des films familiaux (ce que n'ont pas réussi les frères Wachowski dans Jupiter Ascending),

- du ton anti-nixonien qui plaît à beaucoup de jeunes adultes de 1977 (la Rébellion rappelle autant le le Viêt-Cong que la France libre), 

- d'un rythme approprié (in media res et tambour battant mais pas trop rapide),

- du recyclage réussi d'éléments de THX 1138, de Flash Gordon et d'autres auteurs (le sabrolaser est classe dans SW quand il fait granguignol ailleurs),

- du traitement novateur des non-humains.

- d'un cran en plus dans le sense of Wonder

Il faut tenir compte que pour beaucoup de spectateurs, les références de Space Opera étaient Star Trek et Flash Gordon. Star Wars doit son succès à sa capacité à se démarquer de ces oeuvres.

Dans le cas de Star Trek, le succès concerne surtout les séries Star Trek Classic, The Next Generation, Deep Space Nine et Voyager. Classic est surprise progressiste à la limite de l'hérésie pour les conservateurs américains des années 1970. TNG met l'accent sur le post-capitalisme. Deep Space Nine mélange les codes de Babylon 5 et des batailles de Star Wars en mettant en scène de nombreuses cultures Extra-Terrestres.

Les deux univers mettent en scène des messages populaires auprès d'un certain public, sans s'encombrer du goût des détails de la SF Hard Science. Star Wars idéalise la révolte contre la tyrannie d'un État surarmé, sans qu'on ne sache jamais en quoi l'Empire est plus tyrannique que la République - abstraction faite de ses excès contre-insurrectionnels. Star Trek lui,  s'efforce de mettre en scène une société qui a dépassé les inégalités et l'exploitation sans donner beaucoup de détails sur l'économie. On fait rêver le public au lieu de détailler le fonctionnement du réacteur du vaisseau.

Pour ceux qui cherchent du space opera différents de deux géants, lisez le cycle l'interdépendance de John Scalzi ou l'adaptation BD de la Geste des Princes-démons de Jack Vance.

Auteur : 
Lame

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