Donjons, Dragons et Handicaps

J’ai commencé à jouer aux Jeux de Rôle vers 12 ans. Mes amis et moi avons débuté par Runequest grog et AD&D grog avec nos frères aînés. Nous avons fini par jouer à d’autres JdR et à concevoir le nôtre à partir de zéro. Nous avons développé nos propres règles pour un wargame maison ainsi que pour un JdR Grandeur Nature, avant même de connaître l’existence de ces termes.

Vers l'âge de 16 ans, j’ai commencé à perdre la vue. Lentement mais sûrement, ma vision empirait au point que je n’étais plus capable de lire les ouvrages imprimés de façon standard. Alors que ça a presque tué mes journées de jeux vidéo, cela ne m’a pas empêché de continuer à pratiquer certains autres types de jeux que j’aime, à savoir les JdR et les jeux de société. Avec les technologies actuelles et l’attention croissante pour les joueurs en situation de handicaps, c’est peut-être l’un des meilleurs moments pour en faire partie. Voici quelques observations que j’ai faites au fil des ans, ainsi que des conseils généraux pour vous rendre les parties plus accessibles.

Observations

Les joueurs et joueuses en situation de handicap sont plus communs qu'on ne le pense, mais dans beaucoup de cas ils ne sont pas bien intégrés socialement dans les communautés de rôlistes habituelles, et restent souvent collés à un seul groupe dédié. Cela est cependant en train de changer [l’auteur parle du début des années 2010 (NdT)]. Alors que je jouais la campagne Living Greyhawk de Wizards of the Coast (campagne mondiale de D&D 3e édition), j’ai rencontré beaucoup d’autres personnes malvoyantes en conventions.

Les conventions de JdR sont des événements sociaux d’ampleur importante, où une grande variété de rôlistes se rassemblent pour jouer, parler ou faire des emplettes, et plus généralement pour s’amuser. Durant l’été 2005 j’ai voyagé de ma maison à l'est de l'Oregon jusqu’à une petite ville quelque part dans l’Idaho pour une convention « Living Greyhawk ». J’ai eu le plaisir de rencontrer et jouer avec une autre personne malvoyante. Cet homme était complètement aveugle et s’était rendu jusqu’à la convention seul ; et il s’y amusait et participait comme le reste d’entre nous.

Une des choses que j’ai notée étaient les différentes façons qu’il avait de gérer son handicap à la table de jeu. Il n’a apporté aucun livre avec lui (à quoi cela lui aurait servi ?) et demandait de l’aide pour lire le résultat de ses jets de dés. Il avait une feuille de personnage si quelqu’un devait l’aider quand il oubliait une caractéristique de son personnage, mais en général il connaissait de mémoire tous les détails de celui-ci, et sa feuille était rarement consultée.

D’une certaine façon, je joue de la même manière. J’amène une feuille de personnage imprimée en gros caractères à la table, mais je ne la consulte que si je ne parviens pas à me souvenir de quelque chose à propos de mon personnage. Je m’aide aussi d’une loupe électronique Quicklook si je dois lire un livre imprimé petit. J’utilise de grands dés contrastés pour pouvoir les lire moi-même. Comme D&D utilise une carte quadrillée et des figurines pour matérialiser la position des personnages durant la partie, le joueur aveugle et moi posions des questions sur les placements de nos persos sur le champ de bataille.

Quelques années plus tard, j’ai participé à une autre convention dans ma nouvelle ville de Portland (Oregon). La convention annuelle Gamestorm héberge à la fois des jeux de rôle et des jeux de plateau de toutes sortes. Elle permettait chaque année de jouer à un grand nombre d’aventures « Living Greyhawk ». Durant l’un de ces scénarios, je me suis retrouvé assis à la même table que deux autres rôlistes malvoyants, tous deux utilisant d’autres techniques.

L’un d’eux avait une vue très basse, comme moi, et la majorité de nos pratiques étaient semblables. L’autre - totalement aveugle - avait apporté un ordinateur portable et branché dessus un seul écouteur. Il utilisait le logiciel de lecture d’écran JAWS wiki, pour être capable d’entendre les détails de sa feuille de personnage, et il avait un système électronique de lancer de dés (une application générant des nombres aléatoires) pour obtenir les résultats de ses jets. Comme les autres personnes malvoyantes et moi, il posait des questions sur le positionnement sur le champ de bataille.

Tous les quatre, nous semblions avoir réussi à nous adapter au jeu auquel nous aimons tant jouer avec les autres. La grande majorité des personnes [valides] avec qui nous avons joué étaient serviables, instructives et surtout patientes avec nous quand nous faisions ce dont nous avions besoin pour pouvoir jouer correctement. C’est quelque chose que j’ai toujours vu, même en jouant à une table n’étant pas composée pour moitié de joueurs avec des handicaps. La plupart des personnes rencontrées « dans la nature » à des conventions, des journées de jeux, et des parties locales sont toutes attentionnés lorsqu’il s’agit de jouer avec des joueurs en situation de handicap, et seules quelques-unes ne s’en rendent pas assez compte pour s’en soucier.

C’est une excellente nouvelle pour tous les rôlistes avec des handicaps, quelle qu’en soit la nature. Llorsque j’ai commencé à participer à des conventions, une de mes plus grandes craintes était d'allonger le temps des parties et de nuire au jeu, car j’avais besoin de quelques aménagements supplémentaires et d’un peu de participation de la part des autres. Mais j’ai réalisé que les personnes sont en général très serviables et compréhensives, et prêtes à faire un effort supplémentaire pour donner un coup de main. J’ai pu me sentir à l’aise et à ma place comme n’importe qui d’autre - ce qui, pour moi, est énorme.

Conseils

Si vous jouez avec un handicap – peu importe lequel – n’hésitez pas à en informer les autres participant.es. Les personnes sont beaucoup plus conciliantes et compréhensives quand elles savent que vous n’êtes pas juste lent, pointilleux ou inattentif. Certains handicaps sont plus voyants que d’autres : il est difficile de cacher que vous avez une canne, un chien-guide, un fauteuil roulant ou des béquilles. Mais c’est dur de reconnaître une personne dyslexique, daltonienne, ou ayant des problèmes musculaires qui ne requièrent pas de technologie d’assistance, mais qui demandent quand même des adaptations.

Certaines personnes (peu nombreuses j’espère) sont gênées à propos de leurs handicaps et évitent d’en informer les autrui, sauf leurs amis très proches. Cela peut poser des problèmes lorsque que vous jouez avec des rôlistes qui ne vous connaissent pas. Iels ne vont pas comprendre que vous puissiez avoir besoin d’un peu plus de temps pour faire certaines choses. Il n’y a rien de mal à avoir besoin d’adaptation, et la plupart des rôlistes sont prêts à faire un effort pour aider, même si cela signifie seulement d’être patient pendant votre tour de jeu.

Aussi, n’oubliez pas d’utiliser toutes les technologies d’assistance ou modifications de jeu qui sont à votre disposition. De nos jours les ordinateurs portables sont de plus en plus présents autour des tables de jeu, et si vous en avez un qui est équipé de logiciels d'assistance, autant l'utiliser à votre avantage. J'ai peu à peu renoncé à l’usage des feuilles imprimées en gros caractères, sauf si je joue dans un endroit où il est impossible de brancher un ordinateur portable. J'utilise ZoomText, mon logiciel d'agrandissement d'écran, pour m'aider à lire les copies électroniques. Je peux scanner notes, guides et autres aides de jeu fournies par la majorité des jeux de rôle ou de plateau, et les agrandir sur mon PC. Ou je peux les voir de plus près sans ordinateur grâce à Quicklook.

Cependant, cela ne fonctionne pas pour tout. Beaucoup de jeux utilisent du carton brillant, ce qui donne aux pièces un aspect et un toucher très agréables, mais rend la lecture sur ce support difficile pour les loupes ou les scanners. Dans ce cas-là, sentez-vous libre de poser des questions aux autres joueurs et joueuses ou de créer vos propres substituts moins brillants en demandant à quelqu’un de vous lire l’information, et rentrez-la sur votre ordinateur.

Si vous n’êtes pas malvoyant, il y a d’autres choses que vous pouvez faire. Les smartphones devenant de plus en plus populaires de nos jours [seconde version de l’article mise en ligne en 2011 (NdT)], les développeurs mettent au point des applications et logiciels utiles aux personnes en situation de handicap. Par exemple, l’application Android « the vOICE » utilise l’appareil photo du téléphone pour filmer vos environs et vous donner un retour en temps réel. Elle peut notamment détecter les couleurs et vous les préciser, ce qui est utile pour les jeux basés sur celles-ci au lieu du texte. Par exemple, vous pouvez utiliser « the vOICE » pour vous aider à différencier les différentes monnaies du jeu de plateau Alhambrawiki, ce qui est très utile pour les personnes daltoniennes. Autre alternative : demander tout simplement à un ou une autre joueuse, mais ce n’est pas toujours faisable si le jeu demande de garder certaines choses secrètes.

Si vous avez des problèmes pour manipuler de petits objets, il y a des outils pour vous aider à tenir une main de cartes aisément. Beaucoup de gens ont un Scrabble chez eux, et peuvent utiliser les chevalets permettant de tenir les tuiles pour mettre des petites cartes, et l’utiliser pour prendre et arranger celles-ci. Ces supports peuvent être étroits, et fonctionnent mieux pour des cartes de tailles équivalentes à celles des Colons de Catane wiki. Pour de plus grandes cartes, vous pouvez utiliser un porte-carte comme ceux vendus sur « The Low -Vision Store » [ou par exemple ici en version française (NdT)]. Le porte-tuile du Scrabble peut être utilisé pour tenir d’autres types de pièces, comme des tuiles de bâtiments, de la monnaie et bien d’autres choses petites et plates que beaucoup de jeux de plateau utilisent.

Il y a beaucoup d’autres choses que vous pouvez faire pour faciliter votre vie de joueuse et de joueur. Je ne suis pas (encore) une encyclopédie sur ce sujet, donc si vous avez d’autres suggestions, n’hésitez pas [à commenter cet article (NdT)].

Article original : Dungeons, Dragons and Disabilities

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