Une brève histoire du jeu de simulation papier – Première partie
1re partie – Les jeux de plateau, les jeux de figurines et les wargames
© 1994 Greg Costikyan
Note du Traducteur : le traducteur a fusionné deux articles qui se recoupent : A Short History of Paper Games (1994) et Don’t Be a Vidiot – What Computer Game Designers Can Learn From Non-Electronic Games – discours tenu en 1999 lors d’une conférence de développeurs de jeux vidéo. Ceci pour une information plus exhaustive, à jour, et qui ne tourne pas autour de la création de jeux vidéo. Cela donne par endroits des répétitions et une impression de décousu, imputables donc au traducteur, dont nos lecteurs voudront bien nous excuser.
L’auteur dénomme parfois des types de jeux ci-dessous “Hobby games”, qui pourrait se traduire par : “les jeux que l’on trouve dans les boutiques spécialisées” ; il utilise le terme “adult games” comme dans “adult boardgames”, par opposition aux jouets pour enfants. On trouve aussi “paper games”, par opposition aux jeux sur ordinateur. Nous avons choisi de tous les regrouper sous le terme de “jeux de simulation papier”, excluant les jeux vidéo, même si évidemment ces derniers sont bien entendu des jeux de simulation.
Introduction : La grande famille des jeux
(…) Tom Disch, un brillant auteur de science-fiction qui est depuis passé à une brillante carrière d’écrivain classique, a une expression pour les écrivains de SF qui ont peu de compréhension de toute autre littérature que la SF ; il les appelle “les sciences-fictionoïdes” et explique que leur manque de connaissances les limite à une poignée de techniques littéraires, les empêche de voir l’importance du personnage, et limite leur imagination. Il soutient qu’un écrivain qui souhaite maîtriser son art doit lire beaucoup, des œuvres de tous les domaines, de son genre littéraire et d’autres.
Je crois qu’une situation analogue existe chez les développeurs de jeu vidéo [et les créateurs de JdR, NdT]. Si votre seule expérience des jeux vient des jeux d’arcade, des consoles et des PC [ou des JdR seulement, NdT] – surtout si votre expérience est issue de jeux publiés ces cinq dernières années – votre imagination sera restreinte. Vous ne verrez que ce qui existe ici et maintenant, et vous serez naturellement enclins à modeler les changements autour de ce qui est apparemment possible, plutôt que d’explorer des alternatives intéressantes. Votre palette de techniques, votre préhension des potentiels, sera limitée. Vous serez, si vous voulez excuser le terme, un “vidiot”, une personne dont la seule connaissance des jeux vient des jeux vidéo.
Si, d’un autre côté, vous explorez cette étrange chose variable que nous appelons “le jeu” dans toutes ses manifestations, vous verrez que l’univers est vaste, que l’étendue des techniques est énorme, que c’est vraiment un média de grande élasticité. Vous aurez une source à laquelle puiser des idées plus puissantes, un champ plus étendu d’idées que vous pouvez voler, des épaules plus larges sur lesquelles vous tenir.
D’après mon expérience, les créateurs de jeux vidéo méconnaissent beaucoup les jeux de simulation papier ; ils sont plus ignorants que les créateurs de jeux de simulation papier le sont des jeux vidéo. Je pense que les deux peuvent fructueusement apprendre les uns des autres. En fait, j’irai même jusqu’à dire que, bien que les différences entre les médias ne doivent jamais être minimisées, et qu’il est important de reconnaître les limitations, les avantages, et l’esthétique de leurs différentes formes, tous les jeux partagent certains fondamentaux. Une compréhension plus large de toutes les formes ne peut qu’être bénéfique pour le créateur qui souhaite avoir un contrôle conscient de son art.
Je propose donc d’exposer brièvement l’évolution des jeux de simulation papier, une évolution qui continue encore maintenant, et par la suite, de réfléchir à plusieurs principes et concepts fondamentaux qui sous-tendent les jeux de toutes sortes.
(…) Les jeux non-vidéo ont existé depuis bien plus longtemps que les jeux vidéo. On a exploré bien plus de styles de jeu dans des médias non-électroniques, ne serait-ce que parce que vous pouvez développer un jeu non-vidéo pour un budget de quelques sous ; pour le papier, le carton et l’encre. Le risque occasionné par le développement de jeux non-vidéo est bien plus limité, et ceci a entraîné une créativité bien plus grande.
Les enfants apprennent en jouant, donc nous pouvons supposer que les jeux, qui sont simplement la formalisation de parties, ont existé depuis que l’évolution du langage a permis aux hommes de négocier et de se mettre d’accord sur des règles. Les jeux de ballon semblent universels ; et des dés de formes variées remontent quatre mille ans en arrière. À vrai dire, les dés à 20 faces que les jeux de rôles ont récemment rendus populaires sont très anciens ; il y en a un très bel ensemble, de l’antiquité romaine, au British Museum.
Les toutes premières histoires, de Gilgamesh à Beowulf, étaient de tradition orale ; ce ne fut pas avant les Grecs qu’apparurent des œuvres soigneusement élaborées, attribuables à des auteurs identifiés. Ce n’est qu’alors que les pièces de théâtre et les récits furent considérés comme un art, et leurs créateurs comme des artistes.
De même, nos jeux les plus anciens sont les produits d’une tradition populaire : les échecs, le go et l’awélé. Ce n’est pas avant le début du XXe siècle que les gens commencèrent à fabriquer exprès des jeux, les attribuant à des créateurs individuels. Ce n’est que depuis quelques décennies que les jeux sont considérés comme un art, et leurs créateurs comme des artistes.
Le premier jeu de simulation – conçu comme tel – que je connaisse, fut le Jeu du Roi, créé en 1780 pour le Duc de Brunswick par Helwig, Maître des Pages. Le Jeu du Roi était, dans un sens, une variante des échecs ; mais son plateau était fait de 1666 carrés, composé de différents types de terrains, et les unités représentaient l’infanterie, la cavalerie et l’artillerie. C’était une étape du jeu vers la simulation ; mais il resta avant tout un divertissement.
En 1824, le lieutenant von Reisswitz de l’armée prussienne imagina un jeu qui utilisait des cartes militaires réalistes à l’échelle de 1:8000e. Il en fit une démonstration au chef d’État-Major de l’armée prussienne, qui s’exclama : “Ce n’est pas un jeu du tout ; c’est une formation à la guerre !” et il commanda une copie pour chaque régiment de l’armée. Ce jeu et ses variantes continuèrent à être joués dans les forces armées prussiennes et allemandes pendant des décennies.
En 1876, le colonel von Verdy du Vernois de l’armée allemande imagina une nouvelle sorte de Kriegspiel (jeu de guerre) : il se débarrassa des règles complexes de von Reisswitz, et à la place, il introduisit un officier expérimenté comme maître de jeu. Les joueurs étaient autorisés à faire tout ce qu’ils voulaient, aussi longtemps que le maître de jeu le déclarait réalisable. En un sens, ces Kriegspieler moins rigides étaient des précurseurs du jeu de rôle moderne.
Les jeux de guerre étaient communément utilisés pour l’instruction à travers l’Europe à la fin du XIXe siècle, et leurs dérivés – les complexes simulations de combat, tant manuelles que simulées informatiquement – sont couramment utilisées de nos jours dans les forces armées de toutes les nations développées.
Les jeux de plateau (JdP)
La fin du XIXe siècle vit aussi les premiers jeux de plateau et jeux de cartes commerciaux. Ils étaient pour la plupart soit une version commerciale de jeux populaires comme les échecs, les dames, le jeu de l’oie et le whist, soit des variantes mineures. Mais les fabricants de jeux commencèrent également à promouvoir des titres populaires moins connus comme Pacheesi [ou Parcheesi, ou Pachisi : jeu de poursuite d'origine indienne, NdT], et produisirent les premières créations originales déposées. George Parker fonda Parker Brothers en 1883, et publia sa première création la même année, Banking. Milton Bradley fonda sa société éponyme en 1860 comme imprimeur de lithographies, et commença à éditer des puzzles et des jeux de plateaux en 1860.
Au début du XXe siècle, les jeux commerciaux se répandirent. Les premiers succès de Parker Brothers furent Rook et Pit (1), publiés en 1903. Le Monopoly de Charles Darrow – un jeu essentiellement plagié sur Le jeu du propriétaire de Lizzie Magie – devint un énorme succès après sa publication en 1936, faisant de Darrow le premier créateur de jeu indépendant à devenir millionnaire, et incidemment sauvant Parker d’une probable banqueroute.
Il est utile de se rappeler que les JdP sont un loisir bon marché ; vous pouvez y jouer encore et encore une fois que vous avez acheté la boîte. Et pendant la Dépression, l’argent était rare pour la plupart des gens.
Après la Seconde Guerre mondiale, le jeu de plateau crût avec l’économie américaine, la plupart des JdP classiques étant publiés dans les années 50 et 60 – Candyland en 1949, Le jeu de la vie en 1960 (bien que des jeux antérieurs du même nom aient été publiés aussi loin que le XIXe siècle). Nombre de ces titres étaient des importations – Risk appartenait à Miro en France [sous le nom de La Conquête du monde, NdT], Cluedo à Waddingtons en Grande-Bretagne. Nombre de créateurs indépendants, y compris le révéré Sid Sackson, eurent la possibilité de gagner leur vie comme créateurs, bien qu’ils auraient été fous de quitter leur travail habituel.
Bien que Parker et Milton Bradley dominassent le secteur, il y avait un certain nombre d’éditeurs plus petits, et le marché était relativement ouvert à des nouvelles entreprises – les canaux de distribution étaient bien moins consolidés, et on ne voyait pas la pub télé comme étant indispensable à un lancement crédible de produit.
(…) Sid Sackson [fut] le créateur de Bazaar et de Acquire et de bien d’autres jeux pour Parker Brothers, Milton Bradley, et la très regrettée société 3M. Le groupe British Hartland Trefoil est aussi à noter, comme créateurs de la série des jeux ferroviaires 1829 et du jeu de plateau Civilization (qui inspira le jeu vidéo homonyme de Sid Meier)
L’esthétique de ces créateurs est assez intéressante, parce qu’elle est si contraire à la nôtre ; Sackson m’a dit un jour que “il n’y avait plus besoin de jeux nouveaux”. J’étais stupéfié ; pour moi, chaque jeu est une œuvre originale, et la phrase revient à dire “il n’y a plus besoin de livres”. Mais du point de vue de Sackson, presque tout ce qu’il voit est une variante sur un thème : un Monopoly, un jeu de l’oie, un Rummy, un jeu d’échecs. Et peut-être qu’il est dans la nature du jeu de plateau de masse qu’il en soit ainsi : le marché exige des règles qui peuvent être apprises en une minute ou deux, et il n’y a qu’un nombre limité de permutations possibles avec un plateau, un pion en plastique et un dé. Il est en fait à porter au crédit de l’œuvre de Sackson, qu’elle soit si originale compte tenu de ses limitations.
De 1962 à 1976, 3M publia quelques-uns des meilleurs JdP jamais publiés en anglais, y compris Acquire, Bazaar, et Twixt de Alex Randolph. Cependant, à la fin, 3M se demanda ce qu’il foutait dans le secteur des jeux, et vendit sa gamme à Avalon Hill, qui bien sûr fut repris par Hasbro [en 1998].
Hasbro acquit Milton Bradley en 1984, puis Tonka – qui possédait alors Parker Brothers – en 1991. Il possède aussi Selchow & Richter, les éditeurs aux États-Unis du Scrabble et du Trivial Pursuit. En gros, Hasbro contrôle maintenant entièrement le marché du JdP de masse. Il y a encore quelques plus petits joueurs, mais un seul, Winning Moves, qui publie encore quelque chose d’intéressant.
Le secteur des JdP de masse, tel qu’il est, est constitué majoritairement de : vieilles marques qui se vendent parce que tout le monde connaît les titres ; de camelote sous licence de films et de séries TV ; et de jeux pour enfants en état de mort cérébrale.
Dans ce contexte, il est utile de mentionner l’importance du Trivial Pursuit. Ce fut le premier jeu de plateau à grand succès qui ne visait pas “toute la famille”, mais précisément les adultes. Il engendra de très nombreux successeurs, et rien que pour cette raison doit être considéré comme une création féconde. Et il est intéressant de voir que les éditeurs de JdP indépendants qui survivent vendent principalement dans ce marché.
Les titres les plus intéressants tendent à être ceux destinés aux adultes. Même pour de tels jeux, c’est une nécessité virtuelle d’avoir des règles simplissimes qui peuvent être expliquées en 5 minutes ou moins. Vous n’intéressez à rien d’autre l’acheteur de Toys R’us. Mais cela a ses vertus : lorsque le livret de règles doit être si mince, la tendance est d’obtenir des petits jeux raffinés, compacts, et classes. Et c’est, d’ailleurs, tout à fait ce que vous voulez pour un jeu vidéo en ligne payé par la pub ; vous voulez quelque chose que les gens peuvent piger en quelques phrases d’explications et plonger droit dedans. Les gens qui veulent développer ce type de jeux doivent s’apercevoir que La Dame de Pique ne vous mène pas plus loin. Tout le monde offre cela, c’est une matière première.
Pour attirer les consommateurs, vous allez avoir besoin de posséder des jeux propriétaires que les autres n’ont pas. Si je faisais ça, je m’ intéresserais sûrement à la licence de 25 Words or less, ou Chronology.
Il y a toujours beaucoup de créativité dans le JdP moderne, mais elle ne vient pas des États-Unis. Hasbro est gras et satisfait et n’a fondamentalement rien à foutre de l’innovation. Les produits récents les plus excitants sont conçus et édités en Allemagne, qui a un marché bien plus concurrentiel et un marché bien plus grand par habitant – à savoir, les Allemands achètent chacun plus de JdP, bien qu’ils soient moins nombreux que les Américains. L’esthétique est bien plus développée là-bas : aux USA, il n’y que Games Magazine, mais en Allemagne il y a de très nombreuses publications qui couvrent les jeux de plateau ; et les journaux et magazines font souvent des critiques de JdP. De très nombreux éditeurs, et des créateurs dont le nom impose le respect et génère des ventes – des créateurs comme Klaus Teuber (Les Colons de Katane), Reiner Knizia (Modern Art, L’Euphrate et le Tigre) et Alan Moon (Elfenland [et Les Aventuriers du rail !, NdT]. Moon est un exemple intéressant en fait, car il est américain, mais doit aller en Allemagne pour être publié.
Une autre indication de l’esthétique supérieure du marché allemand est que les jeux de Sid Sackson sont globalement épuisés aux USA – sauf Acquire chez Avalon Hill – tandis que plusieurs de ses œuvres sont disponibles in Deutschland.
L’esthétique du JdP allemand est particulièrement intéressante :
- Ces jeux tendent à être quelque peu plus complexes que la moyenne du marché de masse américain, mais pas tant que ça. Je n’ai aucun problème pour y jouer avec mon enfant de neuf ans, par exemple.
- La plupart sont multijoueurs.
- La durée de ces jeux tend à être étroitement limitée ; ils ne prennent pas plus de deux heures à jouer.
- Ils sont basés sur le tour par tour, mais votre tour ne prend que quelques minutes, donc il passe très vite. Souvent les autres joueurs peuvent agir pendant votre tour pour vous impacter, donc ils ne restent pas là assis à attendre.
- Vous pouvez typiquement manipuler une grande variété de ressources : des cartes en main, ou des jetons, ou quelque chose du genre ; et il n’est pas toujours évident de savoir exactement ce que vous devriez faire avec dans n’importe quelle circonstance donnée.
- Vous faites face à un petit nombre de décisions dans un tour, mais ces décisions sont difficiles à prendre. Contrairement à disons, Candyland, où on n’a pas de décisions à prendre. Ou à la plupart des autres JdP américains, où les décisions sont vides de sens ou négligeables. (…)
Dire que le jeu de plateau est mort aux USA est, heureusement, faux. Au niveau du marché de masse, il est mort, ou au moins en état de mort cérébrale ; mais le JdP a trouvé un refuge modeste dans les boutiques spécialisées. Le nombre de boîtes vendues est assez morne, surtout avec le déclin des canaux de distribution [en 1998], mais cela n’arrête pas forcément les gens qui aiment ce qu’ils font, de publier ainsi.
Cheapass Games est particulièrement intéressant, qui publie des jeux comme Kill Dr. Lucky – en gros une inversion de Cluedo – et Before I kill you Mr. Bond, (“Avant que je vous tue Monsieur Bond…”), où vous capturez des espions puis les ralliez, en doublant la valeur des points de l’espion chaque fois que vous le ralliez. Le truc est que si quelqu’un a la même carte de ralliement dans sa main, il peut la jouer pour faire échapper l’espion et faire exploser votre base.
Cheapass n’est pas le seul éditeur avec des jeux de ce genre ; voyez Credo de Chaosium, où vous jouez diverses factions religieuses et essayez de les faire adopter comme doctrine officielle de l’Église, ce qui peut finir avec une église catholique où l’hérésie albigeoise est la Vérité révélée. Ou bien Black Death de Greg Porter, où en tant qu’épidémie, vous concourez pour aligner le plus de morts chez les autres joueurs. Ou Guillotine, de Wizards of the Coast, où les joueurs sont des bourreaux rivaux en concurrence pour exécuter les “clients” les plus prestigieux. Comme les JdP allemands, ils ont des règles simples, bien que plus complexes que celles des JdP de masse. Ils tendent à ne pas être aussi sophistiqués ou raffinés, mais ont un côté humoristique qui rend les parties amusantes.
En plus de ce genre de JdP, il y a ce que l’on pourrait appeler le jeu diplomatique. Le grand-père des jeux diplomatiques est bien sûr Diplomatie d’Allan Calhammer, publié pour la première fois en 1958. Dans Diplomatie, vous jouez l’une des sept puissances européennes. Les ordres sont écrits, puis révélés et résolus simultanément ; ainsi vous ne savez jamais ce que les autres joueurs font tandis que vous écrivez vos ordres. La clé du jeu est l’ordre de soutien, qui permet à vos unités de soutenir les mouvements des autres joueurs.
C’est un jeu assez élégant stratégiquement, mais la vraie innovation est qu’il dépend complètement de la négociation et de la diplomatie. Les puissances sont en gros de force égale ; le seul moyen de vaincre un adversaire est de trouver des alliés. Mais comme vous ne pouvez être sûr de ce que font les autres joueurs, vous ne pouvez jamais faire entièrement confiance à vos alliés. Les trahisons sont monnaie courante. Les parties se terminent souvent en larmes. C’est un jeu vicieux, formidable, prenant.
Comme genre de jeu, les jeux de diplomatie requièrent que les joueurs négocient entre eux. Ceci par contraste avec la plupart des jeux soi-disant multijoueurs. Au Monopoly par exemple, il y a très peu de choses que vous puissiez faire pour aider ou gêner vos adversaires, ainsi la diplomatie n’est pas un facteur. Avalon Hill fut le plus grand éditeur de jeux diplomatiques, y compris mon propre Pax Britannica et l’édition américaine de Kingmaker ; mais d’autres éditeurs en créent quelques-uns aussi.
(…) Le marché des jeux de simulation est bien plus réceptif aux nouveaux produits, et aux productions amateurs, que tout autre secteur du jeu. Donc vous y voyez publiés toutes sortes de trucs bizarres, certains d’entre eux étant très intéressants.
Mais assez du jeu de plateau ; rendons-nous à la prochaine grande catégorie.
Les jeux de figurines
Les jeux de guerres avec figurines (JGF) descendent de la tradition des jeux de guerre ; aucun doute que les enfants ont joué des jeux avec des petits soldats depuis que le premier artisan en sculpta un, mais le premier ensemble de règles édité professionnellement fut conçu par H.G. Wells, le grand romancier et humaniste.
HG Wells jouant au premier wargame avec figurines et les déplaçant autour du décor ; une image familière aux figurinistes
Publié en 1913, Little Wars/Floor Games (petites guerres/jeux sur le sol) étaient des règles très simples, minimalistes même, avec des facteurs de mouvement différents pour l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie ; un algorithme très simple pour la résolution de la mêlée, et le tir d’artillerie par l’usage d’un canon à ressort. En gros, vous visiez avec vos canons à ressort, tiriez des allumettes, et [les petits soldats] qu’elles touchaient étaient morts.
Depuis, les règles pour JGF sont devenues bien plus complexes et réalistes, culminant peut-être avec celles du Wargames Research Group. Le jeu de guerre avec figurines reste un loisir populaire, peut-être davantage en Grande-Bretagne qu’aux États-Unis.
Le JGF est toujours un loisir florissant mais petit. Il y a deux groupes très distincts de figurinistes. Les joueurs militaires, pour la plupart des hommes dans leur quarantaine et plus, amenés à avoir des groupes de joueurs réguliers, des campagnes suivies, et un méta-jeu stratégique où les batailles qu’ils mènent affectent le cours de la guerre. Les règles qu’ils utilisent sont éditées en un petit nombre d’exemplaires par des passionnés, et leurs figurines sont façonnées par un petit groupe de fabricants spécialisés.
Les figurinistes de fantasy et de science-fiction sont plus jeunes, pour la plupart adolescents. Les jeux les plus populaires dans cette catégorie – Warhammer Battle et Warhammer 40.000 – sont édités par Games Workshop, le plus grand éditeur de jeux de simulation en Grande-Bretagne, et le deuxième (plus grand) au monde, après Wizards of the Coast/TSR. C’est un marché étroit mais juteux ; si vous êtes un figuriniste sérieux, vous voulez quelques centaines de figurines, qui vous coûteront plusieurs centaines d’euros, plus le coût de la peinture et des règles elles-mêmes. Le temps consacré est aussi énorme ; en plus du temps passé à jouer, vous devez peindre vos figurines. Même si vous devenez très bon, nous parlons d’un minimum de 15 minutes par figurine ; et lorsque vous débutez, vous feriez mieux de prévoir 45 minutes. C’est un loisir de fanatiques.
L’attrait des figurines est évident, si vous avez vu un jour une table bien déployée. Des figurines peintes de couleurs gaies marchent en rang serrés à travers le champ de bataille. Visuellement, c’est saisissant ; et les figurinistes adorent exhiber le résultat de leur dur travail. L’attrait du jeu est semblable à celui du wargame papier : planification tactique, plein de temps pour réfléchir à vos mouvements. Il y a un peu d’attrait pour le collectionneur aussi : vous ne pouvez pas utiliser le chariot d’assaut nain si vous n’avez pas la figurine correspondante, par exemple. La figurine que vous possédez dicte la nature de votre armée.
Il y a deux choses importantes à noter pour nous, au sujet des jeux de guerre avec figurines. La première est le modèle économique : ce n’est pas de la vente de jeux, c’est de la vente de figurines. Résultat : les fabricants peuvent retirer bien plus de blé de votre porte-monnaie qu’ils ne le pourraient avec un jeu unique. Rentrez là-dedans et vous voudrez toujours une nouvelle figurine cool.
La seconde est l’activité extérieure au jeu. Les figurinistes enthousiastes passent habituellement plus de temps à peindre leurs figurines pour des parties qu’à les jouer vraiment. Ils sont obsédés par les détails de leurs armées, parfois à un degré risible. Ils trouvent cette tâche agréable et intéressante, de la même manière que les modélistes. C’est une forme de modélisme, d’une certaine façon, particulièrement pour ceux qui se lancent dans la personnalisation de figurines.
On continue à publier des règles pour jeu de figurines, et on continue à fabriquer des figurines d’armées. Toutefois le prix des figurines a considérablement augmenté ces dernières années, du fait que des inquiétudes au sujet de l’empoisonnement au plomb ont forcé les fabricants à produire des figurines avec des alliages plus chers. Le jeu de figurines reste sans pareil pour le bonheur des yeux et le pur plaisir tactile, et il est difficile de l’imaginer disparaissant entièrement, quel que soit le degré d’informatisation de notre société.
Les wargames
Le secteur des wargames fut créé en 1953, lorsque Charles S. Roberts publia pour la première fois Tactics à compte d’auteur. Tactics n’est pas totalement différent du Jeu du Roi de Helwig. C’est un jeu de guerre quelque peu abstrait entre deux pays imaginaires avec des armées de la Seconde Guerre mondiale. Il eut assez de succès pour encourager Roberts à fonder The Avalon Hill Game Company en 1958.
Les deux premiers jeux d’Avalon Hill furent Gettysburg et Tactics II, une amélioration de la première version de Roberts, puis ils commencèrent à publier à la fois des wargames et des jeux de masse pour adultes. Avalon Hill publiait à peine un ou deux jeux par an, mais leurs jeux attirèrent bientôt un important public d’adeptes. Ils lancèrent un magazine – The General.
Des annonces de recherche d’adversaires dans les dernières pages aidèrent à créer une communauté de wargamers, tout comme l’avait fait le courrier des lecteurs dans les magazines pulps de l’âge d’or de la science-fiction. Des jeux comme Stalingrad et Panzerblitz établirent une réputation assez solide pour être encore disponibles 35 ans après – ou peut-être pas, vu le rachat de Avalon Hill par Hasbro.
Après une rapide banqueroute et une réorganisation de la société sous le contrôle de Monarch Printing – l’imprimeur et le principal créancier d’Avalon Hill –, la société crût rapidement, et au milieu des années 60, il existait un important milieu du wargame, principalement constitué d’adolescents et d’étudiants, fanatiques des jeux d’Avalon Hill.
Cependant, un éditeur ne constitue pas une industrie. En 1968, James Dunnigan et Redmond Simonsen prirent le contrôle d’un fanzine de wargame nommé Strategy & Tactics, améliorèrent son graphisme, et commencèrent à ajouter un wargame dans chaque numéro ; une formidable affaire pour les wargamers, qui eurent 6 jeux par an, plus le magazine, pour le prix de quelques jeux en boîte d’Avalon Hill.
Dunnigan et Simonsen découvrirent rapidement qu’il y avait une énorme demande refoulée pour plus de jeux chez les wargamers, qui n’étaient pas satisfaits par les un ou deux qu’Avalon Hill publiait chaque année. Avec Strategy & Tactics pour base, ils fondèrent Simulations Publications, Inc. ou SPI, qui commença à publier des jeux aussi à côté du magazine, en l’utilisant comme support de promotion. À la fin des années 1970, SPI publiait des douzaines de jeux par an ; il y avait des conventions de wargames nationales et des clubs dans tout le pays ; des boutiques spécialisées ouvraient pour satisfaire la demande – et pour vendre des jeux de rôles, qui commençaient à être populaires. En d’autres mots, c’était un secteur – petit il est vrai, sans doute pas plus de 10 millions de dollars à l’époque.
Avalon Hill et SPI ne furent pas longtemps seuls ; Origins, la convention annuelle des wargamers, se remplit vite de douzaines d’exposants.
SPI et Avalon Hill furent toujours les plus grands éditeurs de wargames, mais il y avait aussi de nombreux autres petits éditeurs, y compris des éditeurs relativement professionnels comme GDW. À l’apogée du wargame, en gros de 1972 à 1980, il y eut des centaines de jeux publiés. Le wargame typique était bien plus complexe, en termes de règles que le joueur devait maîtriser, que toute autre catégorie de jeu avant ou après. Un livre de règles moyen était constitué de 16 pages uniformes en police 9, et certains jeux en avaient jusqu’à 96.
Le public des wargames grandit avec ses produits, et demanda des simulations de plus en plus complexes et réalistes, culminant dans des jeux comme War in Europe et War between the States, qui comprennent des milliers de pièces et des surfaces de jeu qui couvraient jusqu’à 2,8m².
L’apogée du wargame fut notable pour deux raisons : ce fut la première fois que des créateurs de jeux devinrent des stars, et la première fois que les créateurs commencèrent à penser leur œuvre comme un art – ces phénomènes étaient liés, pour sûr.
D’abord, Avalon Hill imprima le nom des gens qui créaient leurs jeux dans les livres de règles. SPI fit mieux, en imprimant le nom des créateurs sur la couverture de leurs jeux. En conséquence, les joueurs en vinrent à connaître le nom de Jim Dunnigan, Richard Berg et John Hill [auteur de Squad Leader, NdT]. Il devint habituel de parler de “l’état de l’art” et de l’évolution de la technique du wargame à travers le temps.
Malheureusement, SPI passa en 1982 sous le contrôle de TSR, l’éditeur de Dungeons & Dragons. TSR prit une étonnante décision irréfléchie, décida de ne pas honorer la souscription des 60 000 abonnés au magazine-amiral de SPI, Strategy & Tactics. C’était les meilleurs clients du wargame : selon les enquêtes de SPI, l’abonné moyen de S&T achetait une douzaine de jeux ou plus par an. TSR leur dit, de fait, “Nous ne voulons pas de vous” et il n’est pas surprenant que le hobby du wargame débutât un déclin immédiat et abrupt. Bien que le milieu des années 1980 vît la publication de quelques jeux de première catégorie par Victory Games et GDW, à la fin de la décennie il était clair que l’apogée était passée.
Bien que des douzaines de wargames continuent à être publiés chaque année, le hobby est une triste coquille de ce qu’il fut jadis, et le wargame moyen est de qualité bien inférieure aux jeux des années 70 et 80.
La complexité des règles n’était pas nécessairement égalée par la complexité stratégique : le seul vrai choix pour le joueur allemand dans un wargame stratégique sur la Seconde Guerre mondiale est, après tout, “attaquer l’Angleterre d’abord” ou “attaquer la Russie d’abord”. L’attrait du wargame réside dans la maîtrise d’un système complexe ; et dans les choix tactiques difficiles et compliqués – comment positionner exactement vos pions afin de mener une attaque d’efficacité maximale.
Le wargame est une mine d’or de conception de systèmes. Les wargamers privilégiaient l’innovation et la nouveauté, à la recherche d’une simulation militaire nette. Les variantes de lignes de ravitaillement, initiative, et résolution de combat sont nombreuses. Prenez trois wargames au hasard, vous trouverez plus de différences fondamentales dans l’approche et la conception – même si tous sont des simulations de conflits sur des cartes d’hexagones – que vous n’en trouverez parmi trois jeux vidéo de stratégie en temps réel. Bien sûr, c’étaient des éditeurs convaincus que le public voulait de l’innovation dans la conception plutôt que dans la technologie.
Il est vrai toutefois que ces systèmes sont tous une aide à la simulation de conflit militaire, avec une gamme assez limitée de composantes physiques. Cependant, les créateurs – de jeu de stratégie en temps réel en particulier – doivent étudier les wargames sur table pour apprendre que vous pouvez mettre l’accent sur bien, bien des aspects des conflits dans différents jeux. Tout n’a pas besoin d’être sur la construction de conneries pour aller flinguer d’autres conneries. Vous pouvez insister sur les lignes de ravitaillement, le brouillard de la guerre, la combinaison d’armes, la manœuvre, la formation, la qualité des généraux, l’importance de l’artillerie et de la force aérienne, le moral, la production sur le front intérieur, même la volonté de la population civile d’endurer une guerre. Vous avez simplement besoin de différents systèmes pour mettre en avant différents aspects.
Pour balancer un exemple, le World War I de Jim Dunnigan est sous bien des aspects un jeu très ennuyeux : les pions bougent rarement, et une avance d’un hexagone est une victoire majeure. Comme la Première Guerre mondiale. Mais la tension vient des pertes : vous avez un petit marqueur qui représente le nombre de jeunes hommes que vous enrôlez cette année, et vous n’êtes pas obligé de faire retraite tant que vous avez davantage d’hommes à lancer dans les gueules des mitrailleuses ennemies. Ces marqueurs descendent et descendent et descendent tandis que des millions d’hommes sortent des tranchées pour être découpés sur les barbelés. Le simple mouvement d’un carré de papier bristol communique l’absolue absurdité et la barbarie de la guerre.
(…)
Le wargame en tant que marché survit, une sorte d’ombre de ce qu’il a été, soutenu par quelques éditeurs passionnés et, jusqu’ici, Avalon Hill. C’est un de ces loisirs qui a cessé d’attirer les adolescents, cependant, et est constitué principalement d’hommes dans leur quarantaine ou leur cinquantaine, encore en train de compter les kilomètres tandis que les nazis avancent sur Stalingrad, comme ils le faisaient quand ils étaient jeunes. Mais vous pouvez trouver de bons jeux là, dans le catalogue d’Avalon Hill, parmi les produits de Decision Games, et en parcourant les échanges de rec.games.board.marketplace
Le jeu de plateau de science-fiction et de fantasy était un rejeton du wargame, et se vendit d’abord à travers les mêmes canaux de distribution qu’eux. Le premier projet réussi du genre fut Stellar Conquest de Howard Thompson, toujours édité par Avalon Hill. Thompson poursuivit avec une série de petits jeux pas chers avec une quantité limitée de composants, dont nombre étaient créés par Steve Jackson. Ils eurent également du succès. SPI, alors un important éditeur de wargames, publia aussi quelques jeux de plateaux de SF, et lança un magazine – Ares – qui contenait un jeu de SF dans chaque numéro. Comme le wargame, le JdP de SF attira un public solide.
Toutefois, l’heure de gloire du jeu de plateau de science-fiction fut très brève : comme le wargame, sa popularité plongea quand SPI fut racheté par TSR, et TSR refusa d’honorer les abonnements au magazine de SPI, un événement qui découragea complètement des milliers de joueurs fervents.
La plupart des premiers wargames de SF et de fantasy sont maintenant épuisés, bien que Steve Jackson continue les gammes Ogre et Car Wars. Cependant, des jeux comme Battletech de [feu] FASA et RoboRally de Wizards attirent encore des joueurs. À ce jour, le jeu de SF n’est qu’une branche mineure des jeux de simulation, mais voit encore de nouvelles sorties occasionnelles.
Les JdP de SF ont des règles assez complexes, bien que généralement plus simples que celles des wargames historiques. Elles tendent aussi à être moins étroitement stéréotypées : la nature de la SF et de la fantasy permet de justifier presque tout ce que vous voulez dans un jeu, en inventant une théorie quelconque pour expliquer pourquoi les choses marchent ainsi. En conséquence, les grilles d’hexagones sont plus rares, il y a plus de jeux multijoueurs et de jeux économiques, et ainsi de suite.
Articles originaux : A Short History of Paper Games (1994) et Don’t Be a Vidiot – What Computer Game Designers Can Learn From Non-Electronic Games
(1) NdT : Rook et Pit sont deux jeux de cartes que l’on échange dans le but de former des groupes. Un mélange entre les 7 Familles et la Bourse. [Retour]
Pour aller plus loin…
Cet article fait partie de l'e-book n°6, Une brève Histoire du JdR, un organisation de nos traductions pour une perspective intelligente sur notre loisir.
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Commentaires
Blue Window (non vérifié)
mar, 28/07/2015 - 18:35
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Le wargame World War I
Pour avoir déjà joué à World War I (le père d'un de mes amis collectionne ce genre de wargames), je confirme que c'est assez ennuyeux, car l'action est rare (tout est relatif). J'adore le passage sur ce jeu, j'ai trouvé que l'auteur le décrivait parfaitement dans ces 8 lignes.
Aetius (non vérifié)
sam, 19/12/2015 - 21:30
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Les wargames publiés
Les wargames publiés actuellement ont des règles d'une finesse et permettant une simulation bien plus fine que le soi-disant âge d'or des années 70. Essayez-les et vous serez séduits. Voici un site pour commencer: strategikon.
Rappar
mar, 22/12/2015 - 21:27
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Age d'or?
Quelle remarque pertinente, Anonyme, et à l'encontre des nostalgiques qui disent (bien à tord) que c'était mieux avant! Les wargames d'aujourd'hui sont meilleurs que ceux des années 70 (que vous avez visiblement bien connu), mais ils sont aussi moins biens que ceux de demain, puisque n'est-ce pas le progrès est objectif, continu, et n'est pas une question de mode... Les voitures aussi sont meilleures que les voitures des années 70 (on se demande pourquoi il y a des collectionneurs), et je ne parle pas des ordinateurs...
Au fait, l'Âge d'or n'est pas une question de finesse de la simulation... l'âge d'or, c'est quand le wargame était "in", qu'il y avait plein de joueurs, plein de clubs, de fanzines (Gygax en tenait un), d'éditeurs et de produits; que n'importe qui pouvait se lancer dedans en espérant faire fortune dans un gros marché ; un temps d'enthousiasme des joueurs, que ni l'épaisseur ni la complexité des règles, ni la longueur des parties, ne rebutaient. C'était avant que le wargame soit supplanté par l'Âge d'Or du JdR dans les années 80, lui-même supplanté par le Jeu de Cartes à Collectionner dans les années 90, lui-même supplanté par le jeu online et les jeux de plateau.
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