Romance et Jeu de Rôles : des biais de genre ?

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C’est reparti pour un nouvel article que j’avais très envie d’écrire depuis un moment : une réflexion autour du rôle que joue la romance dans le JdR, comment l’aborder, et les problématiques qui l’accompagnent. Comme j’ai un avis assez tranché sur toutes ces questions, j’ai lancé un sondage [en 2022] pour savoir si mes impressions étaient partagées ou si, en réalité, j’étais la seule à voir les choses sous cet angle. Et à ma grande surprise, vous avez été près de 500 à répondre (489 très exactement, c’est dingue !), et je vous en suis énormément reconnaissante. Un immense merci à toutes celles et ceux qui ont pris un moment pour réfléchir et répondre, je vais faire de mon mieux pour vous rendre justice dans la suite de cet article.

Pour l’anecdote, j’ai longtemps hésité à intituler cet article « jeu de rôlemance », mais j’ai réussi à rester (un peu) raisonnable...

Mais c’est quoi au juste, « la romance dans le JdR » ?

Je fais ici référence à tous les arcs narratifs qui comprennent une relation amoureuse entre deux personnages ou plus, quels que soient leurs genres. Cela peut concerner des relations entre des PJ ou avec des Personnages Non-Joueurs qui peuvent prendre bien des formes : un simple effleurement de la main, un baiser volé, une histoire d’amour qui dure toute une vie, etc.

Ces derniers temps, la scène rôliste hispanophone s’est penchée franchement sur cette question de la romance, et je ne pourrais pas poursuivre cet article sans mentionner Abie, la reine du « sucré ». Sur son blog Abie da pastel es (1), elle aborde en profondeur tout un éventail de sujets autour de l’interprétation du sentiment amoureux dans le jeu de rôle. Vous y trouverez aussi bien des conseils pour mener ce type d’intrigues que pour organiser de bonnes sessions zéro qui prennent en compte les dynamiques romantiques. Si le sujet vous intéresse, je vous recommande vivement d’y jeter un œil. De mon côté, je préfère vous prévenir : cet article ne sera pas suffisant pour pousser la réflexion aussi loin.

Romance vs. Érotisme : intentions et approches

Je tiens aussi à rappeler que romance et érotisme ne vont pas forcément de pair, ou du moins, pas systématiquement. Il est tout à fait possible de vivre une relation romantique sans qu’elle implique de l’érotisme ; c’est notamment le cas de certaines personnes asexuelles mais romantiques, tout comme il peut exister des relations érotiques sans dimension amoureuse.

Photo d'un couple s'enlaçant toridement en extérieur. L'un, torse nu, fait un baiser dans le cou à l'autre, qui ferme les yeux en extase.

Dans cet article, j’ai choisi de me concentrer sur le traitement de la romance plutôt que de l’érotisme, et j’ai essayé de faire transparaître ce choix dans le sondage. Cela dit, les scènes romantiques comportent souvent une certaine charge érotique. C’est pour cela que vous aurez tout de même quelques références à ce sujet, notamment en raison des baisers, caresses, etc., qui font partie de l’érotisme. En Espagne, j’ai vu peu de JdR spécifiquement érotiques, mais il existe malgré tout de très beaux exemples (2). La Sed Roja de Monster Productions es est un GN consacré à l’exploration de l’érotisme. De son côté, Neuronas del Corazón bluesky a lancé une série de parties de JdR sur table intitulée « Sexperimentando », qui explore la sexualité dans sa dimension la plus quotidienne.

Je comprends tout à fait que ce type de jeux ne parle pas à tout le monde, mais si la curiosité vous titille et que vous vous demandez comment intégrer l’érotisme dans le JdR, je vous recommande d’y jeter un œil. Et si vous avez envie de vous lancer vous-même dans cette expérimentation, je vous conseille cet article ptgptb d’Abie, où elle partage des conseils très utiles pour mener.

Objectifs de cette étude

À l’origine, mon intention en écrivant cet article était de proposer une réflexion sur la romance en tant que genre narratif dans le jeu de rôle. Un peu comme en littérature : bien que ce soit le genre le plus lu, il reste souvent perçu comme un genre « mineur ». Est-ce que le même phénomène se retrouve dans le JdR ? Est-ce lié à son association avec le féminin, ou est-ce que d’autres facteurs entrent en jeu ?

C’est dans cette optique que j’ai décidé de lancer un sondage et d’avoir un aperçu plus large des opinions répandues dans la communauté. Et je dois bien avouer que les résultats m’ont quelque peu détournée de mon objectif initial. J’espère que cela ne vous empêchera pas de trouver cette lecture intéressante !

L’échantillon démographique du sondage

Commençons l’analyse du sondage par les données démographiques. L’un des préjugés les plus classiques autour de la romance dans le JdR est qu’il s’agirait d’un type d’histoires principalement apprécié par les femmes. L’échantillon montre pourtant une réalité bien plus riche : on retrouve une forte représentation de femmes (37 %), mais aussi de personnes non binaires (6,3 %). Je trouve cette répartition particulièrement intéressante à la fois pour mon étude de la question de la romance, mais aussi d’un point de vue plus large : c’est un reflet de la diversité de la communauté rôliste. La forte mobilisation autour de ce sondage m’a d’ailleurs fait réfléchir à la pertinence de créer un véritable recensement pour mieux comprendre la composition démographique de la communauté rôliste espagnole. Mais je garde l’idée pour une prochaine fois.

Un autre point que je tenais à souligner grâce à cet échantillon est la question de l’âge. Je voulais vérifier s’il existait une éventuelle corrélation entre le genre et l’âge, ainsi qu’entre l’âge et certaines thématiques de jeu, en particulier celles qui sont influencées par les préjugés transmis par l’éducation. La première chose que l’on peut constater est que la population de femmes et de personnes non binaires a tendance à être légèrement plus jeune que celle des hommes ; mais on abordera ça plus en détails plus tard. En attendant, on peut également observer que les tranches d’âge les plus représentées sont les mêmes dans les trois cas : il s’agit des 26 à 45 ans.

Je voulais également savoir dans quels types de JdR (sur table ou GN) évoluent les personnes ayant répondu afin d’explorer les liens possibles entre les types d’intrigues jouées et les formats de jeu pratiqués (et aussi pour observer les recoupements entre les différentes pratiques rôlistes). Bien que ces données ne soient probablement pas pleinement représentatives de l’ensemble de la communauté, elles donnent un aperçu du paysage rôliste, au moins parmi celles et ceux qui ont pris le temps de répondre au sondage.

Un peu, beaucoup, ou pas du tout de romance dans les JdR ?

L’une des principales questions à laquelle je souhaitais avoir une réponse grâce à ce sondage était de savoir si on jouait de la romance autour d’une table et dans les grandeur-nature, car ça a été mon expérience depuis toujours. Malgré les réticences observables dans certains milieux, depuis mon adolescence, j’ai toujours joué avec des intrigues romantiques très fortes, et c’est d’autant plus vrai dans les GN où elles sont souvent le moteur de nombreux personnages (même si ça peut générer des conflits et des discriminations, comme on a pu le voir dans mon article sur la grossophobie dans le milieu du JdR es).

La conclusion est donc oui : à la question « As-tu déjà joué une intrigue romantique ? », environ 75 % des personnes interrogées ont répondu « Oui ». Si on analyse les résultats selon le genre, on constate que les femmes et les personnes non binaires ont davantage essayé ce type d’intrigues que les hommes. À première vue, ça correspondrait à certaines idées reçues que l’on avait au départ, selon lesquelles les hommes sont moins attirés par ces intrigues, mais la différence n’est pas si énorme que ça puisque la proportion est supérieure à 70 % pour tous les genres.

Jouer une romance est une chose, mais y prendre du plaisir en est une autre. C’est pourquoi il est important de savoir combien de personnes parmi celles ayant répondu « Oui » à la question précédente ont réellement apprécié ce type d’intrigues. On peut voir que le pourcentage dépasse les 70 %, et la répartition par genre ne montre pas de différence significative dans le plaisir ressenti, même si le pourcentage est légèrement plus élevé chez les femmes et les personnes non binaires.

Personnellement, c’est le pourcentage des « Peut-être » qui m’intrigue le plus : il nous montre que certaines personnes ne savent pas clairement si elles aiment ou non ce type de contenu, un point qui serait très intéressant à analyser, mais impossible de le faire avec ce sondage.

Avant de terminer cette partie du sondage, je tiens à préciser que, sur l’ensemble des personnes sondées, 83 % ont apprécié jouer ces intrigues. Cela signifie que la thématique de la romance est non seulement majoritairement explorée, mais aussi très appréciée. Si on y ajoute les « Peut-être », on atteint même les 96 %. Je pense que cette information est très importante pour l’orientation de nos futures parties, ainsi que pour comprendre le décalage éditorial qui existe parfois avec ce type de contenu. Peut-être que, d’une manière ou d’une autre, jouer une romance suscite un intérêt bien plus grand que ce que l’on pourrait croire.

Genre et sexualité

Un autre aspect que je voulais explorer avec ce sondage est l’existence potentielle d’un lien entre le genre de la personne avec qui on joue une romance et le niveau d’aisance que l’on ressent en la jouant. Le fait de jouer une romance avec des personnages du même genre que soi a parfois été un sujet sensible ; en tout cas, c’est arrivé dans le GN. C’est d’ailleurs une question que l’on retrouve souvent dans les formulaires d’inscription, car certaines personnes ne se sentent pas à l’aise avec ça. J’étais aussi curieuse de savoir s’il y avait une plus grande aisance à jouer une romance avec une personne du même genre pour des raisons de sécurité, notamment chez les femmes.

J’ai été agréablement surprise que la majorité réponde que le genre de l’autre personne n’a pas d’importance. Quant aux autres participants au sondage, leurs réponses sont assez équilibrées entre ceux qui préfèrent jouer avec une personne du même genre et ceux qui préfèrent un genre différent.

Les éléments indispensables pour jouer une romance

J’ai ensuite posé la question des éléments jugés indispensables pour que les gens acceptent de jouer une intrigue romantique. Parmi les options proposées, c’est la confiance entre les participants qui l’emporte largement avec plus de 88 % des personnes sondées. À cela s’ajoute le fait que beaucoup de réponses dans « Autres » précisaient aussi cet aspect de manière plus nuancée. Viennent ensuite la possibilité de parler et de convenir ensemble des scènes à jouer [avec 60,6 %], ainsi que les outils de sécurité émotionnelle [avec 49,1 %].

Il ne faut pas oublier de souligner le faible pourcentage (seulement 6,2 %) de personnes qui estiment qu’il est important d’éprouver de l’attirance envers l’autre personne. Cela dit, parmi les réponses libres, certaines personnes évoquent l’importance d’avoir une bonne entente avec la ou les personnes impliquées, même en l’absence d’attirance sexuelle.

Le bleed

Un des sujets souvent abordés dans la théorie du GN, notamment en lien avec les intrigues romantiques intenses, est ce qu’on appelle le « larp crush », ou le coup de cœur passager pendant un GN pour un PJ, et non pour la personne qui l’interprète. C’est pour ça que j’ai ajouté une question concernant la souffrance liée au bleed après une intrigue romantique.

Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas le terme, le bleed désigne le transfert d’émotions entre les joueur-euses et leur PJ, dans un sens comme dans l’autre ; je vous invite à lire mon article ptgptb assez complet sur le sujet. Désolée si l’utilisation du terme anglais peut vous déranger, mais il n’existe pas réellement de terminologie établie en espagnol [ou en français, NdT] pour décrire ce concept.

Même si la réponse n’est pas majoritaire, environ 25 % des personnes ayant joué des intrigues romantiques disent avoir ressenti un bleed, ce qui n’est pas un pourcentage négligeable, surtout si on ajoute les près de 14 % qui ont répondu « Peut-être ».

J’en profite pour rappeler que le bleed n’est en lui-même ni positif ni négatif (je vous renvoie à l’article cité plus haut). Par ailleurs, dans le cadre d’une intrigue romantique, le concept va bien au-delà de la simple impression d’éprouver un sentiment amoureux pour l’autre personne. On peut par exemple ressentir un grand manque vis-à-vis de cette personne après un événement long, en particulier un week-end de jeu ; ou encore expérimenter une connexion très forte avec la personne même si vous venez à peine de vous rencontrer, « à cause de tout ce que vous avez vécu ensemble ».

Mais quel que soit le cas de figure, il est indispensable de gérer ce bleed de manière saine. En plus des conseils que je donne dans l’article, pas mal de gens ont partagé leurs propres astuces. Plusieurs méthodes d’autogestion ressortent clairement, telles que la participation à des ateliers, l’écriture de lettres, les moments post-jeu avec l’autre personne impliquée, les discussions hors PJ, ou encore la définition claire des limites, à la fois avant et après le jeu.

Le harcèlement

Une autre question portait sur le harcèlement. Je voulais plus précisément savoir si, parmi les personnes sondées, certaines avaient déjà eu l’impression que les intrigues romantiques avaient pu servir d’excuse à un comportement déplacé hors-jeu. C’est une situation que j’ai vécue personnellement : des gens qui croient que tu t’intéresses plus à eux que ce qu’il en est réellement, qui se montrent insistants, ou qui pensent que le fait de jouer ensemble leur donne des droits en dehors de la partie. Et j’ai été agréablement surprise par le faible pourcentage de personnes ayant répondu « Oui », à peine 5 %.

Je tiens malgré tout à souligner que, dans les commentaires, certaines personnes ont mentionné la peur du harcèlement comme un frein à leur envie de s’impliquer dans ce type d’intrigues. D’autres ont même exprimé la crainte que le fait de jouer ce genre de scènes soit perçu comme une forme de harcèlement de leur part. Dans tous les cas, je recommande vivement l’usage d’outils de communication pour permettre de s’assurer que tout le monde est sur la même longueur d’onde.

Je vous en conjure, faites extrêmement attention lorsque vous introduisez des intrigues romantiques : mettez-vous d’accord avec le reste des joueurs et des joueuses et utilisez des outils de sécurité émotionnelle (3). Parmi toutes les réponses au sondage, je pense que l’une des histoires qui m’a le plus bouleversée est celle que je vous partage ci-dessous.

[Attention : ce qui suit est un témoignage de harcèlement sexuel]

Ça s’est passé il y a 20 ans. Je jouais au jeu de rôle depuis moins d’un an et un MJ avait été invité (je ne le connaissais pas, mais le reste de la table, oui). Il savait qu’un autre joueur et moi avions un faible l’un pour l’autre, même si nous étions tous les deux en couple à l’époque (ma moitié faisait d’ailleurs partie du groupe). Il nous a forcés, via un sort dans le jeu, à ce que nos personnages tombent amoureux, et il a insisté pendant un bon moment pour que nous jouions plusieurs scènes autour de cette romance. Comme si cela ne suffisait pas, il a décrété que nos personnages devaient impérativement rester ensemble, sinon, ils perdaient des points de vie. Et quand nous avons raté deux jets de Volonté, il nous a fait nous asseoir très proches physiquement, tous les deux, pendant qu’il décrivait une scène qui est rapidement passée de l’érotisme au porno... C’était vraiment très malaisant. J’avais à peine plus de 16 ans à l’époque, et j’ai failli arrêter le jeu de rôle pour de bon.

N’utilisez jamais les intrigues romantiques pour forcer vos joueureuses à faire quelque chose, encore moins si vous êtes MJ. Ça me brise le cœur de voir que quelqu’un a bien failli arrêter définitivement le JdR à cause de ça. Ce genre de comportement, c’est du harcèlement.

Celles et ceux que la romance n’intéresse pas

Le sondage comportait aussi une section dédiée aux personnes qui n’avaient jamais vécu ce type d’intrigues romantiques. Je tiens à m’excuser à nouveau, car je sais que certaines personnes ont trouvé que le questionnaire était trop orienté. Je ne suis pas sociologue, c’est donc normal de poser des questions sur les sujets qui m’intéressaient personnellement. Mais je prends bonne note des critiques reçues pour pouvoir vous proposer de meilleurs sondages à l’avenir.

Si on met ce point de côté (ainsi que l’erreur initiale dans le formulaire qui obligeait les répondant-es à répondre à cette partie même s’iels avaient répondu avoir déjà joué des intrigues romantiques), je vais maintenant me concentrer sur les conclusions que je peux tirer de cette partie du sondage.

La première question visait à savoir si ça leur aurait plu d’en jouer. L’idée était de comprendre si le fait de ne pas en avoir joué venait d’un choix personnel, de raisons sociales, ou simplement parce que l’occasion ne s’était jamais présentée. J’ai été agréablement surprise par les résultats : la majorité des personnes ont répondu « Oui » ou « Peut-être ». Ces pourcentages varient légèrement selon les genres, mais je dois préciser que l’échantillon de personnes non binaires (trois réponses) est insuffisant pour être vraiment représentatif.

En voyant les réponses, on peut se demander pourquoi elles ne l’ont pas fait. Étant donné qu’elles ont été rédigées de façon libre, c’est assez difficile d’établir un décompte ou un pourcentage précis, mais la majorité évoquent le manque d’occasions, le fait que les gens préfèrent explorer d’autres thématiques avec leurs groupes habituels, le manque de confiance, etc. Dans l’ensemble, l’importance du groupe de jeu, qui manque d’intérêt pour ces intrigues, revient le plus souvent.

J’avais également posé une question sur l’importance du genre de la personne avec qui on joue ce type d’intrigues. C’est intéressant de voir que les pourcentages changent sensiblement par rapport à ceux obtenus auprès de celles et ceux qui ont déjà joué des intrigues romantiques. Même si l’indifférence face au genre du ou de la partenaire de jeu reste majoritaire, on remarque une augmentation des préférences pour les jouer avec quelqu’un du même genre. Je ne me risquerai pas à tirer des conclusions hâtives, mais je trouvais que ce décalage méritait d’être souligné.

Parlons maintenant de ce qui pourrait les encourager à jouer une romance. La réponse qui prédomine est très similaire à celle des gens qui ont déjà joué avec ce type de contenu, à savoir : un environnement de jeu sûr, suivi par le besoin de dépasser certaines idées préconçues sur le sujet. Ce dernier point est particulièrement intéressant, car il va dans le sens de l’idée que briser certains mythes autour des intrigues romantiques pourrait enrichir nos tables de jeu. Je vais essayer de revenir sur ça à l’avenir.

Enfin, il me semble important de signaler qu’il existe un petit groupe de personnes qui pensent que les intrigues romantiques ne sont pas intéressantes, ou qui ne les joueraient en aucun cas parce qu’elles les jugent hors sujet. Mais ce groupe reste très minoritaire : on parle de 7 % parmi celles et ceux qui n’ont jamais joué ce type d’intrigue, soit environ 1,8 % du total des personnes interrogées. Autrement dit, inclure ou non de la romance dans vos jeux dépend beaucoup plus de votre table que du genre de vos joueurs ou joueuses. Avec un pourcentage aussi faible, je pense qu’il serait utile d’inclure une question à ce sujet lors des sessions zéro.

Conclusions du sondage

Je vais essayer d’énumérer ici quelques points que je n’ai pas vraiment pu développer dans l’analyse étape par étape du questionnaire. Je pense qu’ils peuvent vous aider à mettre en perspective tout ce qui a été dit jusqu’à présent.

  • Le besoin d’espaces sécurisés : dans toutes les sections du sondage, y compris dans les réponses libres, il y a un accent très fort mis sur la nécessité de créer des espaces de jeu sécurisés, que ce soit à travers des outils ou protocoles de sécurité, des discussions avant le jeu, ou une confiance mutuelle bien établie, etc.

  • Le besoin de dépasser nos idées préconçues : nous avons toutes et tous des préjugés à dépasser, moi y compris. Même s’il y a encore des gens qui pensent que ce type d’intrigues est « réservé aux femmes », la majorité des personnes ayant répondu au sondage souhaitent les explorer et surmonter les peurs qu’elles ont pu avoir. Gardons cela en tête.

  • Le respect des opinions : même si on peut dresser la liste des aspects positifs de ces intrigues, il faut respecter les personnes qui ne veulent pas les explorer, de la même manière qu’on écarte parfois certaines thématiques de nos parties. C’est une bonne chose de réfléchir aux raisons du rejet, mais il ne faut jamais imposer une thématique à une personne qui n’en veut pas.

  • La peur de mettre mal à l’aise : bien qu’il ne soit pas majoritaire, ce ressenti apparaît dans plusieurs réponses, que ce soit dans les choix proposés ou les commentaires libres. Peut-être qu’une amélioration des sessions zéro, des questionnaires d’inscription, ou des échanges entre joueur-euses pourrait aider les gens à se sentir plus à l’aise pour explorer ces éléments sans pression inutile.

Enfin, ce sondage a révélé une dernière grosse surprise que je voudrais vous partager. J’ai été assez étonnée de voir que plusieurs réponses (surtout chez des hommes) évoquaient le fait que jouer une intrigue romantique leur donnait l’impression de « tromper leur partenaire ». Je peux comprendre que les frontières sont parfois floues, surtout dans le GN, mais je trouve intéressant de s’interroger sur la dissociation qu’on fait entre fiction et réalité. Si votre PJ tue quelqu’un, cela ne fait pas pour autant de vous une criminelle ou un assassin. Alors, pourquoi jouer une romance paraît-il plus « grave » ? Est-ce à cause de notre vision de l’amour romantique exclusif ? Ou bien d’un manque de mécanismes qui nous permettent de mieux distinguer action, interprétation et réalité ? Je n’ai pas de réponse définitive à cette réflexion, mais je voulais vous la partager malgré tout.

Toujours plus d’histoires

Vos réponses ont grandement mis en évidence une idée que j’avais moi-même en tête : les romances apportent énormément au jeu et permettent d’enrichir d’autres types d’intrigues, comme le drame ou l’horreur. Quand votre PJ tient beaucoup à un autre, le drama devient plus intense et les scènes et les parties sont vécues avec plus de profondeur.

Je tiens à vous remercier pour les 111 témoignages libres que vous avez partagés sur des scènes qui ont été marquantes pour vous. Je ne peux pas tous les citer ici, mais ça a été un véritable plaisir de recevoir des récits aussi beaux et sincères.

Pour moi, ce qui compte le plus dans le jeu de rôle, ce sont les histoires que l’on crée ensemble. Alors, merci pour ces étreintes qui voulaient tout dire ; pour ces baisers volés sous les porches ; pour les amours passionnelles ou contemplatives ; pour les sacrifices au nom de l’amour ; pour les vies partagées ou les amourettes fugaces. Merci de m’avoir fait confiance en me racontant vos histoires.

Photo d'une scène de mariage : pièce montée, mariée en blanc qui chuchotte joyeusement à l'oreille du marié en costume pendant qu'iels portent un toast avec des flutes de champagne.

Et merci également de m’avoir confié celles qui ne se sont pas bien terminées, les intrigues pré-écrites infructueuses, les doutes, les difficultés, etc. Parce que vos mots et vos récits m’aident à réfléchir et à apprendre. Je ne vais pas trop m’éterniser dans cet article, mais j’espère avoir d’autres occasions pour analyser plus en profondeur les données de ce sondage et partager encore plus d’histoires avec vous. Je ne sais pas encore quand ni comment, mais je le ferai : je vous dois bien ça.

Les articles comme celui-ci demandent énormément de temps d’écriture, et tout soutien pour que je puisse continuer à le faire est plus que bienvenu. Si vous avez envie d’apporter votre petite pierre à l’édifice, vous pouvez m’offrir un café.

Article original : Romance & Rol: ¿prejuicios de género?

Sélection de commentaires

Vlad Temper PhD

J’ai trouvé l’article super intéressant, mais évidemment, tu as un biais majeur : beaucoup de gens jouent sur table sans être sur les réseaux sociaux, et beaucoup de ceux qui sont sur les réseaux ne sont pas dans ton entourage, et pas mal de personnes qui ne s’intéressent pas à la romance n’ont tout simplement pas participé au sondage.

Mais ça reste un échantillon intéressant.

réponse de Mirella

Je sais. Mais on ne peut pas dire que c’est juste « quelque personnes », et le sondage est quand même allé plus loin que mon entourage. Mais oui, il faut le prendre pour ce qu’il est : une approche, rien de plus. Personne ne me finance pour faire une thèse là-dessus :D et pourtant j’y ai passé bien plus d’heures que je ne devrais…

Vlad

C’est un échantillon impressionnant, et l’étude casse pas mal d’idées reçues. À garder en tête. Et pour qu’on la prenne au sérieux, il faut aussi connaître ses limites. Comme pour toute étude.

Mirella

Oui, oui. Je me torture souvent avec l’aspect scientifique, mais je dois garder en tête que tout ça, ça a bien été quelques jours de travail bénévole. Et que le faire très sérieusement, ça demanderait un temps et un investissement que je ne peux pas me permettre.

Vlad

Et des ressources que tu n’as pas.

Pat

C’est génial de voir ce sujet de discussion, parce que j’ai parfois l’impression qu’il y a un vrai tabou, voire carrément du mépris pour cette thématique.

Mirella

Oui, j’ai la même impression. Et je suis très agréablement surprise par les résultats de ce sondage. J’en viens à me demander s’il n’y aurait pas une certaine peur d’avouer qu’on aime ce genre d’intrigues.

Pat

Oui, je pense que la peur d’en parler est une raison possible, mais que c’est peut-être aussi dû à de mauvaises expériences liées à des situations mal gérées, y compris avec les meilleures intentions. Je vais continuer ma lecture et choper des infos, car ça me passionne vraiment. Merci !

(1) NdT : Nous avons traduit plusieurs articles du blog Abie Da Pastel ptgptb, dont celui qui permet de comprendre pourquoi elle est la « reine du sucré » ptgptb. [Retour]

(2) NdT : En francophonie aussi, les exemples sont rares, mais on peut citer Romance érotique, dont le fonctionnement est résumé dans cette vidéo d’Erwik youtube. [Retour]

(3) NdT : Nous avons traduit plusieurs articles et techniques sur la sécurité émotionnelle  [Retour]

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Pour aller plus loin…

En plus de tous les articles de PTGPTB.fr sur l’amour et la romance, nous pouvons citer quelques JdR disponibles en français et centrés sur ce thème, en particulier :

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